SOC/CP/330

LA GÉNÉRALISATION ET L’HARMONISATION DU DROIT INTERNATIONAL ANTITERRORISME SONT UN ATOUT MAJEUR DES RÉSOLUTIONS ADOPTÉES APRÈS LE 11 SEPTEMBRE

21/4/2005
Communiqué de presse
SOC/CP/330


Commission II

7e séance* - après-midi


LA GÉNÉRALISATION ET L’HARMONISATION DU DROIT INTERNATIONAL ANTITERRORISME SONT UN ATOUT MAJEUR DES RÉSOLUTIONS ADOPTÉES APRÈS LE 11 SEPTEMBRE


La lutte contre le terrorisme doit se faire dans le respect des droits de l’homme, estiment les délégations et les experts à la table ronde sur les mesures pour combattre le terrorisme


(Publié tel que reçu)


BANGKOK, 21 avril -- « Le 12 septembre 2001, le Conseil de sécurité a érigé tout acte de terrorisme en atteinte à la paix et à la sécurité internationales, ce qui lui donne la latitude de faire usage des pouvoirs exceptionnels que lui octroie le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies », a déclaré l’expert conseiller du Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité.  « Le 28 septembre 2001 », a-t-il poursuivi, le Conseil de sécurité a adopté, à l’unanimité, une résolution qui a instauré un régime international de lutte antiterroriste de portée obligatoire.  Les atouts du cadre créé par la résolution 1373 résident notamment dans ses obligations, qui créent une généralisation et une harmonisation du droit international contre le terrorisme, a dit M. Joël Sollier.


Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont profondément changé le contexte des relations internationales en entraînant des recompositions majeures dans l’équilibre des alliances, la conduite des politiques de sécurité et le rôle des organisations internationales, a-t-il poursuivi en s’adressant cet après-midi aux participants à l’atelier organisé par le onzième Congrès des Nations Unies sur le crime et la justice pénale.  Certains principes du droit international, comme ceux relatifs à l’agression, la légitime défense, et la pertinence des mécanismes de sécurité collective hérités de l’après-guerre, ont été ébranlés.  Au moment des attentats du 11 septembre, seuls les États qui étaient directement confrontés au terrorisme disposaient d’une authentique législation en la matière, a relevé M. Sollier en notant qu’en 2001, seuls deux États avaient ratifié l’ensemble des 12 conventions antiterroristes dont disposait la communauté internationale au moment des attaques survenues à New York, à Washington et en Pennsylvanie.


Regrettant comme beaucoup d’autres intervenants après lui que les dispositions contre le terrorisme soient détournées à des fins de répression et de violation des droits de l’homme, M. Sollier a dit que ce genre d’actions portaient atteinte à l’intégrité du droit international contre le terrorisme.  Parlant du terrorisme et de la question de l’extradition, le représentant du Conseil de l’Europe a argué que le refus d’extrader une personne contre laquelle un État a lancé un mandat d’arrêt était généralement justifié, au cas où on estimerait que le crime reproché à l’accusé est un délit à caractère politique et que la personne était en danger si le mandat était exécuté.  L’usage de l’exception politique est soumis à une obligation d’argumentation qui doit être remplie par l’État qui refuse une demande d’extradition, a dit le représentant.


Se plaignant que la religion de l’Islam et sa culture soient systématiquement montrées du doigt et accusées d’être responsables du terrorisme, les délégations de l’Algérie et de la Syrie ont demandé qu’il soit mis fin à ce type d’amalgames, d’accusations et de préjugés.  Avant que les Nations Unies et certains pays ne découvrent le terrorisme, nous le combattions déjà, a indiqué le représentant syrien en demandant qu’au-delà des mesures de répression, le Conseil de sécurité et la communauté internationale trouvent une réponse aux racines et aux causes du terrorisme.


Animé par M. Iskandar Ghattas, de l’Égypte, le débat interactif de cet après-midi a été introduit par quatre panélistes: MM. Pornchai Danvivathan, Directeur de la Division des affaires juridiques du Ministère des affaires étrangères de la Thaïlande; Joël Sollier, du Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité de l’ONU; Alejandro Slokar, Sous-Secrétaire de la police criminelle au Ministère de la justice et des droits de l’homme de l’Argentine; et Gioacchino Polimeni, Directeur de l’Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice, basé à Turin.


Le onzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale poursuivra ses travaux demain.


* Il n’existe pas de communiqué de presse pour les séances 5 et 6.


MESURES DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME, AVEC RÉFÉRENCE AUX CONVENTIONS ET PROTOCOLES INTERNATIONAUX PERTINENTS


Exposés


M. PORNCHAI DANVIVATHANA, Directeur de la Division des affaires juridiques du Ministère des affaires étrangères de la Thaïlande, a estimé que le terrorisme n’étant pas un phénomène statique, la lutte en la matière exige une coopération internationale efficace.  Il a appelé à un rééquilibrage entre les dispositions des 12 instruments, concernant notamment la comparution rapide des témoins ou l’extradition.  En Asie du Sud-Est, des efforts ont été déployés, dans le cadre de l’ANASE, comme en atteste l’adoption de différentes déclarations, depuis 2001.  Un accord existe désormais sur la nécessité d’examiner un traité d’extradition et un traité d’entraide judiciaire dans le domaine pénal.  La Thaïlande a aussi examiné la possibilité d’une convention régionale proposée par l’Indonésie.  Au niveau bilatéral, le pays a conclu des traités d’extradition avec 14 pays dont certains sont membres de l’ANASE.  Il a aussi conclu des traités relatifs aux procédures pénales qui sont actuellement en vigueur.  Les atouts de la région, a-t-il souligné, sont sa volonté commune, l’engagement dans la lutte contre le terrorisme, l’attachement à la résolution 1373 du Conseil de sécurité et aux 12 conventions de l’ONU, et la détermination à adopter un régime concernant l’extradition, l’entraide judiciaire et le blanchiment d’argent. 


Un autre atout concerne l’application.  La Thaïlande a rigoureusement appliqué toutes les conventions auxquelles elle a adhéré.  Concernant l’entraide judicaire, le Bureau du Procureur général a endossé le rôle d’autorité centrale; le problème venant plutôt des aspects politiques de la question.  Concernant la question des témoins, le problème vienne du manque de ressources humaines.  Au niveau international, il demeure difficile d’introduire une définition claire du terrorisme d’une part et d’autre part, de trouver l’équilibre entre le Common Law et le droit romain.  La prolifération d’accords doit être évité, a-t-il conseillé, pour prévenir les doubles emplois.  Il a conclu par des recommandations en encourageant une adhésion universelle aux 12 conventions de l’ONU, une définition commune du terrorisme international, une intégration des principes internationaux dans la législation nationale et l’assistance technique, en particulier dans la négociation des chefs d’accusation.  Il a aussi prôné des cours de formation et d’information, avant de réitérer sa position selon laquelle il ne faut en aucun cas limiter l’application de l’exception fondée sur le caractère politique de l’infraction.  Il a aussi jugé important que dans tout le processus, le législateur soit impliqué.  


M. JOËL SOLLIER, expert conseiller du Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité, a déclaré que les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont profondément changé le contexte des relations internationales, en entraînant des recompositions majeures dans l’équilibre des alliances, la conduite des politiques de sécurité et le rôle des organisations internationales.  Certains principes du droit international, touchant notamment les notions d’agression, de légitime défense, et la pertinence des mécanismes de sécurité collective hérités de l’après-guerre, ont été ébranlés.  Au moment des attentats, seuls les États qui étaient directement confrontés au terrorisme disposaient d’une authentique législation en la matière, a relevé M. Sollier, en notant qu’en 2001, seuls deux États avaient ratifié l’ensemble des 12 conventions antiterroristes dont disposait la communauté internationale au moment des attaques survenues à New York, à Washington et en Pennsylvanie.  L’adoption, par le Conseil de sécurité, de la résolution 1373, qui détermine un régime international de lutte contre le terrorisme ayant force obligatoire, ne change rien au contenu du droit international du terrorisme, puisque toutes les dispositions de cette résolution existaient déjà, soit au titre du droit conventionnel, soit dans les résolutions de l’Assemblée générale.  La création du CCT, puis d’une direction exécutive de ce Comité, ont donné au Conseil de sécurité les moyens de vérifier le respect par les États des obligations qu’il a défini, par un échange de rapports entre le Comité et les États, suivi de visites sur place, a dit M. Sollier.


Une politique de lutte contre le terrorisme a ensuite été lancée en partenariat avec les organisations internationales régionale et spécialisées, a poursuivi Joël Sollier.  À cet égard, il a cité les recommandations du GAFI en matière de lutte contre le financement du terrorisme, les standards de l’Organisation mondiale des douanes sur la prise en compte du risque terroriste lors des contrôles aux frontières, et les règlements de l’Organisation internationale de l’aviation civile (ICAO) en matière de sécurité aérienne et de protection des aéroports.  Parlant des forces et des faiblesses du système mis en place, Joël Sollier a dit que les dispositions générales et obligations imposées par le Conseil de sécurité ont pour premier effet de créer un régime harmonisé du droit du terrorisme.  Même en l’absence de traités, les États sont liés par les principes posés par la résolution 1373 et doivent juger ou extrader les auteurs d’actes terroristes.  Les questions de double incrimination sont en partie réglées par la définition, au sein de la résolution, de certains actes terroristes précis comme le financement du terrorisme.  Un autre point positif est celui de l’avènement d’un réseau international de coopération judiciaire, a indiqué M. Sollier.  Le défi essentiel est maintenant d’activer ce réseau et d’encourager les États à user des dispositions existantes dans leurs relations.  Le développement de standards techniques en matière de lutte antiterroriste et le développement des législations internes sont les autres points forts, a dit M. Sollier.


Parlant des limites existant à l’heure actuelle, Joël Sollier a dit que la première était liée à l’incapacité de trouver une définition concertée du terrorisme.  Cette absence de définition consensuelle constitue une limite dans la capacité d’autogestion de la communauté internationale.  Le droit antiterroriste actuel est d’autre part un droit techniquement imparfait, a dit M. Sollier.  Les résolutions du Conseil de sécurité sont avant tout des textes politiques destinés à donner une impulsion aux États.  Elles sont souvent adoptées en réaction à une situation d’urgence et sont toujours le résultat d’un compromis politique qui peut conduire à une distorsion de certains concepts juridiques.  Parlant des obstacles se posant au droit contre le terrorisme, l’orateur a parlé des faiblesses structurelles de certains États qui ne disposent pas de suffisamment de moyens.  Les atteintes aux droits de l’homme sont d’autre part regrettables, a dit M. Sollier en estimant que ce genre d’action ternissait indirectement le droit de l’antiterrorisme.


M. ALEJANDRO W. SLOKAR, Sous-Secrétaire d’État chargé de la police criminelle au Ministère de la justice et des droits de l’homme de l’Argentine, a estimé que c’est la multiplicité des organisations terroristes, le caractère transfrontière du phénomène, et la capacité des terroristes de joindre d’autres groupes criminels, qui rend le phénomène terroristes extrêmement complexe.  Or, jusqu’ici, les procédures judiciaires se fondaient sur un système de « rationalité » conçus pour gérer des activités menées sur le territoire national, en donnant des réponses standard.  Avec le terrorisme, a-t-il dit, l’État a dû réagir de manière urgente avec les conséquences que l’on connaît dans le domaine des droits de l’homme.  Cette mauvaise alternative, qui prévoit la suspension virtuelle à l’état de droit, doit être rejetée.  La région de l’Amérique latine connaît bien la question, elle qui a été victime d’un terrorisme d’État indissociable de la violence politique et qui a consacré l’impunité.  Dans l’ère de la mondialisation, l’on voit ainsi apparaître un scénario caractérisé par l’incapacité de réaction de l’État face à une activité de destruction aveugle.  Les efforts doivent se focaliser sur une réaction démocratique et se fonder sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales, a voulu le Sous-Secrétaire d’État. 


L’Argentine, a-t-il poursuivi, a connu, au cours des 25 dernières années, de nombreux troubles, dont une dictature dure qui a instauré un État terroriste.  Dans les années 90, les Argentins ont connu deux graves attentats contre la communauté juive.  Face à ce type d’activités, c’est l’impunité qui a régné, démontrant l’incapacité de l’État de guérir les plaies.  Seules la démocratie et des institutions fortes auraient permis de rétablir la justice.  Aujourd’hui, s’est-il félicité, les lois de « point final » et d’obéissance ont été abrogées et l’État a reconnu sa responsabilité.  Au cours des années 90, la région a créé un Groupe interaméricain de lutte contre le terrorisme.  Après les évènements du 11 septembre 2001, le Groupe a reconnu la nécessité de réagir, de façon intégrale, contre le terrorisme, ce qui a conduit à l’adoption de la Convention interaméricaine sur le terrorisme qui prône le renforcement de l’entraide judiciaire, l’adaptation du droit interne de chaque partie à ses dispositions, l’élargissement des mécanismes de protection des droits de l’homme et la supervision des opérations du système bancaire national ou transnational.  Les États parties se sont engagés à prévenir, à lutter contre et à éradiquer le financement du terrorisme.  La Convention est le premier instrument qui exige des États, de façon contraignante, qu’ils tiennent compte des recommandations du GAFI.  Dans la région, l’un des principaux défis, a encore estimé le Sous-Secrétaire d’État, demeure le renforcement des institutions démocratiques.  Pour atteindre ces objectifs, le terrorisme doit être reconnu comme un menace inacceptable qui ne peut être neutralisée que dans un état de droit renforcé. 


M. GIOACCHINO POLIMENI, Représentant de l’Institut interrégionale de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice(UNICRI) en Italie, a déclaré que le régime international contre le terrorisme se caractérisait par sa complexité.  Au vu des dangers que pose le terrorisme, il est souhaitable que ce régime soit réellement universel, a-t-il ajouté en se félicitant que le nombre de ratifications aux conventions internationales ait régulièrement augmenté.  La pénalisation des actes de terrorisme et l’usage de mesures pénales contre les terroristes rendraient les conventions plus efficaces et dissuasives, a estimé M. Polimeni.


Parlant de l’extradition, il a dit que les États ne pourront désormais plus refuser l’extradition des auteurs d’actes terroristes sous le couvert que ce sont des actes politiques.  L’entraide judiciaire est cruciale dans les procédures de poursuite et tous les États doivent garantir les plus importantes mesures d’entraide, a-t-il dit en regrettant que les conventions ne décrivent pas clairement la pratique d’entraide judicaire.  Contrairement aux conventions contre le terrorisme, la Convention des Nations Unies contre la corruption décrit clairement les procédures d’entraide judiciaire, a relevé M. Polimeni.


M. ISKANDAR GHATTAS, Président de la Commission, a appuyé le point de vues des panélistes sur la nécessité de placer le respect des droits de l’homme au cœur de la lutte contre le terrorisme.  Il a cité, à cet égard, l’avis du Groupe de personnalités sur les défis, les menaces et le changement qui, non seulement a adhéré à ce point de vue, mais qui a aussi prôné une politique de prévention du terrorisme qui passe par l’analyse de ses sources et de ses origines et qui sont bien souvent un sentiment de frustration.  Il ne faut donc pas se limiter aux normes juridiques mais analyser aussi les sources et les origines pour essayer de les supprimer, a insisté le Président en soulignant que de nombreux autres groupes de réflexion ont adhéré à cette position.  Il a salué le fait que depuis le 11 septembre, le terrorisme ait été enfin perçu comme un phénomène international et une menace à la paix et à la sécurité internationales.  En l’occurrence, il a mis l’accent sur les atouts de la résolution 1373 et ses lacunes, en particulier dans le domaine de l’extradition.  Le Congrès doit trouver une solution à ce problème, a-t-il voulu, car les États n’ont pas toujours l’outillage nécessaire pour prendre part à la coopération internationale dans ce domaine.  Il a donc appelé à l’adoption de normes communes.  


Débat


M. NABIL HATTALI (Algérie) a fait remarquer que l’état des ratifications de différentes conventions contre le terrorisme varie de l’une à l’autre.  Les 12 conventions existantes ne peuvent pas être réellement considérées comme étant universelles, certaines n’ayant été ratifiées que par 97 États.  Il est à craindre que les terroristes n’aillent fomenter leurs actions à partir des pays qui n’ont pas ratifié les textes, a dit le représentant.  Le paysage normatif international se caractérise par une multiplicité d’instruments et une fragmentation qui ne facilitent pas la lisibilité et la visibilité des textes existants.  Face à cette masse d’instruments internationaux l’Algérie préconise que soit fait un travail qui aboutirait à une meilleure synergie.  D’autre part, a dit le représentant, la communauté internationale doit mettre en place des mécanismes de coopération et apporter une assistance technique et financière aux pays qui ratifient les conventions pour s’assurer qu’ils peuvent effectivement les mettre en œuvre.  Plus les systèmes nationaux de défense contre le terrorisme sont efficaces, plus la capacité internationale à faire face à ce phénomène sera renforcée.  Enfin, il ne faut pas imputer à une religion, en l’occurrence l’Islam, la responsabilité du terrorisme, a dit le représentant en souhaitant que la communauté internationale parvienne à un consensus sur la définition du terrorisme.


M. DAMASIO DE JESUS, (Brésil) a jugé difficile d’appliquer les procédures classiques de droit pénal à des phénomènes nouveaux comme le terrorisme.  Il a regretté qu’aucun des professeurs de droit pénal et de procédure pénale, qui ont plusieurs fois répondu aux demandes du pouvoir public, n’ait été invité à présenter des principes pour y répondre, le phénomène concernant le monde entier.  Esquissant une réflexion, l’orateur a rappelé qu’il existe, chez certains autochtones, un principe selon lequel le crime ne concerne pas que la victime mais aussi son entourage proche.  De la même façon, dans d’autres groupes autochtones, le crime n’est pas jugé comme l’acte d’une personne mais comme celui de la communauté dans laquelle l’auteur des faits vit.  Le terrorisme, a-t-il dit, ne touche pas seulement une personne, une famille, une communauté ou un pays.  Il touche l’humanité dans son ensemble.  L’intervenant a annoncé que désormais sa tâche sera d’exhorter ses collègues à s’intéresser davantage à cette question, l’une des questions principales de cette ère moderne. 


M. ABBOUD AL-SARRAJ (République arabe syrienne) a dit que sa délégation allait déposer ses instruments de ratification de la Convention contre le financement du terrorisme le 23 avril prochain.  La Syrie a ratifié à ce jour neuf conventions contre le terrorisme et les applique sur son territoire, a indiqué le représentant.  Être partie à une convention n’est cependant pas une solution miracle, a-t-il poursuivi.  L’État doit faire preuve de volonté politique et donner à chacun de ces citoyens les moyens de faire face au terrorisme.  La Syrie souhaite recevoir plus d’aide et d’assistance technique de la part des Nations Unies dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.  En même temps, la Syrie

estime que le Conseil de sécurité doit identifier des mesures qui pourraient aider à mettre fin aux situations qui sont à la source du phénomène terroriste.  La Syrie n’accepte pas qu’une religion ou une culture soit systématiquement montrée du doigt quand on parle du terrorisme.  Avant que l’ONU et les autres groupes de pays ne découvrent ce phénomène, des pays comme la Syrie le combattaient déjà, a dit le représentant.


M. EUGENIO CURIA (Argentine) a dit « avoir des frissons » lorsqu’il entend le terme « droit international du terrorisme ».  Il a souligné que l’on parle bien d’un régime juridique antiterroriste.  Pour ce qui est de la notion de force préemptive, le représentant a estimé que l’on touche là à une catégorie du droit international qui n’est pas clairement définie.  Il a aussi fait observer que l’évolution de certains aspects du droit en matière de lutte contre le terrorisme montre un changement au Conseil de sécurité, au cours des dernières années.  Celui-ci adopte de plus en plus des sanctions contre des personnes physiques et plus uniquement des personnes morales.  Il s’agit, a-t-il dit, d’une tendance « complexe et risquée ».  Le représentant a aussi soulevé la question du terrorisme et des droits de l’homme, en appelant à une coopération étroite en matière d’assistance technique, mais aussi à une coopération renforcée entre Vienne et Genève car l’évolution de ces dernières années, a montré la nécessité, pour le régime juridique de lutte contre le terrorisme, de trouver un certain équilibre en matière de droits de l’homme.


Revenant sur la question de la complexité et de la multiplication des textes internationaux sur la lutte contre le terrorisme, M. RAFAEL A. BENITEZ, Conseil de l’Europe, a dit que cet aspect avait été soulevé lors de discussions au niveau européen.  Parlant de l’extradition et de la clause d’exception politique, il a dit que l’obligation d’argumentation existait, au cas où un État refusait de répondre à une demande d’extradition.  C’est à l’État refusant d’extrader qu’il est demandé de fournir des explications, a-t-il dit.  Généralement le refus d’extradition est justifié par le désir de protéger les droits de l’homme, quand on estime que le crime reproché à la personne concernée est d’origine politique ou que l’extradition pourrait la soumettre à des risques de torture.


Mme CARMEN BUJAN (Espagne) s’est félicitée du débat sur le lien entre la lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l’homme.  Les États déploient d’énormes efforts pour adopter des mesures de lutte contre le terrorisme qui respectent les droits de tous les citoyens, au nom des principes de légalité internationale et de légitimité.  Les peuples n’accepteraient jamais que leurs droits soient violés à des fins de sécurité.  La représentante a rejeté les appels à trouver un équilibre entre le terrorisme et les droits de l’homme qui, pour elle, ressemblent quelque peu à un marchandage.  La protection des droits de l’homme, a-t-elle souligné, est l’un des fondements des États démocratiques.  Il est vrai que les États doivent protéger leurs citoyens face à toute menace dont le terrorisme qui viole le droit à la vie, le droit le plus important.  Mais le débat sur le respect des droits de l’homme est un débat très large qui doit tenir compte de l’obligation de chaque État de respecter les droits de l’homme.  La représentante s’est déclarée heureuse d’entendre un représentant du Comité contre le terrorisme défendre la même position.


M. ADEDOKUN ADEYEMI (Nigéria) a rappelé que le Groupe africain a proposé à ce Congrès de réfléchir sur le terrorisme et sur ses causes.  L’Union africaine aimerait que la lutte contre le terrorisme se fasse dans le cadre du respect de l’état de droit et du suivi des procédures reconnues.  Nous sommes d’avis qu’il faudrait revoir tous les mécanismes existant dans le cadre de la justice pénale pour les adapter à la lutte contre le terrorisme, a dit le représentant.


M. ZHAO BINGZHI, Centre international pour la réforme de la justice pénale, a affirmé que son Gouvernement a toujours été catégorique dans sa stratégie de lutte contre le terrorisme et a adopté des mesures pour adapter sa législation.  C’est en 1979 que la première loi pénale a été promulguée qui contenait déjà tous les éléments relatifs au terrorisme.  Plus tard, des mesures véritables de lutte contre le terrorisme ont été introduites et compte tenu des nouveaux aspects du phénomène, un troisième amendement a été apporté qui prévoit des dispositions spécifiques.  Après cela, la Chine a adhéré à la Convention sur les attentats terroristes à l’explosif et celle sur le financement du terrorisme dont les dispositions ont été incorporées dans la législation nationale.  Selon le représentant, la coopération internationale devrait contribuer à la prévention du terrorisme.  La Chine, a-t-il ajouté, aimerait s’inspirer de la France et de la Fédération de Russie pour élaborer une loi spécifique contre le terrorisme.


Mme DANIELI YAEL, Docteur en psychologie clinique, a plaidé en faveur des victimes d’actes terroristes dont les voix sont rarement entendues.  Les Nations Unies ont elles-mêmes été atteintes lors de l’attentat de Bagdad, a remarqué la représentante en souhaitant que la communauté internationale reconnaisse plus ouvertement la souffrance de ceux qui ont été atteints et que leur droit à la réparation leur soit plus systématiquement accordé.  Les Nations Unies ont l’obligation de répondre aux besoins des victimes et de leurs familles, et nous lançons un appel aux États pour qu’ils incluent des dispositions sur le droit des victimes dans les législations de lutte contre le terrorisme. 


Reprenant la parole, l’expert du Comité contre le terrorisme, a indiqué que le nombre des ratifications des conventions et protocoles n’est pas « mauvais », l’instrument le moins ratifié étant le Protocole à la Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plateformes sur le plateau continental qui ne compte que 106 États parties.  Ces Conventions n’ont pas toutes la même importance, a-t-il estimé en jugeant que les plus importantes sont celles qui couvrent les attentats terroristes les plus fréquents.  La Convention sur les attentats terroristes à l’explosif, s’est-il expliqué, couvrent à peu près 80% des attentats commis dans le monde.  Et, aujourd’hui, elle compte 134 ratifications.  Le plus important n’est pas le nombre des ratifications mais de voir l’évolution de leur chiffre et celle-ci est encourageante.  Lorsqu’on dit les conventions universelles, a-t-il précisé, c’est par opposition aux conventions régionales et c’est parce qu’elles ont été négociées dans des enceintes où l’ensemble des États du monde était présent.  Il a admis qu’il ne s’agit pas de pavoiser devant le réseau de coopération judiciaire.  Ce qui est important, c’est que l’existence de ce réseau permet aux États d’avoir un langage commun qui est un élément essentiel de la coopération internationale.  L’expert a aussi admis que le vrai travail commence après la ratification, à savoir le travail de mise en œuvre.  


Documentation: Document de travail (A/CONF.203/12)


      Il est souligné, dans ce document, que le droit international constitue une composante essentielle de la lutte contre le terrorisme, compte tenu de ces deux objectifs qui sont de garantir la paix et de protéger les droits.  Comme le terrorisme a un recours calculé à la violence contrairement aux droits, la réponse doit tendre à préserver celui-ci.  Or, la forme que revêtent les efforts de lutte contre le terrorisme peut avoir de larges incidences sur l’état de droit.  Des approches fondées exclusivement sur l’action militaire, l’intervention policière et les services de renseignements risquent de compromettre les efforts déployés pour promouvoir la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme, d’aliéner de vastes secteurs de la population et d’affaiblir l’efficacité potentielle de l’action collective contre le terrorisme. 


Le document met en effet l’accent sur les risques que les États aillent au-delà de ce qui est nécessaire en appliquant des mesures et des mécanismes qui peuvent s’avérer être inutilement intrusifs et que les États les maintiennent en place plus longtemps que nécessaire, ces mesures commençant alors à faire partie du droit positif.  Certains droits ont déjà commencé à être menacés comme ceux concernant la vie, la torture, la détention arbitraire, la discrimination, l’asile, les situations d’urgence, ou encore les libertés d’expression, de pensée et de religion. 


En la matière, le document contient quelques recommandations aux États Membres.  Concernant la coopération internationale, il est souligné que l’un des obstacles fondamentaux à cette coopération est l’absence de cadre efficace de lois nationales et de mécanismes de coopération.  Aucun des 12 instruments juridiques universels relatifs au terrorisme ne contient de définition juridique de l’expression « terrorisme international ».  Si presque toutes les formes de terrorisme sont, du point de vue juridique, interdites par l’un des 12 instruments, le droit coutumier, les Conventions de Genève et le Statut de Rome, il existe une claire différence entre cette liste disparate de conventions et des dispositions peu connues d’autres traités et le cadre normatif obligatoire qui devrait entourer la question.


Néanmoins, les deux instruments les plus récente, la Convention contre les attentats terroristes à l’explosif et la Convention contre le financement du terrorisme ont marqué, sur le plan politique, un progrès important en éliminant l’exception fondée sur le caractère politique de l’infraction dans le contexte des crimes définis dans ces instruments.  Avec ces instruments sectoriels, la communauté internationale a créé un cadre de droit pénal international qui, bien qu’il ne soit pas complet, n’en est pas moins très large.  Jusqu’il y a à quelques années, l’une des limitations du régime juridique international contre le terrorisme était l’absence d’organe chargé de suivre l’exécution des obligations découlant de ces instruments.  Tout cela a beaucoup changé, nous dit le document, depuis l’adoption de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité qui a créé un Comité à cet effet.  En dépit des lacunes, le vaste réseau de conventions, de protocoles et de résolutions du Conseil de sécurité constituent une structure pouvant être considérée comme un cadre juridique adéquat pour une coopération judiciaire internationale contre le terrorisme.  Le défi est maintenant d’en assurer le bon fonctionnement, prévient le document, avant de passer en revue la question de l’assistance technique aux États qui en font la demande et d’en venir aux recommandations. 


Liste des intervenants


Ont pris la parole au cours de cet atelier: Algérie, Brésil, République arabe syrienne, Argentine. Conseil de l’Europe, Espagne, Nigéria, Centre international pour la réforme de la justice pénale et Mme Yael, Docteur en psychologie clinique.


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