En cours au Siège de l'ONU

FEM/1541

COMMISSION DE LA CONDITION DE LA FEMME: L’INSTAURATION DE QUOTAS PEUT CONTRIBUER À ACCROÎTRE LA REPRÉSENTATION DES FEMMES EN POLITIQUE

28/02/2006
Assemblée généraleFEM/1541
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

COMMISSION DE LA CONDITION DE LA FEMME: L’INSTAURATION DE QUOTAS PEUT CONTRIBUER À ACCROÎTRE LA REPRÉSENTATION DES FEMMES EN POLITIQUE


Afin de renforcer la participation des femmes au développement et d’instaurer un environnement propice à l’égalité des sexes et à la promotion de la femme, et afin d’assurer, sur un même pied d’égalité, la participation des femmes et des hommes à tous les niveaux de prise de décisions, plusieurs mesures ont été exposées aujourd’hui devant la Commission de la condition de la femme dans le cadre de deux débats interactifs.  Ainsi, l’instauration de quotas, qui, selon Torild Skard de l’Institut norvégien des affaires internationales, a permis à la Norvège d’augmenter sensiblement le nombre de femmes au sein du Parlement et du Gouvernement, a été présentée par la majorité des intervenants comme l’un des leviers de nature à surmonter les obstacles empêchant les femmes de participer à la vie publique.  Il a été aussi largement recommandé d’assurer aux femmes l’accès à l’éducation sur un pied d’égalité et d’œuvrer pour changer les mentalités sexistes et éliminer les stéréotypes.


En effet, si, comme le soulignait la Présidente de la table ronde de l’après-midi, Szilvia Szabo, de la Hongrie, le pourcentage de sièges occupés par des femmes dans les parlements nationaux est passé de 11,3% en 1995 à 16,3% en 2006, ces progrès demeurent insuffisants.  Plusieurs intervenants, à l’instar de Françoise Gaspard, experte du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ont noté que les progrès les plus significatifs sont aujourd’hui enregistrés dans des démocraties naissantes telles que le Rwanda qui compte aujourd’hui 48% d’élues au Parlement et se situe en tête du classement mondial.  La délégation du Bangladesh a également fait état d’une initiative de son Gouvernement qui a prévu, dans la législation, 45 sièges au Parlement pour les femmes.  Mais, comme l’ont fait observer certaines délégations, notamment celle des Pays-Bas où les femmes occupent 40% des sièges parlementaires, le défi réside dans l’augmentation de la représentation des femmes à des échelons inférieurs, notamment au niveau municipal, où elles ne sont que seulement 25% des élus dans le cas des Pays-Bas. 


La représentante du Botswana a ajouté à ce constat que, sans une participation des femmes à la vie des partis politiques, il était difficile de promouvoir leur représentation au niveau des fonctions électives.  La Ministre iraquienne des municipalités et des travaux publics a indiqué que, dans le processus démocratique en cours dans son pays, un quota de 40% avait été prévu pour la représentation des femmes au Parlement, ce qui, au Moyen-Orient, constitue un progrès notable. 


La Commission poursuivra demain, mercredi 1er mars, à partir de 10 heures, son débat général.


RÉALISATION DES OBJECTIFS STRATÉGIQUES ET MESURES À PRENDRE DANS LES DOMAINES CRITIQUES ET NOUVELLES MESURES ET INITIATIVES


Table ronde sur le thème du renforcement de la participation des femmes au développement: instauration d’un environnement propice à l’égalité des sexes et à la promotion de la femme, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé et du travail


Rappelant en ouverture de séance que, depuis l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, des progrès significatifs avaient été réalisés aux niveaux politique et juridique afin de faire progresser les principes d’égalité entre les sexes au sein des sociétés, M. DICKY KOMAR (Indonésie), Vice-Président de la Commission, a toutefois jugé que ces progrès institutionnels n’avaient pas été accompagnés d’un changement de mentalités de nature à soutenir l’établissement d’un contexte propice au renforcement du rôle des femmes, y compris dans le développement.  C’est pourquoi l’intérêt d’une rencontre telle que celle d’aujourd’hui réside dans l’opportunité de procéder à un échange d’expériences, ce dans la perspective de promotion de mécanismes intégrés pour l’instauration d’un environnement propice à l’égalité des sexes et à la promotion de la femme, en particulier dans les domaines de l’éducation, de la santé et du travail.


La première étape est de reconnaître qu’il existe une dynamique active qui nécessite un soutien financier et institutionnel, a fait valoir la première intervenante, Mme TORILD SKARD, de l’Institut norvégien des affaires internationales, qui a défendu le principe des quotas, pratique qui, dans son pays, a permis d’augmenter sensiblement le nombre de femmes au sein du Parlement et du Gouvernement, même si cette représentation stagne aujourd’hui.  À son avis, la vue d’ensemble dans le monde de la participation des femmes à la prise de décisions n’est guère encourageante.  Pour modifier les politiques en faveur d’une intégration des femmes, il faut que les gouvernements choisissent les bonnes approches et les considèrent comme de réelles partenaires dans les processus de prise de décisions, a-t-elle dit, jugeant que le système de quotas doit s’imposer au secteur privé.  En Norvège, les entreprises ont deux ans pour assurer une parité hommes/femmes dans les conseils d’administration sous peine de sanctions, voire même de liquidation, a-t-elle ajouté, recommandant que de telles actions soient envisagées plus largement. 


Notant que la vaste majorité des femmes pauvres vivent dans les zones rurales et se consacrent à l’agriculture de subsistance, Mme Skard a jugé qu’il était urgent de prendre des mesures globales pour améliorer la situation de l’agriculture au niveau macroéconomique.  Une attention particulière doit être accordée aux femmes ayant un accès limité aux ressources productives.  L’intégration de la problématique hommes/femmes dans les programmes de développement doit être systématique et institutionnalisée, faute de quoi, la situation perdurera.  Mme ANA ELISA OSORIO GRANADO, ancienne Ministre de l’environnement et des ressources naturelles du Venezuela, de 2000 à 2005, a admis que les statistiques prouvaient bien le lien entre pauvreté et absence de structures de santé publique, notamment de santé reproductive dans le monde en développement.  Les services de santé doivent être institutionnalisés et l’accès à ces services doit être considéré comme un droit social.  Il faut faire en sorte que tous y aient accès, a insisté l’intervenante.  Elle a regretté que souvent ce soit les institutions de Bretton Woods qui recommandent une réduction des investissements dans les secteurs de l’éducation et de la santé.  Tandis que des technologies de plus en plus modernes sont disponibles, la mortalité infantile et maternelle demeure élevée dans le monde en développement, les taux atteignant dans certains cas des niveaux mille fois plus élevés que dans les pays du nord, a-t-elle dit. 


Soulignant ensuite les violences sexuelles dont les femmes sont victimes dans les pays en développement, en raison, entre autres, des conflits armés, de la désintégration du tissu social et des inégalités de revenus, Ana Elisa Osorio a plaidé pour une reconnaissance du droit à l’avortement.  Elle a ensuite déploré les statistiques encore trop élevées de mortalité maternelle en Afghanistan et en Iraq, avant de s’inquiéter des recommandations des institutions financières qui prônent une privatisation de la gestion de l’eau potable, tendance qui menace le bien-être social et génère l’exclusion. 


Mme BERNADETTE LAHAI, Présidente de l’Association des femmes agricultrices de la Sierra Leone et ancienne membre du Parlement, a estimé que l’éducation doit être vue sous deux perspectives: l’éducation fait partie de l’ensemble des droits sociaux mais elle est également une source de développement et permet aux individus de faire des choix.  Comme tout autre investissement, l’éducation crée un avoir de connaissances et ceux qui sont plus éduqués vivent mieux que les autres.  Malheureusement les inégalités entre les sexes dans l’accès à l’éducation  persistent ce qui fait que les femmes n’ont pas accès aux bons emplois.  Plusieurs études montrent que les pays où les femmes ont des niveaux d’instruction élémentaire plus élevés ont un niveau de développement supérieur.  Quelques années d’éducation accroissent la productivité des femmes qui est d’ailleurs supérieure à celle des hommes.  Au Nigéria, chez les femmes qui ont suivi une éducation primaire, le taux de mortalité infantile est inférieur de 42% par rapport à celles qui n’ont pas reçu cette éducation. 


Mme EVY MESSEL, Directrice du Bureau pour l’égalité entre les sexes de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a aussi plaidé en faveur d’une approche fondée sur les droits qui constitue le seul moyen pour les pauvres de sortir de la pauvreté.  Elle a insisté sur l’importance de créer un environnement favorable à la promotion du travail dans le contexte de la mondialisation, y compris la protection sociale et la place des femmes dans les économies non structurées.  La mondialisation a crée des opportunités d’emploi mais a également créée des contraintes pour des secteur de l’économie soumis à des pressions internationales.  La création d’emplois ne consiste pas seulement à créer des emplois mais doit viser à rendre le marché de l’emploi plus inclusif ou personne n’est laissé pour compte et où tout le monde bénéficie de la sécurité sociale.  Cela commence par l’accès des femmes et des fillettes à l’éducation sur un pied d’égalité.


Mme AKANKSHA MARPHATIA, Action Aid International, a fait part des conclusions du Groupe d’experts qui s’est réuni à Bangkok en novembre dernier.  Ainsi, les gouvernements doivent assumer leur rôle en tant que principal fournisseur de l’éducation et protecteur des droits de l’homme.  Mais il ne s’agit pas de n’importe quelle éducation.  Il doit s’agir d’une éducation qui accroît le statut et le bien-être social des hommes et des femmes.  Les enseignants, par ailleurs, doivent bénéficier de salaires décents et de contrats de longue durée et doivent également avoir accès à la formation.


Intervenant au nom du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, Mme LISA MORRISSON a estimé que les statistiques étaient les seuls indicateurs permettant d’évaluer les progrès réalisés en matière de représentation des femmes dans les activités politiques, le secteur public et le monde des affaires.  Mais, a-t-elle dit, rares sont les pays qui fournissent de tels éléments, ce qui ne facilite pas le travail de suivi. 



Dialogue


La représentante de la Chine a estimé que l’établissement d’un cadre propice à une meilleure représentation des femmes et à une égalité entre les sexes supposait une volonté politique, tandis que son homologue de Cuba, soulignant que les conflits armés, les mesures unilatérales à l’encontre d’un État, ainsi que l’ingérence étrangère font obstacle au processus de développement de la femme, a plaidé pour la création de structures adéquates pour favoriser la participation des femmes aux activités de la société civile et au développement.  La délégation du Mexique, exposant les mesures prises par le Gouvernement pour soutenir financièrement et socialement les femmes ayant des revenus faibles, a mis l’accent sur la contribution du secteur privé et de la société civile aux stratégies mises en œuvre par le secteur public. 


Pour le Sénégal, l’accent doit être mis sur la formation et la santé.  Il faut notamment réduire les distances que les femmes doivent parcourir pour se rendre aux structures de santé ou d’éducation.  Mais il faut également un changement de mentalités chez les hommes afin qu’ils acceptent justement que les femmes puissent avoir accès à l’éducation et aux soins.  Il importe par ailleurs de renforcer le cadre juridique et de prévenir la corruption liée aux violences contre les femmes et qui empêchent tout recours.  Il importe de légiférer afin de créer des statuts légaux pour les femmes d’artisans, d’agriculteurs, d’acteurs du secteur informel, a fait valoir la représentante de la Côte d’Ivoire.


En Indonésie, a expliqué sa représentante, l’école est obligatoire pendant neuf ans, mais les taux de mortalité infantile et maternelle demeurent élevés en particulier dans les zones rurales.  Cinq pour cent du budget national vont aux programmes consacrés à l’égalité entre les sexes.  Il nous faut toutefois veiller à combler le fossé entre promesses et performances.


Répondant à ces commentaires, Mme Skard a indiqué que les Nations Unies ont un rôle immense à jouer dans le cadre de l’économie mondiale.  Les Nations Unies doivent introduire l’élément sexospécificité dans le cadre de la mondialisation.  Il est important que les femmes fassent entendre leur voix dans le cadre de ce mouvement global.  Il est aussi important d’évaluer la situation des femmes dans l’économie informelle, la clé étant que les femmes soient en mesure de s’organiser.  La question de l’organisation est fondamentale.


De son côté, Mme Osorio a insisté sur l’importance d’une réelle volonté politique de la part des gouvernements ainsi que d’un engagement éthique afin d’éliminer la pauvreté, ce qui conduira sans aucun doute à l’amélioration de la condition des femmes.  Il est également important de rappeler les pays donateurs à leurs promesses car les pays les plus pauvres ne parviendront pas à réaliser les Objectifs du Millénaires en matière de santé notamment.  Les pays riches doivent prendre des engagements fermes et y donner suite.


Mme Lahai a reconnu que l’éducation ne suffit pas et que des femmes éduquées peuvent être dépossédées de leur héritage et subir la violence domestique.  Mais il faut toutefois améliorer leur accès à l’éducation car nous savons que les employeurs recherchent les meilleures qualifications que malheureusement beaucoup de femmes n’ont pas.  Il nous faut aussi avoir des lois qui assurent la pleine jouissance des droits fondamentaux des femmes et qui permettent de lutter contre les mariages précoces.


Mme Marphatia a estimé que des indicateurs quantitatifs doivent être mis en place de manière systématique pour analyser non seulement les résultats mais comment ils ont été obtenus.  Ces indicateurs doivent faire partie des politiques.  Il faut également que les gouvernements votent des budgets responsables.  Mme Messel a évoqué les droits des femmes handicapées et leur accès à l’emploi qui doit être le même que celui dont bénéficient les autres travailleurs.  En ratifiant la Convention sur les droits des personnes handicapées on a la possibilité de promouvoir des droits égaux.  Les femmes, il est vrai, réussissent mieux à l’école et moins bien sur le marché de l’emploi, a reconnu Mme Skard.  Les gouvernements dans les pays en développement sont le plus gros employeur des femmes, mais où sont les employeurs du secteur privé?


Abordant les questions liées à la santé des femmes, Mme Osorio a abordé la question de la privatisation des services de santé et celle de la réduction des budgets publics consacrés à la santé.  Nous devrions nous demander comment la mondialisation a tendance à favoriser les investissements en matière de technologie de pointe, a-t-elle suggéré, rappelant que les femmes sont la courroie de transmission des savoirs ancestraux en matière de santé. 


Table ronde sur la participation des femmes et des hommes, sur un pied d’égalité, à tous les niveaux de la prise de décisions


Introduisant le thème de cette table ronde, la Vice-Présidente de la Commission, Mme SZILVIA SZABO (Hongrie), a jugé que l’égale participation des hommes et des femmes à la vie publique constituait une garantie de l’enracinement démocratique dans les sociétés.  À ce titre, Mme Szabo a mis en avant le fait que, si le taux des femmes parlementaires dans le monde est passé de 11,3% en 1995 à 16,3% en 2006, ces progrès demeurent insuffisants et il importe que les États s’inspirent de l’initiative de la Norvège qui a imposé un quota de 40%, par le biais d’une législation novatrice, pour la participation dans le leadership politique, public et privé.


Le niveau de représentation des femmes dans le monde du travail est un facteur important pour évaluer les progrès réalisés en matière d’égalité hommes/femmes, a ensuite affirmé la première experte à intervenir, Mme VIODA KANOPIENE, Chef du Département des politiques sociales à l’Université Mykolas Romeris, en Lituanie.  Précisant que son pays affiche un taux d’emploi des femmes de l’ordre de 59%, elle a invité les États à encourager une meilleure répartition aux niveaux de responsabilités les plus élevés, tant dans le secteur public que privé.  En effet, a-t-elle observé, sur les cinquante premières entreprises privées de Lituanie, aucune n’est dirigée par une femme, même si les femmes jouent un rôle moteur dans le développement.


Le rôle des femmes dans le processus de reconstruction est indéniable, a fait valoir Mme NESREEN BARWARI, Ministre en charge des municipalités et des travaux publics de l’Iraq, estimant que le bon déroulement du processus démocratique dépend de la pleine participation des femmes à tous les niveaux de la prise de décisions.  L’effet de la présence des femmes au sein des parlements dans les pays en développement ne doit pas être négligé, a-t-elle dit, rappelant que six femmes occupent des postes ministériels en Iraq et trois en Jordanie, ce qui signifie que ces pays se sont engagés sur la voie de progrès notables.  Au niveau international, la Ministre a salué le rôle de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, soulignant qu’aujourd’hui, les femmes au Moyen-Orient revendiquent plus activement une place dans les institutions, notamment par l’établissement de quotas.  Les femmes doivent jouer un rôle dans les processus de reconstruction, a-t-elle dit ensuite, faisant valoir qu’elles ont une notion différente de la gestion des ressources que les hommes.  Elle a mis en garde contre les replis identitaires et la montée de l’intégrisme qui peuvent s’ériger en obstacles à la représentation et à l’émancipation des femmes au sein des sociétés. 


Pour M. ANDERS JOHNSSON, Secrétaire général de l’Union interparlementaire, a rappelé que l’on ne peut parler de démocratie dans un pays quand la moitié de la population ne participe pas à la vie politique.  Aujourd’hui, les femmes représentent 16,3% des parlementaires.  Le Rwanda, qui a connu un conflit violent, dispose toutefois de 48% de femmes au Parlement.  Dans l’ensemble, la tendance est à la hausse donc positive mais cela signifie également qu’il faudra attendre 30 à 40 ans pour atteindre la parité.  La région arabe arrive en queue de liste, malgré les bons résultats réalisés en Tunisie ou à Djibouti.  La situation en Asie est inégale en revanche.  Dans l’ensemble du monde, vingt pays ont atteint les 30% de représentation de femmes au sein des parlements dont cinq pays nordiques et quatre pays africains sortant de conflits: Rwanda, Burundi, Mozambique et Afrique du Sud.  La tendance est à la baisse pour le nombre de femmes chef d’État et de gouvernement.  Il est donc nécessaire de recourir à des quotas et à l’heure actuelle une vingtaine de pays ont opté pour de tels systèmes.  Ces quotas doivent également être complétés par d’autres mesures afin de créer un environnement favorable à l’entrée des femmes en politique.  


Mme FRANÇOISE GASPARD, Maître de conférence à l’Institut des Hautes études sociales de Paris et experte du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et ancienne maire de Dreux, a rappelé que parmi les 170 chefs d’État et de gouvernement présents lors du Sommet du Millénaire, il y avait seulement six femmes.  La présence des femmes en politique est une question récente tant on s’accordait à penser jusque-là que leur absence des instances de prise de décisions était naturelle. Plus d’un tiers des quelque 50 pays présents en 1945 lors de la signature de la Charte des Nations Unies ne connaissait pas le suffrage universel et c’est sous l’impulsion de cette Commission que plus tard tous les pays ont accordé la citoyenneté politique aux femmes.  L’Union interparlementaire a contribué à rendre visible dans le milieu des années 90 la sous-représentation féminine dans les parlements du monde.  Aujourd’hui, les femmes sont présentes à raison de 16,1% dans les institutions législatives mais l’on ne peut pas établir de corrélation entre l’ancienneté du droit de vote des femmes et leur taux de représentation.  Le Japon qui arrive au 102e rang se trouve dépassé par exemple par le Rwanda qui est entré plus tardivement dans la démocratie, ce qui signifie que la volonté politique est également indispensable.  Ce n’est que récemment que les femmes ont accédé à des postes ministériels.  Dans les assemblées locales, qui jouent un rôle important dans le quotidien des individus, une majorité de postes sont occupés par les hommes.


La Convention pour l’élimination de toutes le formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), adoptée en 1979, compte 180 États parties et mentionne la nécessité de la participation des femmes à la vie politique sur un pied d’égalité.  Une démocratie sans les femmes n’en est pas une, a insisté Mme Gaspard.  Depuis, le Comité CEDEF a adopté quatre recommandations générales sur les femmes et la prise de décisions et notamment la recommandation 23 sur la place des femmes en politique et dans la vie publique.  La recommandation 25 porte sur des mesures spéciales temporaires.  Dans le secteur privé, les femmes se heurtent au plafond de verre et les femmes elles-mêmes hésitent à se diriger vers des carrières dites « masculines ».  L’équilibre des hommes et des femmes dans la prise de décisions est un critère de l’égalité et la clé du développement.


Mme AMY MAZUR, Professeur au Département de science politique à l’Université  de l’État de Washington, États-Unis, a relevé que l’augmentation du nombre de femmes en politique était tributaire d’une une réelle volonté politique, de l’imposition de quotas, de l’application de lois et du renforcement des capacités des femmes.  Elle a noté qu’en septembre 2005, dans 20 pays, les femmes représentaient 30% ou plus des parlements nationaux.  Parmi ces pays, 16 ont eu recours à des quotas.  Toutefois, d’une manière générale, les avancées ont été irrégulières et dans certains cas, on peut noter de sérieux reculs.  L’objectif critique ne doit pas se limiter à 30%.  La transition démocratique, les processus de paix sont des circonstances qui peuvent permettre aux femmes de jouer un rôle dans la reconstruction de leur pays, même si des obstacles comme la pauvreté et l’insécurité peuvent constituer des freins à leur émancipation politique.


Dialogue


La représentante du Botswana a fait valoir que l’étape préalable à la représentation des femmes au sein des parlements était leur intégration au sein des partis politiques car ils sont des entités importantes de la représentation, en particulier en Afrique.  La représentante d’El Salvador a demandé s’il existait des études relatives à la participation des femmes à la prise de décisions dans le secteur privé.  Rappelant ensuite le contenu de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, la représentante de la Côte d’Ivoire a demandé à la Commission de travailler étroitement avec le Conseil afin de s’assurer de l’intégration d’une démarche soucieuse d’équité entre les sexes dans les processus de prévention et de résolution des conflits.  La représentante du Bangladesh est revenue ensuite sur la question des quotas, soulignant que dans son pays, 45 sièges parlementaires sont réservés aux femmes.  Le représentant des Pays-Bas, rappelant que, si le pourcentage de femmes au Parlement néerlandais, de l’ordre de 40%, demeurait encore bas, il était nécessaire d’encourager la représentation des femmes au niveau municipal où leur représentation n’est que de 25%, devenant une priorité pour son Gouvernement.  La représentante du Sénégal a insisté de nouveau sur le nécessaire leadership politique dans l’impulsion de réformes visant une égalité hommes/femmes dans la vie publique.


Reprenant la parole, Mme Barwari a admis que l’essentiel résidait dans la volonté politique, soulignant que l’établissement de quotas en Iraq avait permis de faire évoluer les mentalités et d’accroître la participation des femmes au sein du Parlement.  Pour sa part, Mme Kanopiene, reprenant l’exemple de la Lituanie, a indiqué que les changements de mentalité avaient été constatés chez les hommes, davantage prêts à assumer leur paternité et les tâches qui les accompagnent.  Revenant sur les propos de la représentante du Botswana, le Secrétaire général de l’Union interparlementaire a encouragé l’enrôlement de femmes au sein des partis politiques afin d’empêcher les gouvernements d’utiliser l’argument de la sous-représentation des femmes au sein des formations politiques pour justifier leur absence au sein des institutions représentatives.  La notion de quota doit être évolutive a dit ensuite Françoise Gaspard afin de faire en sorte que les quotas ne soient pas figés.  Mme Mazur a exhorté les femmes à intégrer les partis politiques comme tremplin à l’action politique au niveau institutionnel. 


La Ministre du genre et de la promotion de la femme du Rwanda, Mme VALÉRIE NYIRAHABINEZA, a déclaré que la prise de décisions ne se fait pas uniquement par les instances de haut niveau du pays, mais que cela dépend également des circonstances auxquelles le pays fait face.  Si nous sommes arrivés aux chiffres mentionnés pour la représentation des femmes, c’est que tout le monde, y compris les hommes, ont compris que celles-ci étaient aussi compétentes qu’eux.  Face au chaos du génocide, les femmes avaient fait preuve d’endurance.  Au lendemain du génocide, les partis politiques ont alors décidé d’associer les femmes au processus de reconstruction.  De nouvelles lois sont ensuite venues renforcer le statut de la femme comme la loi sur la succession et celle sur les régimes matrimoniaux.


La délégation zambienne a relevé que les partis politiques se sentent menacés par les femmes et que cette perception doit être corrigée.  Il nous faut aussi mener des campagnes plus agressives en faveur de l’éducation des fillettes.  Le mariage précoce est un phénomène inquiétant en Afrique et lorsqu’on est mariée à 15 ans, on ne participe pas à l’avenir de son pays.  De son côté le représentant de Fidji a demandé aux panélistes pourquoi il fallait que les quotas visant à accroître la proportion de femmes dans les parlements soient de nature évolutive.  Les femmes au Kenya sont encore victimes de préjugés et de pratiques culturelles négatives, a expliqué la délégation kényenne.  Il faut impliquer les femmes, en particulier les femmes des zones rurales, pour qu’elles luttent contre ces pratiques négatives.  Sur le marché de l’emploi, les femmes sont aussi victimes de discrimination et n’ont pas accès aux postes de prise de décisions.  Ce phénomène est particulièrement répandu dans les pays en développement.


La délégation du Japon a reconnu que son pays, en raison de sa culture et de ses pratiques, n’avait pas promu les femmes aux postes de décisions.  Les femmes qui sont élues ne militent pas nécessairement en faveur de l’égalité entre les sexes, mais leur élection est souvent le résultat d’un calcul politique.  Certaines femmes se heurtent à des obstacles plus sérieux que d’autres, a expliqué pour sa part la délégation du Canada en citant l’exemple des femmes autochtones.  En Espagne, a indiqué la délégation de ce pays, le Gouvernement est paritaire et le Parlement compte 36% de femmes élues principalement en raison des quotas.  Les femmes espagnoles se sont révélées mieux préparées à entrer en politique que les hommes.  La délégation norvégienne a expliqué que dans le monde du travail, les accords volontaires avec les entreprises ne suffisent pas d’où l’imposition de quotas de 40% de femmes dans les conseils d’administration des entreprises norvégiennes.  La délégation congolaise a demandé aux panélistes quelles stratégies devait appliquer le pays pour favoriser l’entrée des femmes en politique lors des prochaines élections législatives.


Mme Kanopiene a insisté sur l’importance de lutter contre les stéréotypes.  Elle a cité en exemple un parti politique en Lituanie composé de femmes exclusivement.  Mais ce parti n’a pas franchi le seuil minium lui permettant de parvenir au Parlement car les femmes ont préféré voter pour des hommes.  Les recherches ont montré que les femmes pensent aussi que les hommes sont meilleurs que les femmes en politique.  De son côté  M. Johnsson a déclaré que les femmes candidates ont bien souvent besoin d’un soutien financier et autre plus important que les hommes.  Il a également insisté sur la nécessité de faire changer les mentalités.  Les quotas permettent d’aller plus vite.  Mme Gaspard a également souligné la nécessité de lutter contre les idées reçues, notamment à la lumière des élections de femmes au Chili et au Libéria où des femmes ont voté pour des femmes.


*   ***   *

À l’intention des organes d’information • Document non officiel
À l’intention des organes d’information. Document non officiel.