SG/SM/10078-SC/8493-IK/516

DEVANT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ, LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SOULIGNE « L’IMPORTANCE VITALE » DES RÉFORMES DE GESTION DE L’ONU, DONT LA DÉFINITION CLAIRE DES RESPONSABILITÉS

07/09/2005
Secrétaire généralSG/SM/10078
SC/8493
IK/516
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

DEVANT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ, LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SOULIGNE « L’IMPORTANCE VITALE » DES RÉFORMES DE GESTION DE L’ONU, DONT LA DÉFINITION CLAIRE DES RESPONSABILITÉS


On trouvera ci-après la déclaration faite aujourd’hui par le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, au Conseil de sécurité:


Comme les membres le savent, c’est sur mon initiative, et avec l’appui du Conseil, qu’en avril de l’année dernière, M. Volcker, le juge Goldstone et le professeur Pieth ont été priés de mener leur enquête.


J’ai pris cette initiative, non pas pour m’exonérer, ni pour forger une arme politique contre qui que ce soit, mais dans le seul but de dévoiler la vérité.  J’étais convaincu que ce n’est qu’en dévoilant toute la vérité, aussi pénible soit-elle, que l’ONU pouvait recouvrer sa crédibilité et déterminer quels sont les changements nécessaires.   


M. Volcker lui-même a indiqué, lorsqu’il a présenté son premier rapport intérimaire, que peu d’organisations se seraient prêtées à une enquête indépendante minutieuse aussi ouvertement.  Et, de fait, la vérité telle qu’elle a été révélée dans les rapports intérimaires successifs et dans le rapport complet d’aujourd’hui est pénible pour nous tous.  Rares sont ceux, au Conseil ou au Secrétariat, qui prendront plaisir à entendre ou lire les conclusions auxquelles la Commission est parvenue.


Toutefois, je crois que nous devons tous être profondément reconnaissants à M. Volcker et à ses collègues pour le travail qu’ils ont accompli et pour le rapport qu’ils ont produit.  Je suis profondément convaincu que l’Organisation saura en tirer profit.  Mes collègues et moi-même, tout comme les membres du Conseil, venons à peine de recevoir le rapport complet, et il serait donc prématuré pour moi à ce stade de répondre en détail.  Mais il y a certaines choses que je suis prêt à dire dès à présent.


Le rapport me critique personnellement, et j’accepte ces critiques.


Au début de l’année, la Commission d’enquête a conclu que je n’avais pas influencé, ou essayé d’influencer, le processus d’achat.  Je suis heureux que cette conclusion ait été réaffirmée.


Mais j’ai accepté alors, et j’accepte toujours, la conclusion selon laquelle je n’ai pas été suffisamment rapide ou efficace pour procéder à une enquête après les faits, lorsque j’ai appris que la société qui employait mon fils avait obtenu un contrat d’inspection humanitaire.  Je le regrette profondément.


Nous tous qui travaillons à l’Organisation sommes profondément déçus devant les preuves de corruption réelle qui accablent un petit nombre les membres du personnel de l’ONU.


Mais, même si je n’ai pas encore eu le temps d’étudier l’intégralité du rapport, je suis heureux de lire deux observations fondamentales dans la préface.  Tout d’abord, la Commission fait observer que le programme a réussi à rétablir et à maintenir des normes minimales de nutrition et de santé en Iraq, tout en aidant la communauté internationale à empêcher Saddam Hussein d’acquérir des armes de destruction massive.  Deuxièmement, elle fait observer que la corruption généralisée au sein du programme a eu lieu au sein d’entreprises privées manipulées par le Gouvernement de Saddam Hussein. 


Ce qui est encore plus important, toutefois, ce sont les conclusions de la Commission à propos de la gestion générale du programme, dont les pratiques administratives ont été qualifiées de faibles et le contrôle et la vérification d’insuffisants.  Surtout, il faudra voir comment ces conclusions influeront sur le système de prise de décisions, sur la transparence et la gestion au sein de l’Organisation.


Ici aussi, en tant que chef de l’Administration, je dois assumer la responsabilité des failles révélées, tant dans la mise en œuvre du programme que, de façon plus générale, dans le fonctionnement du Secrétariat.


Le rapport indique également que nombre de ces problèmes sont dus à un manque de clarté dans la délimitation des rôles et des responsabilités que se partagent le Conseil de sécurité, le Comité 661 et le Secrétariat –et surtout à la décision du Conseil de retenir des éléments fondamentaux de contrôle opérationnel au sein du Comité 661, composé de diplomates nationaux placés sous les ordres hautement politisés de leur gouvernement, et n’étant à même de prendre des décisions que lorsqu’il y avait unanimité entre les 15 membres.


Cela mérite bien entendu réflexion de la part des États Membres. 


Il y a là de dures leçons à tirer pour nous tous.  


Il y a des leçons sur l’importance de la transparence, et surtout sur la nécessité d’avoir des responsabilités et des procédures d’établissement de rapports clairement définies, de façon à ce que tous les fonctionnaires et tous les secteurs du Secrétariat sachent exactement quelles sont leurs responsabilités. 


Il y a des leçons à tirer sur la vérification, et notamment sur la nécessité d’avoir des mécanismes qui permettent, lorsque la vérification présente des déficiences, que quelqu’un prenne rapidement des mesures pour les corriger.


Et surtout, il y a des leçons à tirer sur la nécessité pour l’ONU de maintenir le niveau le plus élevé possible d’intégrité et d’efficacité.


Nous allons devoir étudier très attentivement toutes ces leçons, et toutes les recommandations émises par la Commission.  Nous devrons peut-être proposer de nouvelles mesures de réforme spécifiques pour appliquer ces recommandations.


Mais une chose devrait être très claire dès maintenant.  Les conclusions de la Commission d’enquête soulignent l’importance vitale des propositions de réformes dans la gestion, dont bon nombre font en ce moment même l’objet de négociations entre les États Membres au sein de l’Assemblée générale, en vue de leur adoption dans le cadre d’un programme plus global de changements politiques et institutionnels, au cours du sommet de la semaine prochaine. 


Comme le Conseil le sait, j’ai déjà lancé de nouvelles réformes dans les domaines où j’ai autorité pour le faire – des réformes visant à améliorer les prestations des hauts responsables, à renforcer les contrôles et la reddition de comptes, à améliorer la transparence et à veiller à ce que les normes éthiques les plus strictes soient respectées, avec notamment la création d’un nouveau Bureau de déontologie.  Mais il y a de nombreuses décisions clefs que seule l’Assemblée générale est habilitée à prendre.


Comme l’indique le rapport de la Commission d’enquête, nous ne pouvons pas être certains, même si nous l’espérons, que nous ne serons pas contraints par de nouvelles urgences à assumer des tâches aussi complexes que le programme « pétrole contre nourriture ».


C’est pourquoi il est vital que nous examinions en détail les règles régissant nos ressources budgétaires et humaines.  Le programme « pétrole contre nourriture » n’est que l’exemple le plus extrême de la large gamme d’opérations d’un genre nouveau que les États Membres ont demandées au Secrétariat d’entreprendre au cours des 15 dernières années.  Cela illustre sans nul doute le fait que nos règles doivent nous permettre d’attirer, de maintenir et de créer un corps de spécialistes ayant les compétences requises pour gérer de telles opérations; de les muter de poste en poste d’une façon équitable et pratique; et de rationaliser le processus budgétaire, qui à l’heure actuelle est bien trop lourd et bureaucratique, et prend trop de temps.


Il est encore plus évident que nous devons impérativement bâtir une structure de surveillance et de contrôle plus robuste et disposant de meilleures ressources et veiller à ce qu’elle soit pleinement indépendante, tant vis-à-vis du Secrétariat que par rapport à des ingérences politiques des États Membres.  Un élément important de cette nouvelle structure serait le comité consultatif de contrôle indépendant proposé dans le projet de document à soumettre à la Réunion plénière de haut niveau en septembre 2005, présenté par le Président de l’Assemblée générale, qui correspond de près à la recommandation de la Commission concernant un conseil de contrôle indépendant.


Mais il est tout aussi vital que le Secrétaire général lui-même puisse s’acquitter efficacement de ses fonctions, en prenant des décisions au jour le jour concernant le déploiement du personnel et des ressources, sans avoir à attendre une autorisation préalable de l’Assemblée générale, de ce Conseil ou de leurs diverses commissions.  Comme le signale le rapport, l’un des problèmes fondamentaux du programme « pétrole contre nourriture » est que ni le Conseil de sécurité ni la direction du Secrétariat n’étaient clairement aux commandes, et cela s’est avéré être une recette pour une dilution de l’autorité du Secrétariat et pour une absence de prise de responsabilité personnelle à tous les niveaux.  À l’avenir, les rôles et pouvoirs respectifs des différents éléments de l’Organisation doivent être clairement définis afin que le Secrétaire général sache précisément ce que l’on attend de lui et que les États Membres puissent le tenir pleinement responsable des résultats obtenus.


J’ai tenu les propos suivants aux négociateurs de l’Assemblée générale la semaine dernière: « Je sais qu’aucun de vous ne souhaite voir un Secrétariat qui puisse toujours rejeter sur les États Membres la faute pour ses propres errements, ni des États Membres qui blâment le Secrétariat pour leurs défaillances.  Vous voulez un Secrétariat qui reçoive des instructions claires des États Membres, puis assume la responsabilité de ses succès ou échecs dans leur mise en oeuvre. »


Les conclusions du rapport d’aujourd’hui ne peuvent qu’être profondément embarrassantes pour nous tous.  La Commission d’enquête a violemment écarté le rideau et braqué un projecteur implacable dans les coins les moins présentables de l’Organisation.  Aucun d’entre nous –ni les États Membres, ni le Secrétariat, ni les programmes, fonds ou institutions spécialisées– ne pouvons nous estimer fiers de ce qu’elle a révélé.  Qui parmi nous pourrait désormais prétendre que la gestion de l’ONU n’est pas un problème ou n’appelle pas une réforme?


Au contraire, comme l’affirme le rapport Volcker, il n’y a pas d’alternative à la réforme si nous voulons que l’Organisation des Nations Unies retrouve et conserve le niveau de respect au sein de la communauté internationale que son travail exige.


Le sommet de la semaine prochaine donne aux dirigeants du monde une occasion en or de mettre en oeuvre une telle réforme.  Mais les négociateurs sont en train d’accuser un dangereux retard.  Il y a un grave risque que l’occasion soit manquée.  J’espère me tromper.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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