CONSEIL DE SÉCURITÉ: MULTIPLICATION DES APPELS À LA RÉFORME DE LA GESTION DE L’ONU APRÈS L’AUDIT DES PROCÉDURES D’ACHAT DU DÉPARTEMENT DES OPÉRATIIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX
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CONSEIL DE SÉCURITÉ: MULTIPLICATION DES APPELS À LA RÉFORME DE LA GESTION DE L’ONU APRÈS L’AUDIT DES PROCÉDURES D’ACHAT DU DÉPARTEMENT DES OPÉRATIIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX
Alors que se prépare le déploiement au Darfour de la seizième opération de maintien de la paix de l’ONU, le Président du Conseil de sécurité pour le mois de février, l’Américain, John Bolton, a invité ses collègues à examiner les conclusions d’un audit auquel a procédé le Bureau des services de contrôle interne (BSCI), entre juillet et décembre 2005, sur les pratiques de gestion et de passation des marchés du Département des opérations de maintien de la paix (DPKO). Ces conclusions sont sans appel: l’inadéquation des mécanismes de contrôle conjuguée à l’absence de supervision et de directives a permis des surévaluations budgétaires, possiblement des malversations, des cas de fraude et de gaspillage.
La valeur annuelle des achats effectués par les Nations Unies devrait atteindre, cette année, plus de 2 milliards de dollars dont 85% seront allouées au seul DPKO et à ses 150 000 militaires déployés sur le terrain, sans compter le personnel civil, désormais deux fois plus nombreux que les fonctionnaires du Siège de l’ONU. Or, le BSCI relève des justifications insuffisantes pour le décaissement de 110 millions de dollars; le non-respect des règles financières concernant une somme de 60 millions de dollars; la perte de 46 et de 36 millions de dollars découlant respectivement d’un inventaire incorrect des pièces détachées et d’une mauvaise exécution du budget; et une surbudgétisation de 7 millions de dollars.
En exposant les conclusions de l’audit, le Chef de Cabinet du Secrétaire général, Mark Malloch Brown a rappelé que Kofi Annan avait mis en disponibilité huit fonctionnaires chargés des passations de marchés, qui continuent à recevoir leurs salaires, en attendant les conclusions définitives de l’enquête menée par l’équipe spéciale du BSCI.
Ces résultats préliminaires du BSCI ont été qualifiés de « préoccupants » par tous les intervenants qui ont dit attendre avec impatience le rapport sur la réforme de la gestion que le Secrétaire général doit présenter, la semaine prochaine, avant un rapport plus exhaustif. Les choses doivent se faire de manière transparente, ont prévenu les États membres du Groupe des 77 et de la Chine et ceux du Mouvement des pays non alignés, représentés par l’Afrique du Sud et la Malaisie. Ils ont vivement dénoncé les fuites orchestrées dans la presse et les déclarations faites par des hauts fonctionnaires de l’ONU avant que l’Assemblée générale ne soit saisie du rapport du BSCI alors que c’est elle qui avait demandé l’audit. Le Groupe des 77, la Chine et le Mouvement des pays non alignés ont nié au Conseil de sécurité le droit d’examiner les questions liées à la gestion de l’ONU qui, selon eux, relève exclusivement des prérogatives de l’Assemblée générale et de sa Commission administrative et budgétaire*.
Au-delà du respect des mandats respectifs, des délégations comme le Japon et les États-Unis se sont dites frappées par le non-respect du principe d’obligation redditionnelle qui caractérise trop souvent le Secrétariat de l’ONU. Il n’y a peut-être pas de culture de corruption mais certainement une coutume de l’inaction, a regretté le représentant des États-Unis, en rappelant qu’en sa qualité de principal contributeur au budget de l’ONU, son pays doit prendre en charge le quart des pertes financières enregistrées. Le représentant japonais, de son côté, a prévenu qu’à moins que des mesures immédiates et convaincantes ne soient prises, le Japon aura beaucoup de difficultés à maintenir le niveau de ses contributions des opérations de maintien de la paix.
L’essentiel est de travailler à la réforme de l’ONU, de son administration et de sa gestion, a souligné le Chef de Cabinet, dans son mot de clôture. Il a rappelé qu’à ce jour, la Division des achats accuse un taux de vacances de postes de 50% au Siège et de 30% sur le terrain. Son budget pour la formation du personnel stagne à 20 000 dollars par an. Mark Malloch Brown a plaidé pour l’amélioration des conditions de travail du personnel pour, a-t-il dit, disposer de ressources humaines motivées et soucieuses d’éviter ce type de problèmes. Une administration efficace coûte cher, a-t-il prévenu, en prévision des demandes que soumettra le Secrétaire général. Une administration efficace exige surtout, a souligné le représentant des États-Unis, un BSCI renforcé et indépendant.
Outre les 15 membres du Conseil et le Chef de Cabinet, les représentants de l’Afrique du Sud (au nom du Groupe des 77 et de la Chine), de Singapour, de l’Autriche, (au nom de l'Union européenne), de la Sierra Leone et de la Malaisie (au nom du Mouvement des pays non alignés) ont pris la parole.
*A/2006/675; S/2006/111
OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES
Déclarations
M. MARK MALLOCH BROWN, Chef de Cabinet du Secrétaire général, a d’abord souligné que les opérations de maintien de la paix sont devenues de plus en plus importantes, entraînant une augmentation exponentielle des passations de marchés. Dans ce contexte, le Secrétariat a salué la demande que l’Assemblée générale a adressée au Bureau des services de contrôle interne (BSCI) visant à faire réaliser une étude indépendante des achats et des passations de marchés dans le cadre d’un audit de gestion approfondi portant sur les pratiques du Département des opérations de maintien de la paix. Les principaux objectifs de cet audit mené entre juillet et décembre 2005 visaient à identifier les risques de double emploi, de fraude et d’abus d’autorité. L’audit a aussi examiné l’économie des zones dans lesquelles les missions sont déployées et a inclus le suivi de la mise en œuvre des recommandations précédentes. Plusieurs conclusions ont été tirées et dont les États ont été saisies mais les conclusions principales concernent trois domaines. Premièrement, l’ONU est exposée à des risques graves de pertes financières; deuxièmement, des pertes financières ont eu lieu; et troisièmement, des irrégularités potentielles ont été constatées.
En conséquence, huit membres du personnel de l’ONU ont été suspendus tout en continuant à toucher leur salaire, en attendant la fin de l’enquête. Cette mesure est d’ordre administratif et non disciplinaire. Les enquêtes se poursuivent et le BSCI a formé une équipe spéciale pour gérer ces questions le plus rapidement possible. La plupart de ces personnes ne font pas l’objet d’une enquête mais d’un examen administratif dans le but d’identifier les erreurs de gestion éventuelles. Ces personnes pourront bien sûr revenir au sein de l’Organisation, si rien ne leur est reproché. Outre les enquêtes du BSCI, une étude plus exhaustive sera réalisée par des experts externes sur demande du Département des opérations de maintien de la paix. Le Chef de Cabinet a espéré que ces enquêtes seront achevées rapidement. Il a promis que des actions seront prises contre tout membre du personnel des Nations Unies reconnu responsable, y compris une levée de l’immunité. En attendant, une société a déjà été rayée de la liste des fournisseurs de l’ONU. Après avoir dénoncé les fuites honteuses du projet de rapport de l’audit, les spéculations et les exagérations, le Chef de Cabinet a néanmoins refusé toute complaisance. Les personnes reconnues responsables seront inculpées dans le respect de leur droit à des garanties judiciaires.
La Chef de Cabinet a qualifié de « mythe » l’affirmation selon laquelle le BSCI aurait découvert des fraudes d’un montant de 300 millions de dollars. Le BSCI a conclu à l’insuffisance des justifications concernant des dépenses de 110 millions de dollars. Il a aussi fait observer que la passation de marchés concernant une somme de 61 millions n’a pas été conforme aux règles financières. La mauvaise gestion des pièces détachées a fait perdre à l’ONU une somme de 46 millions de dollars, a encore conclu le BSCI, en ajoutant que la mauvaise gestion de la performance des obligations a coûté à l’ONU une somme de 36 millions de dollars. De plus, des termes de paiement peu clairs ont entraîné une perte de 7 millions de dollars. Nous considérons les observations et conclusions du BSCI avec beaucoup de sérieux, a dit l’intervenant, même si nous ne sommes pas d’accord sur le fait que tous les problèmes aient entraîné des pertes pour l’Organisation. Mais il nous faut agir et réagir à l’audit et cette réaction doit être sérieuse. Il faut des mesures correctives et une stratégie de réforme pour s’attaquer aux risques découlant du cadre inapproprié aux exigences sur le terrain. Il y a également un risque concernant les ressources humaines: 50% des positions concernant les passations de marchés n’ont pas été pourvues. L’ONU n’a pas de formation adéquate, y compris en matière d’éthique.
Le Département de la gestion est en train de lancer une étude sur les règlements de passation des marchés. Il faut mettre en place un cadre de contrôle interne et de gestion des risques. Le Secrétaire général présentera ses propositions de réforme la semaine prochaine et un rapport exhaustif devrait paraître en juin 2006. Tout le processus souligne la nécessité de renforcer le BSCI.
M. JEAN-MARC DE LA SABLIÈRE (France) a tout d’abord estimé que la réunion que le Président du Conseil a tenu à organiser aujourd’hui est importante. Il ne faut pas selon lui, perdre de vue l’essentiel: l’ONU doit être fière de ce qu’elle fait en matière de maintien de la paix. Les conditions matérielles dans lesquelles les opérations de maintien de la paix se déroulent doivent faire l’objet d’un suivi très rigoureux et permanent, a poursuivi l’intervenant. Et le Conseil de sécurité est également fondé à se pencher sur ces questions. Il a noté que l’un des rapports commandés au BSCI par l’Assemblée, et qui porte sur les marchés du maintien de la paix, peut nourrir les inquiétudes estimant toutefois que des chiffres alarmistes ont été avancés, parfois un peu vite. À son avis, toute la lumière doit être faite sur d’éventuelles malversations, qui ne devraient pas rester sans suite, y compris sur le plan judiciaire, et tous les correctifs nécessaires doivent y être apportés. Faisant remarquer que les problèmes peuvent relever de difficultés de planifications et de programmation, d’erreurs de gestion, de malversations, il a souligné que l’affaire est délicate et les enjeux immenses. C’est pourquoi nous nous devons de traiter cette affaire avec tout le soin qu’elle mérite, en toute transparence, mais sans exploitation médiatique ni procès d’intention, a-t-il dit. Le processus d’audit, et les enquêtes spécifiques qui sont en cours, ne sont pas achevés. Toutes les conséquences devront en être tirées le moment venu. Nous connaissons tous, dans nos pays respectifs, la difficulté qu’il peut y avoir à assainir nos règles de gestion et à rendre nos politiques plus performantes. Les Nations Unies ne doivent pas échapper à la règle. Elles ne doivent pas non plus être traitées avec plus de sévérité.
M. WANG GUANGYA (Chine) a réaffirmé le soutien que son pays porte aux opérations de maintien de la paix, ajoutant que la Chine souhaitait que l'ONU prenne les mesures disciplinaires qui s'imposent, intensifie les contrôles et fasse tout ce qui est son pouvoir pour éviter que de tels cas ne se répètent. Le BSCI a achevé son rapport d'évaluation global et des enquêtes sont encore en cours. Nous attendons avec intérêt le rapport contenant de recommandations sur les mesures à prendre. Le représentant a toutefois insisté sur le fait que la question de la gestion des fonds dans les opérations de maintien relève de la compétence de l'Assemblée nationale.
M. ANDREY DENISOV (Fédération de Russie) a dit accorder une importance particulière à la réforme des services des achats aux Nations Unies pour parvenir à des procédures plus efficaces et plus transparentes. D'après nous, les questions liées à l’amélioration de la planification des opérations de maintien de la paix et de la procédure de leur équipement doivent être au centre des débats du Conseil de sécurité. Nous nous félicitons de la parution du rapport d’audit et relevons les nombreuses recommandations importantes relatives aux achats et passation des marchés qu’il contient. Ces recommandations vont dans le sens de l'optimisation du processus de passation des marchés. Nous savons que le Secrétaire général présentera un rapport global sur ce sujet à l'Assemblée générale et nous souhaitons qu'il contienne des propositions concrètes y compris sur ce type d’activités au Siège.
M. KENZO OSHIMA (Japon) a estimé que la nature du problème est d'une telle ampleur qu'il est indispensable de garder à l'esprit la nécessité de la transparence. Le rapport du BSCI indique qu'entre 2002 et 2004 la valeur des achats est passée à 3,7 milliards de dollars. Dans ce contexte nous sommes frappés par l'absence de contrôle sur la passation des marchés et l'absence de reddition de la part des cadres des Nations Unies. Quelle que soit la taille de leur contribution, les Etats Membres doivent faire en sorte que les dépenses soient encourues de manière responsable. Nous demandons donc la poursuite d’enquêtes complètes et rigoureuses sur des cas éventuels de malversation et des mesures correctrices et punitives à l'égard de contrevenants. A moins que des mesures immédiates et convaincantes ne soient prises, le Japon aura beaucoup de difficultés à maintenir son financement des opérations de maintien de la paix. Cette question est clairement du ressort du Conseil de sécurité qui est responsable du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde. En même temps, la question des achats et de la passation de marchés a toujours été du ressort de l'Assemblée générale et ceci s'applique également aux activités de ce type dans le maintien de la paix. Il existe donc une complémentarité entre le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale qui doivent travailler main dans la main compte tenu de la gravité des accusations qui ont été portées.
M. CÉSAR MAYORAL (Argentine) a, sur une question qui a « un impact direct sur le prestige de l’Organisation », rappelé que l’on discute ici « du bras armé » du Conseil de sécurité. Il est donc déplorable qu’un système chargé de servir un objectif si louable se soit transformé en outil d’enrichissement personnel. Le représentant a jugé impératif que l’ONU dispose d’un système efficace exempt d’irrégularités et lacunes et empêchant tout détournement des ressources. Le budget du Département de maintien de la paix ne peut être l’objet de tels jeux, a dénoncé le représentant, avant de rappeler que l’Assemblée générale est l’organe chargé de rendre des comptes. La transparence et la reddition des comptes sont les principes qui doivent guider les activités de tous les fonctionnaires des Nations Unies. Le représentant a aussi rappelé que les quatre éléments qui sous-tendent le système des achats sont le meilleur prix; l’intégrité, la justice et la transparence; la libre concurrence entre les prestataires; et la défense des intérêts des Nations Unies. Ces principes, auxquels s’ajoute l’obtention de la meilleure qualité, doivent être respectés de façon systématique.
Le rapport du BSCI est donc préoccupant, en particulier lorsque l’on constate que les contrôles sont insuffisants, que les fonctionnaires chargés de la question n’ont pas été attentifs ou encore que les prix n’ont pas été les meilleurs. Dénonçant les fraudes et la surbudgétisation, il a rappelé que désormais il existe un Bureau d’éthique. Il a espéré que ce Bureau sera rapidement opérationnel et qu’il répondra aux attentes de la communauté internationale. Ce Bureau doit être composé d’un personnel compétent, respectueux de l’éthique et efficace pour prévenir les irrégularités. La meilleure manière d’obtenir la transparence et les meilleurs prix réside dans la vraie concurrence et la diversification de l’origine des produits achetés. Le représentant s’est donc dit préoccupé que la région d’Amérique latine ne soit pas un prestataire des Nations Unies qui bénéficie d’un traitement équitable. Toutes les régions doivent pouvoir entrer dans la concurrence de manière égalitaire, a-t-il conclu.
M. OSWALDO DE RIVERO (Pérou) a d’emblée souligné la compétence du Conseil de sécurité dans l’examen des procédures de passation des marchés du Département des opérations de maintien de la paix. Il a néanmoins dit ne pas oublier le fait que c’est l’Assemblée générale qui est l’organe principal chargé de ces questions. Il faut enquêter, sanctionner et veiller à ce que de telles situations ne se reproduisent plus, a poursuivi le représentant en commentant le rapport du BSCI. Il a aussi appelé à une véritable coordination entre les acteurs des opérations de maintien de la paix, à la lumière des accusations selon lesquelles le personnel militaire compromet souvent le travail du personnel civil, en particulier humanitaire. Dans l’examen des procédures d’achat, le doute méthodique s’impose, s’est résumé le représentant. Le monde souhaite que l’ONU ait les moyens de protéger les peuples contre les crimes de lèse-humanité et pour ce faire, il faut des opérations sans corruption et sans fraude ainsi qu’un système de supervision et de sanctions. La tolérance doit être une tolérance zéro.
M. BASILE IKOUEBE (République du Congo) a regretté avoir dû apprendre par la presse le contenu du rapport et a estimé que le Secrétariat a une responsabilité dans cette « fuite ». Ce rapport toutefois dissipe beaucoup d'inquiétudes même s'il s'agit d'un rapport d'étape. Tout jugement porté serait donc prématuré. Le représentant a relevé la volonté du Chef de Cabinet de sévir en cas de malversation. Il a salué l'engagement de Mark Malloch Brown dont l'action va dans le sens de la réforme de la gestion des Nations Unies. Il sera légitime par la suite, une fois les audits et enquêtes achevés de transmettre un rapport final à la Cinquième Commission. Pour beaucoup de pays en développement, les Casques bleus sont le symbole de la solidarité internationale et il serait injuste et contreproductif de les présenter comme des malfaiteurs, des violeurs et des corrompus.
M. PETER BURIAN (Slovaquie) a déclaré que compte tenu de l'engagement de son pays dans le cadre d'opérations de maintien de la paix, il est profondément préoccupant de constater qu'avec l'augmentation du nombre d'opérations de maintien de la paix, la communauté internationale doit faire face à une hausse des accusations de malversation. Il est clair que chaque dollar doit être dépensé dans la transparence la plus totale. Nous nous attendons à ce que les hauts fonctionnaires des Nations Unies fassent preuve d'un professionnalisme qui soit au-delà de tout soupçon. Il est essentiel d'examiner de près toutes les allégations et les recommandations du BSCI qui doivent être mises en œuvre dans leur intégralité. Il est aussi important de revoir les règles internes de passation de marchés. Il faut tout faire pour rétablir la crédibilité des opérations de maintien de la paix.
Mme MARGRETHE ELLEN LØJ (Danemark) a appelé les États Membres à offrir au Secrétariat les moyens de faire face à toutes les activités de passation de marchés. Les fonctionnaires doivent pouvoir examiner les risques et les activités spéciales. Il faut faire en sorte que les directives en matière d’éthique soient bien connues dans l’Organisation. La représentante a salué les progrès réalisés au sein du Secrétariat et a encouragé les efforts plus avant. Devant le volume des marchés, elle a jugé plus important que jamais d’assurer des normes strictes. Elle a pris note du désaccord entre le BSCI et le Département des opérations de maintien de la paix sur la méthodologie employée. Souhaitant des informations sur la nature de ces divergences, elle a dit aussi attendre les propositions de réforme du Secrétaire général car les conclusions du BSCI exigent des actions rapides et des mesures de prévention de cas de fraude et de mauvaise gestion, a-t-elle conclu.
Mme ALEXANDRA PAPADOPOULOU (Grèce) a déclaré que les exemples de fraudes et de mauvaise gestion exigeaient une action rapide et que tous ceux tenus pour responsables devront rendre des comptes. La Grèce est toutefois consciente que le processus en cours n'est pas encore achevé et qu'il ne faut pas préjuger des résultats. La représentante a estimé que les informations fournies par le Secrétariat aux membres du Conseil étaient extrêmement utiles. Pour ce qui est de la réforme générale des Nations Unies, la représentante a estimé que des mesures positives avaient été prises dans le domaine de la gestion mais que ces efforts devraient être suivis par un contrôle strict. Elle a aussi rappelé que les Casques Bleus travaillent dans un environnement difficile et dans des conditions dangereuses et qu'ils méritent le respect de l'Organisation.
M. NAN EFFAH-APENTENG (Ghana) a affirmé que son pays fait partie de ceux qui ne pardonneraient jamais la fraude et les abus, avant de rappeler que c’est l’Assemblée générale qui a l’audit de gestion. Il a donc souhaité que l’Assemblée suive, de façon rigoureuse, les mesures énoncées dans le rapport et a déploré la vitesse avec laquelle ce rapport a été distribué aux médias avant que l’Assemblée elle-même n’en soit saisie. Il est clair que ces fuites délibérées ont pour objectif de tromper le public et de discréditer l’ONU. Les opérations de maintien de la paix sont des activités onéreuses et une gestion transparente et efficace des fonds est dans l’intérêt de tous. Il faut qu’ensemble nous trouvions une solution, a dit le représentant, en reconnaissant au Conseil le droit d’examiner certains aspects du maintien de la paix. Toutefois, les passations de marchés sont une question de gestion qui relève exclusivement de l’Assemblée générale et de sa Commission budgétaire et administrative.
Se refusant, en conséquent, à commenter les conclusions de l’audit, il a tout de même tenu à reconnaître les progrès réalisés par le Département des opérations de maintien de la paix. Il a jugé impératif que des mesures immédiates soient prises et a espéré que l’on tiendra compte du fait que parfois la faute ne vient pas des règlements mais de ceux qui ont la charge de sa mise en œuvre. Il a, à son tour, plaidé pour la diversification des prestataires sollicités, avant de souligner l’importance de respecter le droit des personnes suspendues à des garanties judiciaires. Les scandales sapent la confiance envers l’Organisation. L’ONU peut être réformée et il faut choisir de le faire. En l’occurrence, il faut « soit nager ensemble soit accepter de se noyer ensemble », a-t-il conclu, en soulignant que la réforme est un processus qui doit impliquer tous les Etats Membres de l’ONU et pas seulement un petit cercle de pays.
M. NASSIR ABDULAZIZ AL-NASSER (Qatar) a plaidé pour un contrôle efficace, transparent et pratique des opérations de maintien de la paix. Le Qatar est profondément préoccupé par les allégations de mauvaise gestion et de fraude au sein du Secrétariat. Par ailleurs, le représentant a plaidé en faveur d'une tolérance zéro face aux abus sexuels commis par les Casques bleus.
M. AUGUSTINE MAHIGA (République-Unie de Tanzanie) a, à son tour, dénoncé les fuites orchestrées dans la presse. Il a ensuite plaidé pour un équilibre des pouvoirs, le respect des mandats respectifs et la complémentarité entre les différents organes. Il faut éviter les malentendus, les rivalités et le climat de méfiance, a insisté le représentant, en appelant à combattre ensemble les cas de mauvaise gestion relevés par le BSCI. Ce rapport, a-t-il néanmoins insisté, a été demandé par l’Assemblée générale qui se sent aujourd’hui dépossédée. Les initiatives du Conseil doivent être complémentaires devant un rapport qui « révèle que l’ONU se bat pour relever les défis auxquelles serait confrontée toute organisation de sa taille ». Le représentant a souligné l’importance qu’il y a à prendre des sanctions contre le personnel incriminé et à assurer une bonne formation aux autres. Il a conclu en estimant que ce rapport vient à point nommé puisqu’il intervient au moment où l’Assemblée discute de la réforme. Dans ce contexte, il a appelé le Secrétaire général à proposer aux États Membres d’autres mesures pour améliorer les procédures d’achats des Nations Unies.
M. ADAM THOMSON (Royaume-Uni) a rappelé que les soldats de la paix sont déployés là où les autres ne veulent pas ou ne peuvent pas aller. Il est donc bon de se souvenir que les Casques Bleu opèrent dans un environnement particulièrement difficile. Nous rendons donc hommage à l'excellent travail qu’ils font. Le Conseil de sécurité doit garder sa confiance dans la capacité de maintien de la paix des Nations Unies. Les accusations de malversation et d'abus sexuels sont sérieuses et sapent l'efficacité du travail réalisé par le Département des opérations de maintien de la paix. Le Royaume-Uni souhaite que le processus de passation de marchés aux Nations Unies soit placé sous le signe de la transparence, du professionnalisme et de la responsabilité de la part des fonctionnaires chargés des achats. Les défaillances doivent être corrigées rapidement car l'intégrité des Nations Unies est en jeu.
Le représentant a salué l'adoption d'une politique de tolérance zéro eu égard aux auteurs de malversations et d'abus sexuels. Nous nous attendons à ce que les recommandations tiennent compte des réformes déjà appliquées sur le terrain en pratique même si celles-ci ont été insuffisantes. Le représentant s'est également dit rassuré par le bilan fait par le Chef de Cabinet ce matin. Dans le cadre des recommandations faites dans le rapport d'étape, le représentant a souligné la nécessité de mettre en place des méthodes de travail plus formelles entre le BSCI et le Département des opérations de maintien de la paix, de définir des règles supplémentaires et de dispenser une formation adéquate aux fonctionnaires responsables de la passation des marchés. Il appartient non seulement à l'Assemblée générale et à ses organes subsidiaires mais également au Conseil de rester saisis de cette question.
M. JOHN BOLTON (États-Unis) a rappelé que les problèmes de fraude, de gaspillage et d’abus ne concernent pas seulement des dollars et des chiffres mais surtout l’efficacité des activités et leur impact sur l’action visant à sauver des vies. En l’absence d’un système de passation des marchés efficace, transparent et de bon rapport coût/efficacité, l’objectif ultime des opérations de maintien de la paix ne sera pas réalisé. Il est donc fondamental que le Conseil discute de la question, lui qui créée, supervise et met fin aux misions de maintien de la paix. L’engagement des États-Unis à l’égard du maintien de la paix est tout à fait vigoureux, a poursuivi le représentant. Rappelant le nombre de missions déployées sur le terrain, il a affirmé que le Conseil a aussi la charge de suivre la gestion de ces opérations pour corriger les problèmes et concevoir des opérations plus efficaces et plus fortes. Les États-Unis sont tout à fait prêts à travailler avec tous les États Membres, a assuré le représentant, avant de féliciter le BSCI pour la tâche difficile « de jeter la lumière sur les coins sombres ». Le rapport frappe, a-t-il estimé, par ses similitudes avec le Rapport Volcker. Il n’y pas de culture de la corruption, dit-il, mais une culture de l’inaction. Le rapport du BSCI conclut, en effet, à des abus ayant engendré des pertes financières, à des irrégularités et à un manque de précision dans les processus de prises de décision. L’administration de l’ONU n’a pas respecté le principe de reddition s’appliquant aux comptes.
Le représentant a pris note du fait que le Département des opérations de maintien de la paix a pris note des premières conclusions du BSCI qui a prévenu que les problèmes ne pourront que continuer, compte tenu de l’état actuel des choses. Il faut donc une véritable refonte de la culture opérationnelle du Département. Le problème vient d’abord de la qualité de son personnel, a dit le représentant en paraphrasant le rapport du BSCI. Il s’est félicité de la bonne coopération du Secrétaire général avec le Conseil de sécurité, ce qui, selon lui, montre sa volonté de mettre désormais l’accent sur la bonne gestion de l’Organisation. Car jusqu’ici, a insisté le représentant, l’administration n’a pas donné suite aux recommandations précédentes du BSCI. C’est là le cœur de la culture de l’inaction que les États-Unis ne peuvent plus tolérer car ils paient, en tant que principal contributeur, un quart des pertes dues aux fraudes, aux abus ou au gaspillage. Compte tenu des nouveaux défis, la gestion doit être plus forte et plus efficace et se fonder sur une meilleure reddition. La crédibilité et l’indépendance du BSCI sont de toute première importance, a conclu le représentant en se demandant si le Secrétaire général adhèrerait à cette position.
M. DUMISANI KUMALO (Afrique du Sud) a déclaré, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, que le Conseil n'était pas l'enceinte appropriée pour discuter des questions qui relèvent de la responsabilité de l'Assemblée générale. Nous réitérons nos préoccupations à ce sujet. Examiner la question des achats est en violation de l'article 24 de la Charte des Nations Unies. Les Nations Unies sont un organe intergouvernemental où la voix de chaque État Membre doit être entendue et respectée indépendamment du niveau de la contribution d’un pays au budget. Le fait qu'il puisse y avoir des différences en la matière n'implique pas une différence dans le niveau de la participation à la prise de décisions.
Les pratiques de passation de marchés relèvent de l'Assemblée générale qui les examine régulièrement et celle-ci a pris au cours des dernières années des mesures décisives. Le rapport du BSCI a été rédigé à la demande du Groupe des 77 et de la Chine qui ont l'intention de demander sa présentation en séance plénière de l'Assemblée générale. Ce qui prouve que les allégations selon lesquelles les pays en développement ont une certaine tolérance devant des cas de malversation sont fausses. Ce débat sape le pouvoir de l'Assemblée générale et la fonction de contrôle qui revient à tous les États Membres. L'expérience a montré dans le cadre du Programme « Pétrole contre nourriture » que la fonction de supervision que s'était arrogée le Conseil n'a pas été à la hauteur. C'est d'ailleurs l'Assemblée générale qui décide des garanties supplémentaires comme la mise en place d’un Bureau de la déontologie.
M. VANU GOPALA MENON (Singapour) a critiqué les circonstances qui ont entouré la parution du rapport du BSCI. L’objectif, a-t-il rappelé, n’est pas de plaire à un pays ou à un groupe de pays ni de créer une scène pour certaines personnes en mal de célébrité. Le propos est de faire de l’ONU une Organisation efficace. Le représentant a donc voulu que les enquêtes fassent montre de probité et évitent de se transformer en chasse aux sorcières. Les garanties judiciaires sont-elles suivies? s’est interrogé le représentant, notant q’un des ses compatriotes a été suspendu. Les personnes, a-t-il dénoncé, ont été suspendues sans avoir eu accès au rapport et alors que leurs noms figurent déjà dans la presse. La décision « curieuse » de parler à la presse plutôt qu’aux États Membres est une violation des prérogatives des Membres de l’Assemblée générale, a insisté le représentant en questionnant aussi la manière pour le moins sélective dont le principe de la délégation des pouvoirs est appliqué au sein de l’administration. Notre zèle dans la réforme nous fait oublier la nécessité d’assurer la légitimité et la durabilité des actions prises. Il serait peut-être souhaitable, a ironisé le représentant, que le même zèle soit visible dans les enquêtes sur les milliards de dollars gaspillés et détournés dans le cadre du Programme « Pétrole cotre nourriture ». Pour aller de l’avant, a suggéré le représentant, les enquêtes doivent être menées à bien et rapidement, en permettant au personnel de se défendre. Si les personnes concernées sont exonérées, elles doivent reprendre leur poste avec les excuses de l’administration et ce, avant l’arrivée du nouveau Secrétaire général, a conclu le représentant en se méfiant des « lenteurs » de l’administration de l’ONU.
M. GERHARD PFANZELTER (Autriche), s’exprimant au nom de l'Union européenne, a affirmé le soutien de l'Union aux opérations de maintien de la paix de l'ONU comme en atteste le montant du budget annuel que l'Union y consacre, à savoir 5 milliards de dollars, soit 38% du budget de maintien de la paix. De ce fait, a indiqué le représentant, nous sommes profondément préoccupés par les allégations récentes de fraude et de mauvaise gestion dans le cadre des achats des opérations de maintien de la paix. Nous soutenons tous les efforts déployés pour faire la lumière sur ces accusations. Dans ce contexte, le représentant a fait part de son appréciation au Bureau de contrôle des services internes qui a révélé des cas de délit possible. Ceux qui sont coupables doivent être punis, a insisté M. Pfanzelter. Par ailleurs, il faut mettre en place des systèmes de contrôle plus stricts. Tous les Départements impliqués dans les procédures d'achat doivent garantir que les hauts fonctionnaires soient tenus de superviser les processus d'achat et de garantir leur adéquation avec les règles en vigueur. Il faut également que ces hauts fonctionnaires soient en mesure de rendre des comptes.
M. JOE ROBERT PEMAGBI (Sierra Leone) a déclaré soutenir, au nom du Groupe des États d’Afrique, les mesures visant à corriger les faiblesses enregistrées dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Un tel débat toutefois relève de la responsabilité de l'Assemblée générale qui d'après la Charte est l'organe délibérant des Nations Unies, a-t-il dit. L'Assemblée est d'ailleurs saisie depuis longtemps de cette question et ce débat ne fait qu'empiéter sur son autorité.
S’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, M. HAMIDON ALI (Malaisie) a souligné que le Conseil de sécurité n’était pas le lieu approprié pour examiner des questions relatives au financement et au budget des opérations de maintien de la paix, soulignant que la Charte des Nations Unies donnait compétence à l’Assemblée générale pour s’en occuper. Cela est d’autant plus inapproprié que l’audit réalisé par le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) et inscrit aujourd’hui à l’ordre du jour du Conseil a été établi à la demande de l’Assemblée générale, a-t-il ajouté. Tout en sachant que les mandats des opérations de maintien de la paix sanctionnés par le Conseil de sécurité ont un caractère pluridimensionnel et pluridisciplinaire et en gardant à l’esprit l’Article 24 de la Charte des Nations Unies, le représentant a vigoureusement affirmé que ce caractère et l’Article 24 ne conféraient pas nécessairement au Conseil une compétence pour s’occuper de questions qui rentrent dans le cadre des attributions et des prérogatives de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social. À cet égard, il a attiré l’attention sur le fait que le Conseil de sécurité risque d’empiéter sur les fonctions et les pouvoirs de l’Assemblée et de ses organes subsidiaires en traitant des questions qui relèvent manifestement de la compétence de ces organes. Au vu des considérations qui précèdent, M. Ali a affirmé en conclusion qu’il appartenait au Président de l’Assemblée générale de prendre les mesures qui s’imposent pour défendre la primauté de la Charte et le rôle prépondérant de l’Assemblée et pour faire respecter pleinement les dispositions de la première et les prérogatives de la seconde.
Commentant les propos des délégations, le Chef de Cabinet a attiré l’attention sur la difficulté reconnue par tous de gérer ces problèmes en évolution et d’en traiter dans une enceinte politique comme celle-ci. Tous les mots sont importants, a-t-il fait remarquer. Sans le vouloir, on peut exagérer les faits, sous-évaluer l’ampleur du problème ou sembler porter des accusations. Tout cela complique la tâche des administrateurs et il est difficile de paraître, aux yeux de tous, équilibré et juste.
Le Chef de Cabinet a reconnu qu’il avait récemment fait convoquer une conférence de presse avec un administrateur du Secrétariat pour contrer l’effet des fuites dans la presse, lesquelles portaient ombrage à la réputation de l’ONU et des personnes citées. La conférence de presse avait pour but de mettre l’accent sur les mesures prises et d’exprimer la détermination de l’ONU de suivre de près les conclusions du rapport de l’audit. Or, tout ce que les journalistes en ont faussement retenu, c’est qu’il y aurait eu des faits de corruption. Dans la mesure où l’enquête se poursuit, le Secrétaire général a jugé qu’il n’était pas approprié de maintenir certaines personnes à leur poste, a expliqué M. Malloch Brown.
À tous les niveaux, a-t-il asséné, l’administration doit assumer ses responsabilités. Le Chef de Cabinet a poursuivi en faisant observer que la grande partie des sommes mentionnées concerne des surbudgétisations qui ne signifient pas que l’ONU a enregistré des pertes financières. Il faut garder le sens de la mesure, a-t-il suggéré en souhaitant que la politique n’ait aucune place dans la tâche complexe de la réforme. Il ne faut pas que les discussions se transforment en une confrontation entre le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ou entre mandats respectifs. L’essentiel est de travailler à la réforme de l’ONU, de son administration et de sa gestion. Le Chef de Cabinet a encore rappelé que pour le personnel des achats, le taux de vacances est de 50% et que pour 70 personnes, le budget pour la formation stagne à 20 000 dollars par an. Il faut améliorer les conditions de travail du personnel sur le terrain, a-t-il ajouté, par ailleurs, en jugeant que c’est le seul moyen de disposer de ressources humaines motivées et aptes à éviter ce type de problèmes. Une administration efficace coûte cher, a prévenu le Chef de Cabinet en prévision des demandes que fera le Secrétaire général, en particulier dans le domaine des systèmes informatiques.
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