En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/10000-SC/8444

ALLOCUTION PRONONCÉE PAR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À L’OCCASION DU DÉBAT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ SUR LE RÔLE DU CONSEIL DANS LES CRISES HUMANITAIRES

12/07/2005
Communiqué de presse
SG/SM/10000
SC/8444


ALLOCUTION PRONONCÉE PAR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À L’OCCASION DU DÉBAT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ SUR LE RÔLE DU CONSEIL DANS LES CRISES HUMANITAIRES


Vous trouverez ci-après le texte intégral de l’allocution prononcée aujourd’hui par le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, à l’occasion du débat du Conseil de sécurité sur le rôle du Conseil dans les crises humanitaires:


Merci d’avoir organisé ce débat thématique.  Le thème que vous avez choisi est tout à fait de circonstance puisque nous commémorons ces jours-ci le dixième anniversaire d’un moment tragique de l’histoire de l’Organisation des Nations Unies.


Le 11 juillet 1995, Srebrenica –que ce Conseil avait déclarée « zone de sécurité » et qui était tenue par les forces de maintien de la paix des Nations Unies– tombe sous l’attaque des forces serbes.  Le 13 juillet, le massacre systématique des hommes et des garçons musulmans commence.  Le souvenir de ces événements révoltants nous rappelle que, chaque fois que le Conseil de sécurité prend la responsabilité de protéger des civils, il doit établir un mandat qui ne laisse place à aucune ambiguïté et prévoir des ressources qui permettent d’accomplir la tâche prescrite, et que toutes les parties impliquées –depuis le Conseil lui-même jusqu’à notre personnel sur le terrain, en passant par l’ensemble des États Membres de l’Organisation et le Secrétariat, ici, à New York– doivent être pleinement conscientes des espoirs qu’elles ont suscités parmi ceux qui cherchent désespérément un secours face à de graves dangers.


À vrai dire, on pourrait considérer que le thème que vous avez choisi recoupe la quasi-totalité des questions dont le Conseil est actuellement saisi, puisque les situations de crise dont il doit s’occuper comportent presque toutes un volet humanitaire.  En effet, c’est souvent l’ampleur des souffrances humaines, plus que tout autre facteur, qui pousse la communauté internationale à intervenir. 


Notre tâche devrait être de prévenir de telles souffrances.  Nous y manquons trop souvent, parce que nous ne reconnaissons la gravité de la menace que lorsqu’il est trop tard.


C’est pourquoi j’estime que les États Membres devraient admettre que, chaque fois qu’un État en particulier ne peut pas ou ne veut pas protéger ses citoyens contre des violences extrêmes, tous les États ont la responsabilité collective de le faire –responsabilité qui doit être assumée par ce Conseil.


En général, le débat ne porte que sur des cas extrêmes où seule une intervention armée peut mettre fin à l’effusion de sang.  Pourtant, plus tôt nous essaierons de résoudre la crise par d’autres voies, plus nous aurons de chances de l’empêcher d’atteindre ce degré de gravité.

C’est pourquoi, Monsieur le Président, je me joins à vous pour souligner combien il est important de prévenir des futurs conflits en s’attaquant à leurs causes profondes.


Le Conseil a déjà adopté d’importantes résolutions à ce sujet, et j’y ai consacré moi-même plusieurs rapports.  Dans quelques jours, une grande conférence de la société civile sur la prévention se tiendra ici, au Siège de l’Organisation des Nations Unies.  J’espère que le Conseil reprendra bientôt l’étude de la question, en tenant compte des travaux de cette conférence et en s’attachant en particulier aux modalités pratiques.


En attendant, le Conseil a devant lui une longue liste de pays déjà touchés par un conflit ou essayant d’en sortir.  Les cas les plus décevants sont ceux des États qui retombent dans un conflit quelques années seulement après que la communauté internationale les a aidés à en sortir.  Nous avons appris à nos dépens que, pour donner de bons résultats, la consolidation de la paix doit être poursuivie pendant plusieurs années et prévoir des actions de nature très diverse : assurer la réadaptation et la réinsertion des combattants démobilisés, aider les entreprises et les marchés à retrouver leur vitalité et – tâche décisive entre toutes – renforcer la capacité de l’État et des institutions sociales de faire régner la sécurité et la justice en s’appuyant sur l’état de droit.


Le Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix parlera tout à l’heure plus en détail des problèmes de l’instauration d’une sécurité réelle après un conflit.


Pour ma part, je souhaite souligner brièvement l’importance de l’état de droit.  L’état de droit est une chose qui ne peut pas être imposée de l’extérieur.  Les acteurs locaux doivent véritablement comprendre que seule la confiance en l’état de droit peut garantir une sécurité durable, en permettant à des gens appartenant à différents groupes ou communautés de s’en remettre, pour leur protection, aux forces de l’État et non à des milices rivales.  Et pour que ce soit possible, les tribunaux et autres institutions doivent être fondés non sur un modèle importé mais sur la culture et les traditions de la société locale.


Le rôle de la communauté internationale est d’accélérer ce processus et de l’appuyer par une assistance technique, tout en s’assurant que tous les acteurs nationaux y participent, et en agissant de manière coordonnée.  Les différents organismes du système des Nations Unies, notamment les institutions financières internationales, doivent collaborer étroitement les uns avec les autres, et avec les donateurs bilatéraux et les États qui fournissent des contingents.  La prise en charge de cette coordination est l’une des tâches qui devrait être assumée par la nouvelle Commission de la consolidation de la paix que les États Membres réunis en septembre pour le Sommet mondial décideront, je l’espère, de créer.


Cette commission devrait contribuer à retenir l’attention internationale sur les activités de la consolidation de la paix dans des pays qui, en raison de la cessation des hostilités actives, ne font plus la une des médias.  En rassemblant les différents acteurs internationaux et régionaux présents dans ces pays, elle devrait harmoniser les activités de consolidation de la paix dans tout le système multilatéral. 


En tant qu’organisme consultatif, la Commission n’empiéterait pas sur l’autorité du Conseil et ne réduirait en rien ses responsabilités.  Quels que soient les bons résultats qu’elle pourra obtenir dans ses travaux, ce sera toujours à vous, au sein de ce Conseil, qu’il appartiendra d’élaborer et d’adopter les mandats dans le cadre desquels l’Organisation des Nations Unies travaille dans les pays déchirés par la guerre.  Il continuera donc de vous appartenir de faire en sorte que ces mandats aient la portée et la durée voulues pour donner aux pays touchés une chance véritable de se doter des institutions nécessaires et d’instaurer les comportements voulus pour inscrire dans la durée l’état de droit.  C’est à cette condition seulement qu’un pays peut espérer rompre définitivement le cycle de la violence.


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