En cours au Siège de l'ONU

FEM/1573

LES EXPERTS REGRETTENT LA PERSISTANCE DES PRATIQUES COUTUMIÈRES QUI ENTRAVENT LA MISE EN ŒUVRE DES MESURES EN FAVEUR DES FEMMES AU GHANA

9/8/2006
Assemblée généraleFEM/1573
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Comité pour l’élimination de la

discrimination à l’égard des femmes

Chambre B - 740e & 741e séances – matin & après-midi


LES EXPERTS REGRETTENT LA PERSISTANCE DES PRATIQUES COUTUMIÈRES QUI ENTRAVENT LA MISE EN ŒUVRE DES MESURES EN FAVEUR DES FEMMES AU GHANA


Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, organe chargé de surveiller l’application de la Convention du même nom (CEDEF), a examiné aujourd’hui en Chambre B la situation des femmes au Ghana.


Ce pays, dont le rapport unique* couvrant les troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques a été examiné aujourd’hui, et qui a ratifié la CEDEF le 2 février 1986, s’assure, selon sa Ministre de la condition de la femme et de l’enfant, Mme ALINA MAHANA, que sa législation est en conformité avec les dispositions contenues dans la Convention.


Les 23 experts du Comité ont écouté Mme Mahana s’exprimer sur l’action du gouvernement ghanéen en faveur de l’établissement complet de l’égalité entre les sexes.  À cet égard, la Ministre a indiqué que la stratégie nationale de son pays visait prioritairement à adopter des mesures en vue de combattre la féminisation accrue de la pauvreté que l’on constate de plus en plus dans le monde en développement.  Pour ce faire, le Gouvernement du Ghana a créé en 2001 un mécanisme national dont les structures sont progressivement devenues le Ministère de la condition de la femme et de l’enfant, qui élabore les politiques, les plans, et les programmes visant à promouvoir l’épanouissement de ces groupes humains, a dit Mme Mahana.


Le Ghana, a expliqué la Ministre, met tout en œuvre pour accroître la participation des femmes dans tous les aspects de la vie publique, ce qui est le moyen le plus sûr pour les sortir de la marginalité qui empêche leur épanouissement.  Le Groupe de l’éducation des petites filles a été créé en 1997 pour préparer leur émancipation sociale.  L’accent mis sur le renforcement des outils éducatifs de base touche également à la recherche de l’amélioration des conditions de santé des femmes et des jeunes filles en les sensibilisant à l’épidémie de VIH/sida, a-t-elle indiqué, en ajoutant que cette démarche vise aussi à accompagner la lutte contre les stéréotypes sexistes. 


Mme Mahana a précisé que, sur le plan politique, le Ghana encourageait, depuis la ratification de la Convention, les femmes à occuper des postes élevés dans toutes les organisations locales et régionales.  Celles-ci font régulièrement l’objet de sensibilisation à l’importance de l’engagement politique par le biais de campagnes menées par les ONG, qui, sur le terrain, contribuent à faire connaître les droits des femmes en matière de participation.  Sur le plan économique, l’accès des femmes au crédit s’est amélioré depuis 2001, a encore expliqué Mme Mahana, grâce en particulier à l’introduction de programmes publics de microfinancements créés à leur intention.


En janvier 2001, par exemple, le Ministère de la condition de la femme et de l’enfant a créé le Fonds pour la promotion de la femme, qui, à ce jour, a accordé des microcrédits à 200 000 femmes, et dont le montant des ressources s’élève au total à 150 milliards de crédits (soit environ 20 millions de dollars des États-Unis).


Dans le domaine des violences faites aux femmes, le paragraphe 2 de la Constitution de 1992 demande l’interdiction de toutes les pratiques coutumières qui portent atteinte à la nature humaine ou à l’intégrité physique et mentale de la personne, a déclaré la représentante du Ghana.  De même, a-t-elle poursuivi, l’article 6 demande l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe.  La Ministre a en outre pointé comme autres acquis la constitution d’un Comité parlementaire sur l’égalité des sexes et sur la situation des enfants et le renforcement par les pouvoirs publics du mécanisme national en faveur des femmes, ce dont rend compte la collaboration étroite entre le Ministère de la condition de la femme et de l’enfant et les ministères sectoriels, les membres d’organismes de la société civile et les ONG.  Ensemble, ils œuvrent à sensibiliser le public en espérant faire évoluer les attitudes et parvenir à l’équilibre entre les sexes dans tous les domaines, afin de favoriser un développement optimal.


Échange de vues et recommandations des experts


Les questions posées à la délégation ghanéenne ont porté sur le Protocole additionnel à la Convention, dont est signataire le Ghana mais que le pays n’a pas encore ratifié.  M. FLINTERMAN, l’expert des Pays-Bas, s’est étonné de ce retard en notant que le Ghana avait participé activement aux discussions sur le contenu de ce protocole.  L’objectif même du Protocole, a-t-il dit, qui permet aux personnes ou aux groupes de saisir le Comité en cas de violations graves des droits des femmes, pourrait renforcer les activités du Ministère des femmes et de la famille. 


S’agissant des questions liées à la persistance néfaste de stéréotypes et de coutumes sexistes, plusieurs expertes du Comité ont exprimé leurs plus vives inquiétudes.  Mme VICTORIA POPESCU, l’experte de la Roumanie - non sans avoir préalablement salué les efforts du Ghana en matière de promotion de la femme - a fustigé l’existence de « camps de sorcières ».  Près de 2 000 femmes accusées de sorcellerie vivent avec leurs enfants dans ces colonies d’un autre âge, a-t-elle dit.  Devant de telles discriminations de « nature moyenâgeuse », quelle est la position du gouvernement ghanéen?  a-t-elle demandé.


La délégation du Ghana a rétorqué que le caractère de ces camps avait changé, qu’il s’agissait maintenant de villages où les femmes considérées comme des sorcières ne vivent plus une situation de bannissement.  Ces femmes y habitent avec leur famille.  Le stigmate reste toutefois fort, mais uniquement dans la colonie de Gambaga, a concédé la délégation. Pour la représentante ghanéenne, le dialogue avec les femmes habitant ces colonies est fréquent, et leur sécurité et leur bien-être sont par ailleurs assurés par la présence sur place d’ONG, comme celle des « Mères chrétiennes ».  Pour la délégation, ces colonies disparaîtront avec l’élargissement de l’éducation des jeunes filles, qui, davantage formées ne tomberont plus dans le piège de la superstition.


Cette réponse n’a pas convaincu Mme NAELA MOHAMED GABR, l’experte de l’Égypte, qui, à son tour, s’est élevée « en tant que femme africaine » contre l’existence « intolérable » de ces colonies au XXIe siècle.  La voie choisie par le Ghana, a-t-elle dit, semble être d’affichée un profil bas sur cette question.  Pour en finir avec ces entités, c’est de mesures politiques fortes dont le Ghana a besoin, a-t-elle recommandé.  Mme Gabr a estimé que la survivance de stéréotypes et coutumes sexistes continuait d’avoir de très graves répercussions sur les chances offertes aux femmes ghanéennes de jouer leur rôle au niveau du développement du pays et de se réaliser au plan personnel.


La délégation du Ghana a répondu qu’en droit, les pratiques discriminatoires et attentatoires à la dignité de la femme étaient interdites.  En outre, depuis 1993, date d’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, beaucoup d’efforts ont été fait pour mettre un terme à la servitude, aux mutilations génitales, à la traite et aux violences conjugales.  Le cadre juridique prévu à cette fin se renforce chaque année.  Dans ce contexte, une égale éducation entre les sexes reste le moteur principal.  En effet, maintenant que 40% des filles vont à l’université -elles n’étaient que 5 % à y accéder il y a 20 ans– nous avons bon espoir que les stéréotypes discriminants finiront par disparaître, notamment en formant des enseignants à cette question du genre, a dit la représentante du Ghana.  La délégation a ajouté que l’un des obstacles les plus importants à la lutte contre les stéréotypes était le manque de ressources financières.  « Nous manquons de capacités et de personnels, notamment féminins, formés, pour élargir efficacement l’effort à l’échelle du pays tout entier.  Cependant, un dialogue constant est mené entre les services de police, l’appareil judiciaire, les agents de sécurité sociale et la société civile », a dit la délégation du Ghana. 


L’experte des Philippines est également intervenue pour demander si la loi sur l’égalité entre les sexes allait réformer le droit du mariage en décidant de l’élimination de la polygamie ou tout au moins en en réduisant les incidences.


La délégation ghanéenne a expliqué que l’une des injustices que fait peser la pratique de la polygamie est le partage inéquitable des biens.  La loi en vigueur sur le mariage va être amendée pour instituer l’égalité dans ce domaine, et dans tous les cas de figure, a dit la représentante.  Pour l’heure, il n’y pas encore de réflexion législative engagée sur la question de la polygamie, a-t-elle encore admis, ajoutant que, dans le contexte actuel, les femmes estimaient qu’elles doivent être mariées à tout prix.  Les femmes connaissent le mariage polygame, et elles choisissent très souvent en toute conscience ce mode de vie.


Mme MAGALYS AROCHA DOMINGUEZ, l’experte de Cuba, a, elle, salué les progrès réalisés par le Gouvernement du Ghana dans le domaine de la participation des femmes à la vie politique.  Les bonnes intentions sont palpables, mais le nombre de candidates dans les différents scrutins reste faible, a-t-elle noté.  En réponse à cette remarque, la délégation du Ghana a indiqué que cette sous-représentation était le fait d’un manque d’investissement de la part des femmes elles-mêmes.  « Il faut savoir qu’au Ghana, se lancer dans l’action politique vous expose à des campagnes médiatiques souvent ignominieuses, la vie privée des candidats étant exposée sans vergogne au grand jour. Cette mauvaise publicité, qui peut se retourner contre les candidats est redoutée par les femmes qui, en outre, sont rarement encouragées par leur famille à se lancer en politique; a fait remarquer la délégation.  


Sur le plan de la santé, l’experte de la Malaisie, Mme MARY SHANTI DAIRIAM, a souhaité savoir quelle était la part des femmes dans les 60% de la population qui ont accès aux services sanitaires.  L’experte de Cuba a noté quant à elle avec inquiétude les taux particulièrement élevés de mortalité maternelle.  La volonté politique en matière de santé est là, mais les indicateurs restent décevants, avec notamment 30% des décès maternels qui seraient la conséquence d’avortements à risque, a-t-elle relevé.  Le recours aux sorciers et guérisseurs est l’une des raisons de la nature élevée de ce taux.  C’est pourquoi, a-t-elle recommandé, il faut prendre des mesures adaptées pour empêcher les grossesses non désirées qui conduisent aux avortements à risque.


À ces remarques, la délégation du Ghana a reconnu que 60% était un chiffre faible, mais qu’il était en constante augmentation.  La planification familiale est plus maitrisée aujourd’hui, et nous avons mis en place des cours de formation pour les sages-femmes homologuées, qui sont destinées à remplacer dans les zones rurales les sages-femmes traditionnelles.  La délégation a par ailleurs souligné le fait que le mécanisme national d’assurance maladie au Ghana était non discriminatoire en principe et dans les faits.  S’agissant du poids des croyances culturelles ayant un effet sur la santé, la délégation a indiqué que le Gouvernement travaillait en étroite collaboration avec la société civile pour surmonter ces croyances en vue, notamment, d’améliorer les soins anténataux et postnataux.


Les avortements autorisés en cas de viols ou d’inceste sont pris en charge par les dispensaires mis à disposition par l’État.  Pour ce qui est de la lutte contre les charlatans, le Gouvernement n’a pas d’autres choix que de développer des services sanitaires de qualité et d’informer le public sur les risques encourus à se tourner vers des sorciers, médicastres et autres guérisseurs.


Concernant la situation des femmes rurales, l’experte de la Malaisie, a rappelé que les femmes formaient 55% à 60% du nombre d’exploitants agricoles.  Le Fonds de développement de la femme les encourage en outre à utiliser le système bancaire, mais les informations disponibles incitent à penser que des discriminations existent dans la distribution des terres.  Ces pesanteurs, dues au fait que l’exploitation des terres est encore régie par le droit coutumier doivent être combattues en développant plus avant le système coopératif, a-t-elle recommandé.


La délégation du Ghana a répondu en informant les experts que, désormais, dans les zones rurales du pays, le Gouvernement s’assurait que les programmes de développement s’appuyaient sur au moins 30% d’agricultrices.  En matière d’irrigation, et de cultures vivrières, les actions menées prennent en compte la question de la parité homme/femme, ce qui a permis d’aboutir à un partage plus équitable des parcelles et à une productivité accrue des femmes.  La délégation a tenu à rendre hommage au soutien apporté par la Banque mondiale dans l’élaboration de nouveaux projets d’administration des terres.


* Le rapport du Ghana est publié sous la cote CEDAW/C/GHA/3-5.


*   ***   *

À l’intention des organes d’information • Document non officiel
À l’intention des organes d’information. Document non officiel.