CONSEIL DE SÉCURITÉ: BELGRADE DOIT INCITER LES SERBES À PARTICIPER À LA VIE ET AU CHOIX DU STATUT FUTUR DU KOSOVO, RECOMMANDE LE CHEF DE LA MINUK
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Conseil de sécurité
5470e séance – matin
CONSEIL DE SÉCURITÉ: BELGRADE DOIT INCITER LES SERBES À PARTICIPER À LA VIE ET AU CHOIX DU STATUT FUTUR DU KOSOVO, RECOMMANDE LE CHEF DE LA MINUK
Des délégations estiment que les normes pour le Kosovo n’ont pas été convenablement appliquées, ce qui lèse gravement les droits des communautés ethniques minoritaires
« Le Kosovo présente aujourd’hui le visage d’une société en progrès », a dit ce matin Soren Jessen-Petersen, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), en présentant au Conseil de sécurité le dernier rapport du Secrétaire général sur cette question.
Malgré les efforts déployés et les progrès accomplis, on constate que de nombreux Serbes continuent à se faire beaucoup de soucis en ce qui concerne le statut final du Kosovo, a indiqué M. Jessen-Petersen, en regrettant que les normes décidées pour le Kosovo n’aient pas été totalement appliquées et que ces défaillances nourrissent sans doute les arguments de ceux qui appellent les Serbes du Kosovo à ne pas s’impliquer pleinement dans le processus politique de gouvernance du territoire et de négociation de son statut futur. « Il est regrettable que chaque fois qu’un crime est commis contre un Serbe, on ait tendance à automatiquement le qualifier de crime ethnique », a déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général, en reprochant à Belgrade de prôner auprès de la minorité serbe une politique isolationniste au Kosovo. Belgrade devrait plutôt encourager les Serbes à participer à la gouvernance du Kosovo et à s’impliquer dans le choix de son futur statut, a recommandé M. Jessen-Petersen.
Répondant à ce point, la Présidente du Centre de coordination de la Serbie pour le Kosovo et le Metohiya a accusé la MINUK et les autorités du Kosovo de fermer les yeux sur les « actes de violences à motifs ethniques menés chaque semaine contre les minorités non albanaises ». Aucun des 192 crimes ethniques commis pour la plupart contre des Serbes depuis le 25 octobre 2005 n’a été puni, et la réconciliation dont parle le rapport soumis au Conseil de sécurité n’est qu’une vue de l’esprit, a accusé Mme Sanda Raskovic-Ivic. Tout en jugeant qu’il était important que les Serbes participent à la vie politique et au fonctionnement des institutions intérimaires du Kosovo, elle a estimé qu’à l’heure actuelle cette participation n’avait aucun sens et ne serait qu’une illusion de façade. Estimant qu’aucun progrès notable n’avait été accompli dans l’application des normes, la représentante a relevé le faible taux des retours de réfugiés dans leurs lieux d’origine, et a indiqué qu’à cause de « l’extrémisme » de ses positions, la partie albanaise n’offrait en retour rien aux positions « souples » des Serbes sur le futur statut du Kosovo.
Face aux reproches faits à Belgrade dans le rapport, la délégation de la Fédération de Russie a exprimé sa surprise en émettant de fortes réserves sur le document qui « ne reflète pas la réalité des faits que l’on peut observer sur le terrain ». Évoquant la précarité et la peur dans lesquelles vivent les populations serbes du Kosovo, le représentant de la Fédération de Russie a rejeté les accusations portées contre Belgrade et a appelé le Conseil à faire pression sur la majorité albanaise du Kosovo « pour qu’elle donne la place qui leur revient aux minorités ». La Fédération de Russie s’opposera à toute tentative visant à imposer unilatéralement un statut final au Kosovo, a-t-il dit, rejoint en cela par la délégation de la Chine qui a demandé au Conseil et aux parties prenantes de respecter la notion d’intégrité territoriale des États et les normes du droit international dans le règlement de la question du Kosovo.
Dans leurs interventions, les délégations des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni ont appelé Belgrade à encourager la participation des Serbes du Kosovo au processus politique en cours. La place du Kosovo et celle de la Serbie en Europe dépendent de la bonne conduite du processus actuel, a rappelé le représentant de l’Autriche qui, au nom de l’Union européenne, a demandé à Belgrade et à Pristina de faciliter un statut final du Kosovo qui renforce la stabilité dans les Balkans au lieu de la menacer. Toutes les délégations ont regretté la démission de Soren Jessen-Petersen de ses fonctions, et elles ont émis l’espoir que son successeur travaille avec le même esprit d’engagement.
Outre ceux déjà cités, les représentants des pays suivants ont aussi pris la parole: République-Unie de Tanzanie, Qatar, Grèce, Slovaquie, Pérou, Congo, Japon, Ghana, Argentine, Danemark et Albanie.
LA SITUATION AU KOSOVO
Présentation du rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK)
M. SØREN JESSEN-PETERSEN, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo, présentant les travaux accomplis par la MINUK, a déclaré que le Kosovo présente aujourd’hui le visage d’une société en progrès. La mise en œuvre des normes politiques recommandées par le Conseil a connu un certain ralentissement au deuxième semestre 2005, a relevé M. Jessen-Petersen. Le processus revient cependant en ce moment sur les rails, a dit le Représentant spécial, en se félicitant que le travail des autorités kosovares devienne plus dynamique. Le rythme de la mise en œuvre des politiques a été caractérisé par une plus grande ouverture vers les communautés minoritaires, et notamment les Serbes. Malgré ces efforts, la situation de nombreux Serbes reste difficile, a relevé M. Jessen-Petersen, en évoquant les soucis que se font de nombreux Serbes en ce qui concerne leur futur statut. De ce fait, des messages regrettables sont adressés aux Serbes et leur demandent de ne pas entretenir d’interactions avec la majorité populaire de la province. Chaque fois qu’un crime est commis au Kosovo contre un Serbe, certaines personnes ont tendance à le classer comme une agression d’origine ethnique. Ceci est regrettable du fait qu’il vaudrait mieux pour les Serbes réellement participer à la vie du Kosovo. La politique isolationniste prônée par Belgrade est regrettable, a dit M. Jessen-Petersen. Il serait préférable que les autorités serbes de Belgrade encouragent les Serbes du Kosovo à se considérer pleinement partie prenante à la vie et à l’évolution politique et sociale du Kosovo, a recommandé le Représentant spécial.
Beaucoup de Serbes kosovars aimeraient prendre part à l’évolution politique de la province du Kosovo, a-t-il cependant indiqué. Ces Serbes aimeraient s’impliquer dans le processus gouvernemental et parlementaire, mais ils semblent attendre un feu vert de Belgrade. Ceci dure malheureusement depuis deux ans. Malgré ces obstacles, nous avons vu des évolutions positives, en particulier à travers la signature, le 6 juin dernier, du Protocole de retour, entre la MINUK, Belgrade, et Pristina. Ce Protocole devrait permettre aux déplacés de regagner leurs lieux d’origine à travers un processus négocié. On observe déjà un nombre substantiel de retours, a indiqué M. Jessen-Petersen, en ajoutant qu’en ce moment, il y a avait plus de volontaires au retour que de fonds et de ressources pouvant soutenir leur réinstallation. Le processus devant arrêter le Statut final du Kosovo est de la plus grande importance, a poursuivi le Représentant spécial du Secrétaire général. Il a à cet égard félicité l’esprit de coopération qui a caractérisé le déroulement des négociations au sein de « l’Équipe d’unité » et du Groupe politique. M. Jessen-Petersen a rendu un hommage particulier au leadership du Président Sejdiu, et à celui du Premier Ministre Ceku et du Président de l’Assemblée, M. Barisha. Il a aussi félicité le rôle qu’ont joué les leaders de l’opposition, dont notamment MM. Hashim Thaci et Veton Surroi.
Après avoir précisé que la MINUK n’était pas partie aux négociations sur le futur statut final, M. Jessen-Petersen a néanmoins ajouté que les activités de la Mission devraient être conformes aux négociations et soutenir le processus de statut qui a lieu à Vienne. Alors que ce processus s’accélère, le mandat de la MINUK est en train d’arriver à son terme, a-t-il ajouté. Des tensions pourraient voir le jour alors que le processus avance. Il est facile en ce moment au Kosovo de politiser les crimes les plus communs, ce qui est un danger grave pour le processus de négociation. La primauté du droit est impérative pour l’avenir du Kosovo, et nous sommes fiers que dans certaines zones, le service de police du Kosovo ait commencé à fermement s’implanter. Mais il reste beaucoup à faire en matière de justice. À cet égard, a dit le Représentant spécial, il faut se féliciter de la création à Pristina de l’Équipe de planification de l’Union européenne, qui travaille avec la MINUK pour s’assurer que le domaine de la justice reçoive toute l’attention dont il a besoin. L’avenir du Kosovo doit être bâti sur de solides fondations judiciaires et légales.
Déclarations
Mme SANDA RASKOVIC-IVIC, Présidente du Centre de coordination de la Serbie pour le Kosovo et le Metohiya, a fait part de la conviction de son Gouvernement que seul le respect des principes internationaux, tels que l’inviolabilité de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États démocratiques, permettra de maintenir et de promouvoir la paix et la stabilité dans l’ouest des Balkans. Elle a regretté que le rapport sur la situation du Représentant spécial pêche par un manque de clarté, parce que, a-t-elle estimé, il se fonde sur des attentes irréalistes plutôt que sur des faits. Le rapport, a-t-elle insisté, ne reflète pas la situation actuelle de la mise en œuvre des normes.
Chaque semaine, des actes de violence sont menés contre la population non albanaise, a accusé la Présidente du Centre. Aucun des crimes n’est puni et depuis le 25 octobre 2005, date à laquelle les négociations sur le statut futur ont été annoncées, 192 attaques à motif ethnique ont eu lieu. La réconciliation entre les Serbes et les Albanais est loin d’être une réalité, tout comme la création d’un Kosovo démocratique et multiethnique. Dans le domaine économique, le Kosovo ressemble à un pays sous-développé comme en témoignent la corruption, la criminalité organisée ou encore le chômage chez les jeunes.
La participation des Serbes aux travaux des institutions provisoires est un vrai problème, a reconnu la Présidente du Centre, en jugeant qu’il est important qu’ils participent à la vie politique. Mais, a-t-elle nuancé, il faut que cette participation ait un sens. Elle ne saurait se réduire à un décor et cela implique que les institutions soient réellement démocratiques et que toutes les parties y travaillent. La décentralisation des zones serbes, a argué l’intervenante, est un élément important et une condition essentielle pour assurer la survie et le retour des réfugiés. Il ne s’agit pas de diviser le Kosovo, mais d’apporter une réponse concrète et institutionnelle à la situation actuelle, où la survie de la minorité serbe est menacée. En cette Journée internationale des réfugiés, il faut rappeler, a dit la Présidente du Centre, que cela fait sept ans que les Serbes et les autres minorités attendent de rentrer chez eux.
Poursuivant, elle a estimé que le transfert des compétences en matière de police et de justice aux institutions provisoires, au moment même du lancement du processus politique sur le statut futur du Kosovo, ne peut qu’influencer le résultat des négociations, en appuyant une demande des Albanais. Aucun progrès n’a été fait sur l’application des normes. Le fait qu’aucun progrès substantiel n’ait été enregistré en six cycles de négociations sur le statut futur est particulièrement inquiétant. Malheureusement, la position souple des Serbes n’a jamais été égalée par l’équipe albanaise, qui défend une position très arrêtée qui cache mal une envie d’exacerber les tensions.
Ces tensions, a accusé la Présidente du Centre, sont également renforcées par certains représentants de la communauté internationale, dont la Mission de l’ONU, qui estime que l’indépendance est la seule solution possible. Le compromis existe pourtant, a indiqué l’intervenante. Entre le statut d’avant 1990 et l’indépendance, une solution de compromis existe, a-t-elle insisté, en soulignant que son pays est catégoriquement opposé à toute modification de ses frontières et estime inacceptable toute position visant à faire d’une partie le gagnant. Le Gouvernement serbe, a-t-elle rappelé, a lancé deux initiatives. Il a ainsi proposé des négociations directes sur le statut futur qui commencerait par un segment de haut niveau. Il a aussi présenté des propositions concrètes sur le statut futur, qui sont un compromis entre deux positions extrêmes.
M. AUGUSTINE MAHIGA (République-Unie de Tanzanie) a regretté l’absence des Serbes du Kosovo aux pourparlers sur le statut final de la province et à sa vie politique et parlementaire. La Tanzanie estime que la participation de tous les groupes ethniques, et notamment des minorités, est indispensable à la recherche de solutions équitables aux problèmes du Kosovo. La Tanzanie soutient les efforts déployés pour faciliter le retour des déplacés au Kosovo et elle félicite à cet égard la MINUK et les institutions de l’ONU qui travaillent sur le terrain et viennent en aide aux réfugiés. La Tanzanie salue les efforts de la MINUK, et soutient sa restructuration, afin de la rendre plus apte à apporter un soutien efficace aux efforts visant le retour à la paix et à la normale au Kosovo et dans la région de Balkans.
M. JAMAL NASSER AL-BADER (Qatar) a estimé que l’amélioration de la situation au Kosovo dépend de la participation effective de tous les Kosovars, Albanais et Serbes. Le Kosovo ne peut être stable et prospère sans une reconnaissance de l’importance de la multiethnicité. En conséquence, la participation des minorités dans tous les rouages de l’État et de la société est essentielle. Belgrade devrait faciliter leur travail dans les institutions, ce qui rassurerait les habitants du Kosovo. Quelles sont les mesures prises pour faciliter le retour des réfugiés et des personnes déplacées? Quel soutien financier faudra-t-il prévoir? a encore demandé le représentant, avant de saluer le rôle joué par la Mission de l’ONU sur le terrain.
M. WANG GUANGYA (Chine) a déclaré que sa délégation regrettait que M. Jessen-Petersen ait décidé de quitter ses fonctions de Chef de la MINUK. La région des Balkans se trouve à un tournant historique, et la Chine espère que la situation se stabilisera au Kosovo et dans toute la région. De nombreux défis restent à relever dans les domaines économiques et sociaux, et sur la question des réfugiés et des déplacés. La Chine souhaite que le statut futur du Kosovo y permette une vie harmonieuse entre toutes les composantes de la population, a dit le représentant. La Chine se félicite de la poursuite du dialogue sur le statut futur du Kosovo et elle espère que l’on aboutira à une décision viable et acceptée par toutes les parties. La Chine a toujours respecté l’intégrité territoriale des pays de la région des Balkans. Elle espère que dans le cas du Kosovo, toutes les règles du droit international seront respectées, et que le Conseil aura à cœur de se montrer juste et impartial.
M. ADAMANTIOS VASSILAKIS (Grèce) s’est félicité de ce que les institutions provisoires aient pris note des critiques faites quant aux progrès dans l’application des normes. Ces progrès sont désormais tangibles, s’est-il félicité, en rappelant le lien entre les normes et les progrès dans le processus politique sur l’avenir du Kosovo. Il reste à adopter d’autres mesures législatives et dans d’autres domaines. Cela ne saurait être vu comme des détails à traiter plus tard, a-t-il prévenu. À ce point, ce qui est nécessaire c’est l’effort à faire pour donner un sens et un réel impact aux réformes et traduire en action les décisions prises à Pristina. Les progrès dans la création d’un système démocratique opérationnel ne peuvent être salués que si toute la société en bénéficie. Il est important, a-t-il insisté, que les Serbes du Kosovo s’engagent dans le processus de transition. La création d’un Kosovo multiethnique n’est pas possible tant que la sécurité laisse à désirer, a reconnu le représentant, en prenant acte des actes de violence contre les minorités. On ne peut considérer la situation sur le terrain indépendamment de ce qui se passe à Vienne. Il est positif que la position des deux parties ait été présentée clairement. Les progrès sur les normes et la volonté politique donneront l’élan nécessaire au rapprochement des positions.
M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a déclaré que sa délégation prenait note du rapport du Secrétaire général tout en faisant remarquer que certaines réalités que l’on observe sur le terrain au Kosovo n’y sont pas décrites de manière juste. Il est clair que les normes ne sont pas appliquées au Kosovo et que les minorités sont les plus grandes perdantes dans la situation actuelle. Il est impératif que toutes les populations du Kosovo, sans discrimination ethnique, vivent dans la dignité et la sécurité. Les Serbes vivent dans la précarité, et la question de la protection de leurs biens culturels et religieux est loin d’être réglée, a estimé le représentant. La plupart des maisons serbes détruites il y a deux ans par la majorité albanaise n’ont pas été reconstruites. Les Serbes continuent de subir les assauts des Albanais. Des attaques à l’arme à feu se poursuivent quasiment toutes les semaines, et les crimes flagrants commis contre la minorité serbe ne font pas l’objet d’enquête et de poursuites judiciaires. La communauté internationale ne doit pas céder aux extrémistes qui prétendent que si leurs vues ne sont pas acceptées par le reste des parties, ils mettront la province à feu et à sang. La Fédération de Russie regrette l’isolement et l’enfermement dans lesquels vivent les Serbes au Kosovo. Des déclarations politiques ne suffiront pas pour faire justice aux Serbes. Il faut passer aux actes et les aider matériellement. Nous devons mettre fin à l’impunité qui règne au Kosovo. Il est indispensable de redonner confiance aux communautés non albanaises pour qu’elles se sentent aussi chez elles au Kosovo. Il faut convaincre les Serbes et les autres minorités que leur participation à la gouvernance de la province ne sera pas purement symbolique. La Fédération de Russie est surprise que l’on accuse Belgrade d’être derrière la faible participation des Serbes du Kosovo à la voie politique et sociale de la province. Nous savons bien où sont les vraies responsabilités, a dit le représentant, en insistant sur le fait que les normes n’ont pas été appliquées. Il revient à la majorité albanaise de donner la place qui leur revient aux minorités. La Fédération de Russie est contre toute imposition d’un statut futur de la province. Les forces extérieures ne doivent pas venir imposer aux minorités du Kosovo des mesures qui ne respectent pas leurs vues. La communauté internationale doit prendre en compte la plateforme de négociation proposée par Belgrade, a dit le représentant russe. Aucune décision unilatérale ne doit être imposée au Kosovo et le Conseil ne doit pas légitimer un processus qui ne sera pas accepté par toutes les parties.
M. DUŠAN MATULAY (Slovaquie) a estimé, à son tour, que le rapport de la Mission ne reflète pas tout à fait la situation réelle. Disant attendre plus détails, il a voulu des précisions sur les points relatifs à la démocratisation et au respect de l’état de droit; à la viabilité économique et politique; à la coexistence multiethnique, et enfin, à l’impact du statut futur sur la stabilité de la région. Il a aussi jugé important d’évaluer le contexte actuel de l’application des normes et des négociations et de voir si elles augurent de progrès futurs. Il a, par ailleurs, estimé la participation des Serbes du Kosovo dans la vie politique est essentielle. Il a appelé Belgrade à les encourager à influencer un processus qui sera décisif pour leur avenir. Il s’est opposé au taux de 16,6% de participation minoritaire, en jugeant qu’il ne sert pas les intérêts de ces populations et ne saura, en aucun cas, être un facteur de mobilisation. Les minorités n’ont pas confiance dans le Gouvernement, a-t-il insisté. Il a conclu en appelant à la prudence et en soulignant que le statut futur est un problème sensible qui inévitablement aura des conséquences sur les autres pays de la région. Beaucoup d’autres options doivent être étudiées, a-t-il dit en appelant les représentants de la communauté internationale à faire attention et à ne pas laisser l’impression aux parties que les résultats des négociations ont été décidés à l’avance.
M. OSWALDO DE RIVERO (Pérou) a estimé que des progrès avaient été accomplis dans le processus de définition du statut futur du Kosovo. Le Pérou appuie ce processus visant une solution négociée à la question du Kosovo. Les progrès à accomplir dans le processus politique dépendent de l’application des normes, a ensuite estimé le représentant. Un Kosovo stable devra s’appuyer sur des normes qui accordent des droits à toutes les composantes de sa population, de manière à ce que la région atteigne les standards qui prévalent dans les pays de l’Union européenne. Un Kosovo multiethnique a besoin de réconciliation, et d’un cadre de gouvernance qui reconnaisse la diversité des composantes de la population et respecte leurs particularités, a rappelé le représentant. Le Kosovo a également besoin d’une économie viable pour assurer la durabilité de son cadre sociopolitique multiethnique. Or, nous sommes encore loin de voir au Kosovo les bases de la construction d’une telle économie, a dit le représentant.
M. JEAN-MARC DE LA SABLIÈRE (France) a souligné l’impulsion nouvelle donnée par les autorités du Kosovo dans l’application des normes. Des progrès ont été réalisés, s’est-il réjoui, en s’attardant en particulier sur le dialogue engagé avec les minorités. Les autorités doivent continuer à avancer dans cette voie, en prenant des mesures sur les 13 priorités concernant la protection des minorités et l’état de droit. Ces progrès seront un critère fondamental lorsque viendra le moment de déterminer le statut du Kosovo. Rien ne sera possible sans une réconciliation des communautés, a-t-il rappelé, en pointant du doigt les actes de violence contre les minorités. La réconciliation implique aussi que les Serbes acceptent de participer aux institutions provisoires. Le représentant a dit partager les préoccupations quant aux pressions exercées sur les Serbes pour les en dissuader. L’évolution de la situation est liée au processus de Vienne, a-t-il conclu, avant de saluer le cours du dialogue direct grâce à la participation active des deux parties. Des propositions constructives ont été faites en matière de décentralisation et il est possible de trouver un terrain d’entente. La communauté internationale, a encore dit le représentant, devra rester présente au Kosovo, autant pour veiller à la mise en œuvre du futur statut que pour garantir la stabilité de l’ensemble de la région. L’Union européenne aura un rôle à jouer, en particulier dans le domaine de la justice et de la police et la France est prête à prendre sa part.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a déclaré que sa délégation attendait la nomination du successeur de M. Jessen-Petersen. Des progrès ont été accomplis dans l’application des normes, et dans l’encouragement aux minorités pour les inviter à participer au processus politique en cours au Kosovo, comme le dit le rapport du Secrétaire général. L’avenir du Kosovo est celui d’une démocratie fonctionnant avec une économie viable, comme l’a dit la délégation du Pérou, a rappelé la représentante. Elle s’est ensuite étonnée que les Serbes du Kosovo soient encouragés par certaines parties à ne pas s’impliquer dans le processus en cours au Kosovo. Belgrade aurait tout intérêt à inciter les Serbes à être pleinement partie prenante aux négociations sur l’avenir du Kosovo. La place de la Serbie au sein de la communauté internationale et de l’Europe gagnerait à être soutenue par un engagement positif de Belgrade dans le processus engagé par la communauté internationale au Kosovo, a dit la représentante. Le statut futur du Kosovo doit renforcer la stabilité régionale dans les Balkans et non pas l’affaiblir, et le Royaume-Uni exhorte Belgrade à travailler en ce sens.
M. WILLIAM BRENCICK (États-Unis) a félicité les autorités du Kosovo pour leur appel à la réconciliation ethnique. Mais il faut faire plus pour rétablir la confiance parmi les minorités, au moment où les discussions sur le statut futur sont menées. Le représentant a salué la diminution des crimes motivés par des considérations ethniques. La situation doit s’améliorer et Belgrade doit cesser de faire obstruction à la participation à la vie politique des Serbes du Kosovo, qui doivent avoir le pouvoir de défendre leurs intérêts efficacement. Appuyant les efforts faits dans le cadre du processus de Vienne, il a appelé les deux parties à se montrer constructives sur des domaines tels que la décentralisation et le droit des minorités. Les deux parties doivent se montrer réalistes. Le Kosovo doit rester multiethnique et le règlement acceptable pour toute la population du Kosovo. Tout doit être fait pour parvenir à des résultats en 2006, car les retards ne pourront que servir l’instabilité, a conclu le représentant.
M. PASCAL GAYAMA (Congo) a fait part de sa préoccupation face aux déclarations et aux initiatives unilatérales qui menacent à ses yeux de déstabiliser la situation sur le terrain, évoquant notamment les récentes manifestations contre le Mission des Nations Unies au Kosovo. Sous l’impulsion de la MINUK, de nombreuses initiatives ont été lancées pour permettre aux membres de la communauté serbe et aux autres minorités de vivre chez eux en paix et en sécurité, a-t-il rappelé, se félicitant que les changements politiques récents n’aient pas altéré la coopération avec les autorités provisoires du Kosovo.
Ces évolutions positives restent cependant très limitées, a poursuivi le représentant, beaucoup reste à faire en matière d’approfondissement de la démocratie, de construction de l’État de droit et de respect des droits des minorités. La réalisation des critères d’évaluation doit être un préalable indispensable pour l’évolution future du Kosovo, a-t-il rappelé, estimant que trop peu de résultats ont été obtenus jusqu’ici, en particulier dans le dialogue avec Belgrade et la participation des Serbes au processus politique et aux Institutions provisoires. Seules la réconciliation et la confiance entre les différentes communautés sont de nature à réaliser l’édification d’un Kosovo moderne multiethnique et démocratique, a-t-il conclu.
M. KENZO OSHIMA (Japon) a déclaré que l’application des normes devait être suivie avec attention par le Conseil de sécurité. Le Japon a dépêché une mission d’experts au Kosovo en mars dernier. Son Vice-Ministre des affaires étrangères s’y est également rendu pour faire le point sur l’application des normes, une question à laquelle le Japon est particulièrement attaché. Le plan d’application des normes a été élaboré en tenant compte des besoins et des vues des communautés minoritaires, a dit M. Oshima. On constate qu’il y a eu peu d’avancées dans la participation de certaines minorités à la vie politique et sociale du Kosovo, a-t-il poursuivi. Personne ne devrait inciter les minorités à ne pas s’impliquer pleinement dans un processus dont dépendent leurs vies et leur avenir, a souligné M. Oshima. Le Japon exprime sa reconnaissance à M. Petersen, au moment où il s’apprête à quitter ses fonctions et espère que son successeur travaillera dans le même esprit.
M. LESLIE K. CHRISTIAN (Ghana) s’est dit encouragé de voir que les autorités de Belgrade et de Pristina ont engagé des négociations sur la structure du pouvoir, l’héritage culturel et religieux, et l’économie. Il s’est dit convaincu que la voie de la paix durable passe par une politique de respect des droits de tous les groupes ethniques. L’importance des normes ne pourra jamais être trop soulignée, a-t-il dit, en se félicitant des mesures prises par les autorités du Kosovo pour les appliquer. Il a appelé les minorités à tirer parti des garanties fournies par les normes, en vue de jouer un rôle significatif dans la vie politique et de se ménager une place de choix dans le futur Kosovo. Il faudra du temps pour panser les plaies de la guerre, mais il faut empêcher les groupes ethniques de refuser une destinée qu’ils doivent partager avec d’autres. Ce n’est que par la participation que chaque groupe pourra surmonter ses peurs et faire entendre ses aspirations. Le représentant a félicité les autorités de Pristina pour avoir tendu la main aux minorités. Il a appelé Belgrade à se laisser guider par les seuls intérêts de la paix et de la stabilité dans les Balkans.
M. CÉSAR MAYORAL (Argentine) a estimé qu’il y avait deux processus parallèles actuellement au Kosovo. Malgré des différences persistantes, des discussions directes entre les parties ont montré l’existence de points de convergence, a-t-il ajouté, rappelant qu’il était de la responsabilité des parties engagées d’arriver à un accord. Il a salué les progrès faits au Kosovo dans l’application de normes pour parvenir aux objectifs fixés par la communauté internationale, exhortant le Gouvernement du Kosovo à travailler vigoureusement dans les secteurs clefs mis en avant dans le rapport, en particulier l’inclusion des Serbes du Kosovo dans les Institutions provisoires et la promotion de la réconciliation entre les communautés.
Il n’y aura pas d’avenir prospère et pacifique pour le Kosovo sans le plein respect de la diversité des populations, a poursuivi le représentant, estimant nécessaire et possible d’arriver à une solution durable respectueuse du principe de l’intégrité territoriale. L’application des normes est également une exigence afin de concrétiser la perspective européenne du Kosovo, a-t-il affirmé, appelant les Institutions provisoires à persévérer pour poser les bases d’une société multiethnique et démocratique dans la province.
Mme ELLEN MARGRETHE LØJ (Danemark) a salué les efforts qui ont été faits par les dirigeants politiques du Kosovo dans l’application des normes depuis l’examen du dernier rapport sur les activités de la MINUK en février dernier. Les avancées concrètes faites dans le domaine des Institutions provisoires ne modifient pas automatiquement la situation sur le terrain, a-t-elle néanmoins rappelé estimant, à l’instar du Secrétaire général, que la réconciliation réelle dépendait de la population majoritaire. Tous les efforts doivent être faits pour créer la confiance entre les groupes présents au Kosovo, une confiance qui manque douloureusement, a-t-elle souligné.
Encourager la non-coopération n’est dans l’intérêt de personne, cela ne mène qu’à l’isolement et aux décisions imposées, a ajouté la représentante, faisant part de sa préoccupation face à l’arrêt de la coopération entre les représentants des Serbes du Kosovo et les Institutions provisoires. Nous espérons que Belgrade encouragera ces dirigeants à y participer de manière constructive, a-t-elle déclaré, rappelant l’attachement de son pays à un avenir plus pacifique et plus prospère que les peuples des Balkans méritent.
M. GERHARD PFANZELTER (Autriche) a déclaré, au nom de l’Union européenne, que cette dernière appuyait sans réserve les activités menées par M. Jessen-Petersen au Kosovo depuis deux ans. L’Union européenne soutient la création d’un Kosovo multiethnique et démocratique, où toutes les composantes ethniques peuvent vivre en paix, a dit le représentant. La place du Kosovo dans l’Europe dépendra des résultats obtenus dans les négociations pour son statut final, et de l’application juste des normes. L’Union européenne regrette le nombre trop faible de déplacés qui ont pu revenir sur leurs lieux d’habitation. L’application des normes ne doit cependant pas être utilisée pour justifier le manque de progrès dans les négociations sur le statut futur du Kosovo, a dit le représentant autrichien. L’Union européenne pense, comme le Secrétaire général, qu’il faut se féliciter des efforts accomplis par les dirigeants du Kosovo, visant à encourager une plus grande participation des minorités au processus politique. Mais il faut que les populations de la province évoluent elles-mêmes dans leur attitude. L’Union européenne appelle également Belgrade à encourager les Serbes à participer à la vie politique du Kosovo, au lieu de les inciter à s’en dégager, a relevé le représentant autrichien. L’Union européenne demande à Belgrade et à Pristina de faciliter les négociations vers un statut final du Kosovo qui permettrait de renforcer la stabilité des Balkans au lieu de la miner, a ensuite dit le représentant de l’Autriche. L’Union européenne a toujours apporté une aide humanitaire, financière, et de sécurité, au Kosovo, et elle continuera à le faire, a-t-il indiqué. Le Processus de Thessalonique reste le cadre de sécurité dans lequel l’Union européenne aimerait voir les pays des Balkans inscrire leur politique de sécurité, a rappelé le représentant, en ajoutant que l’Union européenne reste disposée à assumer ses responsabilités au Kosovo.
M. ADRIAN NERITANI (Albanie) a qualifié de réaliste et consistant le rapport du Secrétaire général. Il s’est félicité de l’amélioration de la situation politique et sécuritaire au Kosovo qui montre la maturité des dirigeants du territoire. Il est maintenant possible de voir des progrès dans un large éventail des normes, a-t-il estimé. Les obstacles créés par certains Serbes du Kosovo ne contribueront pas à établir une société multiethnique, a-t-il prévenu. La mise en œuvre systématique des normes doit rester le fondement d’un État démocratique, durable et intégré dans l’espace européenne. Pour édifier un Kosovo multiethnique et démocratique il est essentiel, a-t-il encore estimé, que toutes les communautés participent à la vie politique. Il a lancé un appel aux Albanais pour qu’ils fassent preuve de responsabilité et fassent de leur mieux pour respecter les droits de toutes les communautés. Les Albanais et les Serbes doivent laisser derrière eux leur passé et se tourner vers leur avenir commun. Le représentant s’est donc félicité des négociations directes entre Belgrade et Pristina. Le processus politique pour la détérioration du statut futur du Kosovo est un processus important dans lequel l’Albanie contribuera de jouer un rôle constructif et actif. La conclusion du processus, cette année, servira la stabilité du Kosovo. Les retards et les incertitudes ne sont dans l’intérêt de personne. Les résultats des négociations doivent se fonder sur le fait qu’aucun changement ne doit être opéré aux frontières du Kosovo et aucune association avec un pays ne doit être acceptée. La solution la plus réaliste, la plus pragmatique et la plus juste est l’indépendance avec une présence civile et militaire de la communauté internationale, a affirmé le représentant. Nous parlons d’une indépendance qui assurera le respect des droits de toutes les communautés. L’indépendance permettra de promouvoir et de garantir la stabilité socio-économique du Kosovo et de l’ensemble de la région, a encore affirmé le représentant.
Répondant aux observations des délégations, M. JESSEN-PETERSEN a dit qu’il tiendrait compte des suggestions faites par des délégations au cours de cette réunion. Le Premier Ministre du Kosovo, a-t-il indiqué, a pris note des 13 points soulevés par le Groupe de contact et veillera à ce qu’ils soient inclus lors de l’application des normes. Nous ne reconnaissons pas certains faits avancés par Mme Raskovic-Ivic, a dit M. Jessen-Petersen. Des progrès ont été accomplis sur la question des biens, contrairement à ce qu’elle a dit, a-t-il indiqué, en précisant que 98% des affaires relatives à des terres ou à des biens immobiliers qui avaient été portées à l’attention de la MINUK avaient été résolues. Nous avons besoin que Belgrade nous rétrocède les documents de cadastre du Kosovo, a indiqué M. Jessen-Petersen. Concernant les agressions contre des Serbes, que la délégation de la Serbie a qualifiées de crimes de nature ethnique, M. Jessen-Petersen a estimé qu’on ne pouvait pas classer tous ces crimes comme des crimes haineux à caractère ethnique. Beaucoup de ces crimes sont des actes délictuels ou criminels de droit commun, a-t-il indiqué. Belgrade devrait laisser les Serbes participer à la gouvernance du Kosovo, a-t-il dit, en s’élevant contre la déclaration de la délégation de la Serbie, dont la représentante a dit que la participation des Serbes à la vie publique au Kosovo n’avait en ce moment aucun sens. Quant aux préoccupations concernant les lignes d’autobus internes et aux incidents qui s’y seraient produits, il a dit que des forces de sécurité veilleraient à maintenir l’ordre dans les bus. M. Jessen-Petersen a regretté les jets de pierre contre des Serbes. Concernant les inquiétudes relatives à la sécurité à l’aéroport de Pristina, M. Jessen-Petersen les a rejetées, en indiquant que cet aéroport avait reçu le prix du meilleur aéroport de moins d’un million de passagers par an, décerné par les autorités aéronautiques européennes.
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