DH/CT/675

LES ABUS SEXUELS CONTRE FEMMES ET PETITES FILLES, LA SITUATION DES ENFANTS SOLDATS AU CENTRE DU DIALOGUE RDC/EXPERTS

16/03/2006
Communiqué de presseDH/CT/675
Department of Public Information • News and Media Division • New York

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-sixième session

2345e session - matin


LES ABUS SEXUELS CONTRE FEMMES ET PETITES FILLES, LA SITUATION DES ENFANTS SOLDATS AU CENTRE DU DIALOGUE RDC/EXPERTS


Le Comité des droits de l’homme a achevé ce matin l’examen du troisième rapport périodique de la République démocratique du Congo (RDC), entamé la veille en présence de la Ministre congolaise des droits humains, Marie-Madeleine Kalala.  Alors que la Ministre exhortait le Comité à ne pas perdre de vue le chemin parcouru par la RDC ces dernières années, la Présidente du Comité, Christine Chanet, experte de la France, a exhorté la délégation de la RDC à informer de manière plus fréquente le Comité de l’évolution de la situation des droits de l’homme.


Le Comité vous encourage à poursuivre la mise en place de lois réformées, plus conformes au Pacte international relatif aux droits civils et politique, a dit la Présidente, saluant la promulgation récente de la nouvelle Constitution.  Nous constatons encore une absence de contrôle du Gouvernement de la République démocratique du Congo sur l’ensemble de son administration et de son territoire, a-t-elle dit ensuite. 


Il y a 40 000 viols qui ont été recensés récemment en RDC, a dit Mme Chanet.  Elle a déploré le comportement de certains éléments de l’armée congolaise.  Ces éléments ne sont pas les seuls responsables de ces viols, a-t-elle ajouté, tout comme le Gouvernement ne peut être seul responsable des 33 000 enfants soldats encore enrôlés, essentiellement dans les groupes armés, mais de tels éléments nous incitent à considérer que les efforts que vous déployez restent encore embryonnaires.


La Présidente du Comité a également exhorté la RDC à modifier ses lois relatives au statut de la famille, notamment pour ce qui est de l’incapacité juridique de la femme.  De même, elle a recommandé au Gouvernement congolais de retirer la disposition de son Code de la famille de nature à tolérer le mariage forcé.  Elle a enfin demandé à la Ministre de veiller à ce que les dispositions législatives relatives à la liberté d’expression soient mises en conformité avec le Pacte.


La Ministre congolaise des droits humains a réaffirmé l’attachement de son pays aux principes de la démocratie et des droits de l’homme tels qu’ils figurent dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans le Pacte et dans les autres instruments juridiques internationaux relatifs aux droits humains.  Elle a surtout exhorté le Comité, à propos des abus sexuels commis par des éléments de la MONUC sur des jeunes filles et des fillettes, parfois âgées de huit ans, à intervenir afin que les accords de siège soient modifiés pour permettre la poursuite des responsables d’abus sexuels présents dans le cadre des opérations de maintien de la paix dans les pays où ces abus sont commis.


Le Comité se réunira de nouveau en séance publique lundi 20 mars, à 10 heures. 


EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ET DE LA SITUATION DANS CES PAYS


Suite de l’examen du troisième rapport périodique de la République démocratique du Congo CCPR/C/COD/2005/3


La Ministre congolaise des droits humains, Mme MARIE-MADELEINE KALALA, a renouvelé son appel à l’indulgence du Comité en raison des difficultés rencontrées, en RDC, pour réunir les statistiques demandées par celui-ci.  Les priorités définies par la transition, les difficiles communications sont autant de facteurs qui expliquent les constatations faites par les membres du Comité à propos des lacunes dans la présentation des éléments factuels. 


Évoquant ensuite la question de la place du Pacte au regard de la législation congolaise, la Ministre a assuré que les lois internes devaient intégrer les dispositions contenues dans les pactes et accords internationaux auxquels a adhéré la RDC.  Revenant sur la place des femmes, elle a rappelé de nouveau que des propositions de réformes de la loi sur la famille étaient à l’étude, notamment une proposition de loi sur la violence sexuelle, tandis que le Ministère de la condition féminine a établi des programmes spécifiques pour la promotion de la femme.  Sur la question de l’incapacité juridique de la femme mariée, un jugement a été rendu à Bukavu, reconnaissant la capacité de la femme mariée, en référence aux conventions internationales, a indiqué Mme Kalala. 


Des efforts sont entrepris pour améliorer la condition de la femme par le biais du planning familial et du programme national de lutte contre le sida, a indiqué la Ministre, avant d’évoquer l’esclavage des femmes et des filles.  La pauvreté est l’une des causes de ce phénomène, qui n’est pas propre à la RDC, a-t-elle dit, notant des préoccupations du Gouvernement non seulement à cause de la prostitution, mais aussi des abus sexuels perpétrés par des éléments de la MONUC. 


S’interrogeant sur l’immunité des responsables de ces abus et sur l’indemnisation des filles-mères, la Ministre a invité le Comité à chercher, dans le Pacte, les modalités permettant de répondre à de tels crimes.  Prenant l’exemple d’un centre d’accueil de femmes à Kisangani, elle a indiqué que plus de 300 enfants, dont plusieurs métisses, sont nés à la suite d’abus sexuels commis par des éléments de la MONUC.  Aussi a-t-elle demandé au Comité d’intervenir afin que les accords de siège soient modifiés pour permettre la poursuite des auteurs d’abus sexuels présents dans le cadre des opérations de maintien de la paix dans les pays où ces abus sont commis.


Pour ce qui est de la saisine de la Cour pénale internationale, la Ministre a fait observer que lors de cette saisine, les conditions de sécurité et des instances judiciaires dans les régions concernées, notamment l’Ituri, ne permettaient pas de tenir des procès et ni procéder aux instructions dans la région.  Depuis, la situation a changé et, progressivement, plusieurs procès auront lieu en Ituri, a-t-elle assuré.  De même, a-t-elle indiqué s’agissant des violations des droits de l’homme par des autorités politiques et militaires, des procès ont eu lieu, notamment suite aux exactions de Kanyabayonga, tandis que, politiquement, certains responsables n’ont pu êtres nommés à des postes de responsabilité en raison de ces violations.


Poursuivant ses réponses aux questions des membres du Comité sur la peine de mort, Mme Kalala, a indiqué que le souhait de la RDC était de parvenir à  sa suppression.  En ce qui concerne le problème des personnes disparues, la Ministre a relevé que certaines personnes souhaitant quitter la RDC et s’installer dans des pays où elles espèrent avoir une vie meilleure disparaissaient parfois volontairement pour ensuite justifier des demandes d’asile politique ailleurs, une fois que leur « disparition » a fait les grands titres des journaux.  Sans nier qu’il y ait des disparitions réelles, il faut reconnaître la manipulation qui peut être faite de la question.  En ce qui concerne les abus commis par les forces de sécurité sur les civils, Mme Kalala a dit que ces comportements étaient un héritage de la longue dictature que le pays a connu sous le régime du Président Mobutu.  Les militaires et tous les autres personnels des forces de sécurité avaient alors un droit de vie ou de mort sur tous les Congolais, a-t-elle rappelé en indiquant que ces comportements sont parfois difficiles à changer.  Le gouvernement mène des campagnes d’éducation civique pour y faire face.  La RDC a besoin de temps et de moyens pour revoir et améliorer son code de justice militaire, a ensuite indiqué Mme Kalala en soulignant que son pays était sensible aux critiques et aux recommandations qui lui été faites sur cette question.


Le Comité national de rédaction du rapport qui est examiné aujourd’hui est composé d’experts provenant de plusieurs départements ministériels, a précisé la Ministre.


Entamant une série de questions, M. NISUKE ANDO, expert du Japon, a, après avoir reconnu que la RDC était un pays immense et handicapé par l’instabilité, indiqué que le Comité avait besoin de faits pour se faire une idée de la situation qui y règne.  La délégation de la RDC ne devrait donc pas prendre les questions du Comité comme des attaques dirigées contre l’actuel Gouvernement du pays, a dit M. Ando.  M. ABDELFATTAH AMOR, expert de la Tunisie, a voulu savoir quelle était la situation des enfants métis nés des abus sexuels commis par des militaires ou des civils onusiens en RDC.  Sont-ils victimes de rejet ou de discrimination?  Et quelle est la place de leurs jeunes mères, souvent à peine pubères, dans la société?   


Sir NIGEL RODLEY, expert, du Royaume-Uni, a souhaité que le Gouvernement de la RDC réponde plus rapidement aux correspondances que lui adresse le Comité.  S’agissant de la question de la torture, la RDC devrait comprendre que sa pratique doit, au plus tôt, être déclarée illégale et hors-la-loi, a dit l’expert britannique en souhaitant que le Parlement congolais passe au plus vite une loi interdisant cette pratique.  M. PRAFULLACHANDRA BHAGWATI, expert, de l’Inde, a demandé si la RDC avait pensé à mettre en place un cadre de discrimination positive en vue de donner plus de visibilité sociale et politique aux femmes.  Existe-t-il des lois et des procédures de recours traitant de ce problème?  Concernant le travail des enfants, l’expert a voulu savoir si des législations existaient pour le combattre.


La Ministre des droits humains de la RDC a assuré qu’il n’existait aucun chevauchement entre le Ministère de la justice et le Ministère des droits humains.  Il existe aussi l’Observatoire des droits de l’homme qui a davantage une tâche de médiateur que le Ministère des droits humains qui lui, a plus un rôle de contrôle, par exemple des établissements pénitentiaires.  Elle a dit que les données chiffrées seraient remises au Comité dès que la délégation de la RDC en disposerait.  Pour que notre pays redécolle, il est important de baser le développement sur le respect des droits humains par l’investissement dans l’éducation. 


Pour ce qui est des enfants nés à la suite des abus sexuels d’éléments de la MONUC, elle a qualifié la situation de très douloureuse.  Des petites filles de huit ou dix ans ont été sollicitées sexuellement en échange de bonbons ou de biscuits, et aujourd’hui, des jeunes filles de 13 ou 14 ans sont mère de petits enfants, a déploré la Ministre.  Reconnaissant les progrès de la MONUC pour faire appliquer la « tolérance zéro », la Ministre a demandé des garanties de protection des populations civiles et des mesures de réparation. 


Jugeant les observations de Sir Nigel Rodley, particulièrement sévères, la Ministre a estimé que les correspondances étaient bien envoyées par le Ministère, depuis Kinshasa, assurant le Comité que l’absence de réponses au Comité était due à des problèmes de communication, davantage que d’un manque de volonté.  Abordant la notion de discrimination positive, la Ministre a estimé que les mentalités n’étaient pas encore prêtes, mais a indiqué que dans le cadre de la prochaine mise en œuvre de la loi sur la parité homme/femmes, des efforts seraient faits dans ce domaine.  La scolarité est obligatoire en RDC, mais pas encore gratuite, a-t-elle dit, indiquant toutefois qu’une campagne pour favoriser la fréquentation des écoles par les petites filles avait été lancée.


Poursuivant sur les questions relatives à la justice, la Ministre a indiqué que le Gouvernement mettait l’accent sur la formation des magistrats.  Pour ce qui est de la justice militaire, elle a rappelé que les tribunaux militaires avaient été supprimés.  S’agissant de l’état civil, plusieurs modifications ont été apportées au système, comme par exemple la mise en place d’officiers d’état civil au sein des maternités, ou encore la sensibilisation des parents. 


Pour ce qui est de la liberté d’expression, elle a indiqué que le journaliste Freddy Monsa Iyaka Duku, poursuivi par le Vice-Président de la RDC, Z’Ahidi Ngoma, avait été libéré.  Le Président de Reporters sans frontières, en visite à Kinshasa la semaine dernière, a lui-même admis les excès des journalistes.  Pour ce qui est de la défense des droits humains, elle a assuré que, dans le cas du meurtre de Pascal Kabungulu, le Ministère des droits humains continue de suivre le dossier d’instruction afin que la lumière soit faite pour ce lâche assassinat.  Ce dossier est aujourd’hui déféré à la justice militaire de Bukavu dans la mesure où les suspects sont des militaires, a-t-elle dit. 


Le mariage forcé est puni de trois mois de prison, a-t-elle dit, et le mariage est déclaré nul sur le plan civil, aux termes de l’article 351 du Code de la famille.  La Ministre répondait ainsi à la question relative à la protection de la famille, abordant à ce titre la modification de la justice familiale qui prévoit de relever l’âge du mariage à 18 ans. 


Concernant la protection des enfants, la Ministre a indiqué que le Gouvernement de la RDC avait retourné à la vie civile tous les enfants qui avaient été recrutés dans l’armée au début du conflit qu’a connu le pays.  Environ 16 000 enfants des deux sexes ont été démobilisés et réinsérés dans les familles, a indiqué Mme Kalala.  « La RDC n’est pas un pays d’origine de la traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle, contrairement à ce qui a été dit par certains membres du Comité des droits de l’homme », a ensuite affirmé la Ministre.  Il existe un problème concernant des enfants en rupture avec leurs familles, a-t-elle reconnu.  Des activités sont menées pour résoudre le problème des enfants vivant dans la rue.  La prostitution qui sévit dans certains environnements urbains est essentiellement due à la grande pauvreté.  Le programme de redressement économique adopté par le Gouvernement s’efforce de répondre à ce problème. 



Reprenant les questions, M. AMOR a demandé pourquoi aucune référence n’était faite concernant la place qu’occupent dans le pays les tribunaux et les juges coutumiers dans le rapport.  D’autre part, comment se fait-il que la RDC, ex-Zaïre, semble ne pas avoir formé plus de 20 juges par an depuis son indépendance il y a 46 ans?  Comment se fait-il aussi qu’un pays de 60 millions d’habitants n’ait que 13 000 détenus dans ses prisons?  Est-ce dû à l’impunité, ou y a-t-il des formes de justice et de punition traditionnelles ou informelles en RDC qui pourraient expliquer ce fait?  M. EDWIN JOHSON LOPEZ, expert de l’Équateur, a  voulu savoir, concernant le registre national d’état civil de la RDC, sur quelles bases étaient délivrés des documents d’identité ou des passeports.  Comment s’élaborent les listes d’électeurs?  D’autre part, les autorités civiles de RDC sont-elles capables de dissoudre les institutions judiciaires militaires?  M. AHMED KHALIL, expert, de l’Égypte, a voulu avoir des informations sur les mesures prises contre la presse et les journalistes en RDC.  Certaines sanctions et condamnations pénales prononcées contre des journalistes semblent disproportionnées par rapport aux infractions qui sont reprochées aux journaux, a estimé M. Khalil.  Selon les informations fournies par des ONG, des journalistes ont même été assassinés et des officiels de haut rang semblent impliqués dans ces meurtres, a relevé l’expert.  Quelles sont donc les mesures prises par le Gouvernement pour réellement assurer la liberté de la presse et la protection des journalistes?  Pourquoi les délits de presse relèveraient-ils d’une juridiction pénale?  La RDC compte-t-elle changer ces lois?


M. GLELE AHANHANZO, expert du Bénin, a voulu avoir des précisions sur les dispositions relatives à l’interdiction du mariage forcé.  Pourquoi existe-il des clauses qui permettraient au père, à la mère ou au tuteur de négocier un mariage sans vrai consultation ou consentement de la fille?  Ces clauses relèvent-elles du droit traditionnel?  Si oui, pourquoi seraient-elles reprises par le Code de la famille?  M. MICHAEL O’FLAHERTY, expert de l’Irlande, a demandé des précisions sur l’enregistrement des personnes et des populations déplacées.  Il a ensuite demandé si des poursuites avaient été entamées contre les personnes et les groupes qui avaient, dans le passé, recruté de force des enfants dans l’armée ou dans les milices.  D’autre part, la RDC réfute-t-elle vraiment les informations de l’UNICEF selon lesquelles elle est une source de trafic d’enfants?


Répondant à cette nouvelle série de questions, la Ministre KALALA a expliqué, que les juges coutumiers avaient été remplacés par les tribunaux de paix, hormis pour quelques régions.  Pour la question relative au nombre peu élevé de prisonniers, elle a assuré que les responsables de délits et crimes graves étaient emprisonnés en RDC.  Pour ce qui est du poids de la magistrature, des programmes sont là mais un problème budgétaire empêche actuellement le recrutement de 4 000 magistrats tandis que les magistrats en place menacent d’aller en grève s’ils ne bénéficient pas de meilleurs salaires.  La RDC est un pays en chantier, a-t-elle poursuivi, évoquant l’état civil, soulignant que pour le recensement des électeurs, faute de pièces d’identité, la personne souhaitant se faire enregistrer sur les listes devait être accompagnée de cinq témoins, eux-mêmes détenteurs de ces cartes.  En réponse à la question sur le statut des juridictions militaires, en relation avec la torture, la Ministre a admis que les observations de M. Amor devaient être prises en compte.


La Ministre a réfuté les accusations de persécution contre les journalistes et estimé que la loi contenait des mesures pour lutter contre la diffamation.  Mais dans le même temps, la loi sur les médias est là, et les structures chargées de son application ne sont pas sollicitées outre mesure.  Il n’y a pas d’impunité par rapport à la traite des enfants, a assuré la Ministre congolaise des droits humains, donnant l’exemple d’une petite fille de quatre ans, victime d’attouchements, et pour laquelle Mme Kalala a elle-même saisi le Procureur de Kisangani.  Ce sont ensuite les parents, qui ont sollicité un arrangement à l’amiable, a regretté la Ministre, insistant sur l’éducation et la sensibilisation des adultes aux droits humains.


De même, a-t-elle dit, c’est parfois difficile de faire admettre les changements dans une société où, parfois, la polygamie n’est pas un problème.  En matière d’état civil, elle a assuré que tous les efforts étaient déployés pour accélérer l’enregistrement.  En ce qui concerne le recrutement des enfants dans les groupes armés, un gros travail est mené actuellement.  Ceux qui avaient été recrutés dans l’armée nationale, sont dans des centres d’éducation.  L’UNICEF n’a pas partagé les informations sur la traite des enfants avec nous, a assuré la Ministre. 


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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