DEVANT LE SOMMET AFRO-ASIATIQUE DE JAKARTA, KOFI ANNAN PLAIDE POUR UNE RÉFORME DES NATIONS UNIES AFIN DE BÂTIR UN MONDE PLUS JUSTE, PLUS LIBRE ET PLUS SÛR
Communiqué de presse SG/SM/9834 |
DEVANT LE SOMMET AFRO-ASIATIQUE DE JAKARTA, Kofi Annan plaide pour une rÉforme des Nations Unies afin de bÂtir un monde plus juste, plus libre et plus sÛr
Les institutions des Nations Unies doivent refléter le monde de 2005 et non celui de 1945
Vous trouverez ci-après le texte du message que le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, a adressé aux participants au Sommet afro-asiatique à Jakarta (Indonésie), le 22 avril:
Permettez-moi tout d’abord de remercier le Gouvernement et le peuple indonésiens de leur accueil si chaleureux, qui me va droit au cœur.
Votre hospitalité, Monsieur le Président, est d’autant plus remarquable qu’il y a à peine quatre mois, une catastrophe naturelle sans précédent s’abattait sur votre pays ainsi que sur neuf autres qui sont aujourd’hui représentés dans cette salle.
Soyez certains que l’Organisation des Nations Unies fera tout ce qui est en son pouvoir pour vous aider à mener à bien le long et nécessaire travail de reconstruction et de relèvement, et qu’elle ne ménagera aucun effort pour que le monde continue de prêter l’attention voulue aux besoins considérables de vos populations.
J’éprouve beaucoup de fierté, et même une certaine nostalgie, à participer à ce sommet. J’étais adolescent lorsque les dirigeants de mon continent, bravant pour certains la puissance coloniale, sont venus ici, en Indonésie, unir leurs forces à celles de leurs homologues asiatiques et adopter la déclaration de Bandung.
À l’époque, l’initiative paraissait audacieuse et novatrice. Avec le recul, on peut dire qu’elle a marqué un tournant dans l’histoire.
La déclaration de Bandung proposait une nouvelle vision du monde, qui avait pour objet de surmonter les divisions de la guerre froide et était fondée sur la coexistence pacifique et les principes de la Charte des Nations Unies. Elle donnait en outre aux peuples du monde en développement la possibilité de faire entendre leur voix sur la scène internationale. Les dirigeants rassemblés à Bandung ont réaffirmé le droit fondamental de tous les peuples à l’autodétermination. Ils se sont déclarés solidaires les uns des autres dans la lutte contre le colonialisme et pour le développement économique et social.
Leur vision s’est par la suite traduite dans les faits avec la création du Mouvement des non-alignés et du Groupe des 77. L’« esprit de Bandung » a aussi complètement transformé l’Organisation des Nations Unies lorsque, l’une après l’autre, les nations ont accédé à l’indépendance et ont pris leur siège dans la salle de l’Assemblée générale.
C’est à partir de ce moment-là que le monde a pu commencer réellement à se concentrer sur les problèmes de développement et les droits de l’homme partout dans le monde et, pour citer la Charte, « favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ».
La cause est tout aussi importante et valable aujourd’hui qu’elle l’était il y a 50 ans. D’ailleurs, je me suis inspiré de la formule « Dans une liberté plus grande » pour choisir le titre du rapport sur la réforme dont j’ai saisi les États Membres. Et j’espère que les dirigeants du monde entier sauront prendre des décisions de grande portée sur le développement, la sécurité, les droits de l’homme et la réforme des institutions lorsqu’ils viendront à New York en septembre prochain pour examiner les progrès réalisés depuis l’adoption de la Déclaration du Millénaire.
La conviction qui m’habite est simple: il n’y a pas de développement sans sécurité, il n’y a pas de sécurité sans développement, et il ne peut y avoir ni sécurité ni développement si les droits de l’homme ne sont pas respectés. Mais je n’essaie pas d’imposer une réforme de l’ONU –je ne peux pas le faire. C’est aux États Membres qu’il revient de prendre les décisions. Mon objectif est de les aider à être aussi novateurs et visionnaires que nos pères l’ont été à Bandung.
Dans mon rapport, je donne la priorité absolue aux efforts de grande ampleur à mettre en œuvre à l’échelle mondiale pour que les objectifs énoncés dans la Déclaration du Millénaire soient atteints d’ici à 2015. Les maladies, la pauvreté et la faim sont aujourd’hui les principales causes de mortalité dans le monde. La lutte contre ces fléaux doit être au centre du programme de réforme.
Des engagements solennels ont déjà été pris – les plus récents, à Monterrey. Il est maintenant temps d’agir – en prenant des mesures concrètes et chiffrées permettant d’accomplir des progrès décisifs dans le domaine du financement du développement. J’ai fait d’importantes propositions concernant le commerce et l’allégement de la dette. Et j’ai exhorté tous les pays développés qui ne l’ont pas encore fait à s’engager à atteindre, d’ici à 2015, l’objectif convenu, à savoir allouer à l’aide publique au développement 70 centimes (de dollar) pour chaque tranche de 100 dollars de revenu national brut. Je suis convaincu que l’adoption de mesures relatives au développement est une condition indispensable au succès de la réunion de septembre.
Le monde en développement a aussi beaucoup à gagner à l’adoption d’importantes mesures concernant la sécurité et les droits de l’homme. Vos peuples paient le plus lourd tribut à l’inaction lorsqu’il y a des violations massives des droits de l’homme, et sont les premiers à pâtir des pressions exercées sur les missions de maintien ou de consolidation de la paix et sur les mécanismes de l’ONU relatifs aux droits de l’homme. Ils souffrent plus que tout autre de la prolifération des armes légères et des mines terrestres. Ils sont trop souvent les victimes des actes de terrorisme et de leurs conséquences. Et ils paieraient chèrement toute mesure visant à saper le régime mondial de désarmement nucléaire et de non-prolifération, qui alimenterait la course aux armements tout en supprimant des transferts de technologie indispensables. Les propositions de réforme contenues dans mon rapport ont pour but de renforcer l’action multilatérale dans tous ces domaines.
Si nous voulons bâtir un monde plus juste, plus libre et plus sûr pour tous ses habitants, il faut aussi que les institutions des Nations Unies reflètent le monde de 2005, et non celui de 1945. Ceci est particulièrement vrai du Conseil de sécurité. Je pense que le moment approche où les États Membres devront prendre une décision visant à rendre le Conseil plus représentatif, notamment en améliorant la représentation des pays en développement. Je crois aussi qu’ils devraient créer deux nouveaux organes intergouvernementaux – une commission de consolidation de la paix qui regrouperait les différents acteurs en mesure d’aider les pays à réussir la transition de la guerre à une paix durable, et un conseil des droits de l’homme auquel participeraient des États de toutes les régions du monde.
Bien entendu, si de réels dangers menacent la sécurité et le bien-être de vos peuples, c’est aussi le cas dans les autres régions. Un accord mondial ne pourra toutefois être conclu que si les principales préoccupations de tous les peuples sont prises en compte et que tous sont prêts à faire des compromis. Et nous devons tous avoir à l’esprit que nous vivons sur la même planète et que nous partageons le même sort.
Le succès de ce programme dépend largement de vous, qui présidez aux destinées des trois quarts de la population mondiale. Dans l’intérêt de vos peuples, le moment est venu pour vous d’être novateurs et audacieux.
Je demande instamment à chacun d’entre vous de venir à New York en septembre pour participer au Sommet. Et je vous demande de prier vos représentants à New York de travailler énergiquement dans les mois qui viennent pour parvenir à un accord sur un texte qui vous permettra à vous, dirigeants, d’adopter une réforme historique et de rénover l’Organisation des Nations Unies.
Rendons hommage à la déclaration de Bandung en ranimant l’esprit qui a présidé à son adoption. Faisons de 2005 un nouveau tournant pour le monde en développement et pour l’Organisation des Nations Unies.
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