DH/4888

L’INSTANCE PERMANENTE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES LANCE LE PROGRAMME D’ACTION DE LA DEUXIÈME DÉCENNIE EN FAVEUR DES PEUPLES LES PLUS MARGINALISÉS DU MONDE

15 mai 2006
Conseil economique et socialDH/4888
Department of Public Information • News and Media Division • New York

Instance permanente des Nations Unies

sur les questions autochtones

1re et 2e séances – matin et après-midi


L’INSTANCE PERMANENTE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES LANCE LE PROGRAMME D’ACTION DE LA DEUXIÈME DÉCENNIE EN FAVEUR DES PEUPLES LES PLUS MARGINALISÉS DU MONDE


La Présidente de l’Instance demande que le projet de déclaration des droits des peuples autochtones soit examiné et adopté prochainement


La cinquième session de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones s’est ouverte ce matin par une cérémonie rythmée de chants et danses de représentants autochtones d’Australie, des États-Unis, de Russie et de Norvège.  Au nom de la nation Onondaga et de tous les représentants autochtones, le chef traditionnel Clint Shenandoah a souhaité la bienvenue à tous les participants en rendant hommage à tous les éléments et tous les bienfaits de la Terre.


Cette célébration marquait également le lancement officiel du Programme d’action de la deuxième Décennie internationale des populations autochtones, adopté le 12 décembre dernier.  Le Programme d’action s’articule autour de cinq objectifs clefs: la coopération internationale aux fins de résoudre les problèmes qui se posent aux peuples autochtones dans les domaines de la culture, de l’éducation, de la santé, des droits de l’homme et du développement économique et social.  Qualifiant ce texte de « document sans précédent » le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, a déclaré dans son message vidéo que celui-ci visait à créer les conditions d’une vie meilleure pour les populations autochtones, et ce, en protégeant leur identité, leur langue et leur culture.


Le Secrétaire général a par ailleurs rappelé que, dans le Document final issu du Sommet mondial de septembre 2005, les États Membres s’étaient engagés à préserver et maintenir les usages et traditions ancestrales des peuples autochtones, condition essentielle au développement durable et à la promotion accrue des droits de l’homme.  De plus, le Secrétaire général a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre, à travers le monde, les recommandations convenues dans le cadre de l’Instance.  Il en va, a dit M. Annan, de l’amélioration concrète des conditions d’existence de chaque autochtone, quelque soit son lieu de vie.


Pour sa part, le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales et coordonnateur de la deuxième Décennie internationale des populations autochtones, M. José Antonio Ocampo a souhaité que la deuxième Décennie internationale des populations autochtones, soit l’occasion de mettre en place des projets axés sur l’action en collaboration étroite avec les communautés concernées pour faire avancer les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), objectifs d’ailleurs choisis comme thème pour cette cinquième session de l’Instance permanente.  Engageant les États Membres à respecter les promesses du Document final, il a estimé que c’était seulement en mettant en place un partenariat véritable et authentique qu’on pourrait parvenir à une Décennie pour l'action et la dignité.


Mme Victoria Tauli-Corpuz, réélue Présidente de l’Instance permanente, a demandé que le projet de déclaration des droits des peuples autochtones, finalisé en février dernier, soit discuté au cours de la première session du nouveau Conseil des droits de l’homme puis adopté par l’Assemblée générale avant la fin de l’année.  Cela représenterait une avancée considérable dans la longue lutte pour une plus grande justice sociale, le respect des droits de l’homme et le développement durable des peuples autochtones, a-t-elle relevé.


Dans l’après-midi, l’Instance permanente s’est penchée sur le thème de sa session, à savoir la redéfinition des OMD pour les peuples autochtones.  M. David Choquehuanca Céspedes, Ministre des affaires étrangères de la Bolivie, a fait part de l’expérience de son pays qui a élu, le 18 décembre dernier, un autochtone à sa présidence.  Il a estimé qu’une période de changement commençait non seulement en Bolivie mais dans le monde entier.  « Unis et organisés, nous changerons les politiques économiques qui ne règlent pour l’instant pas les problèmes de nos sociétés et des peuples autochtones », a-t-il assuré.  De nombreux membres de l’Instance ont fait valoir que ces objectifs devaient refléter les différences et spécificités autochtones et se fonder sur une approche des droits de l’homme.  De plus, ils ont souligné l’importance pour ces populations de s’approprier et de décider de leur propre développement.


Toujours dans l’après-midi, l’Instance a procédé à l’élection de son Bureau.  Mme Otilia Lux de Coti, M. Aqqaluk Lynge, Mme Liliane Muzangi et Mme Ida Nicolaisen ont été élus Vice-présidents alors que M. Michael Dodson a été élu Rapporteur de l’Instance. 


L’Instance permanente sur les questions autochtones se réunira à nouveau demain, mardi 16 mai, à 10 heures. 


LANCEMENT DU PROGRAMME D’ACTION DE LA DEUXIÈME DÉCENNIE INTERNATIONALE DES POPULATIONS AUTOCHTONES


Déclarations d’ouverture


M. KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies, a adressé un message vidéo dans lequel il a indiqué que l’ouverture des travaux de l’Instance marquait aussi le lancement du Programme d’action de la deuxième Décennie internationale des populations autochtones.  Un document, a-t-il dit, sans précédent qui reflète, entre autres, les récentes contributions des peuples concernés aux activités de l’Instance permanente.  M. Annan a rappelé que le Programme d’action contenait des recommandations essentielles en matière d’économie, d’environnement, de santé, d’éducation et de droits de l’homme.  L’objectif de ce document, a poursuivi le Secrétaire général, est de parvenir à créer les conditions d’une vie meilleure pour les populations autochtones, et ce, en protégeant leur identité, leur langue et leur culture.  Faisant référence au Document final établi au terme du Sommet mondial de 2005, M. Annan s’est félicité de ce que les États Membre se sont engagés à préserver et maintenir les usages et traditions ancestrales des peuples autochtones; une condition essentielle, selon lui, au développement durable et à la promotion accrue des droits de l’homme.  Il a également souligné la nécessité impérieuse de mettre en œuvre, sur le terrain et du Nord jusqu’au Sud, les recommandations convenues dans le cadre de l’Instance.  Il en va, a dit M. Annan, de l’amélioration concrète des conditions d’existence de chaque autochtone, quelque soit son lieu de vie.


M. JOSÉ ANTONIO OCAMPO, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales et coordonnateur de la deuxième Décennie internationale des populations autochtones, a souhaité la bienvenue à tous les représentants des peuples autochtones.  Il a indiqué que le Sommet mondial de septembre 2005 avait donné un nouvel élan aux questions autochtones, en insistant notamment sur la nécessité d'une participation améliorée des communautés locales et autochtones.  Insistant sur l'importance de la gouvernance participative et des droits de l'homme, il a fait valoir que le Document final, issu de ce Sommet, engageait tous les États Membres à faire progresser les droits des peuples autochtones à tous les niveaux, et ce, notamment par le biais d'une meilleure coopération avec ceux-ci.  L'Histoire et la réalité actuelle des populations autochtones montrent qu'il est nécessaire qu'on protège et favorise leurs droits et ceci doit être une priorité internationale, a-t-il affirmé. 


En tant que coordonnateur de la deuxième Décennie internationale des populations autochtones, a-t-il poursuivi, je m'emploierai à faciliter les efforts de tous les acteurs dans le but d'encourager les synergies entre cette Décennie et la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  M. Ocampo a souligné qu'il fallait faire avancer les questions autochtones en ce qui concerne la culture, l'éducation, la santé, les droits de l'homme, l'environnement ou encore le développement socioéconomique grâce à des projets axés sur l'action et des programmes de coopération accrue.  Il a expliqué que, pour cette deuxième Décennie, il favorisait la prise d'actions concertées permettant d'inclure les peuples autochtones dans les prises de décisions politiques et celles qui affectent leur vie.  Notant les réalisations de l'Instance ces cinq dernières années, il a déclaré que cette cinquième session devait être l'occasion de progresser encore plus dans tous les domaines et d'engager les États Membres à honorer les promesses faites dans le Document final.  Afin de parvenir aux OMD et aux objectifs de cette deuxième Décennie, il a appelé tous les États Membres à redoubler d'efforts et à mettre en place des projets pour les peuples autochtones avec leur collaboration étroite.  C'est ainsi que nous mettrons en place un partenariat véritable et authentique afin de parvenir à une Décennie pour l'action et pour la dignité. 


M. ELADIO LOIZAGA (Paraguay), au nom du Président de l’Assemblée générale, s’est félicité de la présence importante à cette session de représentants de peuples autochtones du monde entier.  Il a demandé à tous de s’attacher à comprendre le chemin suivi par les populations autochtones depuis leur entrée aux Nations Unies en décembre 1992.  M. Loizaga a indiqué que, depuis 1995 et le lancement de la première Décennie internationale, la situation de ces peuples au plan de l’éducation, de la santé, de l’emploi, du développement, des droits de l’homme et de la culture, était désormais davantage connue et mieux prise en compte.  Les problèmes auxquels se heurtent les communautés locales, s’agissant de la reconnaissance de leurs territoires ainsi que de la protection de leur langue, de leurs terres et de leur culture, restent un problème complexe et épineux, a-t-il jugé.  C’est pourquoi les peuples autochtones espèrent plus que jamais que des modifications réelles seront apportées à leurs conditions de vie.


M. Loizaga a poursuivi en évoquant le Document final du Sommet mondial de 2005.  Il a, à cet égard, rappelé que ce texte portait une attention spéciale à la situation des communautés locales, en reconnaissant notamment la diversité des cultures, qui, toutes, « contribuent à l’enrichissement de l’humanité ».  Le respect et la compréhension de cette diversité doivent jouer un rôle en vue de promouvoir la paix et la sécurité internationales, a-t-il dit.  C’est en ce sens que les dirigeants du monde entier ont décidé de faire de la promotion des droits de l’homme une priorité absolue en prônant tolérance, respect, dialogue, et coopération entre les différents peuples de toutes les régions.  La lutte contre la pauvreté, a encore dit M. Loizaga, passe par des engagements forts en faveur du développement durable.  De cela dépendra notre succès en ce qui concerne la préservation des modes de vie propres aux populations autochtones du monde.  Le représentant a estimé que la mise en place récente du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies devrait contribuer à une évolution positive dans ce domaine.  Il a également espéré que, bientôt, l’Assemblée générale sera en mesure d’approuver une Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones telle que demandée dans le Document final du Sommet mondial de 2005.


Mme MILILANI B. TRASK, représentante du Caucus autochtone, a déclaré que le Caucus participait à cette session avec un programme chargé car il était désormais essentiel d'évaluer honnêtement les progrès faits quant aux questions autochtones.  Elle a annoncé que le Caucus présenterait ses propositions pour étude aux membres de l'Instance permanente afin de remédier aux insuffisances des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  Elle a estimé que les peuples autochtones étaient invisibles dans l'évaluation de la mise ne œuvre des OMD et qu'il fallait des indicateurs précis à cet égard.  Par ailleurs, elle a fait valoir que la pauvreté des populations autochtones était lié à la colonisation, la néo-colonisation, le racisme systémique et le manque de reconnaissance des droits autochtones, et que les inégalités et injustices économiques et sociales avaient perpétué cette situation.  Il est aujourd'hui nécessaire d'examiner les indicateurs de pauvreté des OMD afin qu'ils ne se fondent pas uniquement sur l'argent et l'économie de marché mais aussi sur nos cultures, a-t-elle insisté.  De plus, Mme Trask a regretté que les gouvernements et agences parlent parfois de pauvreté alors que les peuples autochtones parlent de droits.  Chez nous, la pauvreté se définit aussi par l'absence de pouvoir, d'autodétermination et par le manque de participation au processus de décisions, a-t-elle précisé. 


Elle a aussi regretté que les OMD ne remettent pas en question les causes économiques profondes de la pauvreté des peuples autochtones.  Notre idée du développement est liée au consentement de toute la population et se définit conformément à nos valeurs traditionnelles et nos usages, a-t-elle rappelé.  Ceux qui ont la pratique des croyances traditionnelles et ont rôle de dirigeant dans nos peuples doivent pouvoir faire entendre leur voix.  Enfin, elle a estimé que tous les efforts, au cours des deux prochaines semaines, devaient se fonder sur les droits de l'homme.  Cela veut dire que le moment est venu d'adopter le projet de Déclaration sur les droits des peuples autochtones, a-t-elle assuré, en demandant que celui-ci soit porté devant le nouveau Conseil des droits de l'homme et soit soumis à l'Assemblée générale.  Tant que les droits fondamentaux des peuples autochtones ne seront pas reconnus, il n'y aura pas de paix dans le monde. 


Mme VICTORIA TAULI-CORPUZ, Présidente de l’Instance permanente, a déclaré qu’il était essentiel d’accroître la participation des représentants des populations autochtones aux activités de l’Instance.  Leur vision, leurs priorités en matière de développement doivent être précisément connues en vue de la pleine mise en œuvre des recommandations convenues aux termes de nos travaux.  La présidente a poursuivi en rappelant que les résolutions pertinentes définissaient clairement les objectifs de la deuxième Décennie, en particulier la nécessité de renforcer la coopération internationale pour trouver des solutions aux problèmes techniques que rencontrent les populations autochtones dans la mise en œuvre des différents programmes et projets.  C’est pourquoi, a-t-elle précisé, la question de la formation des communautés locales doit être examinée plus avant au cours de cette session. 


Mme Tauli-Corpuz a ajouté que la conclusion, en février dernier, d’un projet de déclaration des droits des peuples autochtones marquait un progrès dans la recherche de normes de droit international visant à garantir les droits fondamentaux de ces peuples.  Elle a souhaité que ce projet de déclaration soit discuté au cours de la première session du nouveau Conseil des droits de l’homme et que la déclaration soit ensuite adoptée par l’Assemblée générale avant la fin de l’année.  Cela représenterait une avancée considérable dans  la longue lutte pour une plus grande justice sociale, le respect des droits de l’homme et le développement durable des peuples autochtones, a-t-elle dit.  Pour la Présidente, une telle adoption donnerait un cadre de travail essentiel aux travaux futurs de l’Instance.  Mme Tauli-Corpuz a encore jugé que les différentes activités qui se tiennent au sein de l’Instance étaient indispensables pour permettre une discussion la plus riche d’enseignements possible sur les questions liées aux conditions d’existence des populations autochtones.  Les rapports présentés fourniront notamment des vues utiles sur les moyens à mettre en place pour parvenir à un développement durable librement décidé par lesdites populations, a-t-elle indiqué.


En conclusion, Mme Tauli-Corpuz est revenue sur les principaux objectifs de la deuxième Décennie internationale des peuples autochtones tels qu’énumérés dans le Programme d’action.  Soit, entre autres, la promotion d’une participation pleine et entière des populations locales aux processus de décision; la préservation de leurs modes de vie propres, de leur territoire et de leur culture; et l’adoption de mesures -notamment budgétaires- en faveur du développement économique et social, en particulier celui des femmes et des plus jeunes.



THÈME SPÉCIAL: OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT ET PEUPLES AUTOCHTONES: REDÉFINIR LES OBJECTIFS


Déclarations


Mme Tauli-Corpuz, Présidente de l’Instance permanente, a déclaré que la session allait concentrer ses efforts sur les Objectifs du Millénaire pour le développement suivants: promotion de l’égalité des genres, réduction de la mortalité infantile, amélioration de la santé maternelle, lutte contre le VIH/sida, le paludisme et autres maladies, environnement et développement d’un partenariat global pour le développement.  Le but est de lier la question des populations autochtones et celle de la mise en œuvre des OMD, en tenant compte notamment de la diversité culturelle des régions du monde, a-t-elle précisé.  Si les Objectifs du Millénaire pour le développement sont réalisés, un tel résultat aura des effets conséquents sur le sort des quelques 370 millions d’autochtones, dont la majorité vit dans la pauvreté. 


Pour la présidente, le manque de reconnaissance des droits et de visibilité des populations autochtones explique en grande partie la persistance des conditions difficiles d’existence qui sont les leurs.  Elle a ainsi indiqué qu’une étude récente de la Banque mondiale montrait que dans cinq pays d’Amérique latine, la Bolivie, le Pérou, l’Équateur, le Guatemala et le Mexique, l’incidence de la pauvreté continuait à avoir un effet sévère sur le développement économique et social des communautés locales.  Cette étude en corrobore une autre conduite par l’UNICEF en 2003.  Dans ce contexte de lutte contre la pauvreté, il convient ainsi d’intégrer la question concomitante des droits de l’homme.  En effet, dans le cas des populations autochtones, la question du développement et de la défense des droits fondamentaux en matière d’autodétermination, de reconnaissance des terres, d’exploitation des ressources naturelles, de préservation des cultures et des identités, sont inséparables.


Si nous nous attaquons à la question de la santé, a encore dit Mme Tauli-Corpuz c’est en termes de « droit à la santé » que nous le faisons.  De même, si nous envisageons la question de la réduction de la mortalité infantile, c’est à l’aune de la nécessaire défense des droits fondamentaux des plus jeunes et des plus vulnérables.  Dans un tel contexte, a préconisé la Présidente, il est impératif que nous puissions bénéficier d’un nombre plus important de données statistiques sur la situation économique et sociale exacte des populations considérées.  Cela doit être valable pour les pays en développement comme pour les pays riches.  Mme Tauli-Corpuz a émis le souhait que l’Instance convienne cette année de recommandations fortes en vue de réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement.  Cette avancée cruciale, c’est impératif, doit également bénéficier directement et réellement aux populations autochtones.


M. DAVID CHOQUEHUANCA CÉSPEDES, Ministre des affaires étrangères de la Bolivie, a rappelé que le 18 décembre dernier, les autochtones de Bolivie avaient changé l’histoire en décidant de participer aux élections.  Après cinq siècles d’exclusion, de marginalisation et d’exploitation, a-t-il poursuivi, nous, les autochtones, avons réussi à faire élire un autochtone comme Président de la Bolivie.  Il a estimé qu’une période de changement commençait non seulement en Bolivie mais dans le monde entier, le début d’une ère d’harmonie et de paix.  Unis avec la nature et le cosmos, nous passons désormais de la résistance à l’offensive et nous nous dressons pour retrouver notre souveraineté économique sociale mais aussi culturelle. 


Le Ministre a constaté que la Terre avait été ravagée par des intérêts économiques et menaçait les peuples autochtones dans leur mode de vie.  Il a notamment dénoncé la dépendance du monde envers le pétrole qui selon lui, pourrait mener à des guerres encore plus graves que celles qui ont lieu actuellement.  Il a estimé que la culture des peuples autochtones, qui se fondait entre autres sur le don et un développement issu d’un consensus, devait être renforcée.  Le plus important pour nous est différent de ce qui est jugé important dans la société occidentale, a-t-il insisté, car pour nous, le plus important, c’est la vie.  Il a affirmé que, dans la culture autochtone, tout: la pierre, la faune, la flore, était intégré à la terre, à la vie, à la réalité et tous dépendaient les uns des autres. 


Le Ministre a mis l’accent sur l’importance que revêt pour les peuples autochtones le concept d’autodétermination.  Il a déclaré qu’il fallait sauver la vie et assurer l’avenir des générations futures.  Ce que nous voulons, c’est bien vivre, a-t-il ajouté, en nous servant de ce que nous produisons sur nos terres et dans la complémentarité de nos peuples aux niveaux local, national, régional et mondial.  Selon lui, les peuples autochtones ont l’obligation de renforcer leur identité et leurs communautés et de se gouverner eux-mêmes avec leurs propres lois.  Il a souligné que l’Instance permanente devait aider ce mouvement d’autodétermination des peuples autochtones.  Notre voix c’est de nous unir tous pour pouvoir avancer, a-t-il lancé aux autres représentants autochtones.  Unis et organisés, nous changerons les politiques économiques qui ne règlent pour l’instant pas les problèmes de nos sociétés et des peuples autochtones.  Il a fait savoir que la Bolivie s’engageait à soutenir tous les peuples autochtones pour que, eux aussi, récupèrent leur territoire. 


Le Ministre des affaires étrangères a déclaré que les valeurs et les traditions des peuples autochtones devaient être renforcées.  Il a invité tous les peuples frères à marcher ensemble pour une aube nouvelle et une vraie solution.  


Mme CARMEN MARIA GALLARDO, Présidente de la Commission de la condition de la femme, a indiqué que les femmes autochtones apportaient des contributions essentielles au sein de la famille, des communautés, des nations et, au-delà, sur la scène internationale.  Dans le même temps, elles continuent d’affronter une discrimination qui recouvre plusieurs formes, basées également sur la race et l’ethnicité.  Dans ce contexte, a ajouté Mme Gallardo, les femmes autochtones s’avèrent être particulièrement exposées à la violence et doivent faire face à davantage d’obstacles que les hommes pour simplement pouvoir jouir des droits humains les plus fondamentaux.  Aussi, le Programme d’action de Beijing pour la promotion de la femme demande-t-il que des mesures conséquentes soient prises en vue de lutter vraiment contre les manifestations les plus persistantes de discrimination, de marginalisation et d’exclusions qui frappent toujours les femmes autochtones.


S’agissant des Objectifs du Millénaire pour le développement, la Présidente a jugé qu’il était important de lier la question de l’égalité des genres à la recherche volontaire de l’amélioration des conditions particulières d’existence des femmes autochtones.  Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme a identifié de très sérieuses violations des droits à l’encontre non seulement des femmes autochtones, mais également des jeunes filles, a-t-elle indiqué.  L’existence d’abus tels que le viol, le harcèlement sexuel, l’exploitation économique, le déni des droits civils, le racisme ou encore l’exclusion des services publiques, requièrent ainsi de la part des gouvernements que ceux-ci mettent en place -en collaboration avec les représentants autochtones- des mesures spécifiques pour faire cesser au plus vite ces crimes.


Dans un tel cadre, l’action au niveau des stratégies nationales doit être menée en collaboration avec les gouvernements, les ONG et la communauté internationale.  Poursuivant, la Présidente de la Commission a expliqué que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes avait, lors de sa 34 session, abordé la question des femmes autochtones.  Un dialogue constructif s’est tenu entre des délégations d’États Membres qui, fait nouveau, avaient invité des représentants autochtones à participer aux débats.  Cette expérience doit être renouvelée ailleurs, de sorte que les femmes autochtones soient associées plus avant à chacun des processus de prise de décisions qui les concernent directement.  À cette fin, a encore dit Mme Gallardo, la coopération entre les organisations non gouvernementales et de femmes autochtones doit être accrue, et ce, de manière prioritaire.


M. JUAN LEON ALVARADO, Président du Groupe de travail sur le projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones de l’Organisation des États américains, a souligné que les droits de ces populations étaient désormais un sujet essentiel dans le monde en ce qu’il contribue à la mise en place de nouvelles stratégies politiques de différents États, a-t-il précisé.  Il a noté que la participation des peuples autochtones avait largement augmenté dans le cadre de l’élaboration du projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones.  Il a expliqué que, depuis 1987, le processus interne des travaux était passé par trois étapes: d’abord, l’élaboration d’un projet initial, puis des consultations d’experts sur ces propositions, et enfin, des négociations pour obtenir un consensus entre représentants des peuples autochtones et États. 


En 2006, le Groupe de travail avait terminé l’examen des textes et s’employait à préparer un document qui servirait de base et permettrait de parvenir à un consensus final, a-t-il expliqué en précisant que les États Membres de l’Organisation souhaitaient que les représentants autochtones soient davantage impliqués dans ce processus.  Il a noté par ailleurs qu’il y avait déjà eu des changements législatifs et politiques dans certains pays comme le Canada, l’Équateur ou encore le Venezuela alors que cette déclaration n’avait pas encore été adoptée.  Le projet de cette déclaration constitue une occasion historique pour les États Membres de parvenir à une démocratie moderne et complète avec une participation multiple des populations autochtones, a-t-il ajouté.  Enfin, il s’est dit convaincu que l’Organisation des États américains parviendrait à un instrument qui contribuera à résoudre de façon efficace toutes les situations économiques ou politiques d’oppression et de grande pauvreté des peuples autochtones.


M. PHRANG ROY, Vice-Président du Fonds international de développement agricole (FIDA), a regretté que l’amélioration des conditions de vie de quelque 300 millions d’autochtones ne figurait pas parmi les buts à atteindre dans le cadre de la mise en œuvre des OMD.  Le peu de résultats obtenus est uniquement le fait de l’action des communautés locales elles-mêmes.  Au vu de la situation alarmante décrite par une récente étude de la Banque mondiale montrant que, dans le cas de l’Amérique latine, le niveau de pauvreté s’était aggravé depuis 1994, nous devons repenser nos stratégies de développement s’agissant des populations autochtones, a-t-il ajouté.  Celles-ci doivent prendre en compte la reconnaissance de leurs cultures, de leurs terres et de la manière avec laquelle, eux, veulent y exploiter les ressources naturelles.  Le Fonds travaille à cette fin sur le terrain en collaboration avec les institutions autochtones.


Les autochtones doivent devenir les acteurs de leur propre développement, dans le respect de la liberté et de la dignité qui leur reviennent de droit.  C’est pourquoi le développement durable des communautés autochtones doit tenir compte des spécificités culturelles sans forcer l’imposition de modèles et stratégies qui échappent à la vision du monde qu’est la leur, a précisé le Vice-Président.


Le Fonds a, à ce jour, fourni 1.03 milliard de dollars de prêts en faveur des peuples autochtones d’Amérique latine et d’Asie, a-t-il ajouté.  Il est important de souligner que, sur le terrain, les autochtones n’associent pas la question de la pauvreté uniquement à celle du revenu.  Ils lient la lutte contre la pauvreté à un combat pour leur dignité.  De ce point de vue, la pauvreté est perçue comme le résultat d’un manque de respect et de considération à l’égard de leurs propres systèmes politique, culturel et économique.  Pour inverser cette tendance, la deuxième Décennie internationale des peuples autochtones devra être celle de la promotion accélérée d’un nouveau paradigme de développement intégrant ces peuples aux processus de prise de décisions et de contrôle engageant directement leur destinée.


Mme MARISELA PADRON QUERO, Directrice de la Division Caraïbes et Amérique latine du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a pris la parole au nom de Mme Thoraya Obaid, Directrice exécutive du Fonds.  Elle a espéré que cette session dégagerait un consensus ferme pour la mise en œuvre du Programme d’action de la deuxième Décennie internationale pour les populations autochtones.  Elle a en effet estimé que ce programme était essentiel pour améliorer la vie des peuples autochtones et améliorer leurs droits individuels et collectifs.  Se félicitant des progrès réalisés en Amérique, elle a toutefois souligné que les autochtones étaient encore menacés en raison notamment de l’exploitation économique qui avait exercé une pression énorme sur les biens dont sont dépendants les autochtones.  Trouver un équilibre entre culture autochtone et exigences de développement actuel n’est pas chose facile mais cela est nécessaire, a-t-elle insisté. 


La Directrice a affirmé que la participation des autochtones au développement ne devait pas être une forme d’assimilation et que leur potentiel devait recevoir toute l’attention voulue.  Par ailleurs, elle a souhaité que le concept de développement s’adapte à la vision des autochtones et a affirmé que le FNUAP s’attachait à cette démarche.  Elle a regretté le manque de données spécifiques aux peuples autochtones, notant que l’élaboration de politiques était ainsi souvent liée à de l’extrapolation.  Une bonne information est un outil essentiel pour les décideurs et une forme d’émancipation pour les autochtones qui leur permettra de s’engager dans le processus de construction national, a-t-elle précisé.


Illustrant le travail du FNUAP en faveur des peuples autochtones, elle a notamment indiqué que la pauvreté et le manque de services résultaient dans des taux de mortalité maternelle et infantile plus élevés chez les autochtones.  C’est une des questions dont s’occupe le FNUAP depuis longtemps, a-t-elle fait valoir.  Elle s’est dite convaincue qu’il fallait solliciter les autochtones pour qu’ils mettent fin à leur propre pauvreté et soient les architectes et agents des politiques de développement dans leur pays.  Enfin, elle a déclaré que le FNUAP était déterminé à s’employer à faciliter la prise de décisions autonome pour que les OMD deviennent réalité pour les peuples autochtones. 


M. MICHAEL DOBSON, Rapporteur de l’Instance permanente, a expliqué que s’agissant du dernier atelier du 11 janvier sur la mise en œuvre des OMD, de nombreuses discussions s’étaient tenues sur l’établissement de normes politiques et internationales en faveur de la bonne gouvernance des populations autochtones.  Au plan de la mise en œuvre des OMD, l’intervenant a prôné une participation accrue des autochtones aux décisions ayant trait notamment au droit.  Une place particulière a été accordée à l’Afrique, en particulier en ce qui concerne les questions liées à l’urbanisation et aux phénomènes migratoires.  Pour répondre aux problèmes posés, il a été recommandé de renforcer les structures et institutions autochtones en vue de favoriser et faciliter les conditions du développement durable.  Il faut faire en sorte que les populations autochtones soient armées pour s’adapter aux changements liés à la mondialisation sans être marginalisées.


Mme Tauli-Corpuz, Présidente de l’Instance, a indiqué que, concernant l’atelier sur les connaissances traditionnelles, il avait été reconnu que la perspective des peuples autochtones à tous les niveaux devait être intégrée aux différentes méthodologies guidant l’action des Nations Unies.  Il s’agit d’établir des approches complémentaires pour mieux comprendre les préoccupations réelles des autochtones, et ce, à partir de la connaissance approfondie des systèmes de savoir et de valeurs qui permettent la survie de ces communautés.  Cette préservation des identités reflète des visions du monde qui contribuent à la diversité culturelle et biologique de la planète.  C’est pourquoi il est de notre devoir d’assurer le respect et la préservation des modes de vie propres aux populations autochtones.


M. WILTON LITTLECHILD (Canada), membre de l’Instance permanente, a fait observer que tous les documents présession et les rapports du Bureau sur les séminaires d’experts mentionnaient le consentement préalable des peuples autochtones.  Il a jugé ce concept essentiel et fondamental.  Il a souligné en outre l’importance de la bonne gouvernance et des partenariats, en estimant que pour redéfinir les OMD d’un point de vue autochtone il fallait inclure le concept du consentement.  


M. HASSAN ID BALKASSM (Maroc), a noté que la pauvreté était, au fond, une négation des droits de l’homme.  Dans ce cadre, a-t-il dit, il apparaît que le monopole de la richesse et des valeurs, et leur imposition forcée, sont à l’origine de la pauvreté qui frappe les populations autochtones depuis trop longtemps.  C’est pourquoi le partenariat pour le développement et la dignité doit être l’occasion d’un nouveau partage des richesses et des valeurs de chacun, sans volonté de domination avouée ou non.  Il est donc nécessaire de réviser l’ensemble des politiques qui ne reconnaissent pas, ou négligent, les identités et les droits des peuples autochtones.  Il s’agit d’un préalable au développement.  De ce préalable dépend la survie des peuples autochtones dans des conditions dignes et respectueuse de leur culture et de leurs droits.


Mme NINA PACARI VEGA (Équateur) a noté que les peuples autochtones avaient une approche plus holistique.  Dans la redéfinition des OMD, a-t-elle estimé, il faut disposer d’un principe général ayant trait à leurs activités tandis que les priorités du développement doivent reposer sur leurs besoins.  Elle a souligné par ailleurs la nécessité de disposer d’informations ventilées et d’indicateurs prenant en compte les aspects culturels des peuples autochtones et a regretté les lacunes qui existent encore en la matière.  La représentante a aussi souhaité que les projets touchant aux peuples autochtones disposent de financements adéquats. 


MmeIDA NICOLAISEN (Danemark) a estimé que de parler au nom de 300 millions de personnes supposait que l’on accorde tout le respect qu’ils méritent aux représentants de cette vaste population.  C’est en ce sens que les peuples autochtones, par la voix de leur porte-parole, doivent être considérés comme de véritables partenaires égaux du développement durable sous toutes ses formes.  Sans cela, nous continuerons à les cantonner à une situation d’échec.  Il est dans ce cadre encourageant de noter combien les agences des Nations Unies, au travers des différents documents publiés, font montre d’un véritable désir de travailler en commun avec les communautés locales.  L’intervenante a aussi mis l’accent sur le sort particulièrement cruel et complexe que subissent les peuples autochtones ayant été forcés d’émigrer et qui se retrouvent plongés malgré eux dans des environnements urbains particulièrement acculturant.


Mme LILIANE MUZANGI (Congo) a souligné que la redéfinition des OMD par rapport aux autochtones.  Elle a affirmé que plus la forêt reculait, plus la pauvreté prenait racine dans les communautés autochtones.  Elle a estimé qu’il fallait identifier et inclure les paramètres propres à ces peuples dans les OMD et tenir compte des sensibilités en rapport avec la jeunesse et la femme.  Dans quelques années, nous pourrons parler de l’aspect « ethno-développement » des populations autochtones en leur laissant gérer leur environnement propre qui est partie intégrante de leur vie, de leur culture et de leur développement, a-t-elle soutenu. 


Mme OTILIA LUX DE COTI (Guatemala) a insisté sur la nécessité de dégager une vision holistique des OMD tout en mettant l’accent sur l’importance de la parité entre les sexes dans la mise en œuvre des OMD.  Elle a affirmé que l’Instance devait évaluer et contrôler les progrès dans la mise en œuvre des OMD en insistant sur le cadre fondamental dans lequel les peuples autochtones doivent orienter leurs propositions. 


Mme MERIKE KOKAJEV (Estonie) a regretté le manque de progrès dans le processus des OMD et notamment en ce qui concerne la participation des populations autochtones.  Les OMD ne tiennent pas compte des besoins des autochtones.  Pourtant, le respect des droits des autochtones est un principe de bonne gouvernance et également un préalable au développement et à la réalisation des OMD, a-t-elle dit.  Elle a fait valoir que les peuples autochtones ne constituaient pas un groupe homogène et qu’il était nécessaire d’avoir différentes perspectives pour différents groupes.  Ajoutant que les peuples autochtones devaient décider de leur propre développement, elle a demandé à ce que les agences de l’ONU et les États renforcent les capacités de leur personnel afin qu’il connaisse les droits des autochtones et adopte une approche fondée sur la différence culturelle. 


M. PAVEL SULYANDZIGA (Fédération de Russie) a insisté sur la nécessité de redéfinir les OMD afin de parvenir rapidement à des résultats concrets.  À ses yeux, l’Instance doit assumer ses obligations en la matière.  Elle doit, par exemple, exercer son influence sur les institutions des Nations Unies afin que celles-ci participent plus activement au changement d’une réalité difficile qu’elles se contentent de décrire par des documents de suivi.  Nous manquons de véritables mécanismes pour changer et corriger les choses, a jugé M. Sulyandziga.  C’est pourquoi, a-t-il ajouté, des institutions spécialisées telles que le PNUD et l’OMS doivent désormais s’attacher à proposer de nouvelles stratégies d’action.  L’Instance doit également travailler de façon plus étroite avec les gouvernements, les États devant faire preuve de davantage de volontarisme en associant les peuples autochtones dans l’élaboration d’accords bilatéraux. 


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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