DH/4890

LES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT DOIVENT INTÉGRER LA PERSPECTIVE AUTOCHTONE

16 mai 2006
Conseil economique et socialDH/4890
Department of Public Information • News and Media Division • New York

Instance permanente des Nations Unies

sur les questions autochtones

3e et 4e séances – matin et après-midi


LES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT DOIVENT INTÉGRER LA PERSPECTIVE AUTOCHTONE


L’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones a tenu aujourd’hui deux tables rondes associant les représentants des peuples autochtones et des organismes du système des Nations Unies.  Ces dialogues avaient pour thème la redéfinition des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) à l’aune des besoins spécifiques des populations autochtones.  Conformément à son mandat, l’Instance fournit depuis 2002, date de sa création, l’occasion pour les peuples les plus vulnérables de la planète de faire part de leurs expériences, préoccupations et recommandations au système des Nations Unies.


L’autodétermination et le contrôle sur les terres et les ressources naturelles ont été identifiés par les représentants des premières nations comme des conditions préalables à la réalisation des OMD.  Parmi ces objectifs figurent l’accès à l’éducation universelle et la réduction de moitié de l’extrême pauvreté d’ici à 2015.  Des appels unanimes ont été lancés pour que les États et différentes parties prenantes tiennent compte des perspectives autochtones dans les stratégies de développement.


«  Il est urgent de redéfinir les OMD afin d’y inclure les préoccupations des peuples autochtones et de mieux refléter leur définition de la pauvreté », a ainsi fait valoir la représentante du Caucus de la région nord-américaine. La définition de la pauvreté a fait l’objet de nombreuses déclarations, les intervenants reconnaissant qu’une telle notion n’était pas univoque du point de vue autochtone, l’argent n’en étant qu’une composante parmi d’autres.  Ils ont ainsi jugé crucial d’élaborer des indicateurs de qualité de vie adaptés aux peuples concernés.


La discussion qui s’est tenue l’après-midi a porté sur des thèmes que les participants ont souhaité lier entre eux.  Éducation et santé, démographie et environnement ont fait l’objet de nombreux commentaires. La redéfinition des OMD à travers le prisme autochtone en matière de soins et d’enseignement primaire passe par un accès des populations les plus jeunes aux services de base, a ainsi suggéré la représentante de l’UNICEF.  Les populations autochtones doivent aussi bénéficier de campagnes de sensibilisation spécifiques aux dangers du VIH/sida, a indiqué pour sa part la représentante de l’ONUSIDA. 


S’agissant des phénomènes migratoires, les intervenants ont insisté pour que les activités futures de l’Instance mettent l’accent sur l’évaluation de l’impact de l’urbanisation sur la structure des populations autochtones. « Il est important de comprendre que la migration autochtone conduit à la rupture des liens avec la communauté d’origine et à la perte dramatique des modes de vie traditionnels, ce qui fragilise les conditions du développement économique et social des autochtones », a noté le représentant de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).  La plupart des intervenants ont ainsi plaidé pour la mise sur pied de politiques migratoires valorisant le capital culturel des autochtones et tenant compte des risques d’acculturation. 


C’est encore dans cet esprit que le représentant du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (HABITAT) a recommandé que des actions concrètes soient engagées afin d’assurer partout où cela s’avère nécessaire, la protection de leur logement que ce soit en amont sur leurs propres terres ou en aval dans le cas où ces populations sont amenées à migrer en contexte urbain.


La prochaine réunion de l’Instance aura lieu demain, mercredi 17 mai, à 10 heures.



THÈME SPÉCIAL: OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT ET PEUPLES AUTOCHTONES: REDÉFINIR LES OBJECTIFS


Dialogue interactif avec les peuples autochtones


Les représentants de différents caucus régionaux à travers le monde ont, ce matin, dégagé quelques grands thèmes de discussion qui leur sont apparus prioritaires.  Ainsi, l’importance de l’autodétermination et le contrôle sur les terres et les ressources naturelles ont été identifiés comme des conditions préalables pour parvenir aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  De même, les intervenants ont particulièrement insisté sur la nécessité pour l’ensemble des acteurs concernés, qu’il s’agisse du système des Nations Unies, des États, comme des gouvernements, de prendre en compte les paradigmes autochtones dans les questions de développement. 


Tous les représentants des caucus régionaux ont mis l’accent sur le respect du droit à l’autodétermination et de la souveraineté territoriale, éléments essentiels selon eux pour parvenir aux OMD.  Ils ont estimé que ce point devait être inclus dans le rapport final de cette cinquième session.  C’est par l’autodétermination et le contrôle sur nos ressources naturelles que nous pourrons développer notre économie, a déclaré la représentante du Caucus arctique.  La représentante du Caucus d’Amérique latine a insisté sur la notion de consentement préalable libre et informé en ce qui concerne l’exploitation des ressources en terres autochtones.  La plupart des intervenants ont d’ailleurs souligné le fait que le développement économique pouvait se faire en intégrant le point de vue des peuples autochtones. 


Pour sa part, la représentante du Caucus pacifique a jugé qu’il existait un manque de volonté de la part des États quant à l’inclusion des peuples autochtones dans la mise en œuvre et le suivi des OMD.  Il est urgent de redéfinir les OMD afin d’inclure la perspective, les expériences et les préoccupations des peuples autochtones et de mieux refléter leur définition de la pauvreté, a ainsi fait valoir la représentante du Caucus de la région nord-américaine.  Elle a notamment déploré que l’ONU et les institutions de développement divisent les peuples autochtones selon qu’ils vivent dans des pays développés ou dans des pays en développement.  De nombreux intervenants ont souligné que la notion de pauvreté n’était pas la même pour les autochtones et que l’argent n’en était qu’une composante parmi d’autres.  Ils ont ainsi jugé crucial d’élaborer des indicateurs de qualité de vie appropriés aux peuples autochtones.


Faisant valoir le savoir-faire et les connaissances traditionnels des autochtones, la représentante du Caucus africain a affirmé que les politiques nationales devaient prendre en compte la capacité des peuples autochtones à gérer durablement la biodiversité de leur environnement.  Dans ce but, elle a ainsi demandé une coopération plus étroite avec le PNUD et le PNUE ainsi qu’avec l’UNICEF et l’UNESCO pour tenir compte de ces connaissances.


S’agissant spécifiquement du secteur de la santé, la représentante du Caucus asiatique a affirmé, elle, qu’il fallait reconnaître et intégrer les pratiques médicinales aux services de santé.  Comme la représentante du Caucus africain, elle a demandé qu’une étude plus complète soit élaborée et que des efforts plus importants soient déployés face à l’incidence du VIH/sida sur les peuples autochtones.  Par ailleurs, la représentante des femmes autochtones d’Amérique latine a souhaité une participation accrue de celles-ci dans l’élaboration des programmes de santé afin de garantir de bons services en matière de santé reproductive et d’éviter les grossesses précoces.  Faisant écho aux propos de la représentante des femmes autochtones d’Amérique du Nord, elle a recommandé que les mesures sexospécifiques soient renforcées pour tous les OMD.  L’émancipation et la prise de décisions des femmes autochtones peut nous aider dans de nombreux domaines, a insisté le représentant du Caucus des peuples autochtones des Antilles, en citant leur rôle dans la lutte contre la violence notamment. 


Après ces déclarations collectives, l’Instance permanente a donné la parole à des représentants d’organismes nationaux et associations qui ont adressé des demandes concrètes aux États.  Le représentant de l’Assemblée des Premières Nations a ainsi demandé à tous les États, et surtout au Canada, de défendre le droit de préserver les langues autochtones.  Il a estimé que ces droits linguistiques n’étaient pas assez protégés, notamment en raison du manque de ressources pour en assurer la revitalisation.  Le représentant de Perspective tatare de Crimée a, lui, souligné que les OMD ne seraient pas réalisés sans accès à la terre.  Il a demandé au Gouvernement d’Ukraine d’agir dans ce sens, par l’adoption d’une loi.  Enfin, le représentant de la Fédération Khmer Kampuchea Krom a fait valoir que le Gouvernement vietnamien ne les considérait pas comme un peuple autochtone et que cela constituait un obstacle de taille dans la réalisation des OMD, notamment en raison des limites de l’aide financière.


Dialogue interactif avec les institutions des Nations Unies


Pour la représentante du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), redéfinir les OMD suppose d’intégrer plus avant la perspective autochtone en valorisant notamment leurs propres enseignements ancestraux et leurs connaissances. D’autres intervenants ont évoqué la nécessité de rendre accessibles dans les endroits les plus reculés les services de base en matière d’éducation et de santé, et cela en tenant compte des rapports spéciaux que les autochtones entretiennent avec leur environnement naturel. 


La question des enfants a également été évoquée, leur cause ne pouvant plus être négligée comme cela a été le cas jusqu’à présent, a-t-il été souligné. Ceux-ci sont en effet invisibles et exclus du processus de développement dans son ensemble.  La priorité absolue doit être accordée à leur situation sur le terrain.


En ce qui concerne l’épidémie de VIH/sida, la représentante du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a estimé que ce fléau était à la fois un problème de santé et de développement.  Les communautés autochtones se trouvent particulièrement exposées aux ravages causés par l’épidémie.  Cet impact est toutefois mal connu, ont noté les intervenants en raison d’une absence de données spécifiques les concernant.  De nombreux orateurs ont regretté que cette négligence puisse conduire à des carences en matière d’accès aux services de santé.  Les intervenants ont ainsi encouragé l’Instance à déployer des efforts de prévention, en collaboration étroite avec les institutions pertinentes.  La représentante d’ONUSIDA a recommandé aux États l’élaboration d’un document d’orientation de surveillance nationale du virus fondée sur l’ethnicité.


S’agissant de la préservation de la diversité culturelle, la représentante de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) est revenue sur le contenu de la Convention de 1995.  Par ce texte, a-t-elle indiqué, la diversité des cultures est considérée comme décisive pour valoriser le système autochtone de connaissances et, donc, favoriser le développement durable.  Au nombre des recommandations présentées, il a été préconisé de promouvoir, en impliquant plus énergiquement les gouvernements, la diversité des cultures comme fondement du développement de toutes les nations.  De même, il a été dit à plusieurs reprises que l’Instance devait favoriser une plus grande coordination entre les communautés locales et ses bureaux régionaux.  Les autochtones n’utilisent pas à plein les possibilités offertes par les différents partenariats, il faut faire plus d’effort d’information pour les inciter à s’investir pleinement dans les mécanismes de mise en œuvre des recommandations et d’élaboration des programmes.  


L’un des points importants soulevés a porté sur la question des droits de l’homme, l’accent ayant été mis sur le sort particulier des femmes autochtones.  Le représentant du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a ainsi évoqué les nombreux problèmes relatifs à la santé reproductive chez les populations les plus durement frappées par la pauvreté.  Les taux de mortalité maternelle sont nettement plus élevés parmi les femmes autochtones que les autres, notamment dans les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, a-t-il été précisé.  Les soins de santé, notamment d’urgence et qui impliquent l’intervention de sages-femmes traditionnelles, doivent faire l’objet de recommandations établies en collaboration avec les communautés locales, les gouvernements, les ONG et, surtout, les experts et universitaires de terrain qui connaissent de près ces problèmes.


Le lien entre les peuples autochtones et les migrations ne reçoit pas toute l’attention qu’il mérite de la part de la communauté internationale.  C’est l’avis qu’a fait valoir le représentant de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).  Il a indiqué que, en vue du dialogue de haut niveau qui allait se tenir lors de la prochaine Assemblée générale sur ce thème, il fallait œuvrer conjointement afin d’intégrer la question de l’impact, culturel autant qu’économique, des mouvements migratoires sur le développement des populations autochtones.  En premier lieu, il est important de prendre en compte le fait que la migration autochtone conduit le plus souvent à la rupture des liens avec la communauté d’origine et à la perte dramatique des modes de vie traditionnels.  Or, nous savons que la préservation de ces modes de vie est favorable au développement durable, qu’il ajoute une valeur positive à ce développement, ont rappelé en substance les intervenants.  Ceux-ci ont recommandé de revaloriser le capital culturel des autochtones, y compris celui de ceux ayant décidé de s’installer ailleurs.  À cette fin, les gouvernements doivent intégrer à leur arsenal législatif des lois dotées d’une certaine sensibilité culturelle qui profiteraient aux communautés locales et aux pays hôtes qui accueillent des migrants.


Le représentant du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) a, lui, indiqué combien les populations autochtones étaient victimes d’inégalités dans l’accès au logement.  Les crédits ne leur sont pas accordés du fait de la pauvreté dans laquelle ils sont plongés, a-t-il dit.  De manière générale, lorsque les peuples autochtones sont dépossédés de leurs terres et se trouvent obligé de s’installent dans les villes, ils se heurtent au racisme et à l’isolement.  Ainsi, les orateurs ont appelé de leurs vœux le lancement de travaux de recherche identifiant les conséquences de l’urbanisation effrénée sur les conditions d’existence des peuples autochtones.  Un tel matériau permettrait à moyen terme d’œuvrer plus concrètement à la sécurisation du logement des populations autochtones, en amont sur leurs propres terres et en aval dans le cas où ces populations sont amenées à migrer en contexte urbain.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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