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FEM/1480

LE COMITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ENVERS LES FEMMES ENGAGE LA TURQUIE À TRADUIRE DANS LES FAITS SES AVANCÉES LÉGISLATIVES

20/01/2005
Communiqué de presse
FEM/1480


Comité pour l’élimination de la

discrimination à l’égard des femmes

677e & 678e séances – matin & après-midi


LE COMITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ENVERS LES FEMMES ENGAGE LA TURQUIE À TRADUIRE DANS LES FAITS SES AVANCÉES LÉGISLATIVES


Les experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ont engagé l’État turc à traduire dans les faits ses nombreuses avancées législatives pour vaincre les discriminations dont sont victimes les femmes turques dans de nombreux aspects de leur vie.  Les experts, qui examinaient les quatrième et cinquième rapports périodiques de la Turquie, ont toutefois félicité le pays pour les progrès législatifs considérables réalisés depuis sa dernière audition en 1997.


La Turquie a levé ses réserves à la Convention CEDAW* qu’elle avait émises aux articles 15 et 16 qui étaient alors jugés incompatibles avec les dispositions nationales sur la vie de famille et le mariage.  Le pays a également ratifié le protocole facultatif à la Convention en 2001 qui permet désormais à un individu ou à un groupe d’individus de saisir le Comité pour des graves violations de droits de l’homme.  Un amendement au Code civil a en outre été adopté qui abolit le rôle de chef de famille du père et prévoit le partage des biens familiaux, une capacité égale de représentation légale des conjoints et le même âge minimum de mariage pour l’homme comme pour la femme.


Relevant que les femmes turques ont obtenu le droit de vote et d’éligibilité bien avant d’autres pays européens, l’experte de la France, Françoise Gaspard, a toutefois relevé l’existence d’un décalage entre le dynamisme des femmes turques dans la société civile et leur quasi-exclusion des instances de décisions.  L’experte a fortement suggéré au pays d’instaurer un système de quota, relevant que l’article 10 de la Constitution permettait d’appliquer la Convention directement, et en particulier son article 4 sur les mesures temporaires spéciales visant à accélérer une égalité de facto.


Les femmes turques sont en effet sous-représentées en politique; elles ne sont que 24 au Parlement qui compte 550 membres.  Aux élections locales de 2004, sur 3 000 municipalités, seules 18 d’entre elles comptaient une femme maire.  Les experts se sont également inquiétés de l’existence des « crimes d’honneur » qui ne sont pas inscrits au Code pénal ainsi que des « tests de virginité ».  Même si de tels tests doivent être demandés par un juge ou procureur, le recours à une ordonnance a été perçu par l’experte du Bénin, Hugette Bokpe Gnacadja, comme une privation de liberté.


La situation de la communauté kurde, qui n’est pas considérée comme une minorité ou groupe national, mais également l’interdiction du port du foulard dans les institutions publiques comme les universités ont également suscité de nombreuses questions.  Relevant que la majorité des filles et femmes des zones rurales portaient le foulard, l’experte du Bangladesh, Salma Khan, a demandé comment les autorités entendaient les intégrer dans la société, les écoles et hôpitaux publics.


*Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.



PRÉSENTATION DES QUATRIÈME ET CINQUIÈME RAPPORTS PÉRIODIQUES COMBINÉS DE LA TURQUIE (CEDAW/C/TUR/4-5 ET CEDAW/C/TUR/4-5/CORR.1)


Présentation de l’État partie


Mme GÜLDAL AKSIT, Ministre d’État chargée des questions relatives aux femmes, a affirmé que son pays était décidé à atteindre les normes internationales relatives aux droits de la femme comme indiquées dans la Convention.  Cette présentation sera extrêmement utile pour la Turquie qui a ratifié la Convention en 1986, a-t-elle dit.  Nous avions alors émis des réserves aux articles 15 et 16 car ils étaient incompatibles avec les dispositions relatives aux relations familiales et au mariage ainsi qu’avec le Code civil de 1926 qui était encore en vigueur, a-t-elle précisé.  En Septembre 1999, toutefois, la Turquie a éliminé ses réserves.  Nous avons également ratifié le protocole facultatif qui est entré en vigueur dans notre pays en janvier 2003, nous sommes partisans d’une république séculaire, ce qui nous a permis d’accorder la priorité à l’égalité entre les sexes, a expliqué la Ministre.  Le Code civil turque de 1926 était l’épine dorsale du système et traduisait déjà bien le principe de l’égalité. 


Elle a poursuivi en indiquant que des amendements constitutionnels récents avaient été apportés à ce document, notamment l’amendement qui place le CEDAW au dessus des lois nationales.  Un autre amendement au Code civil de 1926 a été adopté en 2001 qui abolit le rôle de chef de famille du père et prévoit le partage des biens familiaux, une capacité égale de représentation légale des conjoints et le même âge minimum de mariage pour l’homme comme pour la femme, a-t-elle dit.  Pour combattre la violence au foyer, une loi sur la protection de la famille a été adoptée en 1998 qui permet le dépôt de plaintes par les victimes et la délivrance d’ordonnances de protection.  Le nouveau Code pénal prévoit la punition d’auteurs de crimes d’honneur avec des peines pouvant aller à la prison à vie.  On assiste à une prise de conscience réelle des juges, a-t-elle soutenu.


Un forum de discussions visant à réduire la violence associe les représentants de la société civile et un plan d’action est envisagé à long terme.  La loi sur les municipalités stipule que pour les municipalités de plus de 50 000 habitants il faudra créer des abris pour les femmes et les enfants victimes de violence domestique.  La résolution sur les crimes d’honneur adoptée à la 59e session de l’Assemblée générale des Nations Unies est d’une importance particulière.  La traite des êtres humains constitue également un problème, la Turquie étant à la fois un pays de transit et de destination.  Nous avons apporté des amendements au Code pénal en 2002 et la traite des êtres humains a été définie comme un crime, a ajouté la Ministre.


L’éducation de base est obligatoire pendant huit ans mais au niveau du secondaire, les filles sont moins représentées que les garçons.  Une politique de discrimination positive a été mise en place dans 53 villes et cela a entraîné une augmentation de 5,8% du taux d’enrôlement des fillettes au niveau du primaire.  Le nombre de fille à l’université a connu une augmentation de 66% entre 1995 et 2004. 


La Ministre a évoqué le marché de l’emploi en précisant qu’il existe une tendance migratoire des femmes rurales vers les villes.  On prévoit à son avis que l’accession à l’Union européenne permettrait d’accélérer l’amélioration de la position des femmes sur le marché de l’emploi.  En politique, la présence des femmes dans les organes politiques est bien en deçà de celle des hommes; la représentation des femmes au Parlement étant de 4,4% seulement.  Aux élections locales de 2004, sur 3 000 municipalités, seules 18 d’entre elles comptaient une femme maire.  Nous avons quand même 12 femmes ambassadeurs, la rapporteur sur la violence envers les femmes à la Commission des droits de l’homme et l’ancienne présidente du CEDAW sont turques, a précisé la Ministre.

En matière de santé, elle a expliqué que les taux de fertilité baissent tout comme les taux de mortalité infantile, que l’âge du mariage augmente et que le recours à la planification familiale est également à la hausse.


Questions des experts et dialogue avec le Comité


Articles 1 à 6 de la Convention


L’experte du Portugal, MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, a salué les progrès impressionnants accomplis sur le plan de la réforme juridique, dans des domaines extrêmement importants pour l’avancement des droits de femmes.  S’agissant des crimes d’honneur, elle a demandé si la nouvelle législation pénale traitait les crimes d’honneur comme une violation patente du droit à la vie.  Elle s’est par ailleurs réjoui de l’introduction, dans le régime de la propriété matrimoniale, des acquis mais a déploré la création d’une nouvelle forme de discrimination du fait de la mise à l’écart du domaine de compétence de la loi des femmes déjà mariées.  Elle a aussi souhaité engager le débat de savoir si la loi sur l’interdiction du port du foulard ne constituait pas une autre forme d’oppression. 


L’experte de la Jamaïque, GLENDA P. SIMMS, a souhaité avoir des renseignements supplémentaires sur les modalités de pratique des tests de virginité pour les femmes avant le mariage et a demandé si de tels tests étaient prévus pour les hommes.


L’experte de l’Allemagne, HANNA BEATE SCHÖPP-SCHILLING (Vice-Présidente), a souligné qu’il fallait opérer un distinguo entre les mesures spéciales temporaires et les mesures politiques générales.  À ce titre, elle s’est réjouie de voir que le Parlement avait adopté une révision de la Constitution qui permettrait l’adoption de mesures spéciales, en particulier dans les domaines de l’enseignement, de l’emploi et de la vie politique.  Elle a toutefois déploré que l’amendement à l’article 10 n’ait pas été adopté par le Parlement turc et par l’adoption d’un autre article interdisant les privilèges. 


L’experte de Singapour, ANAMAH TAN, a également abordé la question des tests de virginité et a affirmé que l’examen des organes sexuels constituait une pratique discriminatoire.  S’agissant des crimes d’honneur, elle a engagé les autorités à profiter de l’adoption d’un nouveau Code pénal pour abroger ou au moins modifier la loi sur les crimes d’honneur.  Elle a suggéré que soit introduite une disposition prévoyant le consentement informé devant un juge avec sanctions dans les cas de pratique des textes sans ce consentement.


L’experte de la République de Corée, HEISOO SHIN, a souhaité savoir si une révision de la loi sur la violence au sein de la famille était prévue pour y inclure des mesures de protection des membres de la famille et si la présente loi incluait l’inceste, les crimes d’honneur et les viols commis par les membres de la famille.  À ce titre, elle a insisté sur l’importance de la formation de la police.  Elle a aussi demandé des précisions sur les incitations à la mise en œuvre de la Convention au niveau local.


L’experte du Japon, FUMIKO SAIGA, s’est félicitée du fait que les différents conseils consultatifs ministériels aient participé à l’élaboration du rapport mais a souhaité avoir des précisions sur les fonctions du Conseil consultatif et les modalités de la participation des ONG au processus d’établissement de rapports.  Elle a également souhaité disposer d’informations sur les disparités au niveau régional du statut de la femme et sur l’impact des différentes coutumes.  À ce titre, elle a demandé si les agents de liaison couvraient les régions les plus difficiles.  Au sujet des minorités, elle a engagé les autorités à collecter des informations sur les minorités ethniques, en particulier les femmes, et ce dans les domaines de la santé, de l’éducation et autres.


L’experte de la Croatie, DUBRAVKA ŠIMONOVIC (Rapporteur), a salué les autorités pour avoir levé les réserves à la Convention et ratifié le protocole facultatif.  Elle a demandé qui au Gouvernement avait approuvé le rapport et a souhaité savoir si la législation contenait une définition de la discrimination.


L’experte du Brésil, SILVIA PIMENTEL (Vice-Présidente) a exprimé ses préoccupations face au fait que la Constitution ne reconnaissait pas les Kurdes comme une minorité ou un groupe national. 


L’experte de Maurice, PRAMILA PATTEN, a fait observer que certaines critiques estimaient que la politique de promotion de la femme turque faisait partie d’une stratégie du Gouvernement de ce pays pour adhérer à l’Union européenne.  Cela dit, elle a souhaité savoir ce que faisaient les pouvoirs publics pour dissiper cette perception et renforcer les mécanismes susceptibles d’assurer la mise en œuvre de la Convention.  Elle a engagé les autorités à traduire la recommandation 25 du CEDAW dans la législation nationale turque et les a invitées à réétudier la question de l’interdiction du port du voile.  Elle a par ailleurs demandé des précisions sur la nouvelle loi sur la municipalité.  


Répondant à cette série de questions, la délégation turque, a expliqué que les crimes d’honneur ne sont pas inscrits au Code pénal mais il n’existe aucune clémence pour ce type de crimes passibles de la peine la plus lourde prévue par le Code pénal pour les homicides prémédités.  Le Gouvernement turc est un système démocratique qui s’appuie sur une constitution laïque.  Les fonctionnaires et ceux qui fréquentent les institutions publiques sont tenus de respecter les règles de comportement qui ne permettent pas le port du voile.  Des appels ont été déposés auprès du Tribunal européen qui les a rejeté, arguant que les symboles religieux contredisent les principes de la laïcité.  Il est vrai que pour certaines filles, l’interdiction du voile pose problème, en particulier dans l’enseignement supérieur.  De jeunes étudiantes mettent un terme à leurs études en raison de leur foi.


Il a également été précisé que la Convention a la prévalence sur les lois nationales, ce qui signifie que l’égalité est protégée sur le plan constitutionnel.  Passant à la violence domestique, la délégation a convenu que les centres d’accueil pour femmes en Turquie étaient peu nombreux.  Une municipalité de plus de 50 000 habitants doit ouvrir un centre d’accueil pour la femme et l’enfant, a précisé la délégation. 


Au sujet des « tests de virginité », la délégation a précisé qu’un tel test ne peut être réalisé que sur décision d’un juge ou d’un procureur.  Si des parents emmènent leur fille à l’hôpital pour un test sans ordonnance du juge, les parents et le médecin seront sanctionnés.  Le Code pénal traite de la même manière les « crimes par tradition » et les « crimes d’honneur » qui sont passibles des mêmes sentences.  Nous nous ne règlerons ce phénomène qu’avec le temps, mais nous avons déjà fait d’énormes avancées sur ce front, a précisé la délégation.  Le nouveau Code pénal entrera en vigueur en 2005 et les articles sur la famille seront réexaminés de manière à obtenir l’avis des ONG. 


La question de la violence au foyer nous tient à cœur et nous envisageons de lancer une nouvelle enquête, a ajouté la délégation turque.  Elle a expliqué que des programmes spéciaux avaient été mis en place pour trouver les meilleurs moyens d’aider les victimes de la violence familiale.  Nous menons des campagnes de sensibilisation de la police et de la société, a-t-elle dit, en ajoutant, au sujet de la minorité kurde, que celle-ci bénéficiait des droits de tous les citoyens. 


Un membre de la délégation a expliqué que les conseils consultatifs ministériels étaient chargés de conseiller les ministres et de faciliter la formulation de stratégies pour l’avancement de la condition des femmes.  Participent à leurs travaux des représentants du Gouvernement, des universitaires et des organisations non gouvernementales.  S’agissant de la politique de la femme au niveau local, il a indiqué que c’était au Gouverneur d’établir des unités pour promouvoir la condition féminine au niveau local et a indiqué qu’à l’heure actuelle, il y avait 15 unités de ce genre.  Il a aussi indiqué que le Parlement ne disposait pas encore formellement d’une commission charger d’examiner le rapport à la CEDAW mais que les partis, au pouvoir et d’opposition, étaient en faveur de l’établissement d’une Commission nationale sur l’égalité entre les sexes.


S’agissant de la participation des femmes à la vie politique, la chef de la délégation a indiqué que 4,4% des parlementaires étaient des femmes, soit 24 femmes sur 550.  À ce titre, elle a fait observer que si la représentation était très faible au niveau national, au niveau local, le taux de participation des femmes à la vie politique était meilleur.  Elle a indiqué que tout portait à croire que les prochaines élections seraient l’occasion d’une participation des femmes bien plus importante et que le Parlement prenait des mesures pour encourager la participation des femmes en tant qu’électrices et candidates.  Elle a aussi indiqué que la Convention avait été traduite en turc.


S’agissant de la stratégie d’adhésion à l’Union européenne, elle a indiqué que les autorités n’avaient passé aucune loi dans l’objectif de plaire mais dans celui de faire avancer la société.


Toujours concernant les articles 1 à 6, l’experte de la Hongrie, KRISZTINA MORVAI, a demandé que le point soit fait sur les procédures engagées et conclues pour punir les crimes d’honneur.


L’experte de l’Italie, TIZIANA MAIOLO, a insisté sur les problèmes des minorités kurdes et sur la problématique de leur participation à la vie publique, compte tenu du fort taux d’analphabétisme parmi ce groupe.


L’experte du Ghana, DORCAS COKER-APPIAH, a souligné le problème que revêt la barrière de la langue pour l’émancipation et l’intégration des communautés kurdes.  Elle a insisté sur l’importance de coupler les mesures législatives à des mesures de sensibilisation et de changement des mentalités pour éliminer les stéréotypes et les pratiques coutumières discriminantes ayant un impact négatif sur la condition des femmes.  Elle a souhaité avoir des précisions sur les mesures prises par les autorités pour lutter contre les pratiques culturelles allant à l’encontre des droits des femmes.


L’expert des Pays-Bas, CORNELIS FLINTERMAN, a exprimé ses préoccupations quant à l’interprétation de l’article 10 de la Constitution sur l’égalité des hommes et des femmes en droit.  Aussi révolutionnaire qu’elle soit, a-t-il dit, cette disposition doit être considérée comme une obligation pour l’État turque d’adopter des mesures spéciales temporaires pour promouvoir les droits des femmes.  Il a également ouvert le débat sur le champ couvert par les concepts de crimes coutumiers et de crimes d’honneur. 


L’experte de l’Égypte, NAELA GABR, a insisté sur les moyens de promouvoir les droits des femmes au niveau local et a invité les autorités turques à tirer parti du dynamisme de la société civile. 


L’experte du Bénin, HUGUETTE BOKPE GNACADJA, est revenue sur la question des tests de virginité pratiqués sans le consentement de la femme.  Elle a souhaité que lui soit confirmé que cette pratique était érigée en infraction pénale.  Constatant que la nouvelle loi sur les crimes d’honneur prévoyait un examen vaginal et annal légal, elle a souhaité savoir si cet examen était un effet de style pour faire perdurer une pratique condamnée sous le nom de test de virginité.


S’agissant du sort réservé aux crimes d’honneur, elle a mis en garde contre la tentation dangereuse de diluer le terme dans l’expression plus générale de crime coutumier.


L’experte du Bangladesh, SALMA KHAN, a insisté sur le débat concernant la laïcité et l’interdiction du port du voile.  Comment assurer que toutes les femmes qui ont choisi la religion musulmane jouissent de leurs droits? s’est-t-elle interrogée.


La délégation turque a expliqué, au sujet de la communauté kurde, qu’il n’y a jamais eu en Turquie de recensement sur la base de l’ethnicité, car le pays est composé de 30 groupes ethniques différents.  Qui est donc la minorité et la majorité dans ces conditions? s’est demandée la délégation.  La diversité ethnique est un avantage et un enrichissement pour notre pays, a-t-elle précisé, avant d’expliquer que le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, n’était plus en état d’opérer en raison d’un manque d’appui financier.


La délégation a reconnu l’existence de préjugés dans les médias vis-à-vis de la parité.  Nous animons des séminaires de sensibilisation à la parité dans les médias en collaboration avec les organisations non gouvernementales, a-t-elle expliqué, précisant par ailleurs que toutes les femmes, qu’elles portent le foulard ou pas, avaient accès aux soins de santé.


Articles de 7 à 9 de la Convention


L’experte française, FRANÇOISE GASPRARD, a relevé les avancées importantes réalisées depuis la dernière audition du pays.  La lutte des femmes turques pour leurs droits est ancienne et date des années 20, a-t-elle précisé.  Elles ont obtenu le droit de vote et d’éligibilité bien avant d’autres pays européens comme la France.  La Turquie était citée en exemple dans les années 30 par les suffragettes et c’est pourquoi on s’étonne de la stagnation des femmes en politique, au Parlement mais aussi au niveau local, a-t-elle dit.  Il existe comme un décalage entre le dynamisme des femmes dans la société civile et leur quasi-exclusion des instances où se prennent les décisions.  L’experte de la France a suggéré fortement au pays d’instaurer un système de quota.  Elle a relevé que l’article 10 de la Constitution permet d’appliquer la Convention directement, notamment son article 4 sur les mesures temporaires spéciales.


      L’experte de la Chine, XIAOQIAO ZOU, a elle aussi cherché à savoir quelles étaient les raisons du faible nombre de femmes en politique.  Elle a suggéré à l’État partie de mener une enquête à ce sujet.


      L’experte de la Croatie a elle aussi voulu savoir quelles étaient les causes d’une telle discrimination dans la vie politique.


      La délégation turque a souligné que son action visait en priorité une plus grande présence des femmes en politique.  La donne politique est dominée par les hommes mais l’article 10 de notre constitution stipule que le Gouvernement a la responsabilité et le devoir de veiller à ce qu’il y ait parité entre les sexes, a-t-elle expliqué.  L’obstacle le plus important à la participation à la vie politique doit être vu dans un contexte culturel.  Le nombre de femmes ambassadrices représente 10% du total. 

L’experte de l’Égypte a souhaité disposer davantage de données sur la question de l’égalité d’accès à l’éducation.  S’agissant du port du foulard, elle a demandé si la loi s’appliquait à l’école primaire et à tous les niveaux d’étude, y compris universitaire.  Elle a demandé si des programmes d’enseignements à distance avaient été mis en place pour palier aux conséquences néfastes sur l’accès des filles l’enseignement.


L’experte de la France a fait observer que l’analphabétisme touchait une femme sur 5 et que celui-ci concernait aussi bien les femmes rurales que les femmes urbaines.  À ce titre, elle a demandé si un état géographique de la sous-scolarisation des filles avait été dressé et a souhaité avoir des détails sur les mesures prises pour lutter contre l’abandon scolaire des filles.  Elle a aussi engagé le débat sur la question de l’accès à l’éducation des enfants des groupes de population dont la langue maternelle n’est pas le turc et a relayé les préoccupations de certaines de ses collègues sur la situation engendrée par le récent interdit portant sur la tenue vestimentaire et les signes religieux.  Qu’est-il fait pour que les mineures musulmanes qui choisissent de porter le voile aient accès à l’enseignement sur un pied d’égalité avec les autres, a-t-elle souhaité savoir.


L’experte de la Roumanie, VICTORIA POPESCU, s’est également penchée sur le taux d’analphabétisme existant parmi la population féminine et s’est dite préoccupée par le fort taux de non-scolarisation des filles, y compris dans les zones urbaines.  À ce titre, elle a demandé quelles étaient les mesures prises par les autorités pour faire appliquer la loi sur le caractère obligatoire de l’école.  Elle a souligné que les écarts existants dans l’orientation des filles et des garçons portaient préjudice aux chances de celles-ci de trouver un emploi.  Elle a aussi souhaité avoir des détails sur les modalités d’accès à l’enseignement technique et sur les mesures spéciales temporaires prévues pour aider les catégories de filles vulnérables.


L’expert des Pays-Bas a demandé des précisions sur les dispositions du nouveau code pénal pour ce qui est des crimes d’honneur. 


L’experte de la République de Corée a demandé des explications sur les raisons invoquées pour ne pas aller à l’école, les premières étant, d’après le rapport, le manque d’intérêt et la nécessité d’aider à la maison, ainsi que sur les mesures envisagées pour remédier à cette situation anachronique.  Elle a aussi demandé des détails sur les raisons pour lesquelles le chômage féminin était si important.  À ce titre, elle a notamment souhaité savoir quel était le nombre de crèches et de centres d’accueil pour les enfants. 


L’experte de Cuba, MAGALYS AROCHA DOMINGUEZ, a demandé s’il existait des indicateurs permettant d’analyser les conditions d’exercice des agricultrices en milieu rural et a demandé à la délégation turque de dépeindre un tableau de la situation en matière de revenus des femmes rurales. 


La délégation turque a expliqué que le niveau d’éducation des filles était plus faible que celui des garçons et cela vaut pour le primaire, secondaire et universitaire.  Pour encourager les familles à envoyer les filles à l’école, le gouvernement donne une aide en espèce supérieure à celle donnée pour les petits garçons.  Pour 2010, nous visons un taux de participation des filles de 100%, a-t-elle précisé.  Dans l’est et le sud-est de la Turquie, il existe également des disparités entre les taux de scolarisation des filles et des garçons, a-t-elle poursuivi.  Sur le marché du travail, 26% des travailleurs sont des femmes.  L’emploi des femmes n’est pas toujours visible, le travail informel étant très répandu.  L’amendement apporté au Code du travail suit les stratégies d’emploi de l’Union européenne, dont l’un des principaux piliers est la parité entre les sexes.


Les femmes qui accomplissent un travail agricole n’ont plus besoin d’être chef de famille pour bénéficier de prestations sociales.  De leur côté, les femmes se tournent davantage vers le secteur tertiaire, a-t-elle expliqué.  Dans le cas d’une grossesse précoce, la jeune fille est autorisée à continuer ses études, a également précisé la délégation.  Si une famille interdit à ses enfants d’aller à l’école, elle subira une amende car l’école est obligatoire dans le primaire.  Celle-ci a ajouté qu’il n’existe pas d’université privée où les filles portant le voile pourraient étudier.  Il a été par ailleurs précisé que les auteurs de crimes d’honneur ou de crimes en raison de la coutume ne bénéficient pas de la clause de provocation.


Concernant les articles 10 à 14, l’experte de la Malaisie, MARY SHANTHI DAIRIAM, a demandé comment le plan quinquennal de développement de la Turquie tenait compte des femmes?  Comment comptez-vous garantir l’allocation de crédits nécessaires et qu’avez-vous fait en matière macroéconomique pour les femmes? a-t-elle demandé.


      L’experte du Portugal a demandé si des coutumes précises s’opposaient au travail des femmes.  Doivent-elles obtenir l’autorisation du mari?  Subissent-elles des pressions familiales?


L’experte de l’Allemagne a demandé des détails sur l’accès aux soins des enfants et notamment sur leur situation avant leur scolarisation, notamment dans les zones rurales.


L’experte de Maurice a souhaité savoir quelles étaient les mesures prises pour encourager les femmes à embrasser des carrières moins traditionnelles et s’il existait des programmes pour encourager les groupes spéciaux de femmes.


L’experte des Philippines et Présidente du Comité a déclaré qu’elle comprenait mais n’acceptait pas la manière dont les autorités turques abordent la question des minorités et de l’ethnicité.  Elle estime que cela revient à nier la situation des femmes marginalisées, notamment pour des raisons ethniques, et à dépeindre une fiction. 


L’experte de la Hongrie a engagé les autorités à lancer un débat sur la manière d’associer les hommes à la lutte contre l’exploitation sexuelle des femmes et sur les moyens de changer leur perception de la valeur des femmes.


Le chef de la délégation a indiqué que l’ensemble des politiques du Gouvernement visait à promouvoir les droits économiques, ceux des femmes sur un pied d’égalité avec ceux des hommes.  Pour ce qui est de l’égalité quant à l’accès à l’emploi, elle a demandé que l’on prenne en compte le mauvais état du marché de l’emploi et le haut niveau du chômage.  Elle a néanmoins souligné que le code du travail comportait des dispositions claires pour assurer l’égalité entre les sexes et la non-discrimination, sur quelque critère que ce soit et a signalé la mise en œuvre de programme de sensibilisation pour favoriser l’égalité et l’élimination des stéréotypes et des discriminations.


Articles 14 à 16 de la Convention


L’experte de Singapour a félicité la Turquie pour la promulgation d’une loi contre la violence domestique et a demandé combien de plaintes avaient été reçues et combien d’ordonnances de protection avaient été délivrées.  Est-ce que l’auteur de violences fera l’objet de programme de réhabilitation?  Comptez-vous sensibiliser les juges, et le personnel médical? a-t-elle demandé.


L’experte du Ghana s’est félicitée du nouveau Code civil qui va contribuer, à son avis, à éliminer les discriminations dans le mariage.  Même si l’âge minimum du mariage a été porté à 17 ans pour l’homme comme pour la femme, il existe des mariages coutumiers et des mariages précoces.  Les droits culturels doivent être respectés mais pas au détriment des droits des individus.  Les lois elles-mêmes ne parviendront pas à éliminer les inégalités et je vous engage à prendre des mesures pour éliminer ces pratiques, a-t-elle lancé. 


Tout en se félicitant des mesures législatives prises par le Gouvernement turc, l’experte du Bénin s’est dit préoccupée par l’obligation de viduité de 90 jours faite à la femme avant de se remarier.  Elle a souhaité avoir des précisions sur la situation de facto concernant la polygamie, le lévirat, les mariages précoces et forcés.


La délégation turque aconvenu que le pays ne disposait pas de suffisamment de foyers dans le pays pour les femmes victimes de violences domestiques.  Elle a également convenu que son service ne disposait pas suffisamment d’informations désagrégées par sexe.  Elle a par ailleurs expliqué que le pays entend organiser des programmes de réadaptation pour les auteurs de violence.  Le Ministère de la justice organise des programmes socioéconomiques, a-t-elle précisé, et le seul mariage reconnu par la loi est le mariage civil.  La polygamie est absolument interdite par la loi et est passible de peines de prison de six mois à deux ans.


L’experte de la France a demandé à l’État partie si les révisions envisagées à la loi sur la nationalité suivaient les dispositions de la Convention.  Lors d’une demande d’asile, a-t-elle encore demandé, est-ce que les autorités tiennent compte des violences faites aux femmes et aux fillettes comme les mariages forcés ou les mutilations génitales. 


La loi sur la nationalité a été amendée pour éliminer toute discrimination, notamment son article 66, a expliqué la délégation. 


LaPrésidente du Comité a souhaité répondre à l’État partie qui l’avait accusée de monopoliser le débat sur les minorités kurdes en précisant que, selon elle, la réaction de la délégation turque signifiait qu’elle n’était pas en mesure de répondre avec précisions à ses questions sur les minorités.


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