SG/SM/9984-DEV/2527

LES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE BÉNÉFICIENT D’UN SOUTIEN POLITIQUE SANS PRÉCÉDENT ET SONT RÉALISABLES, AFFIRME À LONDRES LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL

06/07/2005
Communiqué de presse
SG/SM/9984
DEV/2527


LES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE BÉNÉFICIENT D’UN SOUTIEN POLITIQUE SANS PRÉCÉDENT ET SONT RÉALISABLES, AFFIRME À LONDRES LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL


      Vous trouverez ci-après le texte de l’allocution prononcée par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, lors de la Conférence du Secrétaire général sur les Objectifs du Millénaire pour le développement, à la Cathédrale Saint-Paul, à Londres, le 6 juillet :


Pour le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies et pour l’Africain que je suis, je dois avouer qu’il est très émouvant de se retrouver à Londres aujourd’hui. Voir les gouvernements, les citoyens et les représentants de la société civile et des entreprises, les médias et les militants de « Make Poverty History » [Faire de la pauvreté une chose du passé], tous engagés dans la Campagne Objectifs du Millénaire aux côtés de l’Organisation des Nations Unies, tous tendus vers un même but, c’est une expérience que l’on ne fait pas souvent dans sa vie.


Cet été, vous avez montré que vous êtes à bien des égards une ville olympique.


Des moments pareils sont un bonheur, mais les vivre ici, à Saint-Paul, c’est une béatitude. Avec l’aide de l’Institut Saint-Paul, nous sommes rassemblés sous le même toit, sous la bannière blanche de la lutte contre la pauvreté. Si le message n’est pas assez clair, s’il n’est pas assez fort pour être entendu des hautes sphères, c’est à désespérer!


Permettez-moi de remercier tout particulièrement de sa présence mon ami Gordon Brown. Gordon, vous êtes avec le Premier Ministre, M. Blair, deux des grands hommes d’État de notre époque parce que vous avez inscrit en lettres majuscules le développement à l’ordre du jour du monde développé. Vous savez être une source d’idées neuves et de solutions inédites pour faire avancer les choses, dans des domaines qui vont de l’allégement de la dette à l’augmentation véritable de l’aide au développement.


Si vous êtes venus ici c’est que vous savez comme moi que l’heure de la vérité est arrivée pour les objectifs du Millénaire pour le développement et pour tous les pauvres de la planète. Vous savez que la route des 10 prochaines années va être tracée par les décisions qui seront prises dans les prochains jours et dans les quelques mois qui suivent.


En quoi les objectifs du Millénaire pour le développement sont-ils différents des grandes promesses inabouties des 50 années qui les ont précédés? Ils en diffèrent sous quatre aspects.


D’abord, les pays riches ont accepté pour la première fois d’assumer leur part de responsabilité et d’aider les pays pauvres en renforçant et en améliorant leur assistance, en annulant la dette et en offrant des échanges commerciaux plus équitables.


De leur côté, les pays en développement ont accepté de faire leur part, c’est-à-dire d’améliorer leurs méthodes de gouvernement et de mieux exploiter leurs ressources.


Ensuite, ces objectifs sont centrés sur l’homme, ils sont assortis d’échéances et sont quantifiables.


On critique souvent l’aide au développement en disant que ses ressources sont généralement gaspillées par la corruption et les malversations et que nous n’avons pas les moyens de suivre les progrès et de demander des comptes. Or, nous disposons dorénavant d’un ensemble d’indicateurs clairs et chiffrés qui correspondent aux besoins les plus fondamentaux de l’homme. Nous disposons de valeurs de référence qui nous permettent d’évaluer sans ambiguïté les progrès – ou l’absence de progrès – dans le monde et pays par pays. Nous disposons d’une série d’objectifs simples mais d’une grande puissance opératoire que l’homme et la femme de la rue peuvent facilement comprendre et adopter, qu’ils soient à Londres, à Luanda ou à Lucknow.


Troisièmement, les objectifs du Millénaire bénéficient d’un soutien politique sans précédent.


Ils sont tous les huit tirés de la Déclaration du Millénaire à laquelle ont souscrit, il y a cinq ans, tous les États Membres de l’Organisations des Nations Unies. Jamais auparavant des objectifs aussi concrets n’avaient été officiellement approuvés par les pays riches comme par les pays pauvres, et jamais auparavant l’ONU, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et les grandes institutions internationales ne s’étaient regroupés de cette façon autour des mêmes buts et déclarés disposés à rendre compte de leurs résultats.


Quatrièmement et surtout, les objectifs du Millénaire pour le développement sont réalisables.


Certes, ils ne sont pas faciles à atteindre mais on peut techniquement les réaliser. Ce ne sont pas des vœux pieux.


Prenons par exemple le premier objectif, qui consiste à réduire de moitié l’extrême pauvreté. Ces 15 dernières années, la pauvreté a reculé de façon massive comme jamais auparavant, surtout en Asie. Sur ce continent, le nombre de personnes vivant dans la misère a été réduit de plus d’un quart de milliard depuis 1990.


Même en Afrique où les progrès sont les plus lents, plusieurs pays ont connu des taux de croissance qui devraient leur permettre d’atteindre plusieurs des objectifs avant 2015 s’ils y associent des réformes sociales, de meilleures méthodes de gouvernement et des budgets axés sur la santé et l’éducation.


Mais au niveau général, le bilan est contrasté, et c’est le moins qu’on puisse dire. Les plus pauvres parmi les plus pauvres s’enfoncent dans la misère en Afrique subsaharienne. Dans l’ensemble, ce continent est très en retard dans la réalisation de la plupart des objectifs : la sécurité alimentaire n’est pas acquise, les taux de mortalité infantile et maternelle y sont alarmants, les taudis de plus en plus nombreux et le nombre d’indigents augmente dans l’ensemble.


En Asie, près de 700 millions d’êtres humains vivent avec moins de 1 dollar par jour, soit les deux tiers des pauvres de la planète. Au total, on estime à un milliard de personnes – une sur cinq dans le monde en développement – la population qui vit en dessous du seuil de l’extrême pauvreté.


D’autre part, d’un objectif à l’autre, les résultats ne sont pas non plus homogènes. On a fortement avancé dans la lutte contre la faim, amélioré l’accès à l’eau potable et inscrit plus d’enfants à l’école primaire. Mais des mères qu’on pourrait sauver meurent encore en couches dans le monde en développement, le sida, la tuberculose et le paludisme continuent de tuer et de se répandre, l’égalité des sexes n’est qu’un rêve pour les femmes de beaucoup de pays, la dégradation de l’environnement menace de plus en plus les ressources vivrières des populations et fait craindre pour leurs moyens de subsistance et leurs foyers.


Comment rester les bras croisés quand on sait tout cela? Le monde n’est pas sur pilotage automatique, le marché n’est pas un remède magique et la marée montante de l’économie mondiale ne soulèvera pas tous les bateaux. Si les tendances actuelles se maintiennent, plusieurs des pays les plus pauvres d’aujourd’hui ne seront pas capables d’atteindre avant 2015 certains des objectifs, et n’en atteindront peut-être même aucun. Au regard des progrès que nous avons déjà réalisés, un tel échec serait un tragique gâchis.


Voilà pourquoi le concept de partenariat mondial entre les pays riches et les pays pauvres, ce que prévoit le huitième objectif, doit devenir une réalité en 2005. Permettez-moi de vous rappeler les conditions de ce pacte historique.


Chaque pays en développement est responsable devant son peuple de son propre développement. Cela signifie qu’il doit améliorer ses méthodes de gouvernement et lutter contre la corruption; qu’il doit définir les politiques et faire les investissements qui renforceront son économie; qu’il doit consacrer réellement des ressources à la lutte contre la pauvreté.


Si les pays en développement font leur part, les pays développés doivent de leur côté les appuyer sans réserve. Cela signifie qu’ils doivent fournir une aide au développement plus généreuse et de meilleure qualité; qu’ils doivent transformer le commerce mondial en un système qui soutient vraiment le développement; qu’ils doivent alléger davantage la dette des pays pauvres.


Faut-il rappeler que les deux tiers des pauvres de la planète vivent en zone rurale et vivent de l’agriculture? Nous devons donc mettre un terme aux subventions agricoles des pays riches pour que les agriculteurs du monde en développement puissent travailler à armes égales. Nous devons aussi mettre un terme aux barrières tarifaires et aux obstacles non tarifaires qui empêchent d’avancer sur la voie des objectifs du Millénaire.


Les pays en développement ne se contentent pas d’attendre sans rien faire. Des initiatives comme le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique le montrent bien : beaucoup d’entre eux poussent en avant leurs réformes sociales, politiques et économiques. Ils sont animés par une réelle volonté de faire reculer la pauvreté et de promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et la bonne gouvernance. Ils sont soutenus par des mouvements de la base, comme la campagne « Make Poverty History » [Faire de la pauvreté une chose du passé], ici au Royaume-Uni, qui obligent les gouvernements à rendre des comptes.


L’Union européenne a montré l’exemple avec force en décidant d’augmenter substantiellement l’aide publique au développement dans les 10 années qui viennent. Je me félicite particulièrement du calendrier qu’elle a établi pour atteindre avant 2015 l’objectif convenu d’une aide représentant 0,7 % de son revenu. De telles échéances sont décisives pour la réalisation des objectifs.


Nous avons été témoins de l’évolution encourageante que marque sur le plan de l’allégement de la dette la décision prise le mois dernier par les ministres des finances du Groupe des Huit. Depuis trop longtemps, certains des pays les plus pauvres du monde sont obligés d’hypothéquer la vie de leur population pour honorer leur dette. C’est au tour maintenant de celle-ci de passer par pertes et profits.


Laissez-moi une fois encore rendre hommage au Royaume-Uni qui a pris la tête du mouvement et a eu l’audace de délier l’aide publique des conditions dont elle était assortie, et a insisté auprès de tous les donateurs pour qu’ils rendent plus efficace leur aide au développement.


Il y a 50 ans, l’enfant que j’étais a été témoin de la lutte que menait le Ghana pour son indépendance qui était alors à son point culminant. J’ai vu cette lutte aboutir, j’ai vu la transition se faire pacifiquement et mes compatriotes prendre en mains leur propre destin. J’ai grandi avec le sentiment que l’on pouvait changer les choses, et c’est ce même sentiment que j’éprouve aujourd’hui.


Nous aurons le temps d’atteindre les objectifs, à l’échelle du monde entier et dans la plupart, sinon la totalité, des pays, mais seulement si nous rompons avec la routine.


Cela ne se fera pas en un jour. Le succès exige une action soutenue pendant les 10 années qui nous séparent de l’échéance. Il faut du temps pour former des enseignants, des infirmiers et des ingénieurs, pour construire des routes, des écoles et des hôpitaux, pour créer de petites entreprises et de grandes sociétés qui créent à leur tour des emplois et des revenus. C’est pourquoi nous devons commencer tout de suite.


Dans les quelques années qui viennent, nous devrons faire mieux que doubler l’aide au développement dans le monde, sinon, il n’y aura pas moyen d’atteindre les objectifs.


Nous entrons dès cet été dans la phase la plus critique du processus de 2005, celle dans laquelle les gouvernements doivent décider de la route à suivre : cette semaine à Gleneagles; en septembre au Sommet mondial de New York qui devrait être le plus grand rassemblement d’hommes d’État de l’histoire; et en décembre, aux négociations commerciales de Hong Kong où tous les pays du monde chercheront les moyens d’exécuter le Programme de Doha pour le développement.


Voilà pourquoi est si importante la mobilisation de masse dont nous sommes témoins aujourd’hui : votre rassemblement ici ce soir, les concerts Live 8 organisés un peu partout, les manifestations de l’Appel mondial à l’Action contre la Pauvreté dans tant de villes dans le monde.


J’étais hier encore au sommet de l’Union africaine en Libye. Je peux vous garantir que l’Afrique elle aussi connaît un véritable mouvement de masse qui soutient les objectifs du Millénaire pour le développement.


Ce mouvement a pour parallèle l’engagement de gouvernements africains, qui sont résolus à faire la part qui leur revient dans le partenariat pour le Millénaire.


Il est clair que les objectifs ont galvanisé les bonnes volontés comme jamais auparavant. Nous avons maintenant un plan d’action pour les atteindre grâce à l’effort de réflexion qui se poursuit depuis quelques années, grâce par exemple au travail de la Commission économique pour l’Afrique, de l’Organisation des Nations Unies et d’autres partenaires encore.


On constate aussi à quelques signes encourageants l’apparition de cet élément fondamental qu’est la volonté politique.


Les jours et les semaines qui viennent les confirmeront ou les démentiront.


À bien des égards, la tâche qui nous attend cette année est encore plus ardue qu’elle ne l’était il y a cinq ans, au moment de l’adoption des objectifs du Millénaire. Au lieu de choisir des buts, les responsables politiques ont cette fois à décider des moyens concrets de les atteindre. Ils doivent s’entendre sur un plan de réalisation.


L’ordre du jour du sommet de New York est encore plus ambitieux que cela. Il est fondé sur l’idée que le développement, la sécurité et les droits de l’homme non seulement sont des fins en soi mais se renforcent les uns les autres et dépendent les uns des autres. Dans un monde où tout se tient, l’humanité ne peut connaître le développement sans la sécurité, ni jouir de la sécurité sans le développement, et elle sera privée des deux si l’on ne respecte pas les droits de l’homme. Pour tirer les conséquences pratiques de cette vérité, nous devons aussi donner un nouvel élan à l’ONU elle-même.


Les enjeux actuels sont d’une importance capitale pour tous les êtres humains de la planète. Si, au sommet de septembre, les décisions qui sont prises vont dans le sens de notre sécurité collective, si nous avançons réellement dans notre lutte contre la pauvreté, la maladie et l’analphabétisme, si le monde se donne les moyens d’atteindre tous les objectifs du Millénaire pour le développement, si les gouvernements reconnaissent que les droits de l’homme doivent être la préoccupation dominante, et si l’ONU se réforme pour être à la hauteur de sa tâche, tous les peuples du monde en tireront profit.


La chance que nous avons de provoquer des changements historiques fondamentaux ne se présente qu’une fois par génération. Mais il faut pouvoir compter sur la volonté des gouvernements et l’engagement de personnes et d’associations comme celles qui sont ici.


Alors, je vous en prie, d’ici à septembre, faites entendre votre voix pour qu’elle retentisse jusqu’aux plus hautes sphères. Et continuez encore par la suite, pour obliger les gouvernements à tenir leurs promesses et pour aider à transformer ces promesses en gestes concrets.


Que l’histoire ne retienne pas de notre époque que ceux qui étaient riches en biens matériels étaient pauvres en bonne volonté. Qu’elle retienne que « Nous qui avions de la force dans l’amour », comme disait Wordsworth, avons été ceux qui ont vraiment fait de la pauvreté une chose du passé.


*   ***   *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.