SOC/CP/322

LE ONZIÈME CONGRÈS DE L’ONU POUR LA PRÉVENTION DU CRIME ET LA JUSTICE PÉNALE INVITE À « CONSPIRER » CONTRE LE LIEN ENTRE CRIMINALITÉ ORGANISÉE ET TERRORISME

18/4/2005
Communiqué de presse
SOC/CP/322

Onzième Congrès des Nations Unies

pour la prévention du crime et la justice pénale

1re séance plénière – matin


LE ONZIÈME CONGRÈS DE L’ONU POUR LA PRÉVENTION DU CRIME ET LA JUSTICE PÉNALE INVITE À « CONSPIRER » CONTRE LE LIEN ENTRE CRIMINALITÉ ORGANISÉE ET TERRORISME


« Éviter que les dangers distants ne deviennent imminents et que ceux qui le sont déjà ne deviennent destructeurs », objectif ultime précisé par le Président du Congrès et le Secrétaire général de l’ONU


(Publié tel que reçu)


BANGKOK, le 18 avril -- Le onzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale a ouvert ses portes, ce matin, à Bangkok en Thaïlande pour, comme l’a souhaité le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), « conspirer » pour briser le lien entre criminalité organisée et terrorisme.  Placé sous le signe des « Alliances stratégiques », le Congrès s’achèvera, le 25 avril prochain, par l’adoption, après le débat des chefs d’État et de gouvernement, de la « Déclaration de Bangkok »censée faire la somme des discussions sur les cinq questions principales à savoir: l’efficacité des mesures contre la criminalité organisée, la coopération internationale contre le terrorisme, la corruption, la criminalité économique et financière, et l’application des normes.


Ce Congrès est une opportunité qui s’offre à la communauté internationale pour qu’elle agisse fermement, de manière unie, contre les menaces posées par la criminalité, afin de s’assurer que les dangers qui sont encore distants ne deviennent pas imminents et que ceux qui sont imminents ne soient pas destructeurs, a, appuyé par le Président du Congrès, souhaité le Secrétaire général de l’ONU dans le message qu’il a adressé aux participants.  Kofi Annan a proposé une stratégie globale consistant d’abord et avant tout à ratifier et à mettre pleinement en œuvre la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses trois Protocole, la Convention de l’ONU contre la corruption, et les 12 instruments universels de contre-terrorisme. 


La stratégie globale doit avoir pour pilier le respect universel de ces cadres réglementaires, a renchéri le Président du Congrès et Ministre de la justice de la Thaïlande.  Suwat Liptapanlop a cité comme autres piliers une coopération renforcée entre États, une meilleure coordination entre institutions nationales et internationales, et par dessus tout, la volonté politique de prendre des mesures appropriées sur les plans local et national.  Ce Congrès doit imposer des obligations aux États, a insisté, à son tour, le Directeur exécutif de l’OCDC. 


Dans une longue intervention, Antonio Maria Costa a rappelé que le Groupe de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement a clairement déclaré que si les gouvernements ne prennent pas rapidement des mesures, ils auront à faire face à trois risques majeurs: premièrement, des dangers qu’ils croyaient lointains pourraient venir frapper à leur porte plus vite que prévu; ensuite, des menaces qu’ils croyaient réservées à leurs voisins pourraient les toucher directement; enfin, des dangers auxquels ils pensaient aisément faire face pourraient se révéler plus difficiles à maîtriser que prévu et échapper à notre capacité de contrôle. 


La Déclaration de Bangkok doit être claire et ne laisser planer aucun doute sur le chemin à suivre, a-t-il ajouté en voulant qu’un Congrès, qui se tient au moment où l’on débat de la réforme des Nations Unies, ne déçoive pas les espoirs placés en lui.  À sa suite, le Président de Groupes des 77 et de la Chine et celui du Groupe africain ont décrit ce qui, selon eux, doit constituer la colonne vertébrale du Congrès.


Le Congrès, qui se réunit tous les cinq ans a élu, outre son Président, ses Vice-Présidents à savoir Fikat Mammadov de l’Azerbaïdjan, Matti Joutsen de la Finlande, Iskander Katas de l’Égypte.  Eugenio Curia de l’Argentine assumera les fonctions de Rapporteur.  Comme membres de son Bureau le Congrès a élu l’Algérie, le Burkina Faso, l’Égypte, la Gambie, le Malawi, l’Ouganda et la République démocratique du Congo (RDC), pour le Groupe des États africains; la Chine, l’Indonésie, l’Inde, l’Iran, la République de Corée et le Pakistan, pour le Groupe des États d’Asie; l’Azerbaïdjan, la Croatie et la République tchèque, pour le Groupe des États d’Europe orientale; l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili et le Pérou, pour le Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes; l’Australie, l’Autriche, le Canada, l’Italie, la Finlande et la Norvège, pour le Groupe des États d’Europe occidentale et autres États.


À sa Commission de vérification des pouvoirs, le Congrès a placé les membres de la Commission de l’Assemblée générale de l’ONU à savoir le Bénin, le Bhoutan, la Chine, le Ghana, le Liechtenstein, la Fédération de Russie, Trinité-et-Tobago, les États-Unis et l’Uruguay.  Le Congrès a commencé ses travaux en observant une minute de silence en mémoire du Pape Jean-Paul II et du Prince Rainier III de Monaco.


Les travaux du Congrès reprendront, cet après-midi à 15 heures, par une allocution du Prince héritier Maha Vajiralongkorn.


OUVERTURE DU CONGRÈS


Déclarations


Le Secrétaire général de l’ONU, M. KOFI ANNAN, a déclaré dans son message à l’ouverture du Congrès que la criminalité organisée était, au XXIe siècle, une menace à la paix et à la sécurité internationales.  Ce onzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale devrait donc rappeler à la communauté internationale qu’elle doit faire beaucoup plus pour faire face à cette menace.  Au cours des dernières années, à travers l’adoption ou l’entrée en vigueur de plusieurs grandes conventions et protocoles, les Nations Unies ont accompli de grands progrès dans la création d’un cadre de normes internationales pour la lutte contre la criminalité organisée et la corruption.  Cependant, de nombreux États parties à ces traités ne les ont pas convenablement appliqués, souvent du fait qu’ils n’ont pas la capacité pour le faire.  « Dans le rapport que j’ai adressé aux États Membres, avant le sommet prévu en septembre, j’ai appelé tous les États à ratifier et à mettre en œuvre ces conventions tout en s’aidant à renforcer leurs systèmes nationaux de justice pénale et leur régime de droit.  Je les ai aussi exhortés à fournir des ressources adéquates à l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime pour que celui-ci joue le rôle clef qui est le sien dans la supervision de l’application de ces conventions », a déclaré le Secrétaire général.


« Notre stratégie générale doit comprendre la ratification et la mise en œuvre universelles de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses protocoles; de la Convention contre la corruption et des 12 instruments universels de contre-terrorisme, dans le but de parvenir à un plein respect de ces instruments », a poursuivi le Secrétaire général en demandant aux États de saisir l’occasion de l’évènement spécial sur les traités qui aura lieu au cours du segment de haut niveau du Congrès, puis lors de la soixantième session de l’Assemblée générale pour déposer leurs instruments de ratification.


La promotion de la règle du droit inclut la mise en place de mécanismes efficaces de renforcement de capacités d’appui à l’état de droit dans les sociétés émergeant de conflits où le criminalité organisée et ses liens avec la grande corruption sont des obstacles majeurs à la reconstruction.  C’est pourquoi j’ai l’intention de créer une unité d’assistance à l’état de droit, qui sera chargée de soutenir les efforts déployés au niveau national pour rétablir la règle de droit, a indiqué M. Annan.  Ce Congrès, a-t-il souligné, offre une occasion à la communauté internationale d’agir fermement, de manière unie, contre les menaces posées par la criminalité, afin de s’assurer que les dangers qui sont encore distants ne deviennent pas imminents et que ceux qui sont imminents ne soient pas destructeurs.


M. SUWAT LIPTAPANLOP, Président du Congrès et Ministre de la justice de la Thaïlande,  a rappelé, que depuis 50 ans, les Congrès ont formulé des options politiques et des normes applicables à tous les États telles qu’approuvées dans les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale.  Ces options et normes ont trouvé leur place dans le corpus du droit international coutumier par une traduction en traités et autres conventions, a-t-il aussi rappelé.  Les recommandations du Congrès, a-t-il ajouté, ont renforcé la notion de l’état de droit et créé une conscience universelle de respect des valeurs communes, telles que l’indépendance des magistrats ou encore la protection des victimes.  Le onzième Congrès se tient à un moment crucial où il est reconnu que des menaces nouvelles sont apparues, lesquelles doivent être examinées de manière globale.  Le Ministre a jugé important que la communauté internationale entreprenne une action concertée pour créer un nouveau consensus en matière de sécurité propres à assurer que les menaces distantes ne deviennent imminentes et que celles qui le sont déjà ne deviennent pas destructrices.  Une riposte efficace nécessite que l’on conjugue plusieurs éléments et actions tels qu’un meilleur cadre réglementaire international respecté, de manière adéquate, par la communauté internationale, une coopération renforcée entre États, une meilleure coordination entre institutions nationales et internationales, et par dessus tout, la volonté politique de prendre des mesures appropriées sur les plans local et national.  Le Ministre a jugé que le programme de ce Congrès offre l’occasion de tenir des débats constructifs qui contribueront au développement de stratégies globales et holistiques contre la criminalité organisée sous tous ses aspects.


M. ANTONIO MARIA COSTA, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, a déclaré que l’agenda inscrit à l’ordre du jour du onzième Congrès reflétait « la complexité des réalités de note époque » et s’est par conséquent félicité de la participation des ONG à cette rencontre.  Nous sommes particulièrement reconnaissants aux ONG de leur contribution à la promotion de la bonne gouvernance, de l’intégrité dans la conception et la mise en œuvre des politiques, et du respect des droits de l’homme, a dit M. Costa.  Rappelant que la communauté internationale célébrait aujourd’hui un demi siècle d’efforts de prévention du crime et de promotion de la justice pénale, M. Costa a indiqué que ce Congrès ne devait pas être un simple forum de discussions, mais devait imposer des obligations aux participants.  Il y a cinq ans, lors de la tenue du dixième Congrès qui a eu lieu à Vienne, la communauté internationale était sur le point de conclure les négociations relatives à la première Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses protocoles.  Le dixième Congrès avait aussi réaffirmé la volonté des États Membres de se lancer dans de nouvelles négociations sur une convention contre la corruption.  Aujourd’hui, a dit M. Costa, tous ces instruments juridiques ont été conclus avec succès, et la Convention contre la criminalité transnationale organisée et deux de ses protocoles sont entrés en vigueur.  Quant à la Convention contre la corruption, au vu du rythme actuel de ratifications, elle entrera bientôt en vigueur, a indiqué M. Costa en soulignant cependant que le défi à relever au cours des cinq prochaines années allait être celui de la mise en œuvre de ces textes.


La réussite des actions à mener dans la mise en œuvre de ces instruments juridiques internationaux dépendra des moyens qui seront accordés à leur application et de la volonté politique qui la soutiendra.  Le soutien politique devra démontrer l’attachement des États aux dispositions des différentes Conventions, ce qui devra se traduire par des politiques nationales allant dans le sens du respect des textes ratifiés.  Des engagements financiers sont également nécessaires, et à ce sujet, nous espérons que des décisions seront prises en ce qui concerne le budget ordinaire des Nations Unies, en vue de permettre à l’Organisation de soutenir la prévention du crime et la justice pénale, a dit M. Costa en notant que le déroulement des conférences des Parties et la capacité de nombreux pays en développement à mettre en œuvre les Conventions dépendrait des ressources qui seraient disponibles.  Le Groupe de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, créé par le Secrétaire général il y a un an, et qui était présidé par l’ancien Premier Ministre de la Thaïlande, a clairement déclaré que si les gouvernements ne prennent pas rapidement des mesures, ils auront à faire face à trois risques majeurs: premièrement, des dangers qu’ils croyaient lointains pourraient venir frapper à leur porte plus vite que prévu; ensuite, des menaces que nous croyions réservées à nos voisins pourraient nous toucher directement; enfin, des dangers auxquels nous pensions aisément faire face pourraient se révéler plus difficiles à maîtriser que prévu et échapper à notre capacité de contrôle. 


Parlant du lien qui existe entre le crime transnational et le terrorisme, M. Costa a indiqué que le Secrétaire général avait récemment proposé que soient ajoutées de nouvelles dimensions à la lutte contre ce fléau.  Kofi Annan a demandé que les États se mettent d’accord sur la stratégie à adopter à travers la convention générale contre le terrorisme; il leur a ensuite demandé de prendre, ensemble, des mesures décisives et radicales, et les encouragé à faire preuve de solidarité en fournissant une assistance technique à ceux d’entre eux qui en ont besoin.  Ce onzième Congrès devrait traiter du lien qui existe entre la criminalité transnationale et le terrorisme, a dit M. Costa et estimant que la communauté internationale devrait développer des instruments lui permettant de faire face à ces deux phénomènes en se donnant des objectifs ambitieux.


Abordant ensuite la question de l’État de droit, M. Costa a dit qu’il était indispensable que chaque État renforce son système de justice pénale.  Les nations qui se battent pour imposer la règle du droit, faire avancer le respect des droits de l’homme, promouvoir la bonne gouvernance et l’intégrité publique ne peuvent le faire sans des législations adéquates, des tribunaux honnêtes, des procureurs bien formés et compétents et des installations pénitentiaires décentes.  Ces recommandations et concepts figurent dans le rapport remis par le Groupe de haut niveau, a rappelé M. Costa en appelant les participants au onzième Congrès à soutenir ces efforts.  L’efficacité de la Déclaration de Bangkok, document final qui sera adopté à l’issue des travaux, ne sera pas jugée à la fin du Congrès, mais dans cinq ans, a estimé M. Costa en encourageant les délégations à ouvrir des négociations sur les nouvelles menaces que sont la cybercriminalité et le blanchiment d’argent.  Les décisions provenant de ces négociations devront être claires et ne laisse planer aucun doute sur le chemin à suivre.  Ce Congrès, qui se tient au moment où on débat de la réforme des Nations Unies, devra satisfaire les espoirs placés en lui, a dit M. Costa.  


Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, M. TOHMAS AQUINO SAMODRA SRIWIDJAJA (Indonésie) a appelé ses collègues à donner la priorité à la mise en œuvre des instruments juridiques existants.  Il s’est dit préoccupé par le manque de suivi des plans d’action et de la mise en œuvre de la Déclaration de Vienne.  En la matière, il a souligné l’importance des ressources, de la coopération internationale, de l’assistance technique et du renforcement des capacités.  Il s’est félicité des signatures de la Convention contre la corruption, en appelant à son entrée en vigueur le plus tôt possible.  Dans ce domaine, il a mis l’accent sur l’importance de la disposition relative à la restitution des biens détournés.  Là encore, il a fait appel à tous les bailleurs de fonds pour qu’ils en facilitent la mise en œuvre.  Le représentant a aussi évoqué la question des enlèvements en encourageant la communauté internationale à renforcer la coopération pour lutter contre ce fléau.  La coopération est indispensable pour lutter contre le trafic des êtres humains, a-t-il poursuivi avant d’aborder la question du blanchiment d’argent.  Il s’est dit d’avis qu’un groupe d’experts soit mis en place pour préparer un instrument international traitant de toutes ces questions et ce, en les plaçant sous l’égide des Nations Unies.  Il a aussi mis l’accent sur l’importance de trouver une stratégie à long terme pour prévenir et éradiquer le terrorisme dont toute action doit s’entreprendre sous l’égide des Nations Unies et se fonder sur une définition universellement agréée.  Une stratégie globale doit prévoir la coopération entre les différentes organisations spécialisées et promouvoir un renforcement des capacités.  L’intervenant a voulu que toute stratégie de prévention tienne compte des caractéristiques des terreaux favorables au terrorisme et des facteurs de risques comme l’injustice, la pauvreté, le sous-emploi, la marginalisation, le manque d’éducation et les politiques de deux poids deux mesures menées par certains. 


M. ISKANDAR GHATTAS (Égypte) a déclaré, au nom des États du Groupe africain, que depuis le dernier Congrès tenu à Vienne, le monde avait connu de nombreuses évolutions.  Il y a eu la montée du terrorisme, mais la communauté internationale a vu, au cours de cette période, l’adoption de plusieurs instruments internationaux contre la criminalité transnationale organisée et contre la corruption, a relevé le représentant.  La Conférence des Parties à la Convention contre la criminalité transnationale organisée devrait donner aux pays en développement, et notamment à ceux d’Afrique, les moyens d’assistance technique dont ils ont besoin pour pouvoir assurer la mise en œuvre de cet instrument.  Concernant la Convention contre la corruption, qui a été ouverte à signature à Mérida au Mexique, les pays africains ont été les plus nombreux à la signer et la ratifier, a noté le représentant.  Il faut d’ailleurs noter que les pays africains avaient déjà adopté un texte de même nature, au niveau continental, avant même que la communauté internationale n’en négocie un à l’ONU.  Le Groupe africain est cependant inquiet que la plupart des ratifications apportées à ce texte soient à ce jour le fait de pays en développement et que les pays riches semblent être hésitants.  Le Groupe africain invite donc les pays développés à ratifier, au plus vite, la Convention internationale contre la corruption.


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