LA CONVENTION DE L’ONU CONTRE LA CORRUPTION, INSTRUMENT IDOINE POUR INTENSIFIER ET RATIONALISER LA LUTTE CONTRE CE FLÉAU MONDIAL
Communiqué de presse SOC/CP/327 |
Commission II
4e séance matin
LA CONVENTION DE L’ONU CONTRE LA CORRUPTION, INSTRUMENT IDOINE POUR INTENSIFIER ET RATIONALISER LA LUTTE CONTRE CE FLÉAU MONDIAL
(Publié tel que reçu)
BANGKOK, 20 avril –- Entamé hier, l’examen de la question de la corruption, de ses menaces et des tendances au XXIe siècle, s’est poursuivi, ce matin, au sein de l’une des deux Commissions du onzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale qui se tient à Bangkok depuis le 18 avril dernier. La majorité des 10 intervenants a brossé le tableau des efforts de lutte contre la corruption déployés dans leur pays. Tous les intervenants se sont félicités de l’adoption de la Convention des Nations Unies contre la corruption qui, comme l’a formulé le représentant des États-Unis, permettra d’intensifier et de rationaliser la lutte « contre ce fléau mondial ». Elle contient des dispositions sur la prévention, les mesures anticorruption, la coopération internationale, le recouvrement et la restitution des avoirs détournés et volés, et les mécanismes d’application.
« Les réseaux spécialisés dans la pratique corrompue » se sont multipliés grâce à la mondialisation, a déclaré le Président de la Commission, en résumant le débat de ces deux jours. La lutte contre la corruption nécessite une réponse globale faisant en sorte que la disparition des frontières géographiques serve aussi à la poursuite des délinquants et des criminels. Consciente du fléau, a-t-il rappelé, l’Assemblée générale ne s’est pas contenté des dispositions anticorruption contenues dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et a, au contraire, opté pour une Convention spécifique.
Ouverte à la signature dans la ville mexicaine de Mérida, le 9 décembre 2003, la Convention, qui compte aujourd’hui 118 signatures et 18 ratifications, n’entrera en vigueur qu’à la 30e ratification.
En concluant le débat, le Président de la Commission a également indiqué que ces deux derniers jours, les délégations ont lancé un appel au respect strict du principe de présomption d’innocence et à une formation adéquate des agents de l’ordre qui doivent travailler en toute intégralité et transparence. Les délégations ont aussi mis l’accent sur l’importance de l’assistance technique, d’un plan d’action globale et de la coopération internationale.
* Il n’existe pas de communiqué de presse pour les séances 1 à 3.
CORRUPTION: MENACES ET TENDANCES AU XXIE SIÈCLE
Déclarations
M. EUGENIO CURIA (Argentine) a déclaré que son pays, qui est partie aux recommandations du GAFI sur le blanchiment d’argent et à la Convention de l’OCDE contre la corruption, est très actif en Amérique latine sur cette dernière question. L’Argentine est en train d’examiner la Convention des Nations Unies contre la corruption que son Parlement ratifiera après que le Gouvernement l’ait signée. Il serait souhaitable qu’il y ait sur la scène internationale plus de coopération et de coordination dans la lutte contre la corruption, a dit le représentant. L’Argentine estime que trop d’initiatives sont lancées au niveau mondial sur cette question, ce qui lui fait craindre une dispersion des ressources disponibles qui sont déjà insuffisantes, a dit le représentant. Les projets d’assistance technique destinée à la lutte contre la corruption et à l’application de la Convention de Mérida devraient eux aussi être mieux coordonnés, a-t-il indiqué. On remarque qu’il y a un certain déséquilibre quand on examine les ratifications de la Convention contre la corruption, a-t-il fait remarquer. Les pays développés semblent traîner les pieds et ne pas vouloir donner à la Convention le soutien qui permettrait son entrée en vigueur rapide. Certaines dispositions du texte comme le retour des ressources détournées aux pays d’origine ne devraient pas être perçues comme des obstacles. L’Argentine estime d’autre part que les ONG et la société civile doivent être pleinement impliquées dans la lutte contre la corruption et l’application de la Convention de Merida, a dit le représentant.
M. AHMED SAEED AL-HASANI (Oman) soulignant d’abord que dans son pays, la corruption n’est pas un phénomène important, a fait état du cadre administratif et législatif mis en place en la matière. Les lois pénales prévoient la pénalisation de la corruption, a-t-il dit avant de s’attarder sur la loi relative à une gestion des fonds publics. En 2000, une loi de contrôle, de suivi et d’évaluation a conduit à la création d’un Bureau spécial de protection des fonds publics. L’ensemble de ces dispositions a été renforcé par la mise en place d’une administration qui a pour rôle de suivre et de contrôler les actes de corruption. Pour ce qui est de la gestion des ressources humaines, le pays opère de manière centralisée, ce qui permet un contrôle sur les nominations et les promotions qui doivent impérativement se faire sur la base des principes d’égalité entre tous les citoyens et de primauté de la compétence. Il s’agit d’un plan administratif moderne qui, depuis 2004, a été complété par une nouvelle loi sur la fonction publique qui s’inspire des méthodes les plus modernes de nominations et de promotion des fonctionnaires. Le représentant a conclu en faisant état de la contribution de son pays à la lutte régionale contre la corruption.
M. VALERII DEMIANETS (Ukraine) a déclaré que la lutte contre la corruption en Ukraine était basée sur une série de mesures qui permettent de combattre la criminalité organisée tout en respectant les droits des personnes et des entreprises. Un décret présidentiel a été adopté en 2003 afin de faciliter l’application par l’administration de tous les textes passés à cet égard par le Parlement ukrainien. Le décret a créé un Conseil national de lutte contre la corruption, a indiqué le représentant. Au niveau international, l’Ukraine a signé la Convention de Mérida. Un projet de loi est d’autre part en train d’être examiné par le parlement afin de renforcer la défense des citoyens ukrainiens contre les actes de criminalité et de corruption, a ajouté le représentant. Ce projet de loi prévoit des sanctions pénales contre les personnes reconnues coupables de corruption active ou passive.
M. JOHN BRANDOLINO (États-Unis) a estimé qu’il n’y a rien ajouter à l’appel que le projet de Déclaration finale lance aux États Membres pour qu’ils mettent en œuvre la Convention contre la corruption qui est le plus complet et le plus ambitieux des documents adoptés jusqu’ici sur la question. Lentement mais sûrement, ce texte devient une référence dans l’application de mesures anticorruption. Ce texte doit être au centre des préoccupations d’ici au prochain Congrès, a-t-il dit. Il faudra, en effet, œuvrer à l’entrée en vigueur de la Convention, partager les informations sur les pratiques optimales, mobiliser les ressources nécessaires ou encore renforcer l’assistance technique.
M. FRANCISCO JAVIER MOLINA RUIZ (Mexique) a déclaré que son pays souhaitait que le rôle négatif joué par les entreprises multinationales dans le phénomène de la corruption soit relevé. Le Mexique l’avait déjà dit lors des négociations de la Convention des Nations Unies contre la corruption. Au plan national, le Gouvernement mexicain a instauré une série de mesures qui, si elles sont bien appliquées, permettront de réduire l’impact de la corruption sur les investissements et le développement du pays, a dit le représentant. 1 500 procédures administratives ayant trait aux passations de marché et aux règlements budgétaires ont été identifiées par le Gouvernement qui compte renforcer son action pour les protéger des tentatives de corruption, a dit le représentant en estimant que cette démarche améliorerait la transparence de la gestion gouvernementale. Le Mexique reste confronté à des défis d’ordre politique, a-t-il indiqué. Les avancés démocratiques obligent le Gouvernement à donner plus de responsabilités et d’autonomie aux régions, ce qui l’oblige aussi à décentraliser la mise en œuvre des programmes de lutte contre la corruption. À la fin de ce processus, le Mexique espère parvenir à un niveau de transparence équivalent à celui qui existe dans un pays comme le Chili.
M. ELIMANI ABDESSELAM (Maroc) a indiqué qu’après avoir signé la Convention des Nations Unies contre la corruption, son pays a travaillé de manière efficace et rapide à sa mise en œuvre. Il a aussi fait part des efforts pour mettre en œuvre la Convention contre la criminalité transnationale organisée. Il s’est particulièrement attardé sur ceux concernant le blanchiment d’argent avant de revenir sur la question de la corruption. Il a rappelé le lancement de la réforme imposant aux fonctionnaires de déclarer leurs revenus, sans exception pour mettre fin aux actes de corruption active pour passive. Le Maroc a aussi adopté des mesures de lutte qui sont appliquées avec l’aide de la société civile, sachant le mieux faire de l’information et de la communication des instruments de sensibilisation. Conscient du rôle de la femme dans le processus de développement, le Maroc a adopté des dispositions visant à réaliser l’équilibre des responsabilités entre l’homme et la femme. Des textes ont été adoptés pour protéger la femme de toutes les formes de discrimination. Le pays a aussi retenu l’importance de la protection des enfants contre tous les abus. Il a créé un Comité pour préparer un code de conduite de la justice pénale qui tienne compte des Conventions de la communauté internationale dont celle contre la corruption. Le représentant a fait état de la restructuration de l’appareil judiciaire pour garantir l’efficacité de la lutte contre la corruption.
Le représentant de la Fédération interreligieuse internationale pour la paix mondiale a déclaré que la prévention de la corruption ne pouvait se faire que par des choix collectifs au niveau des communautés. Les individus doivent revaloriser le sens de la dignité auquel s’attaque la corruption. C’est au niveau des valeurs que se joue la lutte contre la corruption, a estimé le représentant en regrettant que les institutions qui traditionnellement soutenaient le renforcement éthique et moral des sociétés ne reçoivent pas aujourd’hui le soutien dont elles ont besoin.
Mme MARIA DE LA LUZ LIMA, Société mondiale de la victimologie, a exhorté la communauté internationale à faire figurer dans la future déclaration finale des dispositions spécifiques visant la participation de la société civile aux mécanismes d’évaluation et de contrôle et de lui assurer l’accès à l’information sur les agissements de leurs gouvernants et sur les meilleures pratiques en matière de lutte contre la corruption.
M. RUSLAN HACIYEV (Azerbaïdjan) a dit que la communauté internationale devait renforcer les programmes de coopération sur la lutte contre la corruption qui s’accroît avec la montée de la criminalité transnationale organisée et affecte aujourd’hui les instances dirigeantes et les processus d’accès au pouvoir dans de nombreuses régions du monde. Les actions à mener doivent inclure à la fois des mesures de prévention et de répression, a estimé le représentant. L’Azerbaïdjan a signé la Convention des Nations Unies contre la corruption et la ratifiera bientôt, a-t-il indiqué. Au plan national, notre Gouvernement a fait adopter une loi spéciale de lutte contre la corruption et a adopté les recommandations émises par le Conseil de l’Europe contre ce fléau. Toutefois, a-t-il estimé, la lutte contre la corruption ne pourra être remportée aux seuls niveaux national et régional. Une réponse internationale coordonnée pourra seule en venir à bout.
Documentation
Document de travail établi par le Secrétariat sur la corruption, ses menaces et ses tendances au XXIè siècle (A/CONF.203/6)
Il est clair aujourd’hui, est-il dit dans le document, que chaque système sociopolitique et économique produit son propre modèle de corruption et qu’aucun système n’en est totalement exempt. La lutte contre la corruption nécessite avant tout l’engagement inconditionnel des dirigeants politiques. Elle nécessite aussi des mesures efficaces pour priver les auteurs et les bénéficiaires de la corruption des fruits de cette dernière, grâce à une coopération internationale sans faille qui permettra de geler, saisir et recouvrer les biens détournés par ce moyen. La corruption alimentant les conflits, il importe aussi de considérer sa prévention et sa répression, de même que la prévention et la gestion des conflits, comme des facteurs essentiels de résolution des conflits.
Sont décrites dans le document les mesures prévues par la Convention des Nations Unies contre la corruption dans les domaines de la corruption politique et du système judiciaire ou encore concernant le lien entre corruption et secteur privé. La Convention peut aussi apporter beaucoup, est-il démontré, dans la lutte contre le pillage des biens et le blanchiment du produit de la corruption et à la disparition du lien entre corruption et conflits. L’ONUDC s’est attaché, en toute priorité, à promouvoir la ratification de la Convention dans les meilleurs délais. Ses activités se sont centrées sur l’élaboration d’un guide législatif pour sa ratification et son application qui reflétera les besoins des États de toutes les régions, quel que soit le système juridique ou le niveau de développement considéré.
Afin de garantir un impact réel aux activités de mise en œuvre, il faudra diffuser les bonnes pratiques; mettre en place un réseau d’individus et d’institutions déterminés à œuvrer à la réalisation des objectifs de la Convention et disposés à promouvoir une action résolue contre la corruption; renforcer encore les travaux menés par le Groupe international de coordination de la lutte cotre la corruption pour améliorer la coopération entre les organisations civiles actives sur le plan international, en matière de lutte contre la corruption, de défense des droits des victimes et de renforcement des capacités; et resserrer les liens avec les ONG, la société civile et le secteur privé, afin que tous les acteurs participent à des campagnes de sensibilisation de plus grande ampleur, est-il préconisé.
Liste des intervenants ayant pris la parole au cours de cette séance
Argentine, Oman, Ukraine, États-Unis, Mexique, Maroc, Fédération interreligieuse internationale pour la paix mondiale, Société mondiale de la victimologie et Azerbaïdjan.
* *** *