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SOC/CP/329

LA COOPÉRATION EN MATIÈRE DE DÉTECTION ET DE RÉPRESSION DE LA CRIMINALITÉ, Y COMPRIS LES MESURES D’EXTRADITION, SOUFFRE DU MANQUE DE CONFIANCE ENTRE LES ÉTATS

21/4/2005
Communiqué de presse
SOC/CP/329


Commission I

6e séance - matin


LA COOPÉRATION EN MATIÈRE DE DÉTECTION ET DE RÉPRESSION DE LA CRIMINALITÉ, Y COMPRIS LES MESURES D’EXTRADITION, SOUFFRE DU MANQUE DE CONFIANCE ENTRE LES ÉTATS


Sont abordés: la diversité des systèmes juridiques, les obstacles aux échanges et l’exception fondée sur le caractère politique de l’infraction


(Publié tel que reçu)


BANGKOK, 21 avril -- Une des principales difficultés rencontrées dans le renforcement de la coopération internationale en matière de détection et de répression, y compris les mesures d’extradition, vient du fait que les États ont traditionnellement toujours été soucieux de leur souveraineté, a déclaré ce matin au onzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, M. Kunichiro Horiuchi, Secrétaire général de la Fondation asiatique pour la prévention du crime et professeur de droit pénal, en ouvrant un atelier organisé sur ce thème.  Au cours des débats qui ont suivi, un certain nombre de délégations ont fait observer que les nombreuses différences existant, selon les pays, dans les structures chargées de la répression des activités criminelles posaient aussi des obstacles à la coopération en matière pénale qui a été pourtant qualifiée d’indispensable, maintenant que les effets des crimes sont aujourd’hui souvent transfrontières.


La plupart des délégations ont fait état des nombreux accords d’extradition passés par leur pays, certaines admettant l’utilité de la reconnaissance mutuelle des mandats d’arrestation et louant le mandat d’arrêt européen introduit en 2004.  De son côté, le représentant de la Thaïlande a estimé qu’il faudrait mentionner le terrorisme comme une exception au délit politique dans la future déclaration de Bangkok, que le onzième Congrès adoptera à la fin de ses travaux. 


Selon, le document de travail dont disposent les délégations, l’évolution récente porte à conclure que l’on essaie de limiter la portée de l’exception fondée sur le caractère politique de l’infraction en tant que motif de refus d’une demande d’extradition, voire de l’abolir.  Le texte initial du Traité type d’extradition adopté en 1990 stipulait que cette exception était un motif obligatoire de refus de l’extradition.  Mais la nouvelle version révisée a introduit une restriction pour que l’exception fondée sur la nature politique de l’infraction ne soit pas applicable dans le cas de crimes haïssables que les États se sont engagés à poursuivre dans les cas où ils n’accordent pas l’extradition.  L’aggravation du terrorisme international a conduit les États à se montrer plus disposés à limiter l’application de l’exception fondée sur le caractère politique de l’infraction, qui n’est généralement plus applicable dans le cas de crimes de crimes réprimés par le droit international.


Dans la recherche d’une meilleure coopération pour lutter contre les phénomènes criminels transnationaux, les pays devraient faire un meilleur usage des instruments existants, a dit la représentante des États-Unis qui a estimé que la mise en œuvre des Conventions des Nations Unies contre la criminalité transnationale, la drogue et les autres maux qui affectent la communauté internationale, permettent de faire face aux dangers actuels.  


Ces discussions se poursuivront cet après-midi.


Les exposés de cet atelier ont été faits par: Kunihiro Horiuchi, Secrétaire général de la Fondation asiatique pour la prévention du crime et professeur de droit pénal; Masamba Sita, Directeur de l'Institut africain pour la prévention du crime et le traitement des délinquants (UNAFRI); Rob McCusker, Institut australien de criminologie; Edmundo Oliveira, professeur de droit pénal à l’Université d’Amazonie au Brésil; Ulrich Kersten, Représentant spécial de l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) auprès des Nations Unies; et Roberto di Legami, Chef du groupe chargé de la criminalité organisée à l’Organisation de police européenne (Europol).


RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EN MATIÈRE DE POLICE ET RÉPRESSION, Y COMPRIS LES MESURES D'EXTRADITION


Exposés


M. KUNIHIRO HORIUCHI, Secrétaire général de la Fondation asiatique pour la prévention du crime et professeur de droit pénal, a indiqué que de nouvelles méthodes d’investigation ont été introduites au Japon, dans le domaine de l’instruction des dossiers relatifs aux crimes et délits liés à la drogue.  Aujourd’hui, par exemple, les citoyens doivent s’identifier auprès des banques lorsqu’ils transfèrent des sommes importantes d’argent, cette règle visant à faciliter la détection et la prévention des cas de blanchiment.  Dans le domaine de l’extradition, des accords bilatéraux et multilatéraux ont été signés.  La Fondation, a-t-il indiqué, s’occupe beaucoup de la question de l’efficacité des pratiques d’extradition.  Il a souligné que cet organisme plaide depuis longtemps pour la simplification des procédures.  Il faut aller plus loin et répondre aux défis nés de la porosité de plus en plus grande des frontières.  La difficulté vient du fait que la coopération en matière de répression est une coopération entre États soucieux de leur souveraineté.  Il faut donc revoir les notions de réciprocité, de double criminalité, de délits politiques et de preuves de culpabilité prima facie, non seulement dans le contexte de l’extradition mais aussi dans celui de la coopération internationale en matière de répression.  M. Horiuchi s’est dit très intéressé par la reconnaissance mutuelle des mandats d’arrêt et par le nouveau mandat d’arrêt européen qui, depuis 2004, remplace les procédures traditionnelles.  Il a également estimé que ce type d’instruments pourrait s’avérer utile dans d’autres parties du monde. 


M. MASAMBA SITA, Directeur de l'Institut africain pour la prévention du crime et le traitement des délinquants (UNAFRI), a déclaré que la montée du crime organisé était liée de très près à l’état des services de police et au niveau de  développement des pays.  Les particularités des crimes commis dans les pays d’Afrique tiennent au niveau d’évolution de ces États.  Dans les trois pays que nous avons examinés, le Botswana, l’Ouganda  et l’Afrique du Sud,  les  tendances communes enregistrées en matière de criminalité montrent que les infractions sont les plus nombreuses dans les secteurs de l’immigration, des vols de voitures et du trafic de drogues.  On observe cependant une baisse de la criminalité transnationale dans la sous-région de ces pays, a dit M. Masamba.  Au Botswana, a-t-il fait remarquer, on a observé une augmentation de la criminalité au niveau national, le nombre de crimes s’étant élevé à 195 949 en 2001, alors que la police en avait dénombré 172 132 en 2000.  Parlant de la coopération internationale, M. Masamba a indiqué que face à l’augmentation du nombre de délits concernant les trafics d’armes, de munitions et de drogues, et face à la multiplication des violations des lois d’immigration, les polices des trois pays mentionnés plus haut ont renforcé leur collaboration en tenant compte des conventions internationales pertinentes.  La réunion des ministres de l’Union africaine sur  le contrôle de la drogue et la prévention du crime, qui s’est tenue du 14 au 16 décembre 2004 à Maurice, s’est inquiété de la montée de la criminalité dans les domaines cités, a dit l’intervenant.  Les ministres de l’Union africaine se sont particulièrement inquiétés de l’impact que ces activités criminelles pourraient avoir sur le développement durable.


M. ROB MCCUSKER, Institut australien de criminologie, a fait état des différents organismes qui ont été créés pour intensifier, au niveau régional, la lutte contre la criminalité transnationale dont le terrorisme.  Il a ainsi indiqué que le Procureur a créé une section Asie-Pacifique pour appuyer les efforts des pays de la région contre la criminalité organisée.  Une équipe de soutien technique conseille, pour sa part, le personnel des îles de la région.  La police fédérale australienne a aussi fourni du personnel aux forces de police des Îles Salomon.  En conséquence, plus de 3 700 armes illégales et plus de 300 000 munitions ont été saisies et plus de 3 000 personnes ont été arrêtées et inculpées.  L’Australie, a-t-il dit, soutient le renforcement du Centre de Jakarta qui sera une banque de données pour toute la région.  Il a aussi attiré l’attention sur la création du Centre de coordination dans le Pacifique et sur une équipe de lutte contre l’exploitation sexuelle transnationale.  Dans le domaine de la criminalité financière, des accords d’entraide judicaire ont été signés avec 37 pays de la région.  Il s’agit aussi de renforcer le développement de l’analyse financière en coopération avec le Centre de Jakarta.  Les projets visent le renforcement des échanges avec les pays intéressés.  Enfin, un programme d’assistance technologique et technique sera lancé pour la région d’Asie de l’Est.  Au niveau des services douaniers, des accords bilatéraux ont été signés avec plusieurs pays de la région.  Quatre négociations bilatérales ont aussi été organisées avec d’autres pays dont le Japon et la République de Corée.  Des cours de formation sont organisés sur la sécurité maritime.  L’Australe participe au système de renseignements douaniers par le biais d’un site Internet.  Le pays a signé plusieurs accords de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale et une équipe spéciale a été établie pour la région en 2003.   


M. EDMUNDO OLIVEIRA, professeur de droit pénal à l’Université d’Amazonie au Brésil, a parlé de la lutte contre le crime organisé dans la zone des pays du Mercosur, l’objectif des programmes en la matière visant à assurer, en premier lieu, la sécurité des échanges économiques.  Un des défis à relever est celui de l’infiltration et de la contamination des États par les réseaux criminels, a dit l’orateur en ajoutant qu’à cela il fallait ajouter les répercussions des activités criminelles sur le fonctionnement des médias et des organismes financiers.  Le blanchiment d’argent et les circuits financiers illicites deviennent de plus en plus difficiles à contrôler, a indiqué M. Oliveira.  Dans les pays du Mercosur, les capacités de la police se trouvent souvent dépassées par celles des gangs, qui bien souvent sont mieux équipés qu’elle.  Les habitants des nombreux bidonvilles qui ceinturent la plupart des grandes villes des pays du Mercosur sont quant à eux souvent otages des gangs qui opèrent en leur milieu, car dans bien des cas, les agents de sécurité publique qui devraient protéger la population civile sont de connivence avec les voyous.  Le dialogue entre les pays du Mercosur a produit à ce jour la publication de nombreux rapports et l’adoption de protocoles d’accords contre le crime, a dit M. Oliveira.  Des étapes importantes restent cependant à franchir.  Entre autres, il a cité la création d’un groupe de travail permanent pour l’élaboration du système de sécurité public que se propose de mettre en place le Brésil, au bénéfice de tout le Mercosur; la création d’une base de données pouvant rendre opérationnel les mécanismes d’échange d’information sur les analyses des évolutions des tendances criminelles; et la création d’un centre de soutien opérationnel du fonctionnement de la justice au niveau du Mercosur.  D’autre part, les pays du Mercosur ont besoin que soient réorganisés, au vu des récentes orientations préconisées par les lois internationales sur l’application extraterritoriale des lois pénales nationales, les traités régissant la question de l’extradition, a estimé le représentant.  


M. ULRICH KERSTEN, Représentant spécial de l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) auprès des Nations Unies, a indiqué que son organisation, qui compte 182 pays membres, est l’organisation de police la plus importante du monde.  La toute première tâche d’Interpol, a-t-il dit, est d’apporter son soutien aux forces de police nationale.  Il s’agit donc de faciliter la coopération de la police par-delà les frontières.  Concernant la lutte contre la criminalité transnationale, Interpol assure d’abord un service de communication entre les polices par le biais d’un système moderne « I24-7 ».  Ce système permet le transfert de requêtes et de demandes d’assistance judiciaire entre pays membres.  Plus de 137 pays sont déjà connectés à ce système, les autres devraient l’être avant la fin de l’année.  Interpol fournit ensuite des services opérationnels de données et de bases de données, offrant des noms, des empreintes digitales, des photos, des profils ADN, des documents de voyage vrais ou faux, ou encore des données sur la pornographie impliquant des enfants.  Enfin, Interpol partage les bonnes pratiques et fournit des cours de formation sur le terrorisme, le trafic de drogues, de personnes ou d’armes, la cybercriminalité et le blanchiment d’argent.  L’une des fonctions les plus importantes est d’aider la police nationale à communiquer l’information critique en utilisant les systèmes de notification internationale d’Interpol qui porte sur les fugitifs, les personnes disparues, les cadavres non identifiés, les suspects, les témoins ou les récidivistes.  En plus de ces notifications, Interpol a mis au point la notification orale qui est une espèce de système d’alerte à l’intention des fonctionnaires chargés de la sécurité.  En concluant, M. Kersten a souligné que l’information, c’est la collecte, la centralisation, l’analyse et la diffusion.  La coopération internationale entre les polices est dépendante de l’information.  La valeur d’une base de données dépend de la qualité et de la quantité de l’information emmagasinée.  Il s’agit maintenant de convaincre les pays membres de l’importance qu’il y a à intensifier le partage d’informations.  


M. ROBERTO DI LEGAMI, Chef du groupe chargé de la criminalité organisée à l’Organisation de police européenne (Europol), a déclaré que l’Europol avait une personnalité juridique internationale et pouvait de ce fait opérer sur un large espace géographique.  Parlant des menaces majeures qui se profilent en Europe, il a indiqué que la zone des Balkans et l’Europe centrale étaient les régions sur lesquelles Europol concentrait son attention.  Il est important que soit renforcés dans les nouveaux pays venant d’adhérer à l’Union européenne les systèmes de justice et la coopération en matière de police, afin que ces pays soient aussi performants dans ces domaines que les autres États de la sphère européenne, a dit l’intervenant.  Europol a été autorisé à coopérer avec les pays de la zone occidentale des Balkans, a indiqué M. di Legami.  Mais, du fait de la difficulté qu’ont encore les pays de cette sous-région à assurer la confidentialité de certaines informations et la protection des données, aucun accord définitif n’a été passé avec eux à ce jour.  Par conséquent, dans cette zone, Europol n’a donc pas encore de relation opérationnelle avec les organisations internationales, la police de l’Union européenne et les douanes des pays.  Quant au mandat d’arrêt européen, c’est un instrument d’assistance judiciaire en matière criminelle, a poursuivi M. di Legami.  Ce mandat est donc applicable dans le cadre de la coopération internationale en matière pénale, a dit l’orateur en faisant valoir le rôle d’Europol.   


Débat


M. OLEKSANDR SHYNALSKY (Ukraine) a indiqué qu’à ce jour, son pays a signé et ratifié 35 accords multilatéraux et 25 accords bilatéraux dans le domaine du renforcement de l’entraide judiciaire, et ce avec quelque 60 États.  En 2004, le pays a coopéré à plus de 2 000 enquêtes avec 73 États du monde.  La Convention de 1990 permet au pays de coopérer en matière de revenus illicites.  Entre 2002 et 2003, 642 procédures pénales on été entamées dans le cadre du blanchiment d’argent et en 2004, 419 affaires ont été ouvertes.  La question du blanchiment d’argent est un problème grave en Ukraine qui se rend compte qu’il s’agit réellement d’une criminalité transnationale, d’où la nécessité de la coopération internationale.  Aussi, le Procureur de la République a-t-il présenté un décret de coopération dans lequel il se fixe un délai de trois à cinq jours pour répondre aux demandes venant de l’étranger.  L’Ukraine a aussi mis en place une bonne base législative pour l’extradition, a aussi indiqué le représentant. 


Mme VIRGINIA PRUGH(États-Unis) a estimé que pour réellement combattre les crimes transnationaux, il fallait appliquer sans réserve les dispositions de la Convention contre la criminalité transnationale organisée.  Les États devraient avoir la volonté politique de mettre en œuvre tous les textes existants dans le domaine de l’entraide judiciaire, a-t-elle ajouté.  Les États-Unis sont en ce moment en négociation avec l’Union européenne pour renforcer l’entraide judicaire avec les pays de cette entité.  Il est nécessaire que les procédures pénales prévues dans le cadre de l’entraide judiciaire disposent des ressources nécessaires pour assurer leur efficacité, a dit la représentante.  Les États-Unis ont révisé certains accords d’extradition bilatéraux pour y inclure certains thèmes, comme ceux de la restitution des avoirs et de la poursuite en justice de leurs nationaux.  Malgré les progrès accomplis, il reste beaucoup à faire pour combattre certaines formes de criminalité, dont notamment celle du trafic des substances psychotropes, a dit la représentante.  Le Gouvernement des États-Unis a augmenté le niveau et la qualité de sa coopération bilatérale avec les pays touchés par les trafics de drogue et d’êtres humains, a-t-elle ajouté. 


M. OSAFO SAMPONG (Ghana) a souligné que l’extradition est le moyen le plus efficace de coopération entre les États dans le domaine pénal car dans le droit international coutumier, le principe fondamental de la coopération en matière pénale est celui de aut dedere aut judicare.  En la matière, il faut des règles claires sur la faculté de faire une demande d’extradition.  La législation doit être souple et fondée sur le principe de réciprocité.  Il faut aussi garantir le respect des droits des fugitifs.  Les demandes d’extradition ne doivent pas être subjectives, mais au contraire être le résultat d’une procédure d’instruction.  Soulignant le principe d’exception pour les délits politiques, il a ensuite mis l’accent sur le fait que la majorité des pays n’ayant pas de lois sur le terrorisme, la coopération dans ce domaine est limitée.  La distinction entre les terroristes et les résistants à une occupation étrangère pose de réels problèmes.  En la matière, le représentant a attiré l’attention sur le principe du jus cogens et le respect du droit international.  Le représentant a aussi passé en revue les difficultés liées à l’entraide judiciaire, au transfèrement des prisonniers, à la reconnaissance des jugements étrangers, ou encore au traçage et à la confiscation des produits du crime.


Mme ANN-MARIE BEGLER (Suède) a dit que les échanges d’information sont nécessaires aux autorités chargées de la répression du crime si on veut leur donner des chances de succès.  L’expérience montre malheureusement que ces échanges sont encore difficiles au niveau international, alors que les criminels, pour leur part, utilisent toutes les nouvelles technologies et ont toujours une longueur d’avance sur les forces de l’ordre.  Les modalités d’extradition, qui sont généralement très lentes, même entre pays ayant passé des accords en la matière, devraient être améliorées, a estimé la représentante.  Toute action visant le renforcement de la coopération internationale contre le crime doit cependant respecter les normes du droit international et la protection des données personnelles, a-t-elle conclu.


M. XIAOMING ZHANG (Chine) a appelé au renforcement de la coopération dans le domaine du partage d’informations, en particulier en ce qui concerne le recouvrement des produits du crime.  À l’heure actuelle, la Chine a déjà signé les Conventions des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et contre la corruption.  Au niveau bilatéral, elle a signé 34 traités d’entraide judiciaire.  Le Gouvernement chinois appelle tous les États Membres de l’ONU à accélérer le processus de ratification des conventions des Nations Unies et à les mettre pleinement en œuvre.  Le représentant a cité un exemple de succès de coopération entre la Chine, les États-Unis, le Canada et la région administrative de Hong Kong en matière de blanchiment d’argent.  La Chine a pu ainsi recouvrer plusieurs dizaines de millions de dollars de fonds publics détournés dont 3,5 millions de dollars ont été remis directement par le Secrétaire d’État américain aux autorités chinoises.  Les quatre suspects, qui s’étaient enfuis aux États-Unis et au Canada, ont pu, grâce à l’entraide judicaire, être arrêtés.  L’un d’eux est déjà arrivé en Chine pour la poursuite de l’enquête.  Le représentant a lancé un appel aux États Membres de l’ONU pour qu’ils renforcent la coopération entre leurs autorités judiciaires afin de priver les criminels de tout sanctuaire. 


M. JEAN-PIERRE VIDON (France) a déclaré que le Service de coopération technique internationale de police, qui fait partie du Ministère de l’intérieur, est l’élément central du dispositif français de coopération internationale technique et opérationnelle.  La France a engagé des réformes structurelles pour renforcer ce dispositif.  Elle a ainsi, entre autres, constitué un réseau unique police-gendarmerie, qui répond à un objectif de meilleure cohérence et de plus grande visibilité dans la définition des priorités thématiques et géographiques de son action.  La France a aussi redéployé son réseau à l’étranger afin de l’adapter à la réalité des menaces constatées ou potentielles.  Cette mesure est chaque année l’objet d’une concertation interministérielle.  Pour lutter contre les phénomènes criminels transnationaux, le Ministère français des affaires étrangères a été à l’origine d’une initiative interministérielle en Europe du Sud-Est qui pourrait être applicable ailleurs dans le monde, a dit M. Vidon.  Auprès de l’ambassade de France à Zagreb a été créé un pôle régional de lutte contre la criminalité organisée dont la particularité est de regrouper sous un même toit, avec un diplomate coordonnateur, des représentants de la justice, de la police nationale, de la gendarmerie et de la douane, afin que le travail en commun de ces responsables apporte une plus-value significative à l’échelle régionale.  Cette activité, qui se fera en liaison avec les autorités des pays concernés, a un double objectif: contribuer à la stabilisation des États qui le justifient, et nous protéger contre les réseaux criminels qui se sont développés dans cette région de l’Europe, a dit le représentant.


M. MAHMOOD AHMED AL-BARASHDI (Oman) a souligné que son pays est membre de tous les mécanismes de l’ONU concernant la lutte contre la criminalité transnationale organisée et de lutte contre le terrorisme.  Le pays a aussi un certain nombre d’accords bilatéraux pour la coopération judiciaire et technique.  Ces accords ont été traduits dans la législation nationale.  Des organismes ont été mis en place pour faire le lien entre les unités nationales et les unités d’autres pays.  Des commissions nationales de haut niveau ont été établies pour suivre la mise en œuvre des  conventions internationales.  Des institutions spécialisées sont, elles, chargées de recevoir les demandes de coopération de pays tierces.  Ces dernières travaillent dans un cadre de coopération entre les départements et les administrations concernés du Sultanat.  En ce qui concerne la coopération internationale pour lutter contre le terrorisme, le Sultanat échange systématiquement les informations avec les États Membres de l’ONU,  et en particulier avec Interpol.  La lutte contre la drogue est prise en charge par une administration spéciale, créée à cet effet.  Le pays dispose également d’une loi sur l’extradition qui contient des dispositions faciles à exécuter.  Le représentant a conclu en soulignant que le danger de la criminalité transnationale organisée appelle à un renforcement de la coopération internationale par le biais d’un échange des expertises et des expériences et la mise au point de programmes de formation à l’intention des fonctionnaires.  Il convient aussi, a-t-il ajouté, de simplifier et de faciliter les procédures de coopération.  


M. KAARLE J. LEHMUS (Finlande) a dit que son pays avait passé des accords avec les États baltes et avec la Fédération de Russie pour améliorer la lutte contre le crime organisé.  Chaque année, les décideurs finlandais et ceux des pays avec lesquels des accords ont été passés se réunissent pour faire le point sur les actions menées et arrêter un agenda d’action pour la période suivante, a indiqué le représentant.  Cette coordination permet aux différents pays de fonctionner en symbiose dans les actions qu’ils mènent pour contrer les actions criminelles.  Une Équipe spéciale a été créée en 1993, au niveau des États limitrophes de la mer Baltique.  Interpol, Europol et l’Organisation douanière internationale y ont un statut d’observateurs et la Finlande en assure la Présidence pour la période allant de janvier 2005 à la fin de l’année 2006.  L’accent sera mis au cours de cette période sur le trafic d’êtres humains, de drogues, de biens volés, et sur le blanchiment d’argent, les crimes informatiques, la corruption et les crimes financiers.


M. JUAN PABLO GLASINOVIC VERNON (Chili) a estimé que l’un des grands obstacles à la coopération dans le domaine de l’entraide judiciaire vient du fait que la justice ne s’est pas développée au même rythme en Amérique latine.  Les pays se cramponnent toujours à leur souveraineté nationale et à leurs frontières.  Lors d’un cours de formation pour les magistrats de la région, tenu il y a quelques semaines, il est apparu que la coopération n’était pas une priorité pour les magistrats. L’autre obstacle vient de la lenteur des systèmes chargés d’examiner les requêtes d’entraide judiciaire.  Une réforme a été lancée, dans la majorité des pays, dont le but est de redéfinir le concept même d’entraide judiciaire.  Des conventions existent mais elles n’ont pas été appliquées dans leur intégralité alors que la législation interne est insuffisante.  Le vide juridique est donc bien réel et la priorité doit être d’établir des canaux de communication souples.  De son côté, le Ministère publique chilien a promu une coordination entre les différentes institutions.  Un groupe de travail a été créé, au sein du Ministère des affaires étrangères, à qui il a été demandé de désigner une personne qui serait chargée exclusivement de l’entraide judiciaire.  Au niveau régional, des organes tels que l’association des ministères publics devraient acquérir de l’importance.  Beaucoup reste à faire, a reconnu le représentant en préconisant le réexamen de l’approche.  Il a fait part d’une initiative consistant à inviter magistrats et procureurs de la région à découvrir la tradition juridique et judiciaire du Chili. 


M. MOHAMED AMARA (Algérie) a déclaré que  de nombreux mandats d’arrêts internationaux lancé par l’Algérie contre des individus coupables d’actes terroristes ou de crimes de droit commun étaient restés sans suite du fait que certains pays ne voulaient pas y répondre.  Si après ce Congrès la communauté internationale pouvait reconnaître l’utilité d’un mandat d’arrêt international unique et la nécessité de le respecter, ce serait un pas important accompli dans le domaine du renforcement de la coopération internationale en matière pénale, a estimé le représentant.


M. ERGIN ERGUEL (Turquie) a indiqué qu’à ce jour, son pays avait signé 50 accords bilatéraux et 26 protocoles en matière de coopération policière.  Il abrite aujourd’hui 19 officiers de liaison étrangers, alors que huit des siens travaillent à l’étranger.  S’agissant de l’entraide judiciaire, le représentant a estimé que le problème principal vient de la lenteur des commissions rogatoires.  La législation turque prévoit des mesures provisoires tels que le blocage et la saisie dont le contenu a été élargi par le nouveau Code pénal.  La Turquie est Partie aux Conventions de Vienne, de Palerme et de Strasbourg. Elle est aussi Partie à la Convention de 1954 du Conseil de l’Europe.  Durant les cinq dernières années, la Turquie a fait  23 750 requêtes d’entraide judiciaire alors qu’il n’en a reçues que 6 983 dossiers.  Concernant l’extradition, le représentant a regretté qu’il s’agisse d’une procédure relativement lourde à mettre en œuvre malgré la mobilité accrue des délinquants.  Il a aussi stigmatisé le manque de formation du personnel concerné.  La Turquie est également Partie à la Convention du Conseil de l’Europe et a signé de nombreux traités bilatéraux.  En l’absence de texte, la Turquie peut extrader une personne en vertu des principes de réciprocité ou de courtoisie.  Le représentant a conclu en estimant que le combat du siècle sera la construction d’une véritable coopération dans le domaine pénal, rendue essentielle par la mobilité offerte aux délinquants par la mondialisation.


M. MOHAMED ABKARI (Maroc) a déclaré que le Maroc avait ratifié la plupart des conventions internationales contre diverses formes de criminalité.  Le Maroc a, entre autres, créé des brigades maritimes avec l’Espagne pour lutter contre l’immigration illégale, a indiqué le représentant.  Depuis les attentats du 11 septembre, le Maroc a collaboré avec la communauté internationale dans le domaine de l’échange d’information et reste entièrement mobilisé pour un renforcement de la coopération qu’il entretient avec les autres pays, a dit le représentant. 


M. DAWVI VATHANA PORNCHAI (Thaïlande) a souligné la nécessité d’une coopération renforcée entre organes douaniers, forces de l’ordre et magistrats.  Il a plaidé pour le renforcement de la coopération à tous les niveaux, inter et intra régional.  Il a aussi plaidé pour le renforcement de la coopération dans le domaine de l’échange d’informations.  La Thaïlande appuie le Traité type d’extradition et le Traité type relatif à l’entraide en matière pénale, a-t-il indiqué.  Dans le domaine de l’extradition, le pays a adopté des procédures simplifiées.  En la matière, le représentant a estimé qu’une avancée significative consisterait à mentionner, dans la future déclaration finale, le terrorisme comme une exception au délit politique.  Dans le domaine de l’assistance technique, a-t-il poursuivi, il est important de déterminer si les principes appliqués dans certains pays peuvent l’être dans d’autres pour lutter contre la criminalité transnationale organisée.  Il faut aussi réfléchir à la manière d’améliorer les procédures pour éviter les abus.  Concernant le trafic des drogues, il faut, a-t-il préconisé, identifier les problèmes techniques et les obstacles juridiques existants dans certains pays et accorder la priorité à la prévention de la criminalité, en traitant de ses causes sous-jacentes telles que la pauvreté.  C’est la raison pour laquelle, en Thaïlande, un programme économique d’autosuffisance a été introduit. 


Documentation


Document de travail (A/CONF.203/9)


Le document décrit les principales tendances et pratiques ainsi que les événements récents concernant aussi bien la coopération policière que la coopération internationale en matière pénale.  Il retrace l'évolution de cette coopération, tant informelle que formelle, et recense les défis et problèmes qui se posent dans chaque domaine pertinent.


L'accent est mis sur la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988 et sur la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.  Le document met en relief la nécessité de renforcer les mécanismes de coopération internationale à la lumière de l'expérience acquise tout en projetant sur l'avenir les politiques et concepts traditionnels qui ne sont plus suffisant, surtout pour combattre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme international.


En effet, la criminalité était jadis considérée comme un problème local ou tout au plus national et de ce fait, le droit pénal est resté un droit essentiellement territorial.  Les autorités nationales se montraient peu disposées à aider celles d'un autre État à traduire les délinquants en justice, à rassembler les preuves nécessaires pour entamer des poursuites ou un procès ou confisquer des biens acquis par le biais d’activités criminelles.  Cette conception de l'action policière et de la justice pénale est aujourd'hui sans rapport avec la réalité.  Si l'on veut pouvoir faire la lumière sur une affaire transfrontière, l'enquêteur et le procureur ont besoin, par-dessus tout, d'informations, d'outils juridiques et de ressources.


Les mécanismes nécessaires sont par conséquent liés à certaines des modalités de la coopération internationale en matière pénale, à savoir l'entraide judiciaire, l'extradition, le transfert de la procédure pénale et le gel et la confiscation du produit d'activités criminelles.  Les outils juridiques comprennent également la législation nationale qui doit être promulguée pour que les arrangements et accords internationaux conclus non seulement soient transposés en droit interne mais encore fonctionnent dans la pratique.  Enfin, il faut par-dessus tout disposer d'un personnel convenablement formé et en nombre suffisant qui puisse utiliser les outils juridiques disponibles de la manière appropriée et ait confiance dans le fonctionnement du système d'application des lois et du système de justice pénale de l'État étranger avec qui il traite.


Puisque la police est une des formes les plus visibles de l'exercice de la souveraineté politique, les États ont longtemps hésité à coopérer avec des services de police étrangers. Cette attitude a peu à peu changé.  Toutefois, la coopération en matière policière a été entravée par différents problèmes, comme la diversité des systèmes juridiques, la diversité des structures mises en place pour assurer l'application des lois, l'absence de voies de communication à des fins comme l'échange d'informations et les activités de renseignement ou la diversité des approches et des priorités.


En ce qui concerne l’extradition, l'étape la plus récente, dans son évolution, a été marquée par la reconnaissance mutuelle des mandats d'arrestation, un mandat délivré par une autorité compétente d'un État étant reconnu comme valable par un ou plusieurs États et comme exécutoire.  Indépendamment des traités d'extradition de caractère général, des dispositions concernant l'extradition ont également été incluses dans diverses conventions internationales traitant de types spécifiques de crimes.  Néanmoins, malgré l'existence d'un nombre appréciable de traités bilatéraux et de conventions multilatérales d'extradition, le réseau est loin d'être complet. D'autres traités demeurent nécessaires, et les traités existants devraient être revus pour déterminer si leur champ d'application pourrait être élargi ou si les procédures prévues devraient être actualisées.  Il est aussi noté, dans le document, que la répugnance des États à extrader leurs propres nationaux semble s'amenuiser.  La Convention contre la criminalité transnationale organisée conclue récemment contient une disposition reflétant cette évolution.  L'évolution récente porte également à conclure que l'on essaie de limiter la portée de l'exception fondée sur le caractère politique de l'infraction en tant que motif de refus d'une demande d'extradition, voire de l'abolir.  Les différences qui caractérisent les pratiques suivies en matière de poursuites par les pays de common law et les pays de tradition romaniste rendent plus difficile une coopération efficace aux échelons interrégional et international. 


Il est rappelé dans le document, que l'entraide judiciaire est généralement fondée sur les traités bilatéraux ou multilatéraux, mais qu’elle peut s’appuyer aussi sur les législations nationales même en l'absence de tels traités.  Il y a apparemment beaucoup moins d'accords bilatéraux d'entraide judiciaire que de traités d'extradition.  Indépendamment des diverses conditions auxquelles les États subordonnent l’octroi d’une entraide judiciaire, plusieurs problèmes pratiques rendent plus difficile la collecte de preuves à l’étranger.  Partout dans le monde, l’un des problèmes majeurs que soulève l’entraide judiciaire tient au fait que l’État requis répond si tardivement aux demandes d’assistance que les suspects doivent être libérés faute de preuves. 


Quant à la confiscation, tant au plan national qu'à l'échelon international du produit d’actes criminels, elle est compliquée par la complexité du secteur bancaire et financier ainsi que par les progrès de la technologie.  Il est conclu que la pléthore d'instruments bilatéraux et multilatéraux existants et, par conséquent, la multiplicité des dispositions relatives à la coopération internationale ne sont pas une panacée pour surmonter les problèmes et les difficultés rencontrés dans la pratique quotidienne. De tels instruments internationaux peuvent être, pour la coopération, une base juridique satisfaisante.  Toutefois, leurs dispositions devraient être appliquées de manière à éviter les solutions fragmentaires et tenir compte de la nécessité d'assurer la bonne administration de la justice.  Il importe, par conséquent, d'adopter et de suivre une approche globale et flexible qui rehausse la complémentarité des différentes modalités de coopération internationale, de manière à encourager la coopération entre États et éviter des échappatoires qui pourraient être source d'impunité. 


Liste des intervenants


Les délégations suivantes ont pris la parole au cours de cette séance: Ukraine, États-Unis, Ghana, Suède, Chine, France, Oman, Finlande, Chili, Algérie, Turquie, Maroc et Thaïlande.


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