En cours au Siège de l'ONU

SOC/CP/324

DES DÉLÉGATIONS S’OPPOSENT À LA NÉGOCIATION D’UNE CONVENTION DE L’ONU CONTRE LE BLANCHIMENT D’ARGENT, ARGUANT QU’ELLE AFFAIBLIRAIT LES NORMES EXISTANTES

19/4/2005
Communiqué de presse
SOC/CP/324


Commission I

2e & 3e séances matin & après-midi


DES DÉLÉGATIONS S’OPPOSENT À LA NÉGOCIATION D’UNE CONVENTION DE L’ONU CONTRE LE BLANCHIMENT D’ARGENT, ARGUANT QU’ELLE AFFAIBLIRAIT LES NORMES EXISTANTES


Les recommandations du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux ne sont pas juridiquement contraignantes, font remarquer les partisans d’une convention onusienne


(Publié tel que reçu)


BANGKOK, le 19 avril -- « La criminalité économique et financière, et notamment le blanchiment d’argent, qui affectent la confiance que les peuples devraient avoir en leurs institutions politiques, gouvernementales et économiques, est devenue une menace à la stabilité et au développement », ont unanimement reconnu aujourd’hui les délégations qui ont examiné cette question au cours des débats de la Commission I du onzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale dont les travaux se sont ouverts hier à Bangkok, en Thaïlande.


Bien que reconnaissant toute la nécessité d’adopter et de mettre en œuvre des mesures de prévention et de répression du blanchiment d’argent, les délégations ont cependant exprimé des points de vue divergents sur l’outil juridique à employer pour faire face à ce type de criminalité.  Pour un certain nombre de pays, dont entre autres les États-Unis, le Luxembourg (au nom de l’Union européenne), le Royaume-Uni, la France et la Suisse, la négociation, sous l’égide de l’ONU, d’une convention internationale contre le blanchiment d’argent ne s’impose pas.  Le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI), créé par l’OCDE, a formulé en 1990 quarante recommandations, qui ont été révisées en 1996, et qui pourraient être adoptées par tous les pays pour faire face à ce crime, ont argué ces délégations.  Pour les représentants des États-Unis et du Royaume-Uni, les recommandations révisées du GAFI, qui ont été adoptées par plus de 130 pays, devraient constituer la norme internationale en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux.  Sur cette question, le représentant de la Suisse a pour sa part estimé que la réglementation suisse sur les délits bancaires et financiers était à la hauteur des exigences de la situation actuelle et n’avait donc pas besoin d’être renforcée par de nouvelles obligations internationales concernant les virements et les dépôts bancaires frauduleux et illicites.  Le représentant de la France a estimé quant à lui que la négociation d’un nouvel instrument international contre le blanchiment d’argent mènerait à l’affaiblissement des normes déjà établies par le GAFI.


Dans ces normes, le GAFI demande, entre autres, que les pays veillent à ce que les lois sur le secret professionnel des institutions financières n’entravent pas la mise en œuvre de ses recommandations et que les institutions financières ne permettent pas l’ouverture de comptes bancaires anonymes ou de comptes ouverts sous des noms fictifs.    


Nuançant le point de vue selon lequel il suffirait d’appliquer les textes existants pour venir à bout des différentes formes de crimes économiques et financiers, le représentant du Brésil a estimé que l’esprit de coopération et une véritable volonté politique nécessaires à la lutte contre le blanchiment d’argent et les autres financiers faisaient encore défaut.  « La lutte contre la criminalité économique transnationale souffre encore de trop de tabous », a-t-il affirmé en insistant sur l’importance de la coopération judiciaire en matière de répression, qui, a-t-il dit, devrait permettre l’extradition des personnes coupables.  Le représentant a souhaité qu’on lève le voile sur la notion de double incrimination.


Le GAFI a émis un certain nombre de recommandations sur l’entraide judiciaire qui stipulent notamment que les pays ne devraient pas refuser d’exécuter une demande d’entraide judiciaire pour l’unique motif que l’infraction est considérée comme portant sur des questions fiscales et ne devraient également pas la refuser au motif que leurs lois imposent aux institutions financières la préservation du secret ou de la confidentialité.  Dans la mesure du possible, les pays devraient accorder une entraide judiciaire même en l’absence de double incrimination, recommande le GAFI.


Dans leurs interventions, les délégations de la Thaïlande et de la République de Corée ont regretté que malgré l’interdépendance accrue des économies, la plupart des infractions économiques et financières ne relèvent toujours pas au niveau international d’un cadre de justice pénale.  Notant que de nombreuses entreprises originaires de pays développés commettent dans les pays en développement des crimes économiques et financiers qui seraient sévèrement réprimés dans leurs nations d’origine, le représentant de la Thaïlande a souhaité que des mesures soient prises, dans le cadre des Nations Unies, pour mettre fin à ces abus qui semblent tacitement soutenus par les politiques menées à l’égard des pays pauvres par les nations développées. 


La Commission I, qui est présidée par Matti Joutsen (Finlande), avait entamé sa réflexion sur les crimes économiques hier après-midi.*


Les travaux du Congrès se poursuivront demain, mercredi 20 avril. 


Pour plus d’information, veuillez consulter le site de l’ONUDC www.undoc.org et celui du pays hôte www.11uncongress.org.


* Séance non couverte

CRIMINALITÉ ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE: DÉFIS POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE


Déclarations


M. PRIDIYATHON DEVAKULA,Gouverneur de la Thaïlande, a estimé que la criminalité économique et financière, sous tous ses aspects, était un obstacle au développement durable.  Si les trafiquants de drogue peuvent continuer à jouir de leurs biens mal acquis, ou si des politiciens véreux peuvent continuer à occuper leurs postes, alors les peuples auront de plus en plus tendance à perdre confiance en ceux qui les gouvernent.  Il est important que les peuples perçoivent leurs sociétés comme équitables afin d’être incités à s’impliquer dans le développement de leurs pays.  L’impact des délits économiques, qui se ressentent sur le long terme, est différent de celui des délits de droit commun.  Il faut donc mettre en place des programmes et des structures d’un type spécial pour faire face à la criminalité économique, a dit le représentant.  Ces structures doivent être capables de résister aux influences et aux pressions politiques.  Les gouvernements doivent faire face de manière efficace à la criminalité économique qui mine la confiance des opérateurs économiques et affecte aussi de manière négative l’attitude des populations vis-à-vis des autorités et des processus de développement, a-t-il souligné.  Les choses sont plus difficiles quand il faut faire face à la criminalité transnationale.  Une coopération entre les différents pays est indispensable, a dit le représentant en relevant que l’exploitation des richesses des petits pays par de grandes nations ou par des opérateurs économiques venus de pays puissants pose des problèmes particuliers.  Sous couvert d’apport de modernité et de technologies, des entreprises exploitent de manière éhontée les ressources naturelles des pays les plus faibles.  Un autre exemple d’abus est celui de la vente dans les pays en développement de produits qui sont interdits dans les États riches et développés.  On l’observe dans le domaine des médicaments et des produits chimiques et pharmaceutiques, a noté le représentant.  La Thaïlande ne prétend pas avoir de réponse efficace contre ce genre de phénomène.  Nous pensons que c’est au niveau de l’ONU que des mesures doivent être prises d’un commun accord pour y faire face.  C’est une question de justice au niveau international, a-t-il indiqué.


Mme MARY LEE WARREN (États-Unis) a partagé le point défendu dans le document du Secrétariat sur la gravité de la menace de la criminalité financière et le blanchiment d’argent qui y est associé.  Les États-Unis, a-t-elle dit, donnent, en la matière, la priorité à la prévention et à l’éducation.  Les lois mises en place depuis 30 ans ont été actualisées, en particulier depuis le 11 septembre 2001.  Les structures d’enquête ont également été remaniées.  La représentante s’est toutefois opposée à l’élaboration d’une nouvelle convention de l’ONU sur le blanchiment d’argent.  Elle a argué de l’existence de quatre conventions pertinentes des Nations Unies qui portent bien sur les infractions graves et offrent les moyens nécessaires pour une coopération internationale dans ce domaine.  Les statistiques, a-t-elle poursuivi, montrent que 163 pays ont pénalisé le blanchiment d’argent alors que et 113 l’ont fait pour le financement du terrorisme.  Il convient d’abord, a-t-elle préconisé, d’assurer la pleine mise en œuvre de ces conventions avant de penser à en négocier une autre. 


Les efforts immédiats, a-t-elle insisté, doivent viser à une ratification universelle de ces conventions et à améliorer les législations nationales.  Une nouvelle convention coûtera cher en temps et ressources financières et humaines sans pour autant faire avancer les choses en matière de coopération internationale.  Outre les conventions des Nations Unies, a-t-elle encore dit, d’autres instruments existent qui forment un cadre efficace.  Elle a cité en l’occurrence les recommandations du Groupe d’action financière internationale (GAFI) qui forment d’ailleurs un mécanisme bien meilleur pour s’attaquer au fléau du blanchiment d’argent.  Ces recommandations, a-t-elle estimé, sont souples et peuvent être adaptées aux changements intervenus dans les activités de blanchiment d’argent.  Le GAFI, a-t-elle souligné, qui prévoit un système d’évaluation des pairs, comprend des membres issus de tous les continents de la planète.  Il ne s’agit donc pas, comme le prétendent certains, d’un mécanisme imposé par un groupe de pays.


M. NAM-GEUN YOON (République de Corée) a dit que l’informatisation des données et l’usage de plus en plus courant des méthodes électroniques offraient des possibilités de plus en plus nombreuses aux criminels qui peuvent désormais opérer instantanément à un niveau global.  La facilitation des transferts financiers et l’intégration du système financier international le rendent vulnérable à ces actes criminels.  De plus en plus, des entreprises peuvent être mises en danger du fait de manipulations financières ou de jeux en bourse, a dit le représentant.  La République de Corée a été victime de ce type d’actions au cours des dernières années.  Il a fallu instaurer des mesures draconiennes pour faire face aux manipulations boursières et aux délits d’initiés.  L’économie coréenne est extrêmement dépendante des jeux de la bourse, et la cybercriminalité a augmenté de manière exponentielle, l’usage de l’Internet permettant aux criminels de dissimuler leur identité.  Le nombre de fraudes financières informatiques s’est accru de 26% en 2003 par rapport à l’année 2002.  Les fraudes à la carte bancaire, dont le clonage de cartes de crédit, et l’usage d’informations volées pour se livrer à des opérations de commerce électronique sont devenus monnaie courante.  Les usurpations d’identité sont aussi désormais monnaie courante et la Corée estime que ce délit doit être criminalisé dans tous les pays.  Notre pays interdit désormais aux banques de données de fournir des informations personnelles à des organismes commerciaux sans l’assentiment préalable des personnes concernées.  Tout comme l’usurpation d’identité, le blanchiment d’argent n’est pas encore reconnu comme un délit pénal au niveau international, a fait remarquer le représentant.  La République de Corée aimerait que cela change.  La sécurité nationale d’un pays étant de plus en plus dépendante des conditions de sécurité internationale, la République de Corée lance un appel aux pays développés pour qu’ils apportent une aide aux pays moins nantis sur les plans technologique et juridique, afin qu’ils puissent mieux faire face aux dangers que pose l’usage des nouvelles technologies de l’information, a dit le représentant.


M. NUHU RIBADU (Nigéria) a attribué les retards de développement du Nigéria au fléau des crimes économiques et financiers que le pays n’a pas réussi tout à fait à juguler.  Comment affronter ce monstre, s’est-il demandé en parlant précisément de corruption, d’activités frauduleuses et de distorsion du système.  Il a fait part de la création d’une Commission spéciale sur la criminalité économique et financière dont les membres sont nommés par le Président et approuvés par le Parlement.  Ces membres représentent pratiquement toutes les agences de répression du pays dont le travail se fonde sur toute la législation économique et financière du pays.  Il a mis l’accent sur le phénomène des « lettres envoyées » par Internet pour appâter quelques naïfs et qui porte préjudice à la réputation des Nigérians.  Aujourd’hui, a-t-il affirmé, plus de 1 000 personnes, qui avaient réussi à extorquer 170 millions de dollars, ont été arrêtées.  Le pays étant le sixième producteur mondial d’hydrocarbures au monde, il pâtit aussi d’activités illégales, de vandalisme ou encore de détournement de barils de pétrole.  Le phénomène a été jugulé et arrêté et le nettoyage se poursuit, a aussi affirmé le représentant, « pour montrer que le pays ne tolèrera plus d’activités frauduleuses ».  Pour ce qui est du secteur bancaire, il a indiqué que cinq des plus grandes banques du Nigéria ont été reconnues coupables d’activités frauduleuses.  Elles ont été poursuivies, dans le cadre de la corruption qui est un des problèmes majeurs du Nigéria. 


Il y a peu, a poursuivi le représentant, l’Inspecteur en chef de la police a été poursuivi pour blanchiment d’argent et évasions fiscales.  Il en a été de même pour le Président du Sénat, a-t-il ajouté pour illustrer la « véritable révolution » qui a cours aujourd’hui au Nigéria qui veut regagner sa crédibilité et le respect de la communauté internationale.  Le Nigéria compte 110 millions de personnes soit le quart de la population de l’Afrique noire qui ne profite pas des richesses du pays.  Aujourd’hui, le pays a resserré ses liens avec Interpol, Europol ou des pays comme le Royaume-Uni, les États-Unis ou encore l’Afrique du Sud.  La plupart des infractions étant transnationales, il faut rechercher l’appui d’autres pays, en particulier pour ce qui est de la restitution des avoirs placés à l’étranger.  Aussi plusieurs millions dollars ont été restitués au pays.  Le Nigéria, a encore indiqué le représentant, a créé un groupe de renseignements financiers chargé de la mise en œuvre de la loi anti-blanchiment de l’argent.  Aussi, a-t-on pu détecter des transactions suspectes qui étaient le fait de personnalités puissantes qui aujourd’hui ont été poursuivies.  En la matière, les actions ont été coordonnées avec d’autres pays dont le Royaume-Uni.  À l’heure actuelle, le Nigéria coopère aussi avec le GAFI qui l’a retiré de la liste noire.  Le Président de Transparency International a pu témoigner du fait que le Nigéria est en première position des pays qui s’attaquent sérieusement à la corruption.  Il y a encore beaucoup à faire, a reconnu le représentant en admettant la tâche essentielle de changer les mentalités et les attitudes.  Le Nigéria a fait la preuve de sa détermination comme en attestent la création d’institutions qui seront à même de subir l’épreuve du temps, a-t-il dit avant de signaler la création d’un institut de formation qui pourrait servir à l’ensemble de la région comme c’est déjà le cas au Libéria.  La corruption a fait beaucoup plus de dégâts au monde que le terrorisme, a-t-il conclu, puisqu’elle apporte à coup sûr la pauvreté et le sous-développement. 


M. BRUNO BURATTI (Italie) a déclaré que l’heure avait sonné pour engager une réflexion sur la politique que doit mener chaque pays pour faire face à la criminalité transnationale organisée, et notamment au blanchiment d’argent.  Cette criminalité a des répercussions négatives de plus en plus sérieuses sur la réalité économique internationale en cette période de mondialisation où les économies sont de plus en plus liées et interdépendantes, a dit le représentant.  Le développement du secteur des biens et services a ouvert la porte à toutes sortes de groupes criminels qui infiltrent les centres financiers nationaux et internationaux et le secteur de la fourniture des biens et des services.  L’Italie pense que le renforcement de la prévention et de la répression de ces crimes doit être promu.  Tout acte de criminalité internationale, et surtout de blanchiment, d’argent doit être puni dans un cadre de justice pénale.  L’Italie a décidé de criminaliser le blanchiment d’argent, au vu des sommes énormes qui sont illicitement recyclées et qui proviennent de tous secteurs d’activités dont ceux de l’immobilier, du trafic des drogues ou du proxénétisme.  Le Gouvernement italien a décidé de confier les programmes de lutte contre le blanchiment d’argent à un organe de police judiciaire spécialisé.  Il est d’autre part indispensable de renforcer la surveillance du secteur bancaire et de revoir le bien-fondé de l’ouverture de comptes bancaires anonymes ou numérotés que pratiquent certaines banques.  En dehors du système bancaire traditionnel, l’Italie est d’avis qu’il faut adopter des législations régulant les activités des systèmes parallèles ou traditionnels d’épargne ou de crédit qui ont récemment fait la une des journaux parce qu’ils étaient impliqués dans le financement du terrorisme, a indiqué le représentant.


Personne ne doute de la gravité du problème dont le Congrès est saisi aujourd’hui, a déclaré M. PETER STORR (Royaume-Uni), en établissant le lien entre crimes financiers et terrorisme.  Les criminels tirent systématiquement parti des maillons faibles des systèmes.  Le problème ne vient pas de l’insuffisance de textes, a-t-il estimé, à l’instar de la représentante des États-Unis.  Insistant, à son tour, sur les recommandations du GAFI, il s’est demandé ce que pourrait apporter une nouvelle convention sur le blanchiment d’argent.  La communauté internationale doit reconnaître le caractère important et précieux des instruments existants et assurer leur pleine mise en œuvre.  Nous connaissons les problèmes, nous devons nous y attaquer avec les armes dont nous disposons, a-t-il dit.  Il faut faire plus, a-t-il reconnu, dans le domaine de la lutte contre l’acquisition illégale de biens.  Il a fait part d’une loi nationale en la matière qui, a-t-il affirmé, s’est avérée particulièrement efficace et qui prévoit que les biens saisis soient réinjectés dans les organes de la lutte contre la criminalité.  Nous sommes dans une situation, a-t-il dit, non sans quelque humour, dans une situation où les criminels financent eux-mêmes les moyens de leur poursuite et de leur arrestation.


M. HALMI MUSTAPHA (Maroc) a dit que le blanchiment d’argent était devenu très préoccupant pour les pays en développement du fait de son impact sur tous les secteurs d’activités gouvernementales ou privées.  Le Maroc a déployé beaucoup d’efforts afin de faire face à ce problème, notamment en élaborant des réglementations  spéciales qui sont en train d’être adoptées par son Parlement.  Le Maroc a adhéré à tous les textes de lutte contre le financement du terrorisme, et le système de justice pénale marocain a été renforcé par l’adoption de lois relatives à la cybercriminalité et l’accès illégal à des informations personnelles ou économiques, a indiqué le représentant.  D’autres lois ont conféré un caractère criminel à la plupart des infractions fiscales ayant un lien avec le blanchiment d’argent.  Le Maroc est soucieux de protéger le fonctionnement de ses institutions de l’impact négatif de la criminalité financière et de renforcer le respect des droits de l’homme et de l’intégrité de la famille en les mettant à l’abri des effets indirects des crimes financiers et économiques. 


Mme MARIE-LISE STOLL (Luxembourg) au nom de l’Union européenne, s’est elle aussi opposée à l’élaboration d’une nouvelle convention sur le blanchiment d’argent, en arguant comme d’autres délégations avant elle, de l’existence des conventions sur les stupéfiants, de la Convention de Vienne, et des conventions sur la criminalité transnationale organisée, la corruption et le financement du terrorisme.  Il convient d’abord, a-t-elle préconisé, d’utiliser tous les moyens pour appliquer ces conventions.  De plus, a-t-elle aussi rappelé, certains groupes régionaux et internationaux ont élaboré des règles dans ce domaine.  Le moment n’est donc pas venu d’entamer des négociations sur un nouveau texte, ce qui demanderait des ressources considérables, a-t-elle conclu en exprimant la disposition de l’Union européenne de réfléchir avec les autres participants du Congrès aux moyens de renforcer l’efficacité des instruments existants.  


M. ANTHONY JOHN ANDREW COLES (Australie) a déclaré que de par son envergure, la criminalité économique et financière transnationale était devenue une menace à la sécurité nationale des pays.  L’Australie s’est engagée dans la lutte contre ce phénomène aux niveaux national et international, a indiqué le représentant en notant que son pays était membre du GAFI et du Groupe asiatique pour la lutte contre le crime transnational organisé.  L’an dernier, 10 millions de dollars ont été dévolus par l’Australie à la coopération internationale pour la lutte contre le blanchiment d’argent.  Le Code pénal australien a été révisé pour mieux répondre à ce crime et de nouvelles lois ont été adoptées pour faire face aux nouvelles formes de la criminalité financière par voie électronique, dont les fraudes sur cartes de crédit et les vols d’identité.  Des réunions biannuelles ont été instaurées avec le secteur financier afin de faire face à la criminalité affectant l’usage des cartes bancaires, et une banque de données a été créée avec le soutien des organismes de délivrance de cartes bancaires pour faciliter l’identification des fraudeurs.  La surveillance et la fermeture des sites Internet suspects fait aussi partie de l’arsenal légal dont s’est doté l’Australie, a dit le représentant.


M. ABDELLAHI OULD KEBD (Mauritanie) a cité parmi les défis auxquels est confrontée aujourd’hui la communauté internationale les trafics de drogues et d’armes, la traite des personnes, le blanchiment d’argent ou encore le terrorisme.  Par le pouvoir de corruption qu’ils ont, les criminels et les terroristes peuvent réellement déstabiliser un pays, a-t-il dit.  Il a donc appelé à un renforcement de la coopération internationale contre un fléau qui porte atteinte à l’homme, à ses droits et à ses libertés fondamentales.  Il s’est opposé à la position des États-Unis avant d’indiquer que son pays avait ratifié la Convention de 1988 et modifié sa législation en conséquence.  Aucune opération de blanchiment d’argent n’a été détectée à ce jour dans le pays, mais, a-t-il reconnu, compte tenu de la complexité des activités concernées, aucun pays ne peut prétendre être immunisé dans ce domaine.  Il a salué les recommandations du GAFI, tout en attirant l’attention du Congrès sur les maux dont souffrent son pays dont le manque de coopération entre les organes concernées, le manque de capacités et l’absence de législations bancaires adaptées au contexte.  Pour remédier à cette situation, une Commission technique et interministérielle se penche sur l’élaboration d’un projet de loi relatif à la répression des produits du crime et le renforcement de la coopération internationale.  Le pays vient, en outre, de créer une structure centrale chargée de la lute contre les crimes économiques et financières.  Le blanchiment étant lié au terrorisme, le pays a ratifié 11 conventions des Nations Unies ainsi que celles de l’Union africaine et de la Ligue des pays arabes.  Une Commission se penche, en ce moment, sur les modifications à apporter à la législation nationale. 


M. MICHEL MAHOUVE (Cameroun) a déclaré que le Cameroun participait à la lutte contre la criminalité en col blanc à la fois aux niveaux régional et international.  Au niveau de la sous-région d’Afrique centrale, le Cameroun est partie à un dispositif juridique et institutionnel qui permet aux administrations compétentes des États de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) de déployer des actions contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.  Ce dispositif comprend les différentes recommandations du GAFI; la Déclaration de la Conférence des chefs d’État de la Communauté économique et monétaire (CEMAC) du 14 décembre 2000; les dispositions du Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale (GABAC), qui a été créé sur le modèle des grandes lignes du GAFI; et d’autres textes comprenant entre autres le Règlement du 14 avril 2003 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme en Afrique centrale.  Un Comité de coordination des opérations de lutte contre la fraude, la contrebande et la contrefaçon vient d’être créé par un décret publié le 15 février 2005.  Il a pour mission de contribuer à l’assainissement des opérations commerciales en vue de garantir une concurrence saine dans la conduite des affaires économiques, a indiqué le représentant.  Concernant la formation aux techniques de détection de fausse monnaie et de faux chèques bancaires, des séminaires sont organisés à l’intention de la police par le Service de coopération technique internationale de police, a-t-il ajouté en notant cependant qu’un maillon faible existait du fait de l’absence, dans son pays, et dans la sous-région, d’un cadre juridique approprié pour la lutte contre la cybercriminalité. 


M. ANTENOR MADRUGA (Brésil) a ironisé sur les propos des États-Unis et du Royaume-Uni qui appelaient à la mise en œuvre des instruments existants.  À leurs appels à la mise en œuvre, je réponds « coopération internationale », a-t-il dit.  Cette dernière n’est pas parfaite, a-t-il dénoncé, non pas en raison d’un vide juridique mais bien d’un manque de volonté de coopérer.  La lutte contre la criminalité économique fait toujours l’objet de tabous, concernant en particulier des notions telles que la double incrimination ou le principe de spécialité.  Plutôt que de se contenter d’une déclaration vide de sens, il a invité le Congrès à réfléchir à ces questions ou au moins, à donner des indications sur la marche à suivre.  Le représentant a insisté sur la coopération internationale et sur des notions telles que l’extradition ou l’entraide judiciaire qui, a-t-il une nouvelle fois répété, continuent de faire l’objet d’un tabou et de compromettre une coopération digne de ce nom.


Mme ELSE METTE NAESS (Norvège) a fait part de la satisfaction de son Gouvernement au sujet de l’adoption par les États Membres des conventions contre la criminalité transnationale organisée et contre la corruption.  La Norvège se joint aux délégations qui soutiennent les normes émises par le GAFI en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, a dit la représentante en indiquant que son pays avait mis en place des règlements nationaux adaptés aux recommandations du Groupe.  Dotée d’un arsenal juridique rigoureux, la Norvège estime que le défi actuel réside dans la mise en œuvre complète du cadre législatif existant, a-t-elle dit.  Des efforts sont déployés en matière de sensibilisation des différents secteurs de la société aux dangers que pose la criminalité économique et financière, a indiqué la représentante.  Il est indispensable de redonner confiance au public en la capacité de sa police à contrôler ce phénomène, et nous pensons qu’il doit en être de même au niveau international à travers une coopération accrue. 


M. HENNING FODE (Danemark) a, à son tour, compte tenu des instruments existants, émis des doutes sur la nécessité d’élaborer une nouvelle convention sur le blanchiment d’argent.  Il a donc appelé les Nations Unies à concentrer tous les efforts sur la ratification rapide et effective de ces instruments.  Il a jugé important de se concentrer sur la criminalité économique dont la lutte exige des stratégies nationales et le renforcement de la coopération internationale, en particulier l’assistance technique aux pays concernés.  


Mme MIRNA MAS Y RUBI (Venezuela) a indiqué que son pays avait adhéré aux recommandations du GAFI.  Le Venezuela veille à ce que ses institutions politiques, gouvernementales et ses structures privées ne soient pas utilisées à des fins de blanchiment d’argent.  Notre pays dispose d’un mécanisme permettant de vérifier la légitimité des transactions financières qui sont opérées dans le cadre des activités commerciales, a indiqué la représentante.  Le Venezuela est vigilant sur cette question, car il ne veut pas que le problème de la criminalité transnationale organisée soit utilisé par certaines parties pour justifier des pressions et des ingérences dans les affaires intérieures des États, a souligné la représentante. 


M. VALERIY PIDPALY (Ukraine) a indiqué que le nouveau Gouvernement s’est choisi comme tâche prioritaire la lutte contre la criminalité organisée et la corruption.  La détection de ces infractions est une entreprise difficile, a-t-il souligné, en arguant de l’utilisation par les criminels des nouvelles technologies qui permettent de passer outre les frontières.  Leurs activités ne seraient pas possibles sans l’appui des fonctionnaires de l’exécutif, ce qui montre le niveau de corruption au sein des institutions publiques.  Un Bureau général d’enquête est en train d’être mis en place, a-t-il indiqué après avoir annoncé que les initiatives anticorruption ont déjà commencé à porter des fruits.  Le danger est que les efforts déployés nécessitent une augmentation des effectifs de la police alors que le pays se débarrasse de tous les vestiges d’un État policier.  La tâche sera d’autant plus difficile puisque le pays vit une situation où les groupes criminels bénéficient de la complicité de certains politiciens.  Le représentant a souligné la gravité des activités de blanchiment d’argent avant de souligner aussi que les efforts déterminés déployés par son pays ont conduit le GAFI à le supprimer de sa liste noire.  À son tour, il a mis l’accent sur la coopération internationale, en particulier dans les domaines des échanges d’informations et d’expériences, et de l’assistance technique.  


M. DAVID BEST (Suisse) a déclaré que son pays avait mis en place un des dispositifs les plus développés et les plus efficaces contre le blanchiment d’argent.  La Suisse a une législation nationale dont l’efficacité ne fait pas de doute, a estimé le représentant.  Un cadre juridique international ne s’impose donc pas en Suisse pour faire face aux questions existant en matière de crime financier.  C’est au moment où sont effectués les virements délictueux que doivent être détectés, à la source, les transferts frauduleux, a estimé le représentant.  Il faudrait donc renforcer l’assistance technique aux personnels des pays qui ont des insuffisances techniques.  Il n’est pas nécessaire de travailler sur une nouvelle convention internationale sur le blanchiment d’argent.  La Suisse estime que les recommandations émises par le GAFI sont largement suffisantes et que des efforts devraient plutôt être déployés en vue de faciliter leur application. 


M. REIJO PÖYHÖNEN (Finlande) a estimé que la criminalité économique et financière est un défi que la communauté internationale, dans son ensemble, doit relever.  Celle-ci a déjà progressé et a adopté des instruments juridiques tels que la Convention sur la criminalité transnationale organisée, sur la corruption ou ceux traitant du trafic de stupéfiants.  Il est maintenant capital, a encore estimé le représentant, de déployer tous les efforts nécessaires pour les mettre pleinement en œuvre.  Le blanchiment d’argent d’ailleurs est mentionné par ces conventions et le GAFI a adopté des recommandations exhaustives sur le sujet.  En Finlande, les efforts se sont fondés sur ces textes et le pays considère, en conséquence, qu’il il n’est pas nécessaire, à l’heure actuelle, de négocier un nouveau texte.  Pour le représentant, cela ne permettrait pas d’aller de l’avant bien au contraire.  Le danger est grand de mettre en péril les conventions existantes, a-t-il affirmé avant de souligner, une nouvelle fois, l’importance qu’il y a à concentrer tous les efforts sur la mise en œuvre des conventions existantes et sur les recommandations du GAFI.  Ce faisant, il est essentiel de renforcer la coopération internationale, en particulier en ce qui concerne l’assistance technique en faveur des pays qui en ont besoin.


M. VICENTE AQUINO (Philippines) a dit que la criminalité économique et financière affectait tous les pays.  Elle ruine le tissu social des pays tout en sapant leurs institutions démocratiques, a dit le représentant.  Une démarche internationale facilitant la mise en oeuvre d’outils efficaces de lutte contre ce fléau s’impose, a-t-il ajouté, en notant que son pays s’était doté de règles en la matière.  Cette législation reconnaît les recommandations émises par le GAFI, a-t-il indiqué.  Les nouvelles lois adoptées traitent notamment de la répression des crimes bancaires.  Un comité de coordination des activités des agences de lutte contre les actes de fraude économique et bancaire a été créé.  Notre Gouvernement encourage la participation du secteur financier à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, a-t-il ajouté.  Soixante-six tribunaux ont été mis en place par la Cour suprême des Philippines pour faire face à la montée des périls.  Il y a quelques mois, les Philippines ont été retirées de la

liste des pays qui ne collaborent pas avec les mécanismes du GAFI, et notre pays a adopté un code renforcé de déontologie financière qui permet de mieux surveiller la gestion des entreprises, a indiqué le représentant.  Ceci permettra d’assurer un meilleur fonctionnement de l’activité économique et de rendre plus transparent le cadre d’investissements aux Philippines.


Mme CEREN VANLIOGLU (Turquie) a estimé que, compte tenu de la difficulté de s’entendre sur une définition commune de la criminalité économique et financière, la communauté internationale doit se donner comme priorité la lutte contre le blanchiment d’argent.  Elle a appuyé la recommandation relative à une convention internationale en la matière.  Elle a aussi appuyé la recommandation selon laquelle, pour parvenir à un cadre juridique, la notion de crime économique et financier doit faire l’objet d’une classification en domaines spécifiques pour permettre des réponses efficaces.  La représentante a poursuivi en rappelant l’entrée en vigueur en 1997 de la loi nationale sur le blanchiment d’argent qui a prévu la mise en place d’un Bureau chargé de recevoir les dénonciations en la matière, de mener des enquêtes et de fournir au Parquet la documentation nécessaire.  Le Bureau est aussi responsable de la législation, en la matière, et agit comme coordonnateur des actions dans ce domaine.  Pour ce qui y est des enquêtes menées par ce Bureau, le nombre de transactions notifiées, en 2004, était de 2490.  Sur ce nombre, 204 dossiers ont été transmis au Parquet pour ouverture d’une enquête pénale et 183 dossiers avaient trait au délit de blanchiment d’argent.  Par ailleurs, le nouveau Code pénal prévoit des dispositions contre le blanchiment de produits tirés du crime, dont une peine d’au moins un an de prison.  Le Code prévoit aussi des dispositions contre la cybercriminalité.  La représentante a démontré l’attachement de son pays à la lutte contre la criminalité économique et financière et citant tous les instruments internationaux et régionaux que son pays a ratifiés.


M. HERBERT MAASSEN (Allemagne) a déclaré que le Gouvernement allemand considérait la lutte contre la criminalité en col blanc comme une question de sécurité nationale.  La concurrence internationale pousse de plus en plus d’hommes d’affaires et d’entreprises à recourir à des méthodes illicites pour gagner des marchés et faire des affaires, a-t-il relevé.  Il est important de disposer de bonnes informations pour pouvoir lutter contre la criminalité économique et financière.  C’est pourquoi l’Allemagne a opté pour un processus fondé sur la création de bases de données pour suivre les évolutions de cette criminalité qui se sert des dernières innovations technologiques.  La police, les douanes et les autres services de sécurité participent à la lutte contre le crime économique organisé en Allemagne.  La police fédérale dispose désormais d’unités spécialisées qui s’intéressent particulièrement aux fraudes commises dans le domaine du commerce électronique.  L’Allemagne appuie les initiatives ayant trait au renforcement de la coopération internationale de lutte contre la criminalité transnationale organisée, a indiqué le représentant tout en soulignant que son pays ne soutenait pas la négociation d’une nouvelle convention internationale qui aurait pour objet la lutte contre le blanchiment d’argent.  L’Allemagne soutient les recommandations énoncées par le GAFI, a-t-il dit. 


M. JEAN-LOUIS BERTRAND (France) a estimé que la criminalité économique et financière prend des proportions des plus inquiétantes dans la mesure où sa progression est clairement liée à l’émergence des nouvelles technologies des communications et à l’intégration de plus en plus forte des économies mondiales.  Il a aussi souligné la grande difficulté sinon l’impossibilité à définir de façon claire et acceptée par tous ce que recouvre le concept de criminalité économique et financière.  Il a imputé cette situation au fait que ce type de criminalité se trouve au centre ou en marge de la plupart des délits définis sous le signe de la criminalité transnationale organisée.  Il a jugé bon de tenter de préciser ce concept et de déterminer sa portée et son coût, avant d’aller réellement de l’avant.  Il a souligné que la thématique du blanchiment apparaît au bout du compte comme le moyen le plus simple d’aborder cette forme de criminalité dans la mesure où l’argent issu de l’ensemble de ces activités douteuses doit être à un moment ou un autre blanchi pour pouvoir être ensuite réinjecté dont le circuit financier légal. 


Concernant la proposition d’établir à terme une convention contre le blanchiment d’argent sous l’égide des Nations Unies, la France n’y est pas favorable, a indiqué le représentant.  Il s’est expliqué en estimant qu’il n’existe pas de vide normatif en la matière.  Dans le cadres des Nations Unies, quatre conventions approchent chacune cette problématique.  L’enjeu est la mise en œuvre des textes existants.  L’élaboration d’une nouvelle convention ne serait pas nécessaire puisque les 40 plus neuf recommandations du GAFI, entérinées par plus de 150 pays, constituent déjà un standard international quasi universel.  La négociation d’un nouvel instrument pourrait amoindrir le statut de ce standard, en ajoutant des normes de moindre portée ou pire en contradiction avec les normes existantes.  Il serait difficile voire impossible d’arriver au même niveau d’exigence, au sein des Nations Unies.  Le risque est d’avoir un texte faible et de voir des États qui ne se sentiraient plus liés par les dispositions actuelles.  Par ailleurs, le mécanisme de suivi paraît dans ce cadre très hypothétique.  La Convention ne pourrait prévoir des sanctions contre les États qui ne le ratifieraient ou ne l’appliqueraient pas.  Le risque est grand de voir les États relâcher leurs efforts, a conclu le représentant.


M. DHARSHANA PERERA (Sri Lanka) a dit que la criminalité économique et financière pouvait déstabiliser les sociétés.  Au niveau international, ces activités, qui détournent des milliards de dollars des circuits de l’économie légitime, sont une menace au système économique global.  Le danger posé à la communauté internationale est encore plus grand quand on sait que les ressources tirées des trafics de drogues, qui sont introduites dans les circuits financiers légaux après blanchiment, sont souvent contrôlées par des groupes impliqués dans des activités terroristes.  Le Sri Lanka souhaite que soit élargi le programme des Nations Unies sur la prévention du crime et la justice pénale, afin que les pays qui manquent de capacités de lutte reçoivent l’aide dont ils ont cruellement besoin, a dit le représentant.


M. MODESTO GARCIA (Espagne) a estimé qu’en matière de blanchiment d’argent, la meilleure initiative consiste à désarticuler la base économique des organisations criminelles.  En Espagne, a-t-il expliqué, les efforts sont déployés sur les plans administratif, policier et judiciaire et se fondent sur les instruments pertinents de l’Union européenne et les recommandations du GAFI.  Ce faisant, les sommes récupérées jusqu’ici ont dépassé les 50 millions d’euros, lesquelles seront affectées à la lutte contre la criminalité transnationale organisée.  L’Espagne a aussi signé plusieurs accords bilatéraux avec une longue liste de pays et procède également à des échanges d’informations administratives et opérationnelles.  Le représentant a recommandé aux autres pays d’intégrer, à l’échelle nationale, les éléments susceptibles de désarticuler les comportements criminels, d’assurer une bonne coopération internationale entre les structures de prévention, et enfin d’œuvrer à l’harmonisation méthodologique des manières de travailler.  À son tour, le représentant a estimé qu’il fallait exploiter davantage les mécanismes existants.  Il a conclu en soulignant que dans son pays, la lutte contre la criminalité économique et financière tire son importance de sa contribution à la lutte contre le financement du terrorisme.


Mme NITA GAMIO DE BARRENECHEA (Pérou) a dit que son pays avait donné la priorité à la lutte contre la criminalité économique et financière.  Le Pérou demande donc aux autres délégations de faire des efforts pour parvenir à l’adoption de recommandations qui puissent aider les États à faire face aux dangers actuels.  Nous devons mettre en place des mécanismes multilatéraux efficaces de lutte contre cette criminalité.  Ces mécanismes doivent être conçus et opérés dans le cadre des Nations Unies, a dit la représentante. 


M. GUY DE VEL, Conseil de l’Europe, a rappelé le rôle de pionnier du Conseil de l’Europe en matière de criminalité économique et financière, en citant l’adoption en 1981 d’une recommandation sur la criminalité des affaires.  Concernant le blanchiment des capitaux, il a rappelé l’adoption en 1990 de la Convention du Conseil de l’Europe qui a été ratifiée par tous ses États membres auxquels s’est ajouté l’Australie.  Il a précisé que cette Convention est assortie d’un mécanisme d’évaluation des pairs qui examine les mesures prises par les 27 membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres du GAFI, Groupe avec lequel d’ailleurs le Conseil a une excellente relation.  Après le 11 septembre 2001, il est apparu nécessaire d’ajouter des mesures supplémentaires contre le financement du terrorisme.  A la suite des attentats tragiques qui ont frappé l’Europe, le Conseil a inclus le financement du terrorisme dans le mandat du mécanisme d’évaluation des pairs mais il a aussi travaillé à un nouveau texte.  Aussi, la Convention sur le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme a été adoptée, la semaine dernière et sera ouverte à la signature au cours du Sommet des chefs d’État qui se tiendra les 16 et 17 mai prochains à Varsovie.  Ce nouvel instrument prévoit aussi une meilleure coopération entre les services de renseignements financiers.  Les instruments juridiques dont disposent le Conseil sont ouverts à des États membres, non membres et non Européens.  Les activités du Conseil se déroulent également en étroite coopération avec l’Union européenne et les Nations Unies, a encore précisé le représentant.


M. EUGENIO CURIA (Argentine) a dit que la notion de criminalité économique et financière était intéressante mais difficile à cerner.  En effet, dans criminalité économique et financière, on englobe une vaste série d’infractions qui sont déjà traitées par le code pénal.  Par exemple, dans un certain nombre de pays, l’évasion fiscale n’est pas considérée comme un délit, et il y a de nombreux obstacles à la coopération juridique internationale en la matière.  Quant au blanchiment d’argent, il n’existe pas de droit positif au niveau international sur ce sujet, a souligné le représentant.  Cependant, il existe des normes, mais leur nature juridique a toujours fait l’objet de doutes.  Le représentant a suggéré qu’il sera peut-être nécessaire à un moment, de faire la soudure entre des normes non contraignantes vers une convention ayant force obligatoire. 


Des efforts fragmentés ont été faits par diverses organisations pour enrayer les infractions dans le domaine informatique, mais un examen d’ensemble révèle de nombreuses lacunes, a poursuivi le représentant.  Les infractions de ce type sont liées à la criminalité économique et financière, mais aussi à des infractions comme celle touchant la vie privée, ou à la pornographie.  De l’avis du représentant, bien que le secteur privé n’ait pas été jusqu’ici un allié dans les discussions sur la corruption et la criminalité organisée, dans ce cas, il pourrait en devenir un et même fournir des fonds. 


Mme BRONWYN SOMERVILLE, Groupe Asie-Pacifique sur le blanchiment des capitaux, a pris note du débat sur la nécessité ou non d’élaborer une convention sur le blanchiment de capitaux et de celui sur les efforts à déployer pour mettre en œuvre les mécanismes existants et les lacunes qui les caractérisent.  Elle s’est demandée dans quelle mesure une convention pourrait éroder les normes existantes.  Elle a demandé que son Groupe soit informé sur toute décision que le Congrès se proposera de prendre en la matière. 


M. MAKOTO KONDO, Fédération des associations des barreaux japonais, a mis l’accent sur le caractère dangereux des lois qui imposent aux avocats de rendre compte de transactions frauduleuses.  De telles lois, a-t-il dit, diminuent l’indépendance des avocats, érodent la confiance avec leurs clients et sapent les fondements d’une société démocratique.  Il a dénoncé la politique menée par le Royaume-Uni qui a été suivi par le Canada.  Il a aussi dénoncé le fait qu’en 2001, l’Union européenne ait pris sa décision malgré une forte opposition du Conseil des barreaux européens.  De plus, malgré les objections très grandes de ces conseils et des associations des barreaux américains et japonais, le GAFI a recommandé, à son tour, que les avocats et les autres membres de profession libérale dénoncent les transactions suspectes.  Imposer une telle obligation aux avocats est dangereux et intolérable, a souligné le représentant.  Il s’est demandé en quoi l’imposition de telles contraintes aux avocats contribuerait à la lutte contre le blanchiment d’argent puisque les transactions incriminées peuvent se faire sans l’aide d’avocats.  En outre, si ces derniers coopèrent, ils peuvent être poursuivis pour complicité et cela devrait suffire.  S’en prendre ainsi aux avocats voudrait laisser croire que la lutte contre le blanchiment est une valeur fondamentale de la société, a ironisé l’orateur en insistant sur le droit de l’avocat de conférer en toute confiance avec son client.  Il a, en conséquence, demander la suspension voire l’abrogation des lois déjà adoptées.


M. S. M. NIZAM, Fédération pour la prévention du crime en Asie, a évoqué la question de l’extradition, en arguant du droit des pays concernés de juger les personnes responsables de crimes commis sur leur territoire. 


Documentation


Document de travail établi par le Secrétariat (A/CONF.203/7)


Les dommages que peut provoquer la criminalité économique et financière sont apparus de plus en plus clairement durant la dernière décennie. Beaucoup de pays en développement sont particulièrement vulnérables à la criminalité économique et financière en raison d’un certain nombre de facteurs comme la faiblesse des cadres réglementaires et les capacités limitées des pouvoirs publics.


Selon les conclusions et recommandations de ce rapport, il est difficile de prendre toute la mesure de l’impact de la criminalité économique et financière dans le contexte mondial actuel, en particulier sur les pays en développement, et ce pour deux raisons. La première est qu’il est malaisé de définir le concept dans son ensemble, et la deuxième tient au fait qu’il n’est pas facile de déterminer la portée et le coût de cette criminalité. Il est de plus en plus évident que, pour l’essentiel, la criminalité économique et financière va grandissant, principalement dans les secteurs connaissant un progrès technologique rapide, comme le commerce sur Internet.


L’un des domaines exigeant une attention particulière est celui du blanchiment d’argent, non seulement en raison de son lien avec d’autres domaines d’activités illicites dans le secteur financier, mais également parce que des groupes criminels organisés impliqués dans diverses activités illégales y ont recours. S’il est difficile de mesurer une éventuelle progression de blanchiment d’argent, il est toutefois manifeste que les différents indicateurs désormais en place pour enregistrer les opérations financières suspectes ont mis en évidence des augmentations notables ces dernières années.  L’idée formulée par le Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, selon laquelle un instrument juridique à l’échelle mondiale est nécessaire dans ce domaine, permettra de faire le point sur l’efficacité des mécanismes actuels, et sur la viabilité des arrangements qui pourraient être pris à l’avenir, pour lutter contre le blanchiment du produit du crime.


Les éléments disponibles laissent également penser que le coût de la criminalité économique et financière est bien souvent impossible de mesurer avec exactitude à court terme, est très élevé pour un grand nombre de sociétés cherchant à atteindre des niveaux durables de développement.  Cela est principalement dû au fait que de telles pratiques illicites nuisent, à moyen et à long terme, à l’efficacité de la gestion de l’économie, à la transparence et à l’état de droit, qui sont essentiels à une croissance durable.


Le onzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale voudra peut-être examiner les recommandations suivantes tendant à:


  • Établir des mécanismes aux niveaux national, régional et international pour améliorer la collecte de renseignements relatifs à la criminalité économique et financière, l’accent étant mis en particulier sur les domaines où le progrès technologique offre de nouvelles possibilités pour les activités criminelles;
  • Examiner les moyens de renforcer le cadre juridique mondial de lutte contre la criminalité économique et financière. Si le concept de criminalité économique et financière est jugé trop large, il pourrait être utile de définir des domaines particuliers (tels que la fraude sur Internet) dans lesquels des mesures pourraient être prises afin d’accroître l’efficacité des interventions à l’échelle mondiale;
  • Fournir une assistance technique efficace aux pays en développement, en vue d’accroître les capacités des agents de répression, des magistrats du parquet et du personnel judiciaire, pour qu’ils puissent faire face au problème, compte tenu en particulier des progrès technologiques et des nouvelles possibilités qui en découlent pour la criminalité économique et financière;
  • Trouver un accord sur les mesures visant à améliorer la coopération entre les pouvoirs publics et le secteur privé pour leur permettre de prévenir la criminalité économique et financière, et de recenser les faiblesses que pourrait exploiter la criminalité organisée;
  • Répertorier des mesures efficaces pour enrayer le blanchiment d’argent dans les pays connaissant une faible participation au système financier « formel », y compris dans les domaines de la recherche, de la formation, du développement des compétences, des programmes d’assistance technique et de la coopération régionale et internationale.

Liste des intervenants ayant pris la parole au cours de cette séance


Thaïlande, États-Unis, République de Corée, Nigéria, Italie, Royaume-Uni, Maroc, Luxembourg (au nom de l’Union européenne), Australie, Mauritanie, Cameroun, Brésil, Norvège, Danemark, Venezuela, Ukraine, Suisse, Finlande, Philippines, Turquie, Allemagne, France, Sri Lanka, Espagne, Pérou, Argentine, Conseil de l’Europe, Goupe Asie-Pacifique sur le blanchiment des capitaux, Fédération des Associations des barreaux japonais et Fédération pour la prévention du crime en Asie.


Liste des intervenants ayant pris la parole au cours de la séance d’hier


Égypte, Algérie, Canada, Suède, Indonésie, Ghana, Portugal et Chine.


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À l’intention des organes d’information. Document non officiel.