CONSEIL DE SÉCURITÉ: LE TRIBUNAL SPÉCIAL POUR LA SIERRA LEONE JUGERA CHARLES TAYLOR À LA HAYE DANS LES LOCAUX DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE (CPI)
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Conseil de sécurité
5467e séance – après-midi
CONSEIL DE SÉCURITÉ: LE TRIBUNAL SPÉCIAL POUR LA SIERRA LEONE JUGERA CHARLES TAYLOR À LA HAYE DANS LES LOCAUX DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE (CPI)
Le Conseil de sécurité a adopté ce matin la résolution 1688 (2006) dans laquelle il se félicite de ce que le Gouvernement des Pays-Bas soit disposé à accueillir, dans les locaux de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, pour la détention et le procès de l’ancien Président du Libéria, Charles Taylor. Conformément à l’article 10 de l’Accord signé le 16 janvier 2002, entre l’ONU et le Gouvernement sierra-léonais, le Président du Tribunal peut autoriser une chambre de première instance ou un juge à exercer ses fonctions hors du siège du Tribunal.
Dans le préambule de la résolution, le Conseil note qu’actuellement le procès de Charles Taylor ne peut avoir lieu à Freetown au siège du Tribunal spécial en raison des problèmes de sécurité qui se poseraient. Le Conseil note ainsi que la présence de l’ancien Président dans la sous-région serait un obstacle à la paix et à la stabilité au Libéria et en Sierra Leone, et dans la région. Les populations pourront suivre le procès, notamment par liaison vidéo, conformément à la demande que le Conseil formule au Tribunal spécial, dans le dispositif de la résolution.
Dans le préambule, le Conseil exprime sa gratitude à la Présidente du Libéria, Ellen Johnson-Sirleaf, pour la décision « courageuse » qu’elle a prise de demander le transfèrement de Charles Taylor. Il exprime la même gratitude au Président Olusegun Obasanjo du Nigéria pour avoir facilité ce transfèrement qui est intervenu le 29 mars dernier.
Commentant la résolution, Konstantin Dolgov de la Fédération de Russie a déclaré qu’il était de l’avis du Conseil que les audiences de l’affaire Charles Taylor se déroulent hors du siège habituel du Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Il a cependant expliqué que pour sa délégation, l’invocation du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies revêtait un caractère exceptionnel et ne devait pas créer un précédent.
L’ancien Président du Libéria, Charles Taylor, vivait en exil au Nigéria depuis 2003, après avoir signé, le 18 août 2004, l’Accord de paix global qui l’exclura du pouvoir. Onze chefs d’accusation pèsent sur lui pour des crimes contre l’humanité et autres violations du droit international humanitaire, notamment des allégations d’esclavage sexuel et de mutilation commis pendant la guerre qui a ensanglanté la Sierra Leone de 1991 à 2002.
La Présidente nouvellement élue du Libéria, Ellen Johnson-Sirleaf, a toujours craint que la présence de l’ancien dictateur dans la région soit de nature à menacer une paix fragile. Elle a donc demandé au Conseil de sécurité et aux autres pays concernés d’intervenir. Peu après l’arrestation de Charles Taylor, les Pays-Bas ont exprimé leur volonté d’accueillir le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, comme le mentionne l’échange de lettres en date du 29 mars dernier entre le Président du Tribunal spécial et le Ministre néerlandais des affaires étrangères. En outre, le Gouvernement britannique a déclaré hier que Charles Taylor pourrait purger sa peine de prison au Royaume-Uni s’il venait à être condamné*, une décision immédiatement saluée hier, en conférence de presse, par le Secrétaire général comme « une nouvelle étape importante dans notre bataille contre l’impunité pour les crimes les plus atroces ».
Texte du projet de resolution S/2006/405
Le Conseil de sécurité,
Rappelant ses résolutions antérieures et les déclarations de son Président concernant le Libéria, la Sierra Leone et l’Afrique de l’Ouest, en particulier ses résolutions 1470 (2003) du 28 mars 2003, 1508 (2003) du 19 septembre 2003, 1537 (2004) du 30 mars 2004 et 1638 (2005) du 11 novembre 2005,
Rappelant que le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (ci-après « le Tribunal spécial ») a été établi par Accord entre l’Organisation des Nations Unies et le Gouvernement sierra-léonais, le 16 janvier 2002 (ci-après « l’Accord »), conformément à sa résolution 1315 (2000) du 14 août 2000,
Rappelant l’article 10 de l’Accord, aux termes duquel le Tribunal spécial peut se réunir hors de son siège s’il l’estime nécessaire pour exercer efficacement ses fonctions, ainsi que l’article 4 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal spécial suivant lequel le Président du Tribunal spécial peut autoriser une chambre de première instance ou un juge à exercer ses fonctions hors du siège du Tribunal spécial,
Rappelant qu’il est résolu à mettre fin à l’impunité, à asseoir l’état de droit, à promouvoir le respect des droits de l’homme et à restaurer et maintenir la paix et la sécurité internationales, dans le respect du droit international et des buts et principes énoncés dans la Charte,
Exprimantsa gratitude à la Présidente du Libéria, Mme Johnson Sirleaf, pour la décision courageuse qu’elle a prise de demander le transfèrement de Charles Taylor, afin qu’il puisse être jugé par le Tribunal spécial,
Exprimant également sa gratitude au Président Obasanjo, du Nigéria, pour la décision qu’il a prise de faciliter le transfèrement de Charles Taylor, et rappelant le rôle joué par le Nigéria dans l’instauration et la promotion de la paix au Libéria et dans la sous-région, notamment la décision prise par le Président Obasanjo en 2003 de faciliter le départ de Charles Taylor du Libéria, laquelle a permis à l’Accord de paix global de prendre effet, et reconnaissant la contribution de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à cet égard,
Considérant que les poursuites engagées contre l’ancien Président Taylor devant le Tribunal spécial contribueront à la manifestation de la vérité et à la réconciliation au Libéria et dans la sous-région,
Déclarant qu’il demeure résolu à aider les Gouvernements libérien et sierra-léonais dans leurs efforts visant à bâtir une société plus stable, plus prospère et plus juste,
Exprimant de nouveau sa gratitude au Tribunal spécial pour l’œuvre essentielle qu’il mène et la contribution décisive qu’il apporte à l’avènement de l’état de droit en Sierra Leone et dans la sous-région,
Se félicitant du transfèrement de l’ancien Président Taylor au Tribunal spécial le 29 mars 2006, et notant qu’actuellement son procès ne peut avoir lieu dans la sous-région en raison des problèmes de sécurité qui se poseraient s’il se tenait à Freetown au Tribunal spécial,
Sachant que le procès de l’ancien Président Taylor ne peut se tenir dans les locaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda, lequel est tout occupé à l’exécution de sa stratégie de fin de mandat, et qu’aucun autre tribunal pénal international n’existe pour juger l’ancien Président Taylor en Afrique,
Prenant acte de l’échange de lettres entre le Président du Tribunal spécial et le Ministre des affaires étrangères du Royaume des Pays-Bas, en date du 29 mars 2006 (ci-après « l’échange de lettres du 29 mars 2006 »),
Prenant également acte du Mémorandum d’accord entre le Tribunal spécial et la Cour p pénale internationale en date respectivement du 13 avril 2006 (ci-après « le Mémorandum du 13 avril 2006 »),
Prenant acte en outre que l’ancien Président Taylor a été traduit devant le Tribunal spécial à son siège à Freetown et considérant que le maintien de la présence de l’ancien Président Taylor dans la sous-région serait un obstacle à la stabilité et une menace pour la paix au Libéria et en Sierra Leone, et la paix et la sécurité internationales dans la région,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Prend note de l’intention du Président du Tribunal spécial d’autoriser une chambre de première instance à exercer ses fonctions hors du siège du Tribunal spécial et de la requête adressée au Gouvernement néerlandais lui demandant d’accueillir le procès, appel inclus;
2. Se félicite de ce que, comme il ressort de l’échange de lettres du 29 mars 2006, le Gouvernement néerlandais soit disposé à accueillir le Tribunal spécial pour la détention et le procès de l’ancien Président Taylor, appel inclus;
3. Prenant acte de ce que, comme le Tribunal spécial l’a demandé et comme il ressort de l’échange de lettres du 13 avril 2006, la Cour pénale internationale est disposée à prêter ses locaux aux fins de la détention de l’ancien Président Taylor et de son procès devant le Tribunal spécial, appel inclus;
4. Demande à tous les États de coopérer à cette fin, en vue notamment d’assurer la comparution de l’ancien Président Taylor aux Pays-Bas aux fins de son procès devant le Tribunal spécial, et les encourage à faire en sorte que tous éléments de preuve ou témoins soient, à la demande du Tribunal spécial, mis promptement à la disposition de ce dernier à cette fin;
5. Prie le Secrétaire général de faciliter d’urgence la prise de toutes les dispositions juridiques et pratiques nécessaires, concernant notamment le transfèrement de l’ancien Président Taylor au Tribunal spécial aux Pays-Bas et la mise à disposition des installations requises pour la tenue du procès, en consultation avec le Tribunal spécial et le Gouvernement néerlandais;
6. Demande au Tribunal spécial, avec l’assistance du Secrétaire général et des États concernés, de faire en sorte que les populations de la sous-région puissent suivre le déroulement du procès, notamment par liaison vidéo;
7. Décideque le Tribunal spécial conservera sa compétence exclusive à l’égard de l’ancien Président Taylor durant son transfèrement et sa présence aux Pays-Bas relativement aux questions relevant du Statut du Tribunal spécial et que les Pays-Bas n’exerceront pas de juridiction à son égard, sauf le consentement exprès du Tribunal spécial;
8. Décideégalement que le Gouvernement néerlandais facilitera l’exécution de la décision du Tribunal spécial de conduire le procès de l’ancien Président Taylor aux Pays-Bas, notamment :
a) En autorisant la détention et le jugement aux Pays-Bas de l’ancien Président Taylor par le Tribunal spécial;
b) En facilitant, à la demande du Tribunal spécial, le transport de l’ancien Président Taylor à l’intérieur des Pays-Bas en dehors des zones placées sous l’autorité du Tribunal spécial;
c) En autorisant la comparution des témoins, experts et autres personnes dont la présence est requise par le Tribunal spécial dans les mêmes conditions et selon les mêmes procédures que celles applicables au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie;
9. Décide que les mesures imposées au paragraphe 4 a) de la résolution 1521 (2003) du 22 décembre 2003 ne s’appliqueront pas à l’ancien Président Taylor aux fins des voyages liés à son procès devant le Tribunal spécial ou à l’exécution du jugement et que l’interdiction de voyager sera levée pour tous témoins dont la présence sera requise au procès;
10. Rappelle que les dépenses occasionnées par le procès de l’ancien Président Taylor aux Pays-Bas seront imputées au Tribunal spécial en vertu de l’article 6 de l’Accord et qu’aucune dépense supplémentaire ne pourra être encourue par une autre partie sans son consentement préalable;
11. Rappelle la lettre du Secrétaire général en date du 5 avril 2006, demande de nouveau aux États de verser des contributions généreuses au Tribunal spécial et remercie les États qui l’ont fait dans le passé;
12. Décide de demeurer saisi de la question.
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*S/2006/406
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