DH/4895

LA CAUSE DES JEUNES ET DES FEMMES AUTOCHTONES DOIT RECEVOIR DAVANTAGE D’ATTENTION

23 mai 2006
Conseil economique et socialDH/4895
Department of Public Information • News and Media Division • New York

Instance permanente des Nations Unies

sur les questions autochtones

11e séance – après-midi


LA CAUSE DES JEUNES ET DES FEMMES AUTOCHTONES DOIT RECEVOIR DAVANTAGE D’ATTENTION


La situation des enfants et de la jeunesse autochtones, des femmes et la question du consentement libre et éclairé ont mobilisé cet après-midi les travaux de l’Instance permanente sur les questions autochtones.


Abandon scolaire, taux élevés de suicide, toxicomanie, les enfants et adolescents autochtones sont les premières victimes au sein de populations accablées par la grande pauvreté, ont indiqué en substance les représentants d’organisations non gouvernementales.  Citant un rapport d’Amnesty International sur la situation des enfants autochtones, ils ont demandé aujourd’hui que les institutions scolaires soient en prise directe avec la réalité autochtone, notamment par le biais de financements adaptés aux activités traditionnelles.  De l’avis du représentant du Conseil du nord du Canada et Chef des Premières nations, un tel renforcement permettrait de réduire la toxicomanie et l’alcoolisme parmi les adolescents.


Il a également été question de la condition particulière des femmes, Denese Griffin, représentante des organisations de femmes autochtones d’Australie, regrettant que le noble projet de bâtir une société juste qui respecte les droits des femmes et des enfants autochtones reste encore d’actualité.  La question de la violence conjugale demeure taboue dans de nombreux pays où la législation nationale n’a toujours pas été adaptée.  La mise en place de réseaux d’entraide nationale est indispensable, ont encore estimé les intervenants.  Mme Malia Kipapa, de Hawaii Delegation Statement a, quant à elle, mis l’accent sur la situation dans les pays où des missions de maintien de la paix ont été déployées.  Elle s’est insurgée contre les abus sexuels perpétrés par les personnels onusiens à l’encontre des femmes et des jeunes filles autochtones, notamment au Congo.


La problématique du « consentement libre et éclairé » a également fait l’objet de plusieurs interventions.  Ce principe décrit le processus d'engagement par lequel les entreprises obtiennent des communautés d'accueil l'aval social nécessaire à la conduite de leurs activités.  Les commentaires ont porté sur la nécessité de lancer un dialogue qui soit le préalable à toute action engagée.  Le respect de l’environnement, des patrimoines autochtones, la prise en compte des systèmes de valeur et des savoir-faire traditionnels sont les critères qui doivent encadrer tout de projet développement économique en territoire autochtones, ont jugé les intervenants.


L’Instance permanente tiendra sa 12e séance plénière demain, mercredi 24 mai, à 11 heures 30.  Elle entendra les dernières déclarations sur les priorités et thèmes actuels de la présente session.


PRIORITÉS ET THÈMES ACTUELS


Enfants et jeunesse autochtones; femmes autochtones; collecte de données; consentement préalable, libre et éclairé


Dialogue avec les représentants de gouvernements et d’organisations non gouvernementales


M. JOHAN LØVALD (Norvège) a rappelé qu’un accord avait été signé récemment entre le Gouvernement norvégien et le Parlement sami, qui doit l’informer de toutes décisions qui peuvent affecter le peuple sami.  Le Parlement sami a le droit de demander que des consultations aient lieu lorsque certaines décisions peuvent toucher les intérêts du peuple qu’il représente.  Le représentant est par ailleurs revenu sur la création du Finnmark Estate, territoire dont la taille est similaire à celle du Danemark.  La loi portant création de ce territoire reconnaît le droit à la terre et aux ressources naturelles des Sami et autres peuples sur ce territoire.  Le Finnmark Estate dispose aussi d’une Commission et d’un Tribunal qui réglemente l’utilisation optimale des ressources de ce territoire.  L’examen de la question relative à l’utilisation des ressources marines sera entrepris plus tard.


Mme ISHRAT AHMED (Bangladesh) a regretté que l’Instance soit réduite à un « talk-show ».  Elle a rappelé que son pays s’est engagé à garantir des droits égaux à tous, mais avec des dispositions spéciales pour les groupes tribaux pour ce qui touche au système éducatif et fiscal.  Elle a rappelé que le nombre de personnes appartenant à des sociétés tribales avoisinait le chiffre de 2 millions.  Après l’accord de paix de Chittagong, le Gouvernement a déclaré une amnistie et a accordé des bourses d’études.  Les insurgés qui ont rendu leurs armes ont été réintégrés dans leurs emplois antérieurs.  Une Commission des terres a été établie afin de se prononcer sur les différends territoriaux et s’est accompagnée de la création de postes de juges.  La représentante a par ailleurs affirmé que les camps de travaux forcés avaient été abolis.


Mme JENNY CADEÑO (Venezuela) a rappelé que les mécanismes mis en place par son pays devaient garantir la présence des populations autochtones dans les instances de prise de décisions et que les autochtones commençaient à avoir une voix dans les législatures.  Dans le domaine de l’éducation, elle a précisé que le Gouvernement avait reconnu officiellement les langues autochtones et qu’un dictionnaire bilingue avait été créé.  Un centre de soins interculturels a aussi été construit.  Le catéchisme forcé, instauré dans les années 1940, est en train de perdre du terrain.  Une politique de crédit a été menée afin que les autochtones puissent prendre en main leur développement tandis que les fonctionnaires ont reçu des cours de sensibilisation à leurs propres racines autochtones et africaines.


M. DEDE RIFAI (Indonésie) a regretté que certains aient choisi de caricaturer la réalité sociale et politique de son pays.  L’Indonésie a amendé la Constitution de 1945 en reconnaissant l’existence des communautés autochtones.  La politique du Gouvernement est d’activer les droits coutumiers des peuples autochtones, en particulier dans la province du Nord.  L’Instance, cependant, doit être protégée des tentatives qui risqueraient de la transformer en terreau de mouvements séparatistes.  Quant à l’industrie de l’huile de palme, le Gouvernement n’a pas encore pris de décision quant à l’utilisation des terres abandonnées, les projets d’expansion proposés requérant l’approbation des tribus locales.  Le thème « Partenariat pour l’action et la dignité » (concept issu de la deuxième Décennie) est donc une maxime qui prend ici tout son sens.


De nombreux intervenants ont déploré le fait que beaucoup des recommandations formulées dans le passé sur le bien-être et la sécurité des femmes autochtones n’avaient pas été appliquées par les gouvernements.  Si ces recommandations avaient été mises en œuvre en temps voulu, elles auraient contribué à réduire la marginalisation de ces femmes, qui seraient par conséquent moins menacées aujourd'hui.  C’est ce qu’a déclaré la représentante de Hawaii Delegation Statement.  Cette dernière a mis l’accent sur la situation dans les pays où des missions de maintien de la paix ont été déployées.  Elle s’est insurgée contre les abus sexuels perpétrés par le personnel onusien à l’encontre des femmes et des jeunes filles autochtones, notamment au Congo.  Comme d’autres d’intervenants, elle a plaidé pour une mise en place rapide d’une documentation, établie en collaboration avec des femmes autochtones, qui prenne en compte la sensibilité des communautés locales.  La visée en serait de préparer le personnel des opérations de maintien de la paix aux réalités culturelles du terrain et de prévenir des agissements qu’aucune immunité ne saurait protéger. 


La représentante des organisations de femmes autochtones d’Australie, a indiqué que trois ans après la parution du rapport d’Amnesty International « On a volé la vie de nos sœurs: discrimination et violence contre les femmes autochtones », le noble projet de bâtir une société juste qui respecte les droits des femmes et des enfants autochtones reste d’actualité.  La question des violences conjugales demeure taboue dans de nombreux pays où la législation nationale n’a toujours pas été adaptée.  La mise en place de réseaux d’entraide nationale est indispensable, ont estimé d’autres intervenants.


Une approche fondée sur les droits des populations les plus menacées au sein même de la population apparaît comme le préalable incontournable au développement de services sociaux adéquats visant à l’amélioration des conditions d’existence des femmes et des enfants autochtones, car c’est au sein de ces populations qu’on relève les taux de suicide des jeunes parmi les plus élevés au monde.  De nouveau, les orateurs ont souhaité que toutes les institutions et les gouvernements, à tous les niveaux, veillent à impliquer pleinement les femmes autochtones dans la conception et la mise en œuvre des politiques qui concernent directement leur bien-être.


Le représentant du Caucus des peuples autochtones d’Australie a remarqué qu’il y avait eu des progrès dans la collecte de données tout en estimant qu’elles étaient encore insuffisantes.  Il a indiqué que la collecte de données ventilées n’était pas une fin en soi, mais qu’elle représentait un jalon dans le cadre d’un calendrier de résultats à atteindre, y compris des OMD.  Il a remarqué qu’il n’y avait que peu d’informations disponibles sur l’intégrité politique ou le bien-être des autochtones et que, quand elles existent, le Gouvernement les utilise pour étayer le bien-fondé de ses politiques.


De son côté, le représentant du Caucus latino-américain a estimé que l’Instance permanente ainsi que le système des Nations Unies dans son ensemble n’étaient pas efficaces dans la mesure où les États négligent les recommandations faites en faveur des populations autochtones.  Il y a eu des assassinats, des emprisonnements ainsi que des déplacements forcés au Chili, en Bolivie, en Équateur et en Colombie.  Il a indiqué qu’il fallait non seulement une jurisprudence, mais aussi une reconnaissance du droit à l’autodétermination et à l’identité culturelle.  Le Caucus recommande que le nouveau Conseil des droits de l’homme instaure une Commission permanente des droits de l’homme des populations autochtones qui aurait la possibilité de présenter à la Cour pénale internationale les actes de non-respect ou de violation des droits des populations autochtones, entre autres.  Le représentant a également estimé que les politiques de développement mises en place par le Fonds monétaire international (FMI) et autres entités devaient être reformulées.


La représentante du Caucus de l’Équateur a rappelé l’urgence de la réalisation des OMD dans le contexte autochtone.  Elle a recommandé que l’Instance Permanente s’emploie à mettre en œuvre des mesures juridiques garantissant le bien-être des populations autochtones.  Elle a également émis l’avis que l’ONU devait œuvrer à la reformulation des politiques du FMI, de la Banque mondiale et d’autres entités.  Enfin, elle a précisé que le concept de libre-échange devait respecter le principe de consentement libre, préalable et en connaissance de cause.


La représentante du Caucus de l’Arctique a indiqué que deux recommandations avaient été faites à l’Instance permanente.  Ainsi, les documents sur les conditions de vie des autochtones doivent bénéficier d’indicateurs et de données ventilées.  Il faut aussi que les institutions de recherche et autres entités isolent des indicateurs qui identifient la pauvreté ainsi que la biodiversité et qui rendent compte des progrès réalisés en matière d’OMD.


Le représentant du Caucus des jeunes (QUECHA) a indiqué que les jeunes sont ceux qui vont le plus souffrir de la désintégration de leur patrimoine en raison de pratiques éducatives inadéquates.  Ils font l’objet de discriminations de la part des non-autochtones.  Le taux d’abandon scolaire est deux fois plus important chez les autochtones que chez les non-autochtones.  Les programmes scolaires doivent inclure les spécificités autochtones.


En ce qui concerne le principe du consentement libre et éclairé, qui décrit le processus d'engagement par lequel les entreprises obtiennent des communautés d'accueil l'aval social nécessaire à la conduite de leurs activités, plusieurs intervenants ont pointé la nécessité de coordonner les activités économiques en tenant compte des conséquences de ce processus, notamment sur l’environnement.  Le Président du Partenariat pour l’environnement des peuples autochtones a ainsi précisé que plusieurs étapes étaient requises dans le cadre d’activités économiques engagées sur les territoires autochtones.  Les peuples concernés doivent être consultés pour toute étude visant, au premier chef, à évaluer l’impact de tel nouveau projet sur l’ensemble des aspects de la vie quotidienne autochtone.  Les gouvernements, ou les compagnies qui investissent dans nos régions ne peuvent imposer un développement qui fasse fi de nos intérêts et du respect de nos valeurs et pratiques traditionnelles.


De nombreux intervenants ont, en ce sens, plaidé pour un dialogue qui soit le préalable à toute action engagée.  Des habilitations précisément définies doivent être discutées, à partir notamment de banques de données qui définiraient un cadre rationnel d’investissement dans les villages.  Respect de l’environnement et des patrimoines autochtones, prise en compte des systèmes de valeur et des savoir-faire traditionnels: chaque financement de projets de développement économique doit être fondé sur une évaluation concertée de ces critères.


Les enfants et la jeunesse autochtones doivent être associés à l’élaboration des politiques qui les concernent.  Pour les intervenants, ce n’est que seulement si les gouvernements gardent à l’esprit ce principe essentiel, que la deuxième Décennie internationale des populations autochtones sera couronnée de succès.  Le représentant du Conseil du nord du Canada et Chef des Premières nations sur la santé des enfants autochtones a ainsi indiqué que, dans sa région, les enfants autochtones étaient les plus vulnérables à la violence et aux abus.  Peu de ressources existent qui permettraient de leur venir en aide, le résultat étant que ces enfants sont très souvent retirés des bras mêmes de leur famille.  Ce véritable déracinement, s’il préserve de la grande pauvreté, a pour effet secondaire de créer des facteurs de risques favorables à la toxicomanie et à l’alcoolisme.  En facilitant l’accès des familles autochtones aux services sociaux de base, ces tragédies pourraient être évitées. 


De nombreux autochtones ont reconnu qu’Amnesty International avait recommandé, en effet, que les institutions en prise directe avec la réalité autochtone soient renforcées par des financements adaptés à leurs activités et en vue d’assurer la défense primordiale des intérêts fondamentaux des enfants.


Le représentant de la Société académique assyrienne a attiré l’attention de l’Instance sur l’un des plus anciens peuples du Moyen-Orient qui a subit la destruction systématique et l’assimilation forcée en 1914.  Depuis le massacre de 750 000 Assyriens par l’Empire Ottoman en Turquie, les membres de cette communauté ont immigré vers d’autres pays.  Un autre génocide mené par le Gouvernement iraquien a mené à une assimilation forcée, à des persécutions systématiques.  La destruction des sites religieux ainsi que la saisie de terres ont été de règle, en particulier dans le Kurdistan.  En Syrie, l’identité assyrienne a été refusée.  Le représentant a souhaité que le Rapporteur spécial chargé d’examiner la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones, Rodolfo Stavenhagen, se rende dans le nord de l’Iraq pour procéder à une enquête.


Le représentant de la Fondation Echo-spiritualité, au nom de trois organisations, a évoqué les problèmes que pose la construction en Arizona d’un observatoire international sur des terres sacrées apaches.


Pour les membres de l’Instance et notamment l’expert du Maroc, M. HASSAN ID BALKASSM, le concept de dignité humaine est central.  Le respect de ces peuples, l’autodétermination, de leurs cultures et de leurs systèmes doit être institutionnalisé.  Ceci ne contredit pas les actions menées par le système, et il doit y avoir une collaboration entre les différentes parties.  De son côté, l’experte du Danemark, Mme Ida Nicolaisen, a souhaité, à l’instar de l’expert du Canada, Wilton Littlechild, une plus grande participation des jeunes aux travaux de l’Instance.  Cette responsabilité incombe également aux communautés autochtones elles-mêmes.  Il faudrait notamment parler des jeunes qui quittent leurs terres ancestrales pour aller chercher du travail dans les grandes villes.  Le suicide des jeunes est également un problème important, a indiqué Mme Nicolaisen.


Mme VICTORIA TAULI-CORPUZ (Philippines), Présidente de l’Instance, a jugé encourageant de voir que beaucoup de Gouvernements ont pris la parole cette année par rapport aux sessions précédentes.  Il y a encore une dichotomie entre les perceptions du développement par les Gouvernements et les vues et l’expérience des populations autochtones.  Il faut donc redéfinir les OMD en tenant compte de cette problématique.  Il s’agit de faire converger ces vues contraires, de les concilier, afin de parvenir à l’objectif du développement.  Il faut ensemble adopter une démarche qui ne sacrifierait pas les peuples autochtones sur l’autel du développement.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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