SG/SM/10172

TRANSCRIPTION DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE DONNÉE PAR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU, KOFI ANNAN, AU SIÈGE DES NATIONS, À NEW YORK, LE 19 OCTOBRE 2005

19/10/2005
Secrétaire généralSG/SM/10172
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

TRANSCRIPTION DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE DONNÉE PAR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU, KOFI ANNAN, AU SIÈGE DES NATIONS, À NEW YORK, LE 19 OCTOBRE 2005


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Bonjour, Mesdames et Messieurs.


Pour commencer, je voudrais vous faire part de mes réflexions sur la situation tragique au Pakistan.


Tout d’abord, je voudrais rendre hommage au courage et à la détermination du peuple et du Gouvernement pakistanais, dont les pertes après le tremblement de terre du 8 octobre dépassent l’entendement.


Nous avons tous pu voir les images déchirantes de la catastrophe et nous avons tous été remués par les histoires que ces images racontent.


En revanche, ce que ne peuvent pas dire ces images, c’est toute l’ampleur de la catastrophe.  Dans la zone la plus sinistrée, qui s’étend sur 28 000 kilomètres carrés du territoire pakistanais, toute l’infrastructure de base a été détruite.  Cela veut dire des milliers d’hôpitaux et d’écoles; les bâtiments publics, les systèmes d’adduction d’eau, les routes principales et le système de transports.


Du point de vue logistique, le terrain difficile fait que cette opération de secours est l’une des plus difficiles jamais entreprises.  L’hiver approche à grands pas et les températures sont en train de chuter.


Le nombre de morts s’élèverait à 42 000, avec au moins 67 000 blessés mais, parce que nous n’avons toujours pas pu accéder à des centaines de milliers de personnes dans les zones reculées, il y a fort à craindre que les chiffres ne soient en fait beaucoup plus élevés.


Et contrairement à certaines catastrophes naturelles dans lesquelles les victimes meurent immédiatement, dans le cas du Pakistan, nous allons continuer de voir mourir des gens.  Environ trois millions d’hommes, de femmes et d’enfants sont sans abri.  Nombre d’entre eux n’ont ni couvertures ni tentes pour les protéger contre l’impitoyable hiver himalayen.


Cela veut dire qu’une deuxième vague de morts se produira si nous ne redoublons pas d’efforts maintenant.  Je crois que nous n’avons pas besoin de ces autres morts.  Nous pouvons l’éviter si nous agissons rapidement.


Le peuple et le gouvernement pakistanais font face à un immense défi et nous devons déployer un effort extraordinaire pour les appuyer.  Ce qu’il faut, c’est un renforcement exceptionnel et immédiat des secours d’urgence mondiaux pour appuyer les activités du Gouvernement pakistanais.


Il faudra pour cela davantage de fonds.  Pour le moment, nous avons obtenu des engagements fermes pour 12% seulement de notre appel, c’est à dire 37 millions de dollars.  Mais si vous ajoutez les engagements moins fermes, on arrive à 27%, soit 84 millions sur les 312 millions dont nous avons besoin.  En comparaison, l’appel d’urgence lancé pour le tsunami a été financé à plus de 80% dans les dix jours après la catastrophe.


Il faudra du matériel.  J’en appelle aux donateurs et aux organisations, notamment l’OTAN et l’Organisation de la Conférence islamique, pour qu’elles mobilisent les avoirs de leurs États Membres afin de relever les défis logistiques sans précédent.  Nous avons besoin d’hélicoptères, de camions et de grues.  Il faudra des abris et des services de santé.  Nous aurons besoin de 450 000 tentes et abris temporaires.  Nous avons besoin de 2 millions de couvertures et de sacs de couchage.  Nous avons besoin de bâches, de fourneaux, d’eau et de matériels d’assainissement.  Nous avons besoin de vivres.


La semaine prochaine, je participerai à la conférence des donateurs à Genève que nous avons convoquée d’urgence.  Nous attendons des résultats.  Je demande instamment aux gouvernements et aux autres organisations d’y prendre part au niveau le plus élevé.  Nous n’avons aucune excuse.  Pour que nous soyons dignes d’être appelés citoyens de l’humanité, nous devons relever ce défi.  Notre humanité sera mesurée à l’aune de notre intervention.


Je vais maintenant répondre à vos questions.


Question (interprétation de l’anglais): Après le tsunami, 1 000 hélicoptères avaient été mis en service.  Au Pakistan pour le moment, il n’y a que 80 hélicoptères.  L’ONU peut-elle mobiliser davantage d’hélicoptères car l’une des raisons d’un aussi grand nombre de morts, c’est le manque d’accès aux zones reculées?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je suis d’accord avec vous.  Nous avons contacté des gouvernements et des organisations, comme l’OTAN et d’autres gouvernements, et nous avons lancé cet appel pour qu’ils nous fournissent l’appui logistique nécessaire.  Nous avons besoin de plus d’hélicoptères, de camions, de grues et sans cet appui logistique, sans cette capacité aérienne tactique, il sera très difficile de parvenir aux populations des zones isolées que nous n’avons toujours pas été en mesure d’atteindre aujourd’hui.


Question (interprétation de l’anglais): Encore une fois, après le tsunami, comme vous l’avez dit vous-même, la réaction a été formidable.  Ici, seuls les pays arabes pour le moment ont contribué.


Pour ce qui est des pays occidentaux, il n’y a pas eu beaucoup de contributions.  Y a-t-il une raison particulière ou est-ce que c’est simplement la lassitude des donateurs ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): J’espère que tout cela changera la semaine prochaine.  Lorsque se tiendra la conférence de Genève, les gouvernements auront la possibilité d’annoncer des contributions et de décaisser les fonds nécessaires mais aussi de fournir des hélicoptères et du matériel pour prêter secours aux personnes dans le besoin.


Question (interprétation de l’anglais): Je sais que c’est un peu tôt, mais du point de vue des leçons à tirer de cette expérience, ne faudrait-il pas prévoir plus de matériel?  Il y a par exemple une pénurie de tentes dans le monde entier.  Faut-il davantage de fonds pour ce type d’urgence?  Quels sont les enseignements que vous tirez des problèmes constatés au Pakistan?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je crois qu’une leçon que nous avons déjà tirée de notre expérience est que nous devrions disposer d’un fonds central autorenouvelable qui devrait nous permettre de lancer des opérations dans des délais très courts.  Nous avons demandé la mise en place d’un fonds de 500 millions à un milliard de dollars.  Si nous avions simplement besoin de 312 millions, nous pourrions agir très rapidement et reconstituer le fonds central à mesure que sont versées les contributions.  Maintenant on doit attendre que l’on réponde à notre appel.  J’ai souvent fait référence aux opérations de maintien de la paix.  Je dis toujours que c’est comme le Département des pompiers de New York, il nous faut cet équipement en place au cas où il y aurait des incendies.  Maintenant l’incendie est là et nous devons courir partout pour essayer de trouver du matériel.


Question (interprétation de l’anglais): À la suite du tremblement de terre, êtes-vous inquiet pour la stabilité du Gouvernement pakistanais?  Et que pensez-vous qu’il se passera avec le Gouvernement de Bahar Al-Assad dans les jours qui précèdent la publication du rapport Mehlis?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Parlons d’abord du Pakistan et ensuite, je passerai à l’autre question si nous avons le temps de le faire.  Je crois que le gouvernement pakistanais fait face à un défi majeur.  Il s’agit d’une catastrophe immense.  Comme je l’ai dit, c’est peut-être la pire que nous ayons jamais connue.  Elle a frappé 4 millions de personnes sur 28 000 kilomètres carrés, avec d’immenses contraintes du fait du terrain difficile et de la saison froide.  Nous recherchons du matériel qu’il nous faudra quasiment fabriquer le plus rapidement possible.  Lorsque l’on parle de tentes chauffées, je ne sais pas s’il y en a suffisamment dans le monde pour répondre aux besoins d’aujourd’hui.  C’est une course contre la montre pour sauver des vies et j’espère que la communauté internationale interviendra et que ceux qui en ont la capacité feront tout leur possible pour travailler avec nous et avec le gouvernement pakistanais pour sauver le plus grand nombre de vies possible.  Sans quoi, comme je l’ai dit, nous aurons une nouvelle vague de morts.


Je reviendrai sur votre deuxième question.


C’est réellement un terrible défi.  Il ne s’agit pas d’incapacité de la part du gouvernement.  C’est vraiment un défi majeur.  La coordination pourrait peut-être être meilleure mais c’est également difficile dans ce genre de situations.


Question (interprétation de l’anglais): Pourriez-vous être plus précis quant aux pays qui pourraient aider, étant donné ce qui est en jeu ?  Vous avez parlé de l’OTAN, vous avez parlé d’hélicoptères, mais pourriez-vous être plus spécifique?  De quels pays parlez-vous?  Quels pays pourraient vraiment apporter leur aide?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je me suis adressé à toute une série de pays.  J’ai écrit une lettre et vous donnerez la liste de ces pays et la lettre cet après-midi.


Question (interprétation de l’anglais): Je voudrais poser une question intéressant le Liban?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je ne souhaite pas répondre à cette question maintenant.


Question: Monsieur le Secrétaire général, vous venez juste d’énumérer les besoins qu’il vous faut face à cette catastrophe.  Serait-il possible que vous les repreniez en français, juste ce dont vous avez besoin de façon urgente pour permettre à la population pakistanaise de pouvoir sortir de ce chaos?


Le Secrétaire général: On a besoin d’argent, on a besoin d’hélicoptères, on a besoin de voitures, on a besoin de couvertures.  C’est l’hiver.  Les gens ont froid.  Si on ne les aide pas, ils vont mourir.  Il faut donc agir vite pour les sauver


Question (interprétation de l’anglais): C’est peut-être trop tôt pour le dire, mais est-ce que vous constatez un changement dans la région, en particulier pour ce qui est de la relation avec l’Inde?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je crois que les deux pays coopèrent relativement à cette catastrophe et, d’ailleurs, j’ai été très encouragé de voir qu’ils vont peut-être permettre le passage de la Ligne de contrôle.  Déjà, les deux Gouvernements ont amélioré leurs relations et j’espère que cela sera une autre mesure de confiance qui favorisera leurs efforts.  Nous l’avons vu en Indonésie, à Atjeh – ils ont travaillé ensemble à Atjeh, cela a renforcé la confiance et cela a accéléré le processus de paix; maintenant ils ont signé un accord et ils le mettent en oeuvre.  Donc je crois qu’il y a des messages positifs et des possibilités positives de coopération.


Question (interprétation de l’anglais): Monsieur le Secrétaire général, vous avez en partie répondu à mes questions.  Vous avez parlé de l’humanité, de l’esprit humain.  Dans l’exemple du Pakistan et de l’Inde, est-ce que vous voyez l’esprit de coopération, un esprit de coopération, malgré le conflit politique régional?  Est-ce qu’à votre avis c’est un bon exemple à suivre pour les autres pays?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Absolument.  Je crois que lorsqu’il s’agit de sauver des vies, il ne faut pas que la politique ou que d’autres désaccords entrent en jeu.  Et je crois que la réaction des deux dirigeants et des deux Gouvernements a été exemplaire, et j’espère que d’autres Gouvernements dans le monde suivront cet exemple lorsqu’ils se trouveront dans des situations semblables.


Question (inaudible):


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je vous laisse poser votre question: vous avez posé une question à propos de la fragilité du Liban… ou la fragilité du régime en Syrie.  Je ne sais pas comment répondre à cette question.  La Syrie a un Gouvernement en place, je sais qu’il y a beaucoup de développements dans la région, je sais que l’on a lu beaucoup de choses dans le rapport Mehlis que je vais recevoir cette semaine.  Moi-même je n’ai pas lu le rapport, donc je refuse de spéculer sur le rapport.  La Syrie, comme d’autres Gouvernements, a des difficultés mais, à cette étape, je ne veux pas évaluer le degré de fragilité.  Je ne veux pas en dire davantage.


Question (interprétation de l’anglais): Monsieur le Secrétaire général, je voudrais poser une autre question à ce sujet, mais je voudrais tout d’abord vous demander: est-ce que vous avez parlé avec Mme Condoleeza Rice hier au petit déjeuner, et est-ce que vous avez parlé non seulement des deux rapports, de M. Roed-Larsen et de M. Mehlis, mais également est-ce que vous avez parlé des deux résolutions ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Nous avons parlé des questions intéressant l’Iraq, le Soudan, la question nucléaire pour l’Iran, le Liban, la Syrie.


Question (interprétation de l’anglais): Aujourd’hui il y avait un article dans le Washington Post, apparemment vous avez parlé de deux résolutions avec Condoleeza Rice et spécifiquement…


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Vous pourriez peut-être demander à ceux qui ont transmis ces informations.  Je n’ai pas parlé de deux résolutions, nous avons eu une discussion et je vous ai donné le sujet de notre discussion.  Je ne vais pas entrer dans les détails, je vous ai donné une idée des sujets.


Question (interprétation de l’anglais): Vous dites toujours que vous êtes préoccupé étant donné ce qui est dit dans le rapport, vous avez parlé de retenue, etc.  Qu’est-ce qui est préoccupant, que craignez-vous ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je n’ai pas dit que je suis préoccupé, je suis tout à fait détendu.  Je n’ai pas dit que j’étais préoccupé.


Question (interprétation de l’anglais): Monsieur le Secrétaire général, pourquoi avez-vous demandé que M. Roed-Larsen remette sa séance d’informations au Conseil de sécurité.  Est-ce qu’il y a trop de coups portés à un pays en l’espace d’une semaine?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Non, le Conseil de sécurité a beaucoup de travail, moi-même je dois gérer mon travail, mon équipe doit gérer mon travail, je dois voir moi-même quelles sont les questions qui sont inscrites à mon ordre du jour.  Et M. Mehlis doit venir me voir cette semaine et j’ai l’intention de faire publier son rapport le plus rapidement possible ; et ensuite je considèrerai le rapport sur la résolution 1559 (2005) et également je verrai pour le Conseil de sécurité.  Ce qui est important, c’est que le Conseil reçoive les deux rapports ce mois-ci.  L’ordre de ces rapports n’a pas d’importance, je ne pense pas que l’on essaie de retarder quoi que ce soit.


Question (interprétation de l’anglais): Monsieur le Secrétaire général, vous avez dit plus tôt cette semaine que vous vouliez essayer d’éviter toute politisation du rapport Mehlis.  Dans une région comme le Moyen-Orient, est-ce que cela est réaliste?  Est-ce que cela est possible et est-ce que vous avez des suggestions ou des conseils à donner sur la façon de procéder?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Hier j’ai indiqué qu’il s’agissait d’un travail technique, d’un travail juridique.  Nous devons garder les choses claires.  Et c’est ce que j’ai l’intention de faire.  Il y aura peut-être une politisation de la question par d’autres dans la région et ailleurs, mais je ne pense pas que ce soit là mon affaire, ou l’affaire d’un Secrétaire général, que d’encourager la politisation ou de se livrer à la politisation.  Donc il s’agit d’un rapport technique et juridique, d’une enquête effectuée par M. Mehlis et qui est présentée au Conseil.  Et bien sûr le rapport de M. Mehlis est le début et non pas la fin, parce qu’ensuite il y aura une suite à donner à ce rapport et il faudra décider qui doit être incriminé, qui doit être jugé.  Mais vous avez raison, on ne peut pas empêcher qui que ce soit de politiser.  Je lis moi-même des articles dans la presse, des choses qui m’étonnent.  Certaines choses sont vraiment de simples inventions.


Question : (inaudible)… ancien représentant … (inaudible)


Question (interprétation de l’anglais): À propos du procès de M. Saddam Hussein, à votre avis est-ce que le procès est un événement historique pour l’Iraq et internationalement?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Évidemment, le procès a commencé aujourd’hui et je crois qu’il a été reporté.  Les personnes qui ont commis des crimes contre l’humanité devront être traduites en justice.  Mais la procédure et le travail de la Cour doivent respecter les normes internationales.  Si ces normes ne sont pas respectées, de toute évidence des questions vont être posées.  Donc voilà notre position: quel que soit le tribunal mis en place, il doit respecter les normes internationales.  Ensuite?


Question: Votre ancien représentant pour la question des enfants dans les conflits armés a dit hier que, au nord de l’Ouganda, toutes les conditions sont réunies pour parler de génocide et il vous a invité à vous impliquer directement pour que ce conflit puisse finalement s’arrêter.  Qu’est-ce vous avez déjà fait dans le passé par rapport à ce conflit et qu’est-ce que vous comptez faire dans les jours à venir pour permettre que les enfants qui sont enlevés dans cette région de l’Afrique puissent finalement retrouver la paix ?


Le Secrétaire général: On a eu des contacts assez souvent avec le Président Museveni et M. Kony, qui était le leader des rebelles – pas moi directement, mais il y avait un groupe qui travaillait pour un processus de paix.  Evidemment, ils n’ont pas réussi et maintenant il est poursuivi par la Cour pénale internationale.  Donc la situation devient un peu plus compliquée.  Mais on ne doit pas laisser tomber les efforts pour apaiser la région et on va continuer à le faire.  Mais je ne veux pas juger qu’il y a un génocide là-bas, parce qu’il faut étudier la situation comme on l’avait fait au Darfour.  Donc je ne vais pas me lever un beau matin pour dire qu’il y a un génocide ici ou pas là.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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