SG/SM/9772

TRANSCRIPTION DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU, KOFI ANNAN, AU SIÈGE DES NATIONS UNIES, LE 21 MARS 2005

21/03/2005
Communiqué de presse
SG/SM/9772


TRANSCRIPTION DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU, KOFI ANNAN, AU SIÈGE DES NATIONS UNIES, LE 21 MARS 2005



Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Bonjour Mesdames et Messieurs.  J’aimerais tout d’abord souhaiter à nos amis iraniens et kurdes une excellente nouvelle année: Nowrooz Mubarak. 


Je suppose que vous avez tous entendu la déclaration que j’ai faite il y a quelques minutes et que vous avez également eu la possibilité de lire le rapport.  J’imagine que certains d’entre vous l’ont même eu entre les mains bien avant que nous l’ayons prévu et je puis vous assurer qu’il ne s’est pas agi d’une fuite délibérée de notre partie.  Je suis cependant très heureux que le rapport ait suscité un tel intérêt. 


La seule chose que je voudrais faire ce matin avant d’entendre vos questions, c’est vous expliquer rapidement les raisons pour lesquelles j’ai souhaité publier le rapport précisément à ce moment. 


Il y a cinq ans, l’Assemblée générale m’a demandé de passer en revue les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Déclaration du Millénaire et a décidé de se réunir, sous la forme d’un Sommet, en septembre de cette année.  Très franchement, je ne pense pas qu’un simple examen des progrès réalisés aurait pu rendre justice à la situation mondiale actuelle.  Je considère qu’il y a un certain nombre de décisions qu’il nous faut prendre de toute urgence dans les domaines du développement, de la sécurité et des droits de l'homme et qu’il y a également des modifications à apporter à la structure des Nations Unies elles-mêmes si nous souhaitons pouvoir tirer parti au maximum des possibles qui s’offriront à nous au cours des 10 années à venir et sauver des millions de personnes de la mort et du désastre. 


Par exemple, si les gouvernements acceptent les décisions que je suggère dans ce rapport, je crois que nous pourrons renverser les tendances actuellement constatées concernant le VIH/sida ou le paludisme.  Nous aurons également la possibilité de mieux contenir la propagation de nouvelles maladies infectieuses, qu’elles soient naturelles ou anthropiques.  Nous pourrons aussi éviter que des terroristes commettent de nouveaux attentats au moyen d’armes nucléaires ou radiologiques.  Nous pourrons aussi empêcher que des pays comme Haïti, l’Afghanistan ou la Sierra Leone ne plongent à nouveau dans le chaos.  Nous aurons également de meilleures chances de mieux nous entendre sur la façon de traiter des régimes comme celui de Saddam Hussein.  Nous pourrons également édifier une Organisation des Nations Unies qui soit beaucoup plus en mesure d’agir de façon efficace grâce à un Conseil de sécurité renforcé et à un nouveau Conseil des droits de l'homme, qui jouira d’une grande autorité dans ce domaine – qui tous deux travailleront en coopération étroite avec les organisations régionales afin de mettre un terme aux grands crimes politiques commis à l’encontre de populations innocentes tels que ceux dont nous sommes témoins au Darfour. 


Ce rapport est un programme d’action sur lequel je travaille depuis maintenant deux ans.  Son objectif est que les engagements pris en matière de lutte contre la pauvreté portent bien leurs fruits.  Ce rapport vise à guérir les blessures infligées à la communauté internationale par la guerre en Iraq.  Il vise également à restaurer la crédibilité de l’ONU, qui doit prendre la tête du combat mené en faveur des droits de l'homme.  En le publiant maintenant, je donne la possibilité aux dirigeants de la planète de l’examiner au cours des six prochains mois et d’en débattre avec leur population dans l’espoir qu’ils soient prêts à prendre les décisions qui s’imposent lorsqu’ils seront ici à New York. 


Question (interprétation de l’anglais): Bienvenue à cette conférence de presse, au nom de l’Association des journalistes accrédités auprès de l’ONU. 


Sur la question du terrorisme d’État, on fait référence ici, normalement, bien sûr, à un pays bien particulier mais chacun sait que cela pourrait facilement s’appliquer à beaucoup d’autres pays et qu’il ne serait pas difficile de trouver des gens pour accuser chacun des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de terrorisme d’État.  Sachant cela, comment pouvez-vous penser qu’il est possible de parvenir à une définition du terrorisme et à une convention sur le terrorisme, dont les pays savent qu’elle pourrait un jour se retourner contre eux?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): C’est en effet une question dont nous débattons ici depuis longtemps.  Je rappelle que nous disposons déjà de 12 conventions sur le terrorisme.  Ce que nous voudrions maintenant, c’est une convention globale.  Je crois que le rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement peut servir de base à partir de laquelle nous puissions progresser.  Ce qui doit être clair, c’est que, quelle que soit la cause, le fait de prendre pour cible des civils ou des non-combattants dans l’objectif de les tuer ou de les mutiler n’est absolument pas acceptable et s’appelle purement et simplement du terrorisme. 


Certes, il y a polémique autour des États et du recours des États à la force.  Ce sont des notions qui ont déjà été prises en compte par le droit international.  Le droit international dispose de la façon dont les États peuvent et devraient faire usage de la force.  Lorsqu’ils enfreignent le droit, ils peuvent également devoir rendre des comptes.  Cet aspect des choses a donc déjà été pris en compte.  Ce que nous devons faire maintenant, c’est élaborer une définition du terrorisme qui puisse être acceptée par tous.  J’espère que nous convenons tous qu’il est inacceptable de prendre délibérément pour cible des innocents, civils et non-combattants.


Question (interprétation de l’anglais): Presque la moitié des propositions que vous nous faites, Monsieur le Secrétaire général… Permettez-moi de reprendre: les États-Unis trouveraient à redire à probablement une bonne moitié des propositions que vous nous faites, notamment le nouvel Ambassadeur proposé auprès de l’Organisation des Nations Unies.  Avez-vous discuté de cela avec des représentants de l’Administration Bush?  Ou comment pensez-vous qu’elle pourrait réagir à ces propositions?  Pouvez-vous faire cela sans elle?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Nous avons eu des discussions constructives et elles sont toujours en cours.  Il y a de nombreux aspects du rapport qui devraient plaire à beaucoup d’États, dont les États-Unis.  Il faut comprendre que nous sommes 191 États Membres et que je traitais des problèmes de toutes les régions, qui touchent tous les États Membres.  Je n’ai pas élaboré de rapport adapté à une région, un pays ou un groupe de pays donnés.  Mais j’espère que lorsque les Gouvernements étudieront le rapport et l’ensemble de propositions, ils verront que tout cela est dans leur intérêt.  Cela ne signifie pas que je compte sur eux pour approuver chacune des recommandations ou chaque mot du rapport, mais je pense qu’il y a là beaucoup de choses, qu’ils approuveront, j’espère, afin de renforcer l’Organisation et leur propre coopération.



Question (interprétation de l’anglais): Vous préconisez dans votre rapport le renforcement et la revitalisation de l’Assemblée générale, tout en en parlant comme du principal organe de délibération et de décision des Nations Unies.  Alors, en tant que Secrétaire général de l’ONU, quel message envoyez-vous aux 191 États membres de cette Assemblée alors que la semaine dernière, vous avez refusé de vous rendre sur le chantier de construction du mur édifié par Israël en terre palestinienne occupée, et ce alors qu’il existe un mandat clair, sans équivoque de l’Assemblée générale de cesser immédiatement la construction de ce mur et même d’en démanteler les parties déjà construites?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): J’espère que les États Membres et les membres de l’Assemblée générale se féliciteront des propositions que je leur fais.  J’exhorte l’Assemblée générale à adapter ses procédures et son ordre du jour de façon à se concentrer sur les questions actuelles importantes.  Il faut dire que dans l’état actuel des choses, ils passent énormément de temps à discuter de questions qui n’intéressent que ceux qui sont présents dans la salle et qui n’ont aucune incidence sur la plupart de ceux qui ne sont pas à l’Assemblée générale et dans ce bâtiment.  Je les encourage donc à se concentrer véritablement leurs débats sur les questions d’actualité.


Pour ce qui est de votre question sur ma visite en Palestine, je crois que la résolution de l’Assemblée générale sur l’avis de la Cour internationale de Justice est claire; ils nous ont chargé d’établir un registre de plaintes, ce que nous faisons.  Je ne pense pas que l’Assemblée générale, ou qu’un membre quelconque du Conseil, considère que je ne respecte pas ce mandat, ou que je l’ai abrogé en prenant ou ne prenant pas une décision donnée.


Question (interprétation de l’anglais): Dans votre rapport vous appelez à une augmentation de l’aide au développement, qui doit atteindre 0,7% du produit national brut.  Quelles sont les indications que vous avez que les principaux donateurs sont prêts à tenir cette promesse et quel effet cela pourrait-il avoir sur l’Afrique, par exemple?  Et si les pays ne le font, est-ce à dire qu’ils sont pingres?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Vous aimez bien ce mot, n’est-ce pas?  Je tiens à dire que je trouve l’évolution récente encourageante: quelque cinq pays d’Europe ont déjà atteint cet objectif et de nombreux autres donateurs se sont entendus sur un calendrier permettant d’atteindre cet objectif.  Nous progressons donc vraiment dans la bonne direction et j’exhorte d’ailleurs les pays qui ne l’ont pas encore fait à le faire.  Mais il n’est pas suffisant d’augmenter l’aide au développement.  Il faut faire l’effort de dépense aussi au début pour pouvoir réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement d’ici 2015.  C’est la raison pour laquelle le mécanisme international de financement proposé par le Ministre des finances britannique, Gordon Brown, est une excellente proposition: cela pourrait permettre d’obtenir des apports rapides d’aide au développement et donc d’atteindre ces objectifs.


Il est évident que c’est aux gouvernements et aux populations des pays qu’il incombe de décider du niveau de l’aide au développement qu’ils souhaitent fournir, mais en tant que Secrétaire général, et sachant les problèmes que connaît le monde, j’encourage et j’exhorte toujours tous ceux qui ont les capacités nécessaires à faire preuve de la plus grande générosité possible.  Je pense que les peuples du monde voudraient apporter leur aide.  Ils l’ont montré pendant toute la crise du tsunami.  Personne n’a eu à le leur demander.  Ils ont vu l’événement à la télévision et ils ont décidé d’eux-mêmes d’apporter leur contribution.  Je puis vous dire que cela a été un choc pour beaucoup de gouvernements, qui croyaient que leur population ne serait pas contente de contribuer à telle ou telle crise parce qu’elle avait elle-même tant de besoins.  J’exhorte, par conséquent, les gouvernements à se montrer généreux, à donner généreusement, car en aidant à édifier un monde plus sûr, nous pouvons tous aussi être plus tranquilles.


Question (interprétation de l’anglais): En ce qui concerne la réforme du Conseil de sécurité, je voudrais savoir combien de temps il faudra à votre avis pour mener à bien cette réforme.  Quelle chance le Brésil a-t-il d’obtenir un siège de membre permanent?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Souhaitez-vous que je commence par la première ou la deuxième partie de la question?  J’espère que nous pourrons parachever cet effort de réforme cette année, car c’est une question qui est inscrite à l’ordre du jour depuis longtemps maintenant.  Mais je sens cette année un plus grand enthousiasme et un plus grand intérêt au sein des États Membres.  Tous ont accepté la nécessité de réformer le Conseil de sécurité; il nous faut maintenant formuler des propositions concrètes à cette fin. 


Le Brésil fait partie des pays qui ont manifesté leur intérêt pour un des sièges permanents proposés.  Je veux croire que cette question trouvera une réponse au cours des discussions qui commencent sérieusement à partir de maintenant. 


Question (interprétation de l’anglais): J’ai une question sur le même sujet.  Peu de questions ici mettent autant en jeu les ambitions nationales et les instincts de compétition des puissants États Membres que la réforme du Conseil de sécurité.  Comme vous le savez, elle avait été confiée à un comité à composition illimitée que l’on avait fini par appeler comité à discussion interminable.  Avez-vous vraiment des garanties que ce problème irréductible pourra être résolu, comme vous le demandez dans le rapport, avant la réunion de septembre?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): C’est possible.  J’ai bon espoir que cela pourra se faire.  Des discussions très intenses se tiennent entre les États Membres.  Il y a des discussions intenses également au niveau régional, que ce soit dans l’Union africaine ou dans d’autres groupes.  J’espère que les États Membres ou leurs Représentants permanents travailleront d’arrache-pied pour parvenir à un accord sur cette question afin qu’une fois ici, les chefs d’État puissent y apporter leur bénédiction et que nous puissions avancer sur cette base.  Je pense que le calendrier pour septembre est raisonnable.  Le rapport est sorti.  Les négociations et les discussions ont commencé, de fait, dès la sortie du rapport du Groupe de haut niveau.  Nous aurons donc eu neuf mois de discussions d’ici septembre.  Je pense que d’ici là nous devrions parvenir à une conclusion.  J’ai bon espoir que les États Membres voudront se mettre d’accord. 


Question (interprétation de l’anglais): Un des éléments les plus importants de la réforme du Conseil de sécurité est de savoir si les nouveaux membres permanents auront le droit de veto.  Pourquoi n’accorderait-on pas de droit de veto à tous les nouveaux membres?



Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je pense que cette question a fait l’objet de débats approfondis.  Le sentiment général est que des droits de veto supplémentaires ne seraient pas acceptables par les États Membres.  Il y a ceux qui voudraient retirer les veto qui existent aujourd’hui et qui ne veulent pas en créer de nouveaux et bien sûr ils ne pourront pas supprimer les veto existants.  Il y a un sentiment général qu’on ne peut pas avoir des membres permanents sans droit de veto, mais même ainsi, le Conseil en ressortirait plus représentatif et plus démocratique.  Cela lui confèrera davantage de légitimité dans son processus de prise de décisions.


Question (interprétation de l’anglais): Dans quelle mesure pensez-vous que les attaques dont vous avez fait l’objet et les autres problèmes qu’a connu l’ONU vous donne la possibilité de faire la preuve de votre autorité?  Dans quelle mesure la réputation du Secrétaire général dépend-elle du résultat de ces réformes?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je dirais que de toute évidence, nous avons été beaucoup critiqués ces derniers temps, surtout ici dans ce pays.  Mais nous avons un travail très important à réaliser, nous l’avons fait, nous le faisons et les propositions que je présente vont dans l’intérêt de l’Organisation.  Il faut également se souvenir que l’origine de ces propositions remonte à plusieurs années, bien avant ces critiques dont vous venez de parler.  Ce n’est donc pas lié à cela.  Je pense qu’il est dans l’intérêt de chacun que nous renforcions notre Organisation, que nous l’adaptions aux défis de cette époque et, si vous examinez l’historique de la question, l’examen des Objectifs du Millénaire pour le développement, c’est une décision qui a été prise il y a cinq ans, lorsque cette déclaration a été adoptée. 


Quant à la question de la sécurité collective et la nécessité d’examiner la question, cela remonte à un discours que j’ai prononcé en septembre 2003.  Il y a donc une planification qui remonte à plusieurs années.  J’espère que tout cela pourra être approuvé, que cela va renforcer l’Organisation et, en tant que Secrétaire général, je serai très heureux d’avoir pu y contribuer.


Question (interprétation de l’anglais): Dans votre rapport, ce que vous avez dit sur le terrorisme est exactement ce que vous avez dit à Madrid, ce qui a amené certains pays, pas les États-Unis mais des pays en développement, des pays africains notamment, à parler de votre démission ou demander votre démission, parce qu’ils n’apprécient pas la façon dont vous avez rédigé cette partie du discours.  Vous avez coupé le débat politique sur la question du terrorisme d’état et du droit de résister à l’occupation.  Pensez-vous que maintenant c’est bien le débat qui se pose?  Pensez-vous qu’il existe un certain droit à une ingérence militaire internationale?  Si on lit ce que vous écrivez, lorsque des pays ne respectent pas les normes, qui va expliquer ces critères?  C’est extrêmement controversé.  Que pensez-vous faire?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Vous avez fourni des informations que j’ignorais: le fait que des pays regrettaient tellement ma déclaration sur la définition du terrorisme qui est ressortie du rapport du Groupe de haut niveau.  Je n’ai pas entendu parlé de ce que ces gouvernements en pensent.  Vous en avez entendu parler, de toute évidence, mais je pense que le rapport présente un argument très puissant et j’espère que les États Membres le prendront au sérieux et continueront à progresser sur la question de la définition et qu’ils feront ce qu’ils doivent faire. 


Votre deuxième question concerne la responsabilité de protection.  L’argument est que chaque gouvernement a la responsabilité de protéger ses propres citoyens et dans des situations où le génocide, des crimes contre l’humanité, un nettoyage ethnique ont lieu et que si le Gouvernement ne peut pas agir ou ne fait rien, alors la communauté internationale a la responsabilité d’intervenir.  En tant que dernier recours, le Conseil peut autoriser le recours à la force.  C’est là une décision que le Conseil doit prendre.  Nous avons connu des situations semblables dans le passé, nous en connaissons une aujourd’hui au Darfour et nous avons également présenté, dans le rapport, un certain nombre de directives pour le recours à la force qui, je l’espère, seront utiles pour les membres du Conseil, mais c’est le Conseil qui doit prendre cette décision.


Question (interprétation de l’anglais): Du point de vue des États-Unis, il s’agissait d’affaiblir un dictateur en Iraq /???/. 


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): C’est au Conseil de prendre la décision, de décider si le pays ne protège pas sa population et d’agir.


Question (interprétation de l’anglais): Vous avez demandé que la Commission des droits de l’homme soit dissoute, car c’est un organe qui est extrêmement critiqué comme étant un refuge pour grand nombre de responsables de violations des droits de l’homme souhaitant ainsi échapper à la condamnation.  Vous demandez que l’on crée un nouveau conseil, plus restreint.  Avez-vous reçu des garanties de groupes régionaux, peut-être, qu’ils appuieraient un conseil plus réduit?  On sait que généralement les pays n’aiment pas limiter leur accès à des mécanismes de prise de décision.  Comment pensez-vous que cela se passera? 


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Ce n’est pas un secret que la Commission des droits de l’homme peut être beaucoup plus efficace qu’elle ne l’est.  Ce n’est pas un secret que les Gouvernements entrent dans cette Commission soit pour se protéger eux-mêmes, soit pour faire en sorte que d’autres soient mis à la barre.  C’est devenu tellement difficile, il y a tellement de groupes qui s’opposent pour savoir qui va être puni et qui ne va pas l’être que dans le processus, les droits de l’homme qu’ils sont censés protéger finissent par être oubliés.  La Commission des droits de l’homme essaie de travailler avec les Gouvernements, et de les aider à renforcer leur mécanisme de protection des droits de l’homme, de leur apporter une assistance technique, d’envoyer sur place des gens.  Il y a des travailleurs des droits de l’homme au Soudan, par exemple, et ailleurs. 


Mais ça ne suffit pas.  Je pense que si nous pouvons transformer ce conseil en un organe dont les membres soient élus directement par l’Assemblée générale à la majorité des deux tiers, étant entendu que ceux qui sont élus doivent avoir présenté un bon comportement en matière de droits de l’homme et doivent avoir pris l’engagement de respecter les normes les plus fondamentales en matière de droits de l’homme.  Dans ce cas, je pense que nous pourrons progresser.  Cela va évidemment nécessiter des négociations avec les groupes régionaux et avec les États Membres, mais je pense que s’ils réfléchissent correctement et sincèrement à cette proposition, ils reconnaîtront avec moi qu’il faut faire quelque chose pour que les activités de l’ONU en matière de droits de l’homme soient beaucoup plus efficaces. 



Question (interprétation de l’anglais): Il y a quelques années que je suis ici et j’aimerais revenir aux difficultés que vous rencontrez pour obtenir l’accord de 191 pays pour qu’ils mettent de côté leurs intérêts nationaux et signent cet ensemble de mesures, même s’ils sont tout à fait en désaccord avec certaines de ses dispositions.  Je continue à me demander comment, au cours des six prochains mois, vous allez pouvoir obtenir ce résultat. 


Très vite une deuxième question: avez-vous des commentaires à nous faire sur ce que vous attendez du prochain rapport de M. Volcker? 


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Pour répondre à votre première question, je ne dis pas que ça va être facile, car ça demandera beaucoup de travail, ici, dans ce bâtiment, avec les représentants permanents, auprès des capitales, avec les chefs d’États et de gouvernements, pour les envoyés que j’espère dépêcher sur place, et pour certains membres du Groupe de personnalités que je souhaiterais également utiliser.  Ce ne sera pas facile, mais je pense que la majorité des États Membres en arriveront à la conclusion que ce qui leur est présenté ici est dans leur propre intérêt à long terme et qu’ils l’accepteront.


Quant à votre deuxième question, je n’attends rien de particulier.  J’attendrai de voir ce rapport qui, je pense, devrait nous parvenir avant la fin du mois.


Question: Que voulez-vous dire au peuple américain pour essayer de le convaincre, alors qu’il est tellement déçu depuis quelques années par ce qu’il a vu ici, et pour rétablir la bonne volonté envers cette organisation et pour avoir son soutien?   


Le Secrétaire général: Je crois que l’argument qui est présenté dans ce rapport est très clair.  Nous vivons dans un monde interdépendant, un monde où nous devons faire face à de nombreuses menaces, à de nombreux défis, des menaces qu’aucun pays, aussi puissant soit-il, ne peut relever seul.  Et nous devons travailler ensemble pour résister à ces menaces, qu’il s’agisse du terrorisme, de la prolifération nucléaire ou de la dégradation de l’environnement, et de la pauvreté qui entraîne des États dans la faillite.  Nous savons tous que ne pas tenir compte des problèmes des États faillis, cela crée des problèmes qui ensuite reviennent vous perturber.


Je crois que l’effort collectif que nous faisons tous, travaillant ensemble, est dans l’intérêt national de tous les États Membres individuellement.  Et je pense qu’une ONU efficace, fonctionnant bien est dans l’intérêt des États-Unis et de leur population, comme elle est dans l’intérêt des autres nations et de leurs peuples.


Question: Tout à l’heure, dans votre présentation, vous avez parlé de la façon de traiter de certains régimes, comme celui de Saddam Hussein.  Dans cette perspective, pensez-vous que les États-Unis ont correctement traité le régime de Saddam Hussein?   


Le Secrétaire général: C’est une question qui a été longuement débattue ici dans cette organisation pendant fort longtemps.  Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de rouvrir ce débat.


Question: Pensez-vous disposer de suffisamment de temps pour appliquer toutes vos propositions et pour communiquer avec les autres gouvernements?   


Le Secrétaire général: Je ne pense pas que j’aurai assez de temps pour mettre en œuvre toutes ces propositions si elles sont approuvées, mais je serai en mesure d’en mettre certaines en œuvre.  Je serai en mesure de mettre l’Organisation sur la bonne voie, et je pense que je pourrai également laisser beaucoup de travail à mon successeur. 


Question: Monsieur le Secrétaire général, quel rôle envisagez vous dans l’avenir pour les organisations régionales comme l’Union européenne, et quel rôle voyez-vous dans le débat qui va s’instaurer concernant des initiatives telles que le programme « Unis pour un consensus ». 


Le Secrétaire général: Je crois que les organisations régionales, de toute évidence, jouent déjà un rôle dans les activités du Conseil de sécurité en matière de paix et de sécurité parce que nous travaillons avec elles pour faire face à des conflits, ou dans les opérations de maintien de la paix.  Aujourd’hui, nous travaillons en étroite coopération avec l’Union africaine au Darfour par exemple.  Nous travaillons de très près avec l’Organisation des États américains et la CARICOM en Haïti.  Donc, nous travaillons déjà avec elles.  Si votre question concerne spécifiquement les prises de décisions au Conseil, et si les organisations régionales pouvaient avoir un pouvoir de décisions, certains avaient proposé, il y a un certain temps, que l’Union européenne dispose d’un siège.  C’est une question qui n’a aucune chance.  Je ne pense pas que les pays ayant un siège permanent veuillent y renoncer et donner un siège permanent à l’Union européenne qui pourrait exercer de façon collective les prises de décisions nécessaires au Conseil.  À part cela, les organisations régionales sont devenues extrêmement actives dans le processus de réforme.  L’Union africaine par exemple s’est réunie et a adopté une position commune sur l’ensemble des mesures de réforme qui m’a été communiquée.  Je continue à compter pouvoir travailler avec elle au fil des ans pour mettre en œuvre tout cela. 


Question: Deux questions très rapidement: voyez-vous des progrès réels possibles entre les Israéliens et les Palestiniens depuis que vous vous êtes rendu dans la région?  Et pouvez-vous nous dire en ce moment que les Syriens jouent un rôle utile vis-à-vis de l’ONU ou vers quoi pensez-vous que le Liban va aller à présent?   


Le Secrétaire général: Non, non, j’avais dit qu’il fallait que les questions portent sur le rapport.  Ensuite je reviendrai à d’autres questions, mais pour l’instant, c’est le rapport uniquement.  Vous avez déjà posé trois questions! Non, allez-y.  Sur le rapport.


Question: On parle beaucoup des questions des droits de l’homme au Moyen-Orient comme vous le savez, les droits de l’homme et le changement.  Peut-on dire aujourd’hui que les groupes d’opposition dans la région du Moyen-Orient, dans le monde islamique, dans le monde arabe, où il y a tellement de problèmes de ce genre … Que peut-on attendre de l’ONU avec ces nouvelles propositions?  Est-ce qu’il y a des mécanismes qui seraient prévus permettant à ces gens d’avoir directement accès à vous pour obtenir une assistance?



Le Secrétaire général: Vous avez une définition très large des propositions de réforme qui ont été faites.  Je dirai que sur la question du développement de la démocratie et des droits de l’homme, là, nous avons pour mandat d’aider les gouvernements qui essaient de renforcer leurs propres institutions pour améliorer leurs pratiques démocratiques et pour réformer leurs structures en matière de droits de l’homme.  Et nous faisons déjà beaucoup dans ce domaine par le biais du PNUD.  Nous suivons les élections lorsque les gouvernements nous le demandent.  Récemment par exemple nous avons été très actifs dans deux élections au Moyen-Orient qui se sont bien déroulées: en Palestine et en Iraq.  Et donc, ces efforts vont continuer.  Bien entendu, j’entends parler de certaines personnes qui m’écrivent ou me contactent ou qui contactent le Haut Commissaire et ce sont des voies qui leur restent toujours ouvertes, bien entendu. 


Sur la question d’Israël et de Palestine, je dirai que je suis revenu de ce voyage avec l’impression qu’il y a beaucoup d’optimisme en ce moment.  Il y a bien entendu beaucoup d’obstacles à franchir, mais il y a de l’optimisme de part et d’autre.  J’ai vu le Président Abbas et le Premier Ministre Abou Ala, et plusieurs autres ministres palestiniens; et du côté israélien, j’ai pu parler avec le Premier Ministre Sharon et le Vice-Premier Ministre Pérès, et le Ministre des affaires étrangères et d’autres, le Président de la Knesset notamment, et il souhaitent tous voir des progrès réalisés bien entendu, mais ils souhaitent tous que des mesures soient prises aussi pour appliquer l’Accord de Charm el-Cheikh.  Les deux dirigeants ont signé cet accord.  Je crois que l’Égypte et la Jordanie d’ailleurs méritent nos félicitations pour avoir organisé ce sommet. 


S’il y a donc un certain optimisme, il reste fragile.  Les deux parties doivent travailler d’arrache-pied.  La communauté internationale doit jouer son rôle également pour aider les Palestiniens à renforcer leur système de sécurité et leur réforme, et à faire en sorte que les structures économiques et sociales soient renforcées.  Et ils auront, à cette fin, besoin d’une assistance considérable de la communauté internationale.  Bien entendu, ils devront également transformer leur économie en une économie vivante et vibrante avec accès aux marchés extérieurs à la région.


Pour la Syrie et le Liban, d’après les discussions qu’a eues mon envoyé avec le Président Assad, que j’espère d’ailleurs rencontrer demain à Alger, nous réalisons des progrès.  Les Syriens se sont engagés à un retrait complet et nous travaillerons avec eux pour faire en sorte que cela soit possible.  Je pense que le Liban aura bientôt des élections, mais il faut d’abord mettre un nouveau gouvernement en place.  Après cela, il y aura des élections.  Mais il faut faire en sorte que le retrait soit organisé, géré de telle façon que les forces de sécurité libanaise puissent venir combler le vide au fur et à mesure pour veiller à ce qu’il n’y ait pas d’absence de sécurité.  Nous faisons des progrès mais il faut les gérer très soigneusement. 


Question: La commission d’édification de la paix que vous proposez, est-ce qu’elle va se substituer aux missions de maintien de la paix ou va-t-elle travailler de concert avec ces départements?  Et l’autre question: en proposant de faire remplacer la Commission des droits de l’homme par un conseil plus restreint, est-ce que c’est dans un souci d’efficacité ou tout simplement vous en avez assez de voir un certain nombre de pays qui rentrent dans cette commission pour se protéger eux-mêmes.



Le Secrétaire général: La commission en question ne va pas remplacer le Département des opérations de maintien de la paix parce qu’il va s’occuper du développement économique après la crise et va être obligé de travailler avec les pays concernés et les pays donateurs pour élaborer un programme de reconstruction et travailler avec la Banque mondiale et d’autres donateurs, donc ce n’est pas la même chose.  


En ce qui concerne les droits de l’homme, l’objectif n’est pas d’écarter certains membres et insister sur certains États déjà désignés pour prendre la place dans ce conseil, mais pour rendre le conseil beaucoup plus efficace et beaucoup plus réel parce qu’il a du travail à faire.  La Commission se réunit six semaines par an.  Le Conseil se réunira toute l’année, comme le Conseil de sécurité, pour vraiment suivre la question des droits de l'homme partout dans le monde.  J’espère que ce sera beaucoup plus efficace et beaucoup plus utile pour les États Membres et pour tout le monde. 


Question (interprétation de l’anglais): Concernant la réforme du Conseil de sécurité, les pays en développement pensent que l’augmentation du nombre des membres permanents du Conseil de sécurité va accroître les pouvoirs, l’Europe, notamment, y aura une représentation disproportionnée.  Ils demandent un consensus en faveur du plan B, qui prévoit l’augmentation du nombre des membres non permanents du Conseil de sécurité et des membres permanents sur la base d’un roulement.  Avez-vous une préférence pour cette formule et pensez-vous que le consensus sera possible à ce sujet?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je crois que les États Membres sont en train d’en discuter en ce moment de façon très active.  Vous parlez de pays en développement qui seraient favorables à l’option B, mais il y a également beaucoup de pays en développement qui sont favorables à l’option A.  C’est pourquoi des négociations et des discussions se déroulent en ce moment.  J’espère qu’à la fin de la journée, on arrivera à un accord par consensus.  Mais comme je l’ai déjà indiqué, l’absence de consensus ne devrait pas être une raison pour reporter l’examen de la question.  Nous avons un mécanisme permettant que ces discussions aboutissent.  Si à l’issue des travaux, le Président estime que ce mécanisme peut être utilisé, il devrait le faire. 


Je pense que l’ensemble des propositions tel que présenté actuellement vise à rétablir un certain équilibre au Conseil.  Si les États Membres se mettaient d’accord sur six nouveaux membres permanents sans droit de veto, d’où viendraient ces six membres?  Deux de l’Afrique, deux de l’Asie et un de l’Amérique latine.  Cinq sur six viendraient donc de régions et de zones du monde sous-représentées.  Bien entendu, un siège ira à l’Allemagne, pays européen.  On aura donc une situation où certes l’Europe aura quatre sièges permanents, mais où les autres en auront chacun trois, alors que pour l’instant ils n’en ont pas du tout. 


Je pense qu’il faut vraiment regarder le côté positif et la réalité du problème que nous essayons de régler.  Si nous réformons le Conseil comme cela est proposé, les autres régions et le tiers monde se trouveront beaucoup mieux représentés que ce n’est le cas aujourd’hui. 


Question (interprétation de l’anglais): À la lumière de cet effort en faveur de la réforme et de l’évaluation des travaux des différents organes de l’ONU, quelle est votre évaluation du travail réalisé par les tribunaux chargés de juger les crimes de guerre, en particulier le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie?  


Comme vous le savez, il y en a qui disent que ce tribunal est devenu très lent, très cher voire quelque peu improductif.  Quelles sont les leçons pour l’avenir?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je crois que les tribunaux sont effectivement devenus très chers et que nous ne sommes pas toujours parvenus à mener les principaux coupables à la barre des accusés, soit parce qu’ils n’ont pas été arrêtés par leur gouvernement ou parce qu’ils ne sont pas en mesure de le faire.  Tant qu’ils ne sont pas arrêtés, on ne peut pas les juger.  Vous savez très bien que le Conseil de sécurité a donné à ces deux tribunaux jusqu’à 2008 pour mener à bien leurs activités.  C’est ce qu’ils s’efforcent de faire d’arrache-pied.  Bien entendu, ce sera très difficile.  Prenons le cas du TPIY.  S’il termine son travail en 2008 sans avoir eu la possibilité de juger Mladic ou Karadzic, est-ce les gens dans la région ou le monde entier penseront que le travail a été accompli et que la justice a été rendue?  Voilà certains des dilemmes que nous devrons régler d’ici là.  J’espère évidemment que le problème sera résolu.  La Procureure fait tout ce qu’elle peut pour obtenir la collaboration des Gouvernements de la région afin que tous les inculpés soient arrêtés et envoyés à La Haye, en particulier les principaux protagonistes, les dirigeants des groupes concernés. 


Question (interprétation de l’anglais): La Vice-Secrétaire générale a dit dans un moment de grande franchise qu’elle espérait que l’ONU n’aurait jamais à avoir un autre programme de la dimension de celui de « pétrole contre nourriture ».  Pensez-vous que votre réforme pourra rendre l’Organisation plus à même de gérer un programme de cette taille?  


Très rapidement également, qu’espérez-vous obtenir avec le programme ponctuel de départs anticipés des cadres supérieurs?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je voudrais d’abord dire que ce que la Vice-Secrétaire générale a dit est juste: il s’agissait d’un programme unique, ce n’est pas le type de programme pour lequel l’ONU a été initialement conçue.  Au départ, il faisait partie d’un régime de sanctions et avait pour objectif que l’Iraq s’y plie.  Quand elle a dit qu’elle espérait que nous ne n’aurons plus jamais à administrer un tel programme, elle avait parfaitement raison. 


Concernant le programme de départs anticipés, nous examinons les activités de l’Organisation, nous redéfinissons l’ordre de nos priorités, nous avons demandé à l’Assemblée générale de revoir ses mandats.  Lorsque cela sera fait et que nous aurons fixé un nouveau cap, nous devrons trouver les talents correspondant à ces nouvelles tâches.  Il y a des gens que nous pourrons peut-être encourager à partir afin de faire rentrer les talents dont nous aurons besoin. 


Question (interprétation de l’anglais): La semaine dernière, en Russie, on a célébré le 20 anniversaire de la perestroïka et de la glasnost.  Pensez-vous que l’ONU et le système international lui-même n’auraient pas eux aussi besoin d’une perestroïka et d’une glasnost, changements absolument fondamentaux dans la réflexion et la restructuration?



Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Nous pouvons dire que ce qui se passe maintenant, c’est notre perestroïka, notre glasnost.  J’espère que les États Membres verront également les choses de cette façon et qu’ils travailleront avec nous pour réformer l’Organisation et la mettre en harmonie avec les réalités du XXIe siècle.  Je crois que dans votre question, il était également sous-entendu que ce type de réforme n’est pas facile et qu’il entraîne des désagréments.  Mais cela est nécessaire. 


Question (interprétation de l’anglais): L’un des principaux problèmes et défis pour la crédibilité de l’ONU, c’est la mise en œuvre des résolutions et la discrimination observée dans l’application des résolutions.  Pensez-vous que la réforme que vous demandez, notamment dans les activités du Conseil de sécurité, permettra de régler ce problème?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Pas nécessairement.  Je ne crois pas.  Effectivement, c’est un problème extrêmement difficile pour nous.  Comme je l’ai dit, j’ai été dans la région du Moyen-Orient et cette question m’a pour ainsi dire été posée à chaque fois que j’ai rencontré quelqu’un.  Je ne suis pas certain que les réformes que je propose vont forcément régler ce problème.  Pour certaines résolutions qui sont adoptées au titre du Chapitre VII de la Charte, il y a un mécanisme de mise en œuvre de prévu qui nous permet parfois de faire quelque chose.  Les résolutions adoptées au titre du Chapitre VI exigent la coopération des parties.  Là où cette coopération fait défaut, il est très difficile de l’imposer.  Nous n’avons pas les moyens de le faire nous-mêmes.  Nous pouvons encourager, nous pouvons cajoler mais c’est aux parties d’agir.  Les réformes proposées vont rendre l’Organisation plus efficace et, je l’espère, plus forte.  Mais cela ne va nécessairement régler le problème dont vous venez de parler. 


Question (interprétation de l’anglais): Dans votre discours à l’Assemblée générale, vous avez dit que vous présenteriez une enveloppe globale qui ne puisse faire l’objet d’une sélection.  Dans votre rapport, nous constatons tout de même un certain scepticisme.  Vous mettez le doigt sur un certain nombre d’engagements qui n’ont pas été respectés.  Je crois qu’un facteur très important à cet égard réside dans la capacité du Secrétariat à être à la hauteur de son pouvoir, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.  Quelle est selon vous la réforme qui pourrait être mise en œuvre à cet égard?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais):Eh bien, ce n’est pas toujours le cas.  Il y a des moments où nous pouvons utiliser notre poids. 


Oui, il va falloir des ressources.  C’est un exercice particulièrement gourmand en ressources.  J’ai en effet indiqué dans mon rapport qu’un certain nombre de promesses avaient été faites et n’avaient pas été tenues, mais j’ai également dit que je sentais actuellement un nouvel esprit, notamment dans le domaine du développement économique, et une volonté de participation des gouvernements, la volonté d’en faire plus.  Le Premier Ministre britannique, M. Blair, vient de présenter un rapport sur l’Afrique.  Plusieurs Gouvernements européens ont indiqué qu’ils étaient prêts à augmenter leur aide publique au développement.  Certains l’ont déjà fait.  Ils étudient plusieurs options,

notamment la fourniture de ressources importantes par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, probablement.  On a réfléchi à de nouveaux schémas de financement.  On a pensé par exemple à consacrer un dollar de chaque billet d’avion international à l’aide au développement.  Donc, il y a bien un changement d’esprit et si nous travaillons efficacement avec tout cela, nous devrions pouvoir amener chacun à travailler avec nous à concrétiser tous les engagements pris et les promesses faites.


Mais, bien sûr, cela exige également que les pays du tiers monde renforcent leurs institutions et améliorent leur gouvernance pour que l’engagement pris – c’est-à-dire le Consensus de Monterrey, en fait, et aussi les décisions de Johannesburg – soit tenu.


Question (interprétation de l’anglais): En ce qui concerne le terrorisme, disposez-vous d’une définition officielle concernant le Hezbollah?  Et également, quand attendez-vous la publication du rapport Fitzgerald?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je ne suis pas sûr d’avoir compris la première question.  Il ne m’appartient pas non plus de trouver une définition du Hezbollah.  Je ne sais donc comment répondre à votre question.


Pour ce qui est de la deuxième question, j’espère pouvoir transmettre le rapport au Conseil cette semaine, jeudi, si possible.


Question (interprétation de l’anglais): Monsieur le Secrétaire général, dans le cadre de votre objectif de revitalisation des Nations Unies et de renforcement de la sécurité et de la stabilité mondiales, vous soulignez dans ce rapport, comme vous l’avez toujours fait, l’importance du multilatéralisme et du développement.


Or vous vous trouvez confronté, dans le cas du Membre le plus puissant de l’ONU, à une Administration qui insiste plus fréquemment sur le militarisme et l’unilatéralisme.  Ces dernières semaines, nous avons vu nommer un militariste et un unilatéraliste impénitent Ambassadeur auprès de l’ONU et maintenant, un autre militariste et un unilatéraliste impénitent pour diriger la Banque mondiale.  Voyez-vous là des raisons de vous préoccuper quant à l’appui que vous pouvez recevoir de la part des États-Unis, de l’Administration Bush, pour ce genre de réformes, pour la poursuite de votre programme?  Et sinon, pourquoi?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Comme je l’ai indiqué, nous avons engagé des discussions, que je peux qualifier de constructives.  Nous avions également, au sein du Groupe de haut niveau, un membre américain très éminent, Brent Scowcroft, qui a travaillé avec nous et a essayé de faire la liaison entre nous et Washington.


Question (interprétation de l’anglais): (inaudible)


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Vous êtes vraiment particulièrement franc ce matin.


Il y a également beaucoup de discussions en cours entre les chefs d’État, entre M. Blair, Lula, Chirac, etc. et nous tous.  Il y a donc des avancées.  Et j’espère qu’au bout du compte, comme je l’ai déjà dit, tous les Gouvernements se rendront compte que le renforcement de l’ONU est dans leur intérêt et qu’il faut unir nos efforts.  J’ai donc toujours bon espoir qu’un consensus finira par se dégager sur la majorité des propositions qui ont été présentées.


Question (interprétation de l’anglais): Vous avez dit dans votre rapport votre appui à la Cour pénale internationale (CPI) et aux tribunaux spéciaux.  On débat actuellement au Conseil de sécurité de la question du Soudan et de l’opportunité de recourir à la CPI.  Vous avez dit par le passé que la CPI était indiquée.  Le pensez-vous toujours?  Et pensez-vous que la proposition faite par le Nigéria d’établir un groupe pour la réconciliation et la poursuite des crimes de guerre peut fonctionner?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je pense que votre question est liée d’une certaine façon à l’une des questions qui m’a été posée plus tôt sur les tribunaux spéciaux.  Ces tribunaux, comme je l’a dit plus tôt, se sont révélés être des mécanismes onéreux.  Leur mise en place est un processus qui peut prendre jusqu’à deux ans.  Dans l’idéal, la Cour pénale internationale, qui existe déjà, serait le moyen le plus efficace de procéder.


Je sais que les États-Unis ont des difficultés avec cela et en discutent avec les autres membres du Conseil de sécurité.  J’espère qu’ils trouveront une solution car je pense que nous sommes tous contre ce qui se déroule actuellement au Soudan.  Nous ne voulons pas voir souffrir des innocents.  Les États-Unis ont qualifié ce qui se passe au Soudan de génocide et je suis sûr qu’après cela, ils voudront en voir les auteurs traduits en justice.  Nous devons trouver une solution pour ce faire.


En ce qui concerne la proposition du Nigéria, je l’ai étudiée dans le détail et j’en parlerai aujourd’hui au Conseil de sécurité avec les membres duquel je déjeune aujourd’hui.  C’est l’une des questions à notre ordre du jour.


Question (interprétation de l’anglais): Vous parliez de l’Assemblée générale, de lui redonner son importance passée, ou l’importance qu’elle aurait dû avoir… et elle est bien sûr censée être la façon démocratique d’entendre l’opinion du monde, mais lorsque l’on dit que 103 des 191 pays sont très peu démocratiques, pour le moins, sinon très autoritaires, comment cet organe peut-il prendre au sérieux les résolutions, lorsqu’il ne représente à l’évidence – lorsque la plupart de ses pays ne représentent pas leur population?  


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je ne suis pas sûr que votre déclaration soit tout à fait exacte.  Nous vivons, au moins, dans un monde où la plupart des pays disent être régis par des principes démocratiques.  Certaines démocraties sont bien établies.  D’autres se débrouillent bien.  D’autres ont des problèmes pour établir cette démocratie et ont besoin d’aide.  Je pense que nous devrions travailler avec ces démocraties naissantes qui ont besoin d’aide au lieu de les rejeter parce qu’elles n’ont pas encore atteint une certaine norme à laquelle nous aspirons à les voir parvenir.


Je pense que l’Assemblée générale, malgré les insuffisances que vous avez indiquées, a dans certaines situations fait du très bon travail.  Ce que nous proposons, c’est qu’elle s’adapte et modifie ses modalités de fonctionnement pour se concentrer sur les questions qui comptent, les questions d’actualité, et non les questions périphériques.



Question (interprétation de l’anglais): Monsieur le Secrétaire général, Washington s’intéresse de très près à la réforme des Nations Unies.  Un certain nombre d’équipes spéciales et de comités planchent sur les mêmes questions que le Groupe de haut niveau.  Ainsi, le Représentant Hyde travaille sur une loi qui conditionnerait le paiement de la contribution des États-Unis au budget de l’ONU à la réforme de l’Organisation – pas d’argent tant que les réformes ne sont pas effectives.  Est-ce que ce type de travail vous aide dans vos réformes?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Nous sommes en contact avec le groupe qui a été mis en place.  Je pense que je vais avoir l’occasion de rencontrer son coprésident dans un avenir proche.  Nous voulons discuter avec eux de façon constructive et j’espère qu’ils considèrent également leur travail dans cet esprit constructif.  Nous voulons dialoguer et discuter avec eux.


Pour ce qui est de ne pas payer les contributions ou quotes-parts avant la mise en œuvre des réformes, je crois que cela serait très dommageable, si c’était le cas.  Nous avons déjà connu cette situation, nous sommes passés par là et il a fallu de très nombreuses années pour remédier à cela, ce qui n’a pas été sans grandes difficultés pour l’Organisation.  Non seulement cela a compliqué la vie de l’Organisation, mais également les relations entre les États Membres: ceux qui payaient leur quote-part à temps et en totalité et à qui on demande constamment de payer quand d’autres décident de ne pas verser leur quote-part pour imposer des changements.  J’espère vraiment que cela n’arrivera pas.  Ce n’est pas quelque chose qui me paraît utile ou acceptable par la totalité des Membres.  Pourquoi l’accepteraient-ils?  Je crois que nous devons avoir à l’esprit l’intérêt collectif, les obligations de tous les Membres et l’incidence d’une telle décision sur les autres États Membres, ainsi que sur les programmes et mandats qui sont confiés à l’ONU et qu’il nous est déjà difficile de mener à bien, étant donné que nous ne disposons pas toujours des ressources adéquates.  Il ne faudrait donc pas davantage compliquer la vie de cette Organisation et l’entraver dans l’exécution de ses mandats. 


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