SG/SM/10164

DANS UNE ALLOCUTION PRONONCÉE LORS DU SOMMET IBÉRO-AMERICAIN, KOFI ANNAN NOTE QUE LE MONDE ACTUEL VIT UN « ÉQUILIBRE PRÉCAIRE », VACILLANT ENTRE UN IMMENSE ESPOIR ET DES PÉRILS PRESSANTS

14/10/2005
Secrétaire généralSG/SM/10164
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

DANS UNE ALLOCUTION PRONONCÉE LORS DU SOMMET IBÉRO-AMERICAIN, KOFI ANNAN NOTE QUE LE MONDE ACTUEL VIT UN « ÉQUILIBRE PRÉCAIRE », VACILLANT ENTRE UN IMMENSE ESPOIR ET DES PÉRILS PRESSANTS


(Publié le 23 décembre – retardé à la traduction)


On trouvera ci-après le texte de l’allocution prononcée par le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, ce jour à Salamanque, à l’occasion du Sommet ibéro-américain:


Permettez-moi tout d’abord de remercier nos hôtes, L. M. le Roi Juan Carlos et la Reine Sofia d’Espagne, et d’exprimer le plaisir que j’éprouve à me retrouver parmi vous dans cette belle ville.  Salamanque revêt pour l’Europe et les Amériques, une profonde signification.  Sa fameuse université a été un centre de diffusion de savoir et de culture depuis le Moyen-âge.


À l’heure où nous nous réunissons en ce lieu historique, empreint d’une grande tradition de dialogue et d’échanges culturels et religieux, nous devons faire face directement aux problèmes complexes de l’humanité et à la nécessité d’œuvrer de concert pour les surmonter.


Permettez-moi également à ce stade, d’exprimer mes profondes condoléances aux dirigeants qui se trouvent parmi nous et dont les pays ont été frappés par la tragédie des cyclones.  J’ai exhorté la communauté internationale à se montrer généreuse, très généreuse à leur égard et à travailler avec eux pour assurer leur relance et leur reconstruction.


L’ère moderne nous a donné l’occasion d’assister à des progrès scientifiques et techniques spectaculaires.  Nous avons vu la démocratie s’étendre à des peuples qu’elle n’avait jusqu’ici pas touchés.  Et nous avons vu des populations de nombreux continents tourner le dos à un passé de misère pour s’orienter vers un avenir d’espoir.


Pourtant, notre monde reste marqué par de profondes inégalités.  Trop nombreux sont ceux qui continuent de souffrir et de mourir de pauvreté, de conflits et de maladies en dépit de tous les moyens dont nous disposons pour créer et partager des richesses, protéger les individus contre la violence exercée par l’homme ou la nature, et assurer un plus grand respect de la dignité humaine.


Lorsque je pense à cet équilibre précaire entre un espoir immense et des périls pressants à l’heure actuelle, je pense surtout aux nations d’Amérique latine, car votre région se trouve véritablement au point de rupture de ce fragile équilibre.  Elle correspond à maints égards, à un microcosme de notre monde d’aujourd’hui, ce qui en fait donc une région où tout ce que l’Organisation des Nations Unies symbolise est mis à l’épreuve.


Les régimes démocratiques se sont étonnamment répandus dans vos pays.  À mesure que la démocratie s’est enracinée, les dépenses sociales ont augmenté, et le développement humain s’est accentué.  Nous avons vu la mortalité infantile baisser de moitié, l’éducation primaire assurée pratiquement à chaque enfant pratiquement, et des millions d’individus extirpés de la pauvreté, sont autant d’acquis dont vous pouvez être vraiment fiers.


Mais nous constatons également que l’inégalité et l’exclusion ne cessent de s’accentuer, selon des clivages économiques, sociaux et ethniques.  Certes, les gens ont foi en la démocratie, mais certains ont commencé à douter de la capacité de leur gouvernement à répondre véritablement aux besoins des pauvres, d’où le malaise social de plus en plus profond, voire l’instabilité politique auxquels on assiste.


Nous devons remédier à ces problèmes, si nous voulons que la nouvelle génération ait une part à jouer dans l’ancrage de la démocratie.  Les jeunes doivent croire aux valeurs de la solidarité, à la création d’emplois, à l’amélioration des perspectives d’emploi et à un plus grand engagement.  La protection sociale constitue notre investissement futur. 


Je ne prétends pas un seul instant que ces problèmes se règlent facilement.  Mais je suis convaincu que leurs solutions résident dans l’élargissement du champ démocratique plutôt que dans sa réduction.  Vos démocraties doivent devenir de véritables démocraties citoyennes régies par des principes de droit qui s’appliquent à tout un chacun, et soucieuses de subvenir aux besoins de l’ensemble des couches de vos populations, dont leurs membres autochtones.


Vous n’aurez pas, en l’occurrence, objectif plus prioritaire que celui du thème du présent Sommet : l’élimination de la pauvreté.  Vous vous êtes tous résolument engagés dans la voie de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement et je vous félicite d’en avoir fait les principaux outils de planification de votre politique économique et sociale.  Certains pays en ont déjà atteint un certain nombre, qu’ils s’emploient du reste à dépasser, tandis que de nombreux autres ont encore un long chemin à parcourir.


Bien des mesures que vous avez prises pour promouvoir le développement ont été novatrices.  Certains d’entre vous ont été à la tête de l’Alliance pour l’action contre la faim et la pauvreté et l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination, qui toutes deux, jouissent à présent d’un soutien international.


Il est clair qu’éliminer la pauvreté revient à lutter contre la corruption, à assumer la transparence et la saine gestion des affaires publiques.  Cela demande également un plus grand soutien de la part des pays développés – et je suis infiniment reconnaissant à l’Espagne et au Portugal de s’être engagés à doubler le montant de leur aide publique au développement et à atteindre l’objectif de 0,7% d’ici à 2015.  Nous devons encourager d’autres pays à en faire de même.


Si 2005 a été une année d’importants progrès dans le domaine de l’aide et de l’allégement de la dette, 2006 devra être l’année du commerce.  Si nous souhaitons conclure les négociations de Doha d’ici à la fin de l’année prochaine, nous devons faire avancer réellement les pourparlers de l’OMC à Hong Kong en décembre.  Les membres de l’OMC doivent tous surtout faire preuve d’initiative en tirant le dossier agricole de son impasse.  Nous devons concrètement réduire les tarifs douaniers, notamment sur les produits qui intéressent les pays en développement; éliminer à terme les subventions à l’exportation; et baisser les subventions internes qui faussent les échanges commerciaux.  Nous devons également marquer des progrès sur une série de mesures d’accompagnement pour que les pays en développement puissent appliquer des décisions adoptées lors du cycle de négociation de Doha et, ce faisant, en tirer parti.  Si nous ne parvenons pas à instaurer un système d’échanges international libre et équitable digne de ce nom, notre combat contre la pauvreté n’en sera que beaucoup, beaucoup plus âpre.


Nous devons également renforcer la coopération internationale pour que tous les pays, et surtout les pays en développement, puissent bénéficier des retombées des flux migratoires.  La Commission mondiale sur les migrations internationales m’a récemment livré son rapport dont les États s’inspireront de ses recommandations, je l’espère, pour progresser lors de la réunion de haut niveau sur les migrations internationales et le développement prévue l’année prochaine à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations Unies.


Je vous félicite également de vous être inspirés de votre tradition de solidarité régionale et de multilatéralisme.  Vous vous êtes mutuellement venus en aide, notamment en vous portant au secours des nations qui, parmi vous, ont été maintes et maintes fois frappées par des calamités naturelles, dont tout dernièrement, par le passage du cyclone Stan.  L’Organisation des Nations Unies leur prête également assistance ainsi qu’aux pays de la région des Andes pour remédier aux problèmes profondément ancrés qu’ils connaissent. 


Je me réjouis de constater que nous œuvrons ensemble pour stabiliser la situation en Haïti.  Le soutien politique dynamique que vous apportez par le biais de l’Organisation des Nations Unies et des instances régionales et la façon dont vos hommes et femmes en uniforme se distinguent dans leur travail sont déterminants dans le succès de vos efforts.  Haïti aura besoin de notre engagement à long terme pour pouvoir enrayer le cycle de la violence et réaliser des progrès durables.  J’engage tous les pays donateurs à contribuer financièrement, sans tarder et de manière soutenue au redressement et à la reconstruction d’Haïti.


Je me félicite tout particulièrement de votre décision de renforcer l’intégration régionale en formant un secrétariat général.  Vous avez effectué un choix remarquable en faisant de Enrique Iglesias, un ami et non moins collègue, votre premier secrétaire général.  C’est un dirigeant qui a servi l’Amérique latine et l’Organisation des Nations Unies avec une très grande distinction, et avec qui je compte collaborer très étroitement sur tous nos programmes d’activité communs. 


Nous devons, dans le cadre de notre action commune, nous appuyer sur les  résultats du Sommet mondial qui s’est tenu le mois dernier à New York.  Comme nombre d’entre vous, j’aurais souhaité que plus eût été fait.  Cela dit, gardons-nous de sous-estimer les véritables progrès réalisés à cette occasion. 


D’importantes décisions ont été adoptées pour stimuler l’action des pays développés et en développement en faveur de la lutte contre la pauvreté, du raffermissement de la démocratie au niveau national, de la coordination des mesures de consolidation de la paix au niveau international, du renforcement des mécanismes de droits de l’homme, et de l’amélioration du fonctionnement de l’Organisation des Nations Unies.


Je sollicite votre concours pour que ces décisions soient à présent appliquées.  Grâce à votre engagement, vous pouvez doter l’Organisation des Nations Unies d’un Secrétariat comptable de ses actes, performant et efficace; mettre en place la nouvelle Commission de consolidation de la paix et le nouveau Conseil des droits de l’homme; assurer une action coordonnée et efficace face à des menaces aussi diverses que le génocide, le terrorisme et les catastrophes naturelles; et surtout continuer à instaurer un partenariat mondial pour le développement au sein duquel chacun honorera ses engagements dans un esprit de responsabilité partagée et d’obligation mutuelle de rendre compte.


Si nous le faisons, les décisions adoptées le mois dernier changeront réellement la vie de vos populations.  Telle est l’aune à laquelle doivent être mesurés les résultats du Sommet dans chaque région du monde.  Je vous demande de tenir l’Organisation à cette obligation de résultats et de nous aider à l’honorer.


Faisons donc tous preuve de persévérance.  Notre mission ne sera pas accomplie tant que nous n’apporterons pas de changement positif dans les vies des faibles et des pauvres.  Tout en œuvrant de concert à la réalisation de cet objectif, nous compterons, à l’ONU, sur votre soutien et votre inspiration en même temps que nous miserons sur un renforcement du soutien que nous vous apportons, dans la quête d’un avenir plus libre, plus juste et plus sûr pour l’ensemble de vos populations et l’humanité tout entière.


Muchas gracias, muito obrigado.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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