KOSOVO : DES PROGRÈS MALGRÉ LE BLOCAGE SUR LE STATUT, SELON LE REPRÉSENTANT SPÉCIAL DEVANT LE CONSEIL DE SECURITÉ
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Conseil de sécurité
5588e séance – après-midi
KOSOVO: DES PROGRÈS MALGRÉ LE BLOCAGE SUR LE STATUT, SELON LE REPRÉSENTANT SPÉCIAL DEVANT LE CONSEIL DE SECURITÉ
La Serbie et la Fédération de Russie contestent le tableau optimiste brossé par la MINUK
Le Kosovo continue de progresser dans la mise en œuvre de réformes basées sur les normes démocratiques universelles, des avancées qui ne doivent pas être occultées par le blocage des négociations sur la détermination du futur statut de cette province serbe à majorité albanaise, a déclaré aujourd’hui devant le Conseil de sécurité M. Joachim Rücker, Représentant spécial du Secrétaire général, et chef de la Mission d’administration intérimaire au Kosovo (MINUK). L’optimisme relatif de M. Rücker a toutefois été contesté par certains intervenants dont la représentante de la Serbie et Présidente du Centre de coordination de la Serbie pour le Kosovo et Metohija, ainsi que par celui de la Fédération de Russie, qui ont mis en garde contre la tentation de brûler les étapes.
Alors qu’à l’occasion de ce débat, le Conseil de sécurité était saisi d’un nouveau rapport du Secrétaire général sur le Kosovo, le Représentant spécial de ce dernier a assuré que le Gouvernement de Pristina avait poursuivi son action de réforme en mettant en place les institutions de transition. Il a regretté que le Gouvernement de Belgrade fasse pression sur les Serbes du Kosovo pour qu’ils boycottent cette action, ce qui, selon lui, sape le travail de la MINUK. Lors du débat, la majorité des membres du Conseil sont allés dans le même sens pour regretter cette politique de la chaise vide.
Invitée à s’exprimer devant le Conseil, la Présidente du Centre de coordination de la République de Serbie, Sanda Raskovic-Ivic, a répondu que la non-participation des Serbes dénotait simplement une absence totale de confiance, due à l’insécurité des déplacements dans la province. La participation des Serbes doit en outre être pertinente et ils ne doivent pas simplement servir de moyen pour légitimer par leur présence des décisions prises en dehors d’eux, a-t-elle dit. Elle a aussi mis en cause le rôle de la MINUK accusée d’œuvrer à l’établissement d’un État albanais et a estimé que la voie réaliste était celle du compromis, proposant une reprise des Pourparlers de Vienne entre Serbes et Kosovars albanais.
M. Rücker avait mis en garde auparavant contre la tentation de ne pas trancher.
L’Envoyé spécial Martti Ahtisaari, qui devait remettre ses recommandations d’ici à la fin de l’année, les a reportées au début de l’année prochaine après les élections en Serbie. Un nouveau report pourrait susciter des tensions et favoriser les extrémistes des deux côtés, ont estimé plusieurs orateurs.
Dans son rapport, le Secrétaire général Kofi Annan relève que les deux parties demeurent attachées à des vues diamétralement opposées, le maintien d’un Kosovo autonome au sein de la Serbie pour les Serbes, l’indépendance pure et simple pour les Kosovars albanais. Plusieurs intervenants ont appelé les parties en présence à ne pas prendre de mesure unilatérale.
Lors du débat, le représentant des États-Unis a reconnu que les spéculations d’un nouveau report concernant le statut nourrissaient l’incertitude et pouvaient constituer une source d’instabilité. Il a souhaité que l’élan actuel soit maintenu et demandé à M. Ahtisaari de présenter ses propositions dès que possible après les élections en Serbie.
Tous les intervenants ont été d’accord pour affirmer que la réalité multiethnique du Kosovo devait être confortée dans le futur statut. Prenant le contrepied de cette quasi-unanimité, la délégation russe a souligné que l’écart se creusait entre les intentions et la réalité sur le terrain et qu’il importait d’accorder de l’importance non pas aux actes symboliques mais à la réalité concrète, le risque aujourd’hui étant d’aboutir à une société monoethnique au Kosovo. La Fédération de Russie considère que la pause sur le statut, en attendant les élections serbes, est une décision très sage.
RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LA MISSION D’ADMINISTRATION INTÉRIMAIRE DES NATIONS UNIES AU KOSOVO (S/2006/906)
Le processus de définition du statut futur du Kosovo a continué de progresser mais, de manière générale, les vues des parties albanaise et serbe demeurent très éloignées sur la plupart des questions: tel est le constat effectué par le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, dans un rapport consacré aux faits survenus dans la province serbe entre le 15 août et le 31 octobre 2006.
Au cours de cette période, la situation politique a été caractérisée par une concentration des efforts sur le processus de définition du statut futur, qui continue à être l’élément dominant dans la vie politique du Kosovo, note le Secrétaire général. Mais, les « attentes considérables » des Albanais du Kosovo, associées aux spéculations récentes selon lesquelles le processus pourrait être retardé, ont suscité des incertitudes quant à son avenir et risquent d’être une source d’instabilité si l’élan acquis n’est pas soutenu. De part et d’autre, des groupes marginaux et des extrémistes sont prêts à exploiter toute désillusion croissante, avertit M. Annan qui constate que l’incertitude et la désillusion règnent également chez les Serbes et d’autres groupes de population minoritaires.
Kofi Annan ajoute que les membres de l’Équipe de négociation du Kosovo ont fait l’objet de pressions accrues, qu’un grand nombre d’entre eux pensent que le processus de négociation est dans l’impasse et qu’il n’y a plus de place pour le compromis.
Sur le terrain, si des incidents touchant des Serbes continuent de se produire, le nombre total de crimes susceptibles d’avoir été motivés par des considérations ethniques a considérablement diminué au cours de l’année. Sur le plan politique, il n’y a toujours pratiquement aucune participation de Serbes aux institutions politiques kosovares au niveau central et, la participation de la communauté serbe au sein des Institutions provisoires et leur interaction avec ces Institutions restent extrêmement limitées. Quant à la situation dans le Nord où des heurts violents ont eu lieu dans le passé, en particulier dans la ville divisée de Mitrovica, la situation s’y est « stabilisée pour le moment, du moins en surface », note le rapport.
Au plan des Institutions, les progrès enregistrés cette année en ce qui concerne l’application des normes d’un État démocratique ont été encourageants. Ce programme continue à renforcer les Institutions du Kosovo, souligne le rapport qui déplore que son impact sur les communautés serbes de la province reste limité. Concernant le patrimoine, le nombre d’actes criminels visant des églises orthodoxes est en diminution et la reconstruction des édifices endommagés ou détruits lors des émeutes de mars 2004 a progressé.
En ce qui concerne le nombre des retours de membres de minorités, celui-ci reste stable mais insatisfaisant (1 173 personnes de janvier à septembre). Une situation économique médiocre explique en partie cet état de fait. En revanche, la coopération régionale a été marquée par un renforcement de la coopération économique et des échanges avec les pays voisins. Deux accords bilatéraux de libre-échange ont été ainsi signés avec la Croatie et la Bosnie-Herzégovine.
Dans ses conclusions, le Secrétaire général se dit toujours déçu de constater que le processus de détermination du futur statut du Kosovo a progressé de façon inégale et que les deux parties demeurent attachées à leurs vues diamétralement opposées. Il se dit déçu en particulier, de voir que les dirigeants serbes du Kosovo continuent de se tenir en dehors du processus politique: « Leur attitude ne rend pas service à leur communauté ». Il exhorte les deux parties à s’abstenir de toutes actions et déclarations unilatérales.
S’adressant à la communauté internationale, M. Annan estime important de conserver l’impulsion donnée au processus politique: « L’appui soutenu du Conseil et d’États Membres clefs est indispensable, et je leur demande instamment de garder le Kosovo sur leur liste de priorités alors que nous allons de l’avant ». Il souligne que de leur côté « les dirigeants et le peuple du Kosovo doivent garder à l’esprit le fait qu’un règlement politique ne sera pas une panacée permettant de régler tous les problèmes futurs ». Enfin, le Secrétaire général « engage vivement les dirigeants de toutes les communautés à ne pas céder à la tentation de paroles et d’actions qui sèment la division, mais à saisir plutôt l’occasion de promouvoir la réconciliation et le dialogue. Cela demande plus de courage et plus de force, et c’est aux dirigeants de la population majoritaire qu’incombe la responsabilité la plus lourde à cet égard. »
Déclarations
M. JOACHIM RÜCKER, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’administration intérimaire au Kosovo (MINUK), a constaté que la question du statut continuait de dominer l’ordre du jour de toutes les parties concernées. Après plus de sept ans d’administration internationale et de renforcement des capacités locales, alors que l’on considère que le statu quo ne peut durer, la question du calendrier capte toute l’attention, a-t-il noté. Tout l’accent étant mis sur le processus du statut, on a parfois l’impression que la question des normes a été négligée alors qu’elle demeure, bien au contraire, au centre de notre action, a-t-il assuré. Le Gouvernement de Pristina a poursuivi son action pour la réforme et la mise en place d’institutions de transition respectant les critères européens. L’assemblée a promulgué des textes importants, y compris une loi établissant l’égalité des langues serbe et albanaise.
Après avoir évoqué deux projets de reconstruction dans des localités où ont été notamment accomplis d’autres projets, le Représentant spécial a noté que le retour des habitants n’était néanmoins pas garanti. Les appels incessants de la part de Belgrade pour que les Serbes du Kosovo boycottent les institutions locales sapent le travail de la MINUK, a souligné M. Rücker. Une des plaintes les plus souvent citées est le manque de sécurité. Or, les statistiques de la police montrent une baisse importante des incidents. L’amélioration de la situation en matière de sécurité mérite, selon lui, d’être soulignée en dépit de quelques incidents sérieux. La police a effectué, selon lui, un effort concerté pour améliorer la sécurité des minorités. Cela étant, nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers, a reconnu le Représentant spécial pour le Kosovo.
Concernant l’approvisionnement en électricité, M. Rücker a constaté que l’infrastructure héritée de l’ancien régime était en piteux état alors que de nombreux clients n’ont pas encore pris l’habitude de devoir payer leurs factures, dont la quasi-totalité de la population serbe. Il est important, a-t-il noté, que la compagnie d’électricité, la KEK, puisse importer de l’électricité par le réseau serbe si nécessaire. Le Groupe de contact a indiqué que, lorsque le processus du statut sera entrepris, la transition représentera une tâche très lourde qu’il sera impossible d’arrêter. Des retards sur cette question pourraient, selon lui, susciter des tensions et favoriser les extrémistes des deux côtés. Or tout le monde, la Serbie en premier lieu, a intérêt à ce que la question du statut soit tranchée. Les autorités locales, a-t-il rappelé, devront reprendre à leur compte toutes les institutions dont la MINUK est actuellement en charge. Cela représentera de nombreuses tâches, très lourdes, et la communauté internationale devra aider cette période de transition. Tout retard ne facilitera pas les choses, a mis en garde M. Rücker; bien au contraire, cela ne fera que les rendre plus difficiles.
Mme SANDA RASKOVIC-IVIC, Présidente du Centre de coordination de la Serbie pour le Kosovo et le Metohiya, a déclaré que la Serbie était pleinement disposée à assumer sa part de responsabilité dans le règlement de la question du Kosovo. Il est indiscutable que c’est seulement dans le cadre d’un cycle responsable de négociations que nous pourrons parvenir à une solution viable sur le long terme, a-t-elle ajouté, la confiance et le dialogue étant des conditions sine qua non pour la coexistence.
Cependant, la représentante a tenu à informer le Conseil de sécurité de la cruelle réalité au Kosovo qui témoigne, selon elle, du manque de liberté et de sécurité qui règne dans la province. Ainsi, entre le 15 août et le 1er décembre derniers, 75 attaques à caractère ethnique ont été perpétrées, faisant un total de 23 Serbes blessés. Les extrémistes ont également pris pour cible des membres d’autres communautés. Au cours de la même période, 17 relais d’un opérateur de téléphonie portable serbe ont été mis hors service, isolant encore davantage la communauté. Évoquant ensuite le retour des personnes déplacées, elle a rappelé que depuis 1999, pas moins de 250 000 personnes ne pouvaient toujours pas rentrer au Kosovo, a-t-elle estimé. En ce qui concerne les biens culturels et religieux serbes, Mme Raskovic-Ivic a fait état de pillages et de déprédations commis quotidiennement, qui visent manifestement à empêcher la sauvegarde du patrimoine serbe. Le Gouvernement serbe et le Groupe de contact ont insisté sur cet aspect, faisant des négociations sur les biens culturels et religieux une priorité, a-t-elle assuré. Les Institutions provisoires autonomes du Kosovo ont également essayé d’effacer toute trace de la culture serbe dans le Kosovo en faisant croire que cette province n’a toujours appartenu qu’aux Albanais, a déclaré la représentante.
Le rôle de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) soulève également des préoccupations selon la Présidente, dans la mesure où elle œuvrerait à l’établissement d’un État albanais. Elle a rappelé que la recherche d’une solution au statut final du Kosovo devait s’accompagner de la poursuite de l’application des normes. Reprochant à Martti Ahtisaari d’avoir dit qu’un compromis était « stupide », elle a souligné que c’est précisément le compromis qui a été identifié comme une option viable pour le Groupe de contact. Fustigeant par ailleurs la criminalité organisée, Mme Raskovic-Ivic a affirmé que la mafia albanaise se développait et se livrait à des attentats terroristes, comme le 8 décembre dernier, où elle aurait fait exploser une voie ferroviaire. Elle a fait remarquer que les seuls passagers du train qui passait à ce moment-là étaient des Serbes.
La Présidente a prévenu que toute décision précipitée coûterait beaucoup à la région et à la communauté internationale. Elle a souligné que la seule solution viable était un compromis passé en accord avec les parties serbes et albanaises. Quant à la communauté internationale, elle devra démontrer son soutien à une région stable en introduisant la primauté du droit et en créant les conditions de sécurité nécessaires à une vie normale. Si l’on renonce aux solutions extrêmes, il y aura un espace possible pour la négociation. Aussi, la Présidente a-t-elle proposé de reprendre immédiatement les pourparlers de Vienne pour une plus grande autonomie.
M. JEAN-MARC DE LA SABLIÈRE (France) a relevé tout d’abord que le rapport sur le Kosovo enregistrait un certain nombre de progrès, en particulier concernant la protection des minorités. Cette évolution positive doit être amplifiée, a souligné le représentant de la France. En dépit de la baisse du nombre de crimes à caractère ethnique, ceux-ci demeurent inacceptables, a-t-il rappelé. Il a regretté que les représentants des Serbes du Kosovo demeurent en dehors des institutions de la province, et ce, au détriment des intérêts de leur communauté.
La France prend note du fait que les recommandations sur le statut ont été repoussées au lendemain des élections en Serbie. Le Conseil devra alors se prononcer et il est important pour la France que ce processus ne prenne pas un nouveau retard, a conclu M. de La Sablière.
Mme MARTINEZ GRAMUGLIA (Argentine) s’est félicitée des progrès importants relevés dans le rapport du Secrétaire général dans l’application des normes, qui contribuent au renforcement des institutions du Kosovo alors que se poursuit le processus de détermination du statut final de la province. Malheureusement, il est regrettable que la communauté serbe du Kosovo n’en perçoive pas les bénéfices, principalement en raison de la résistance dont fait preuve Belgrade. Aussi, la délégation a-t-elle enjoint les Serbes du Kosovo à coopérer avec les institutions provisoires et à prendre part au processus politique. L’Argentine a ensuite estimé qu’il était impossible de garantir un avenir prospère au Kosovo sans garantir le respect de sa diversité. Nous appelons les dirigeants des deux parties à saisir cette occasion historique pour permettre un règlement de la question, et la communauté internationale à continuer d’appuyer la recherche d’une solution durable.
M. ALEJANDRO WOLFF (États-Unis) a déclaré que son pays était encouragé par les progrès actuels. Avec le soutien de la MINUK, le Kosovo doit poursuivre les efforts entrepris, a-t-il dit. Après avoir évoqué un attentat commis contre une voie ferrée, il a appelé les parties au respect du processus en cours. Six ans et demi se sont écoulés depuis l’intervention de la communauté internationale, a-t-il rappelé. Les spéculations de report concernant le statut nourrissent l’incertitude et peuvent constituer une source d’instabilité, a-t-il mis en garde. Les États-Unis souhaitent que l’élan actuel soit maintenu et demandent à M. Martti Ahtisaari de présenter ses propositions dès que possible après les élections en Serbie. L’aspect multiethnique du Kosovo doit être conforté dans le futur statut, a conclu le représentant des États-Unis.
M. TAKAHIRO SHINYO (Japon) a relevé que la mise en œuvre des normes définies pour le Kosovo était le défi politique qui occupait le plus les dirigeants de la province. À cet égard, il s’est félicité des progrès accomplis dans les 13 domaines prioritaires. Il a ensuite regretté qu’aucun progrès n’ait été constaté quant à la participation des Serbes du Kosovo, trois municipalités du Nord continuant de boycotter les Institutions provisoires. Le représentant a, par ailleurs, rappelé qu’une société stable ne serait pas possible sans une relance économique. Le PISG doit donc traiter, en priorité, le chômage des jeunes et des réfugiés de retour dans la province. En outre, la crainte des Serbes du Kosovo à l’égard des communautés majoritaires nécessite un renforcement de la confiance au sein du peuple. Ces problèmes conjugués continuent d’ailleurs de faire obstacle au retour des réfugiés. Le représentant du Japon a, avant de conclure, exhorté les parties à agir avec la plus grande prudence afin de faire en sorte que le statut final soit garant de paix et de sécurité dans la région.
M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a estimé que si quelques progrès avaient été accomplis, on était encore loin d’une normalisation de la province. Selon le représentant russe, l’écart se creuse entre les documents existants et la réalité sur le terrain. Il importe d’accorder de l’importance non pas aux actes symboliques mais à la réalité concrète, a-t-il souligné, le risque aujourd’hui étant d’aboutir à une société monoethnique au Kosovo. La lutte contre la criminalité organisée doit recevoir la priorité. Les actes de violence contre les Serbes du Kosovo se poursuivent même si des progrès ont été accomplis en matière de sécurité, a noté le représentant russe.
Les Institutions provisoires et la présence internationale sont responsables du contrôle de la situation. La rue ne doit pas dicter la situation, a-t-il dit en évoquant les derniers troubles. Il incombe aux autorités kosovares albanaises de faire l’effort nécessaire pour l’application des normes qui garantissent un Kosovo multiethnique. Certes, les Serbes doivent faire une partie du chemin, a-t-il reconnu, en participant notamment aux Institutions provinciales. Mais ceci dénote un manque de confiance, a-t-il remarqué.
La Fédération de Russie considère que la pause sur le statut, en attendant les élections serbes, est une décision sage. Plus de souplesse est nécessaire de la part des parties, selon la Russie. On ne peut accepter ce chantage de la communauté internationale sur le statut, a-t-il souligné. Il faut, a-t-il estimé, accorder la priorité aux pourparlers, renoncer aux échéances rigides. Il n’y a pas d’autre solution qu’un compromis, aussi difficile à atteindre soit-il. Nous souscrivons à l’appel lancé par le Secrétaire général de s’abstenir de toute démarche unilatérale. La décision qui sera prise aura un caractère universel, a souligné le représentant russe.
M. NANA EFFAH-APENTENG (Ghana) a déclaré que la possibilité d’un règlement négocié de la question opposant les deux parties devait se faire sur la base du droit international. Seule la prise en compte des attentes de toutes les minorités sera de nature à garantir la réussite du processus de détermination du statut final du Kosovo, a-t-il ajouté. Pour le représentant, le refus constant des autorités serbes de participer aux activités politiques constitue un défi important, en dépit des gestes d’ouvertures multipliés par Pristina. Nous leurs demandons de ne pas les écarter et de s’impliquer dans le fonctionnement des Institutions provisoires autonomes du Kosovo. En même temps, l’hostilité des jeunes Albanais est particulièrement choquante et n’est pas de bon augure pour l’avenir, a souligné le Ghana, qui a demandé que des efforts soient faits pour introduire des valeurs de tolérance et d’unité.
M. ADAMANTIOS VASSILAKIS (Grèce) s’est félicité des progrès accomplis et estimé que la mise en œuvre des 13 priorités constituaient le pivot pour parvenir à un Kosovo démocratique et multiethnique. Aucun progrès n’a été fait concernant la décentralisation au-delà des trois projets pilotes, selon le représentant de la Grèce. Il a noté la diminution des attaques contre les sites religieux, ce qui est inacceptable selon lui dans une société moderne. La Grèce, a assuré son représentant, appuie fermement toutes les initiatives améliorant la vie quotidienne. Concernant le nombre limité de retours de membres des minorités, la situation économique n’est pas seule en cause, selon lui, et la perception de la situation en matière de sécurité, ainsi que la liberté de mouvement, jouent un rôle important à cet égard. S’agissant du statut futur, le représentant de la Grèce s’est félicité du fait que la communauté internationale ait perçu la nécessité d’une certaine souplesse.
M. TUVAKO MANONGI (République-Unie de Tanzanie) s’est félicité des progrès qui avaient été constatés dans l’application des normes au Kosovo dans les 13 domaines prioritaires identifiés par le Groupe de contact. Nous regrettons cependant que la question du statut n’ait pas encore trouvé de solution, a déclaré le représentant, qui a salué l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour ses efforts inlassables en vue d’organiser de nouveaux pourparlers entre Pristina et Belgrade. Le représentant s’est ensuite déclaré préoccupé par les divergences de vues entre les eux parties et par le risque qu’elles pourraient représenter pour la stabilité régionale. Il a donc invité les Serbes du Kosovo à participer aux travaux des Institutions autonomes provisoires et les dirigeants kosovars à leur tendre la main, ainsi qu’aux autres minorités.
M. PETER BURIAN (Slovaquie) a demandé aux parties de faire preuve de retenue en montrant leur maturité. Il a demandé aux autorités locales de garantir la sécurité de tous les citoyens. La réconciliation est impossible autrement, a-t-il souligné. La présence internationale ne doit pas être sapée par des initiatives inacceptables qui seraient tolérées sur le terrain par les autorités locales, a-t-il noté. M. Burian a estimé très important que les efforts en cours soient maintenus, en particulier les 13 priorités.
Le caractère multiethnique signifie des actes et pas seulement des paroles selon lesquelles chacun a un avenir au Kosovo, a souligné M. Burian. Les Serbes du Kosovo doivent avoir le sentiment qu’ils sont les bienvenus et que leur avenir est garanti. Les Serbes doivent cependant exercer pleinement leurs droits par leur participation aux Institutions, a estimé le représentant slovaque. La priorité impérative est de trouver un règlement équilibré par la voie du compromis, a-t-il dit. Quelle que soit l’issue du processus du statut, Serbes et Kosovars albanais devront vivre côte à côte, a-t-il conclu.
M. BASILE IKOUEBE (République du Congo) a déclaré qu’il importait de ne pas différer davantage le processus de détermination du statut du Kosovo, au risque de voir une recrudescence des actes de violence perpétrés par des groupes armés. Le Conseil de sécurité doit, pour sa part, condamner toute action unilatérale ou menace susceptible de remettre en cause le processus politique conduit par M. Ahtisaari. Déplorant le refus des Serbes du Kosovo de prendre part au fonctionnement des Institutions provisoires du Kosovo, le représentant a rappelé que Serbes et Albanais devront trouver des solutions communes à des problèmes communs. Il s’est cependant félicité des avancées positives constatées dans les domaines essentiels pour la réconciliation des communautés et l’instauration d’une société multiethnique, concernant notamment les 13 priorités définies par la MINUK et le Groupe de contact.
M. OROZCO (Pérou) s’est félicité de l’application des normes dans les 13 domaines définis, ce qui est, selon lui, de bon augure. Dans le domaine économique, il s’est félicité des progrès effectués dans la fourniture d’électricité. Tout arrangement ne sera viable qu’à partir d’une stabilité à long terme des aspects socioéconomiques. L’incertitude concernant le statut contribue à l’instabilité, a-t-il noté. Sa délégation est préoccupée par les violences ethniques et par le boycottage des Institutions par les Serbes. La définition du statut futur, a estimé le représentant, doit être inclusive. Toutes les parties en présence doivent être impliquées si l’on veut préserver le caractère multiethnique du Kosovo, selon la délégation péruvienne qui juge que la stabilité de toute la région en dépend.
M. LIU ZHENMIN (Chine) a déclaré que c’est seulement si l’on maintient l’élan actuel dans l’application des normes, que l’on pourra constater de réels progrès au Kosovo. Il a ensuite regretté la divergence de vues entre les deux parties et s’est déclaré préoccupé par les informations faisant état de violences interethniques. Selon lui, pour contribuer à un règlement de la question du statut final, il est également nécessaire d’écouter les vues des pays voisins. Le Conseil de sécurité et la communauté internationale, a-t-il estimé, devraient être impartiaux dans leurs efforts pour parvenir à une solution mutuellement acceptable.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a estimé que les auteurs d’actes de violence devaient être traduits en justice, tout en incitant à la prudence. Toutes les parties doivent s’abstenir de toute violence. Ces violences, si elles devaient se renouveler, auraient des conséquences pour l’intégration en Europe du Kosovo, a-t-elle noté. Mme Pierce s’est dit déçue, qu’une fois encore, le Conseil doit demander aux responsables serbes de participer aux Institutions. Cela n’aide pas la communauté serbe, a-elle souligné, regrettant que Belgrade continue de défier le Conseil. Il est également regrettable que la main tendue à la Serbie par l’OTAN ou des pays comme le Royaume-Uni soit si peu fructueuse, a-t-elle souligné, malgré de nécessaires relations de bon voisinage. Nous ne sommes pas responsables de l’isolement que la Serbie s’impose elle-même, selon la représentante du Royaume-Uni.
Concernant les auteurs présumés de crimes de guerre contre l’humanité, la représentante a renouvelé la demande de livrer Radovan Karadzic et Ratko Mladic. Ce qui importe c’est que le Conseil soutienne Martti Ahtisaari, a-t-elle souligné. Nous nous attendons à ce que Belgrade cesse sa campagne de dénigrement à son endroit, a-t-elle dit. Il est de plus en plus clair, pour le Royaume-Uni, que Belgrade ne veut pas participer à ce règlement alors qu’une solution négociée est l’issue la plus souhaitable. Une présence internationale pour protéger les minorités est et demeure incontournable, selon elle, si l’on veut qu’un Kosovo démocratique se développe dans le cadre euroatlantique.
M. LARS FAABORG-ANDERSEN (Danemark) s’est félicité des efforts déployés pour appliquer les normes dans les 13 domaines prioritaires identifiés par le Groupe de contact. Cependant, il a souligné qu’il existait des domaines dans lesquels il restait beaucoup à faire, que ce soit dans le rétablissement de l’état de droit ou la liberté de mouvement. Saluant les mesures prises par les Institutions provisoires du Kosovo pour améliorer le sort des minorités, le représentant a reconnu qu’ils ne pouvaient pas toujours se traduire par des résultats immédiats. Encourageant à poursuivre les efforts pour intégrer les minorités du Kosovo, il s’est cependant dit préoccupé par le refus des Serbes du nord du Kosovo de participer au fonctionnement des Institutions provisoires. La non-coopération, l’isolement et les positions trop rigides ne permettront pas de parvenir à une solution durable, a prévenu le représentant du Danemark. Le Danemark, a-t-il indiqué, envisage la situation au Kosovo dans une perspective régionale, afin de pouvoir avancer en direction d’une intégration future des pays des Balkans dans les structures euro-atlantiques.
M. NASSIR ABDULAZIZ AL-NASSER (Qatar) a souligné que la crise au Kosovo durait depuis trop longtemps et que le moment était venu de résoudre cette crise. Il est encourageant, a-t-il estimé, de voir les efforts significatifs déployés jusqu’à présent. Ceux-ci commencent à porter leurs fruits, même si le territoire a besoin d’appuis solides de la part de la communauté internationale.
Concernant le statut futur du Kosovo, le Qatar est encouragé de voir que le dialogue se poursuivait tout en notant toutefois que les points de vue demeuraient fort éloignés. La reconnaissance d’une société multiethnique est le but et toutes les parties doivent participer au dialogue, a-t-il souligné. Malgré des étapes prometteuses, concernant en particulier les 13 priorités, il est maintenant temps de conclure, a-t-il dit. M. Al-Nasser a noté que les retours au Kosovo étaient beaucoup trop limités. La raison la plus importante de l’hésitation des réfugiés à rentrer résulte, selon le Qatar, de l’incertitude concernant le statut futur du Kosovo.
S’exprimant au nom de l’Union européenne, Mme KIRSTI LINTONEN (Finlande) a regretté que Belgrade et Pristina continuent d’exprimer des vues diamétralement opposées. Engageant les parties à s’impliquer activement dans le processus sur la détermination du statut, elle a prévenu qu’aucune partie ne devait faire dérailler le processus par des actions unilatérales ou des actes de violence, comme ceux qui ont été observés ces derniers temps. L’Union européenne s’est ensuite félicitée de l’intention de M. Martti Ahtisaari de présenter ses recommandations sur le statut final après la tenue des élections parlementaires serbes prévues le 21 janvier. La représentante a ensuite estimé qu’il faudrait accélérer l’application des normes dans la perspective, à terme, d’une intégration européenne. Rappelant que la protection de toutes les communautés vivant au Kosovo était d’une importance cruciale, il a déclaré que le règlement du statut à venir devrait prendre en compte cette exigence et être propice à la prospérité économique et sociale. Dans ce contexte, le maintien de la perspective européenne pour la Serbie reste d’une grande importance. Encourageons les Serbes du Kosovo à prendre part aux travaux des Institutions du Kosovo. Un engagement durable de la communauté des donateurs, comme une présence internationale, seront cependant nécessaires au lendemain de la détermination du statut.
M. VIKTOR KRYZHANIVSKYI (Ukraine) a noté que malgré des progrès certains, des efforts devraient encore être accomplis par les autorités locales pour que le Kosovo demeure multiethnique, démocratique, respectant les minorités en assurant la protection de leurs droits religieux et culturels. Une attention doit être portée pour résoudre les problèmes de la décentralisation et la protection des minorités. Les responsables serbes du Kosovo doivent être des partenaires et, Belgrade doit les encourager en ce sens, a-t-il noté en se disant préoccupé des crimes qui continuent à être commis.
L’Ukraine est favorable à des compromis mutuellement acceptables. Elle croit à la nécessité de parvenir à un règlement final par la création de conditions adéquates permettant le retour de la population non albanaise et en garantissant les droits de tous les groupes ethniques et humains. Elle met en garde contre toute initiative hâtive ou unilatérale susceptible de déstabiliser la situation. Elle est convaincue que les négociations actuelles doivent se poursuivre, en se basant sur les normes du droit international.
L’Ukraine est particulièrement préoccupée lorsque sont faites des déclarations sur la soi-disant « nature particulière » ou « le précédent » du règlement de la question du Kosovo. De tels scénarios pourraient constituer une menace, certains pays pouvant user de leur influence, dans l’avenir, pour faire avancer des scénarios similaires dans d’autres régions avec des « conflits gelés », surtout dans l’espace postsoviétique, au voisinage de l’Ukraine, a-t-il dit. L’Ukraine estime que l’importance du problème posé par le Kosovo, ainsi que l’instabilité dans la région, requiert certainement la poursuite de la présence de la communauté internationale. Elle pense qu’une des possibilités est un mandat international sur ce territoire comme mesure transitoire.
M. ADRIAN NERITANI (Albanie) a déclaré que son pays ne ménageait aucun effort pour réussir l’intégration d’un Kosovo multiethnique. Nous sommes heureux de l’évaluation selon laquelle des progrès importants ont été accomplis dans l’application des normes au Kosovo, a-t-il ajouté. Il a cependant déclaré qu’un retard supplémentaire pourrait nuire au règlement de la question du statut final de la province. L’Albanie partage en outre l’avis selon lequel les dirigeants serbes doivent participer aux travaux des Institutions provisoires du Kosovo. Il est temps que les Albanais et les Serbes du Kosovo renoncent à leurs divergences et optent pour la réconciliation, a-t-il ajouté. Selon lui, le succès ou l’échec du processus de détermination du statut du Kosovo dépendra en grande partie de l’approche constructive démontrée par les deux parties.
Reprenant la parole, la Présidente du Centre de coordination de la Serbie pour le Kosovo et le Metohiyaa souligné que le fait de promouvoir l’urgence de la situation n’était pas une bonne solution. Il est en effet établi que la situation qui prévalait avant 1991 ne se reproduira plus jamais, a-t-elle assuré. Concernant la participation des Serbes, celle-ci relève de l’absence de confiance, en particulier concernant la sécurité des déplacements dans la province. Mais ce n’est pas seulement une question de sécurité et de confiance, a reconnu Mme Raskovic-Ivic. La participation des Serbes doit être pertinente et ils ne doivent pas simplement servir de faire-valoir, a-t-elle dit. Les électeurs serbes ne doivent pas être mis systématiquement en minorité. Le Kosovo est-il un cas spécifique, sui generis, comme certains le disent? C’est un précédent et non pas un cas sui generis, a-t-elle conclu.
Reprenant la parole, M. Rücker a déclaré que c’était le mandat du Conseil de sécurité de faciliter la période de transition et que le processus était favorable. Revenant sur l’évocation des violences au Kosovo par un grand nombre de délégations, il a contesté les chiffres présentés par Mme Raskovic-Ivic, il a déclaré qu’ils ne correspondaient pas à la réalité des faits et que les agressions n’étaient pas aussi systématiques que cela paraissait. Mais toute agression est une agression de trop et le Représentant spécial a déclaré que les coupables seraient jugés. En outre, la MINUK n’essaie pas créer au Kosovo un État albanais, mais multiethnique. Certes, des progrès restent à faire, mais ils dépendent en partie du statut. Comment par exemple une économie comme celle du Kosovo pourrait-elle se développer en l’absence de statut? Par ailleurs, ce n’est qu’en participant aux travaux des Institutions provisoires que la situation des Serbes du Kosovo s’améliorera. En ce qui concerne les coupures d’électricité, peut-être auront-elles le mérite de faire comprendre aux Serbes qu’il faut payer ses factures. Quant à l’opérateur de téléphonie dont les transmetteurs ont été mis hors service, il a indiqué que ce dernier n’avait pas de licence pour émettre sur le territoire du Kosovo.
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