LA SITUATION DES MINORITÉS EN GRÈCE PRÉOCCUPE LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME
Communiqué de presse DH/664 |
Comité des droits de l’homme
Quatre-vingt-troisième session
2268e & 2269e séances – matin & après-midi
LA SITUATION DES MINORITÉS EN GRÈCE PRÉOCCUPE LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME
Les experts reconnaissent l’engagement de l’État partie
à appliquer le Pacte international sur les droits civils et politiques
Le Comité des droits de l’homme s’est inquiété aujourd’hui de la situation des minorités en Grèce, pays qui présentait aujourd’hui aux 18 experts les mesures qu’il a prises pour garantir à ses citoyens la pleine jouissance de leurs droits civils et politiques. La Grèce a ratifié le Pacte international sur les droits civils et politiques ainsi que ses deux Protocoles facultatifs en 1997*.
Les experts ont dans un premier temps félicité l’importante délégation grecque pour la qualité et le sérieux de son rapport**. La Grèce a été également saluée d’avoir accordé la primauté du Pacte sur les lois nationales. L’article 28 paragraphe 1 de la Constitution grecque stipule en effet que les principes généraux du droit international et les Conventions internationales ratifiées font partie intégrante du droit interne. L’importance que la Grèce attache au problème du trafic d’êtres humains lui a également valu les félicitations des experts qui ont noté qu’une loi spéciale prévoyait la protection des victimes. Depuis octobre 2002, date à laquelle la loi 3104 sur la traite d’êtres humains a été adoptée, plus de 600 cas on fait l’objet de procédures pénales. L’octroi du permis de résidence pour les victimes de la traite sert également un permis de travail.
Toutefois, les experts ont exprimé de nombreuses préoccupations au sujet des droits des minorités ethniques et religieuses, qu’elles soient roms, macédoniennes ou musulmanes. L’experte des États-Unis, Mme Ruth Wedgwood, a demandé des précisions sur les allégations de mauvais traitements infligés aux Tziganes par des agents de la police. L’expert du Royaume-Uni, Sir Nigel Rodley, a fortement remis en question l’affirmation selon laquelle les Tziganes ne se reconnaissent pas comme une minorité nationale. Selon l’observation générale 23 du Comité, l’existence d’une minorité ne doit pas dépendre d’une décision de l’État partie mais doit reposer sur des critères objectifs.
La délégation a expliqué que la Grèce nereconnaissait l’existence que d’une seule minorité, celle des musulmans de Thrace, qui jouit d’un statut spécial. S’agissant de la minorité macédonienne, la délégation a précisé qu’il existait dans la région de la Macédoine un petit nombre de personnes qui se disent « Macédoniens », et qui demandent à être reconnus comme minorité nationale. Son Gouvernement, a-t-elle affirmé, rejette cette revendication qui est à ses yeux motivée par des raisons politiques.
Le Comité s’est également interrogé sur l’âge de la majorité civile qui varie d’une religion à l’autre; sur les conditions de détention et sur les objecteurs de conscience qui doivent effectuer un service civil de 23 mois qui est bien plus long que le service militaire lui-même.
La prochaine réunion du Comité sera annoncée dans le Journal.
* Le Protocole I reconnaît la compétence du Comité à recevoir des communications d’individus au sujet de violation de leurs droits tandis que le Protocole II porte sur l’abolition de la peine de mort.
** Le rapport initial de la Grèce est paru sous la cote CCPR/C/GRC/2004/1.
PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES: EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ET DES SITUATIONS DE PAYS
Examen du rapport initial de la Grèce (CCPR/C/GRC/2004/1)
Dialogue avec les experts
Engageant le dialogue avec la délégation, Mme RUTH WEDGWOOD, experte des États-Unis, a évoqué les allégations concernant les 122 cas de mauvais traitements infligés aux Tziganes par des agents de la police. Elle a souhaité que la délégation fournisse davantage d’explications à ce sujet, ainsi que sur les procédures d’expulsion, en particulier sur les faits concernant l’expulsion de ressortissants turcs. Elle a enfin demandé des informations sur les conditions dans lesquelles sont dispensés les soins médicaux dans les prisons surpeuplées.
Concernant la question des droits des femmes, M. RAFAEL RIVAS POSADA, expert de la Colombie, a invité la Grèce à accélérer les efforts en cours pour assurer la parité entre les hommes et les femmes. Il a voulu savoir quelles étaient les initiatives spécifiques garantissant une bonne représentation des femmes aux postes de prise de décisions du pays. Il a noté les informations données par l’État partie sur les listes politiques dans les conseils municipaux et les taux de représentation des femmes, qu’il juge encore faibles. Enfin, il a demandé un complément d’informations sur la participation des femmes dans les mairies, les administrations publiques et au sein du Parlement.
Poursuivant, M. AHMED KHALIL, expert de l’Égypte, a relevé l’importance donnée par la Grèce au problème du trafic d’êtres humains. Une loi spéciale, a-t-il noté, a prévu la protection des victimes de ces crimes. Relevant dans le rapport que 228 personnes ont été accusées de ces infractions, il a demandé si cela signifiait qu’elles avaient été poursuivies ou si elles avaient aussi été condamnées. Quant à la question sur le thème de l’exploitation des enfants albanais, la Grèce considère que le phénomène est pratiquement éradiqué, a-t-il observé. Il a voulu en savoir davantage à ce sujet, notamment sur les enquêtes éventuellement menées sur les cas d’enfants qui se sont échappés des foyers et sont retournés travailler.
À son tour, M. RAJSOOMER LALLAH, expert de Maurice, a félicité la Grèce pour le sérieux de son premier rapport. La Grèce a réussi à intégrer le Pacte en lui accordant la primauté sur les lois nationales, a-t-il apprécié. S’agissant des personnes suspectées d’actes terroristes, il a demandé plus d’explications sur les garanties offertes en application des dispositions du Pacte. Il a aussi voulu savoir comment la loi sur le terrorisme traite de l’expulsion et de l’extradition, et en particulier les garanties de remise en liberté et les garanties que la personne ne sera pas traitée de façon non conforme aux dispositions du Pacte. Il a ensuite abordé la question de l’emprisonnement pour manquement à une obligation contractuelle, qui est contraire aux dispositions de l’article 11 du Pacte. L’expert a reconnu qu’on pouvait pratiquer une saisie pour garantir l’exécution d’une obligation contractuelle, mais n’a pas admis l’emprisonnement pour dette qui constitue à ses yeux une mesure vexatoire.
Abordant la question de la traite, M. MICHAEL O’FLAHERTY, expert de l’Irlande, a apprécié la qualité des réponses données dans le rapport mais a demandé des renseignements plus précis sur les progrès dont il fait état. En ce qui concerne le Comité de coordination et le Comité interministériel, organes qui traitent de cette question en Grèce, il a rappelé les préoccupations exprimées sur la façon dont ils fonctionnent. Il a voulu savoir comment les travaux de ces comités débouchent sur des activités concrètes par les autorités dans l’ensemble du pays. Au sujet de l’aide que fournit la Grèce aux personnes victimes de la traite dans leur pays d’origine, il a voulu avoir davantage de renseignements. Passant au problème des conditions de détention, il semble que de vives préoccupations subsistent, a indiqué l’expert. Il y aurait des pénuries de matelas et de lits, et l’hygiène laisse à désirer, a-t-il relevé. Il a demandé que la délégation donne plus de renseignements à ce sujet. L’expert a aussi évoqué des problèmes de mineurs qui ont disparus alors qu’une enquête était commencée à leur égard.
M. NIGEL RODLEY, expert du Royaume-Uni, a expliqué que la transition du régime militaire à la démocratie ne s’était pas accompagnée d’une purge légale au sein des forces de sécurité. Cette culture d’impunité dans la police ne plonge-t-elle pas ses racines dans la période de la dictature militaire? s’est-il interrogé. Il a demandé s’il y avait eu des cas de sanctions graves prononcées contre des agents des forces de l’ordre reconnus coupables d’avoir causé la mort de quelqu’un de façon illégale. Il a mentionné une affaire, rapportée par Amnesty International, dont les faits sont intervenus après l’adoption de la loi sur l’usage abusif des armes à feu par les forces de l’ordre, et au cours desquels les forces de l’ordre semblent avoir protégé leurs propres membres, faisant obstruction à la justice.
M. NISUKE ANDO, expert du Japon, a relevé que la Constitution grecque ne reprend pas les mêmes motifs de discrimination que ceux interdits par le Pacte. Quelles sont les incidences de ces dispositions sur l’application des obligations correspondantes découlant d’instruments internationaux? L’article 48 de la Constitution repose sur une optique différente de celle du Pacte. Par exemple, le droit à la liberté de mouvement n’est pas mentionné dans votre liste des droits pour lesquels il ne peut y avoir de dérogation. De même, l’article 8 du Pacte interdit l’esclavage, ce qui pourrait peut-être correspondre à l’article 6 de la Constitution grecque qui prévoit la sécurité de la personne, a-t-il noté.
Répondant à ces questions et commentaires, la délégation grecque a précisé que les lois grecques contre le terrorisme respectent profondément les droits de l’homme. La loi adoptée en 2004 repose entièrement sur les décisions de référence de l’Union européenne et sur celles ayant fait l’objet d’un vote en juin 2002 qui précisent dans leur préambule que le respect des droits de l’homme est un préalable. Il existe toute sorte de lois qui peuvent ainsi être utilisées dans un autre contexte. Le terrorisme n’est pas un crime politique en Grèce qui a ratifié toutes les Convention des Nations Unies sur le terrorisme.
La délégation a aussi précisé que son pays considérait inacceptable de fermer les yeux sur les actes de violence contre les civils et que rien ne saurait justifier des actes de terrorisme. Nous avons promulgué une loi pour introduire les conventions internationales contre le terrorisme dans la législation grecque. Conformément à L’article 5 de la Constitution, personne ne peut être extradé pour des actes visant l’obtention de la liberté mais cela ne signifie pas une acceptation du terrorisme. Si un acte terroriste est commis sur notre territoire, nous devons soit extrader la personne soit la punir. L’article 28 paragraphe 1 de la Constitution stipule que les règles générales du droit international et les Conventions internationales ratifiées font partie intégrante du droit interne et ont la primauté sur toute disposition contraire de la législation nationale. Elle a invoqué un problème de surpopulation carcérale même si le taux d’occupation des prisons est le plus faible d’Europe, avec 80 personnes emprisonnées pour 100 000 habitants.
La délégation a rappelé que les détenus pouvaient travailler dans les services municipaux pour purger leur peine. Elle a poursuivi en indiquant qu’il y avait beaucoup de petits délits qu’on envisage de dépénaliser en Grèce et qu’une commission du Ministère de la justice étudiait la question. La question de la prison pour dette entre dans ce débat, a-t-elle précisé. Sur le problème des conditions de détention, la délégation a cité des mesures en cours d’élaboration, notamment un accord que la Grèce envisage de conclure avec les pays voisins pour négocier que la Grèce paye les frais d’emprisonnement tout en laissant au pays d’origine la responsabilité d’assurer la détention. La Grèce a également pris des mesures visant à transférer les détenus toxicomanes dans des centres de traitement de la toxicomanie.
Passant au problème de l’emprisonnement pour manquement à une obligation contractuelle, les tribunaux ont accepté d’appliquer l’article 11 du Pacte qui l’interdit, de sorte que personne ne soit emprisonné pour ce motif, a indiqué la délégation. Le seul problème qui demeure est celui du cas d’un commerçant qui a de quoi payer la dette mais préfère utiliser l’argent pour autre chose. C’est un comportement immoral et on doit sanctionner ce type de comportement, a considéré a délégation.
Sur la question portant sur l’état de siège, la délégation a indiqué que l’article 48 de la Constitution définissait de façon précise les conditions préalables pour que le pays soit déclaré en état de siège. Les actes terroristes ne figurent pas parmi ces conditions préalables, mais il faut considérer qu’un acte qui viserait à renverser un régime démocratique devrait être considéré comme une des conditions préalables de l’article 48. De toutes façons, a noté la délégation, c’est le Parlement qui décide si les conditions préalables sont réunies. Poursuivant sur les violences policières, la délégation a indiqué que la loi prévoit que les policiers aient épuisé tous les autres moyens à leur disposition avant de recourir à l’arme à feu. Les procédures disciplinaires sont engagées quand le médiateur décide qu’il y a eu violation des droits de l’homme. Elle a cité un cas de violence policière sanctionnée d’une lourde peine d’emprisonnement. Concernant les problèmes liés aux prisons, la délégation a indiqué que les organisations de protection des droits de l’homme peuvent avoir accès aux centres de détention. S’agissant de l’expulsion, la détention du ressortissant étranger ne doit pas dépasser trois mois, a-t-elle rappelé.
S’agissant de l’égalité des droits, la délégation a assuré que le législateur n’a jamais promulgué de loi distinguant entre les citoyens grecs et les non-citoyens pour la jouissance des droits fondamentaux. Abordant les questions portant sur la liberté de religion, la délégation a indiqué que l’expression de « religion dominante » qui figure dans la Constitution ne signifie pas que la religion orthodoxe est religion d’État. En outre, depuis le dépôt du rapport, la situation s’est améliorée en ce qui concerne les questions liées à la religion. À titre d’exemple, la délégation a fait savoir qu’aucune condamnation n’a été prononcée au motif de prosélytisme, qui constitue encore un crime selon la loi grecque, et aucune poursuite n’est actuellement en cours. Depuis 2001, la religion n’est plus mentionnée sur les cartes d’identité en Grèce, a-t-elle précisé.
La pratique de toute religion ou dogme n’exige pas l’approbation de l’État ou de l’Église orthodoxe. Une religion est considérée « non connue » si elle va à l’encontre de la morale et de l’ordre public. Les allégations selon lesquelles certains dogmes peuvent être considérés comme hérétiques ne sont pas pertinentes. La délégation a ajouté que l’Église de la scientologie avait créé un centre qui a été dissous en 1996, conformément à la décision de la Cour d’appel d’Athènes. L’année suivante, les mêmes personnes ont créé une association à but non lucratif qui est progressivement devenue une organisation religieuse. En 2002, la demande soumise au Ministère de l’éducation pour fonctionner comme un lieu de culte a été rejetée. Les adeptes de la scientologie ont ensuite saisi le Conseil d’État mais ils ne se sont pas présentés à l’audience. De fait, il existe une association civile scientologique à but non lucratif.
Les objecteurs de conscience doivent effectuer un service civil dont la durée est égale au service militaire. En vertu de la nouvelle loi, un objecteur de conscience doit servir dans l’armée pendant 23 mois, dont 12 mois de service de base. Nous devons assumer des obligations de défense de plus en plus importantes et nous sommes donc contraints de disposer d’un nombre élevé d’unités militaires.
La presse, a ajouté la délégation, est libre et la censure et tout autre mesure préventive sont interdites. La liberté d’expression en tant que liberté de la personne est protégée. L’articler 14 de la Constitution grecque prévoit des dispositions selon lesquelles ce droit peut subir des restrictions pour protéger d’autres droits. On ne relève cependant aucune saisie de journaux et magazines locaux ou nationaux au cours des quatre dernières années. Le livre « La vie du Christ » a été saisi le 30 janvier 2003 car il contenait des éléments offensants et constituait un acte d’agression envers les croyances intimes. L’appel du jugement fut rejeté et la Cour de cassation n’a pas encore rendu son jugement. Il s’agit de la première saisie de livre ou d’imprimé au cours des 25 dernières années. La délégation a reconnu que certaines publications avaient fait l’objet de procédures pénales en raison d’articles racistes ou antisémites. Nous disposons d’un Code de conduite à l’attention des journalistes. Par ailleurs, la liberté syndicale et d’association est pleinement protégée. Toute interférence avec l’exercice de cette liberté fondamentale est prise au sérieux par les tribunaux. Les allégations au sujet du refus d’accepter le terme « macédonien » dans la dénomination d’une association ne sont pas justifiées. Ce sont les statuts de cette association qui n’avaient pas été autorisés. En revanche, le terme « macédonien » est largement employé dans la région grecque de la Macédoine, a précisé la délégation.
La délégation a expliqué que le refus d’enregistrement d’une association qui comportait le terme de « turc » ne concernait pas le nom de l’association mais ses objectifs qui étaient contraires à l’ordre public. Elle a poursuivi ses explications en abordant la question des abus et sévices dont sont victimes les enfants, indiquant qu’aucun type d’abus n’a été dénoncé dans les institutions de placement. Le Ministère des affaires sociales dirige une série de services chargés de ces questions, a-t-elle ajouté. Ces dernières années, la Grèce a abordé les questions de protection de l’enfance avec une sensibilité accrue, notamment en ratifiant la Convention des Nations Unies en 1992, a signalé la délégation.
Passant aux règles d’acquisition de la nationalité, la délégation a indiqué que la loi établie une distinction entre la nationalité d’origine et la nationalité par acquisition. La naturalisation se fait selon des critères définis par la loi, comme celui des liens avec le pays. La loi prévoit une longue résidence de 10 ans pour que les liens d’un ressortissant étranger avec la Grèce soit prouvés, mais cette période n’est que de cinq ans pour les apatrides, a-t-elle ajouté. Depuis les événements historiques des années 1990 en Europe de l’Est, les Grecs qui vivaient en ex-Union soviétique ont souvent souhaité se réinstaller en Grèce et, du fait de leur lien spécial avec la Grèce établi par leur origine, ils se sont vu attribuer la nationalité sans condition d’attente ou de séjour dans le pays.
Sur les questions relatives aux droits des minorités, la délégation a indiqué que la Grèce ne reconnaissait l’existence que d’une seule minorité, les musulmans de Thrace, qui reçoit des droits spéciaux en tant que telle. Elle a cité un rapport d’explication de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des minorités nationales, qui prévoit qu’un individu ne peut pas choisir arbitrairement son appartenance à un groupe ethnique. S’agissant de la minorité macédonienne, la délégation a expliqué qu’il existait dans la région de la Macédoine un petit nombre de personnes qui se disent « Macédoniens », voulant être reconnus comme minorité nationale. Le Gouvernement grec rejette cette revendication, car il considère qu’elle est motivée par des raisons politiques et non par des considérations relatives aux droits de l’homme. Elle a cité le cas de Grecs qui parlent une langue slave mais qui ne revendiquent pas pour autant leur appartenance à une minorité nationale. Quant aux Roms, ou Tziganes, la Grèce reconnaît qu’il s’agit d’un groupe vulnérable qui nécessite des mesures spéciales. Cependant, a-t-elle précisé, les Tziganes ont exprimé le souhait de ne pas être considérés comme minorité nationale.
L’enquête sur les allégations de mauvais traitement de Tziganes par des fonctionnaires de la police n’a pas prouvé une motivation raciste ou xénophobe, a poursuivi la délégation. La Grèce a pris des mesures pour intégrer les Tziganes dans la société grecque, a-t-elle poursuivi, notamment par une campagne de sensibilisation de la population. Elle a ajouté que les représentants tziganes sont impliqués dans l’application de ces mesures.
L’expert de l’Égypte, a relevé que la situation avait beaucoup changé en 10 ans et s’était améliorée. Il s’est toutefois dit surpris par la référence faite à l’Église de la scientologie qui est interdite alors que ses activités sous couverts de l’association sont autorisées. Il existe trois groupes religieux qui constituent des entités de droit public alors que les autres groupes n’exercent qu’une capacité religieuse de droit privé. Que signifie cette distinction? L’expert a relevé que les dirigeants spirituels de l’Église orthodoxe sont nommés par l’État. Il a estimé que les objecteurs de conscience étaient placés dans une situation de vulnérabilité en devant effectuer 30 mois de services communautaires. L’expert a fait observer que ceux qui refusaient de faire le service militaire et ceux qui refusaient d’effectuer le service civil alternatif étaient désignés comme « insubordonnés ». Doivent-ils être déférés devant la Cour martiale? a-t-il encore demandé. Est-t-il vrai que les objecteurs de conscience peuvent perdre leur statut s’ils participent à une grève ou à des activités syndicales?
L’expert de la Colombie a dit son inquiétude au sujet de la saisie du livre « La vie du Christ ». L’expert a repris les paragraphes 725 et 726 du rapport de la Grèce qui indiquent qu’en 1986, un tribunal avait rejeté la saisie d’un livre en arguant qu’il s’agissait d’une œuvre d’art même si son contenu n’était pas approprié. Il était donc surprenant de constater un changement des attitudes quelques années après. Il s’est dit également inquiet de constater que malgré l’existence d’une loi interdisant toute publication ayant un caractère raciste, celle-ci n’était pas appliquée.
Revenant à la question des minorités, l’experte des États-Unis a souhaité que les problèmes évoqués soient résolus. L’article 27 du Pacte sur le droit à l’association permet de maintenir une culture propre au pays, a-t-elle rappelé. La création d’une association privée avec un nom comportant un adjectif turc ou macédonien ne représente aucune menace, a-t-elle estimé.
À son tour, M. HIPOLITO SOLARI-YRIGOYEN, expert de l’Argentine, a déclaré apprécier le rapport que la Grèce a présenté au Comité. Il s’est réjoui que le droit à l’objection de conscience ait été reconnu par une loi grecque de 1998. Il a toutefois exprimé ses inquiétudes quant au respect de ces droits en pratique. Donner une instruction militaire, même sans arme, à un objecteur de conscience ne reconnaît pas réellement le droit de celui-ci au sens de l’article 18 du Pacte, a-t-il estimé. La durée plus longue du service militaire non armé et du service civil ne lui a pas non plus paru correspondre à l’esprit du Pacte. La législation qui reconnaît le droit à l’objection de conscience n’est donc pas convaincante, a-t-il conclu.
Reprenant la parole, l’expert de l’Irlande a abordé la question de la protection des enfants. Dans certaines circonstances identifiées par un tribunal, certains mineurs peuvent contracter mariage, a-t-il relevé. La Grèce peut-elle confirmer que cette décision exceptionnelle ne peut être prise que pour une raison majeure, dans le sens de l’intérêt du mineur? a-t-il demandé. S’agissant des peines et sévices dont sont victimes les enfants, l’expert a noté que les punitions physiques ne sont interdites qu’à l’école. Il a voulu des précisions sur les efforts du Gouvernement visant à éliminer cette pratique de punition corporelle des enfants. Quant à la diffusion du rapport et des recommandations du Comité, il a demandé à la délégation de décrire les mesures que la Grèce envisage de prendre. Ces documents seront-ils gardés dans les annales du Parlement? a-t-il notamment voulu savoir. Enfin, en ce qui concerne les minorités sexuelles, il a apprécié que la nouvelle loi grecque ne retienne pas le critère de préférence sexuelle le recrutement. Est-ce que Gouvernement a pris d’autres mesures pour éviter la discrimination dans ce domaine? a-t-il demandé.
M. ALFREDO CASTILLERO HOYOS, expert du Panama, a félicité la Grèce pour la qualité de son rapport. Il a demandé quelles sont les mesures que le pays envisage de prendre pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes résultant de la charia, loi qui prédomine en Thrace. Il a également demandé des explications sur les disparitions, entre 1998 et 2002, de 502 enfants mineurs qui s’étaient échappés d’une institution, pour la plupart des Albanais. Il a également demandé à la délégation de fournir des chiffres précis concernant les différentes minorités existantes. Ces minorités représentent une part importante de la société grecque, a-t-il remarqué, et l’État partie ne peut pas se prévaloir du caractère politique de cette question pour se soustraire aux obligations découlant du Pacte. Tous les cas de minorités ont des implications politiques, a-t-il en effet remarqué.
Reprenant la parole, la délégation a abordé le problème des expropriations. La Constitution grecque dispose que la propriété est protégée par l’État mais permet, au nom de l’intérêt public, qu’une loi autorise une expropriation pour construire une infrastructure publique. Cela s’applique à tous les Grecs ainsi qu’aux Tziganes, a-t-elle précisé, et dans ces cas, un relogement et des dommages et intérêts sont prévus. Concernant les expropriations qui ont eu lieu avant les Jeux olympiques de 2004, la délégation a assuré que les Tziganes expropriés ont été relogés. Les dommages et intérêts ont été versés selon des accords préalables avec les personnes concernées et les municipalités. Il convient de noter que souvent les Tziganes sont passés d’un logement sous une tente à une habitation en dur. Cependant, a fait observer la délégation, les mairies n’ont pas toujours pu payer les loyers et le Ministère de l’intérieur a dû verser au total 50 000 euros à titre de dommages et intérêts aux personnes relogées. Pour ce qui est des démolitions d’immeubles occupés illégalement, elle a indiqué qu’elles se font en présence de la police.
Abordant la question de la diffusion des informations relatives aux droits de l’homme, la délégation a expliqué que, parmi les membres de la Commission nationale des droits de l’homme, figurent des représentant de partis politiques et de la société civile, des professeurs d’université, ainsi que des représentants de six organisations non gouvernementales chargés de surveiller le respect des droits de l’homme, telles que Amnesty International. Le Ministère de la justice a déjà procédé à la diffusion des informations sur les dispositions du Pacte, a-t-elle signalé. L’École de la magistrature a organisé en 2000-2001 une série de séminaires auxquels près de 200 juges ont pu participer, a-t-elle cité à titre d’exemple. La Cour d’appel vérifie que les dispositions du Pacte sont appliquées par les tribunaux, a aussi assuré la délégation. Enfin, la police bénéficie aussi d’une formation dans le domaine des droits de l’homme, en particulier sur tout ce qui touche aux droits des minorités. La délégation a conclu en reconnaissant qu’il y a encore beaucoup à faire sur cette question, mais que les efforts vont dans le bon sens.
Pour répondre aux questions posées par les experts au cours de la séance, la délégation a expliqué que tout détenu doit être examiné par un médecin dès son arrivée en prison. Si le médecin constate une anomalie, la personne doit être transférée dans un établissement médical. Tous ces services sont gratuits. Elle a aussi cité l’existence d’un centre créé pour traiter les personnes victimes de la torture. Sur la forme que prend le contrôle des prisons, la délégation a indiqué qu’un nouvel inspectorat des prisons a été créé en 2002. Les députés siégeant au Parlement grec et les représentants du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi que les membres de la Commission nationale des droits de l’homme ont un libre accès aux prisons. Quand la Commission nationale visite les prisons, les ONG grecques qui y sont représentées peuvent se joindre à la visite, a-t-elle fait remarquer. Par ailleurs, sur le problème de xénophobie, la délégation a expliqué que les procureurs ne peuvent pas lire tous les journaux pour rechercher les cas de discrimination raciale.
La délégation a réaffirmé les dispositions de l’article 16 de la Constitution qui interdisent toute forme de discrimination raciale et prévoient une peine d’emprisonnement de trois à six ans contre toute personne responsable d’un tel acte. Auparavant, la loi de 1979 prévoyait un maximum d’un an d’emprisonnement. Au sujet de l’aide juridique, la délégation a expliqué que le prévenu pouvait demander un autre avocat que celui commis d’office, que les ONG disposaient de leurs propres avocats et que c’était l’État qui assumait les frais de l’assistance juridique. Un membre de la délégation a jugé maladroite la comparaison entre les Kurdes de Turquie et les Musulmans de Grèce dans la mesure où la minorité kurde n’est pas reconnue en Turquie alors que les musulmans le sont en Grèce en vertu du Traité de Lausanne de 1923 dont les dispositions sont reprises par la Convention-cadre de l’Union européenne sur la protection des minorités.
Les musulmans peuvent fonder des associations culturelles et religieuses. Nous ne limitons pas la liberté d’association mais l’utilisation qui en est faite en conjonction avec d’autres objectifs recherchés. Le Conseil de l’Europe parle de minorité musulmane parlant le turc, a fait remarquer la délégation au sujet de la minorité musulmane en Grèce. De l’avis de la délégation, le problème pourrait être réglé si l’on parlait d’une minorité grecque musulmane d’origine turque. Nous refusons d’accepter l’identité supposée de ce groupe et de l’appliquer à l’ensemble de la minorité musulmane. Nous avons aussi ce problème pour les personnes que l’on appelle « macédoniennes ». Ces personnes ne peuvent pas monopoliser un nom qui a une signification particulière pour les Grecs. Sommes–nous tenus de leur accorder des droits particuliers?
La délégation a indiqué que toute personne, en Grèce, pouvait librement s’identifier comme appartenant à une minorité. Selon elle, l’article 27 du Pacte relatif aux droits des minorités n’entraîne pas pour l’État partie l’obligation d’identifier les différentes minorités. Il faut admettre, a-t-elle argué, que la reconnaissance des minorités peut parfois créer des tensions. Communiquant les chiffres demandés, la délégation a cité les résultats de l’organisation Arc-en-ciel, qui représente la minorité macédonienne, aux élections parlementaires: 0,02% en 2000, alors qu’il était de 0,05% en 1996. De l’avis de la délégation, ce n’est donc pas la loi du nombre qui peut justifier qu’on reconnaisse ou non une minorité.
Concernant la nomination des muftis par l’État, invoquée par l’expert de l’Égypte, la délégation a reconnu qu’elle a toujours été pratiquée, la loi étant seulement intervenue pour ratifier cette pratique. S’agissant de la conformité de la Charia à la Constitution grecque, la délégation a expliqué que, pour les questions liées à la famille, les minorités sont tenues de respecter soit la Charia soit le code civil. Il y a eu des cas de mariage avant 14 ans, et même un cas de mariage d’une petite fille de 11 ans, en vertu de la Charia, a reconnu la délégation. La loi grecque n’autorisant pas ces mariages, la délégation a assuré qu’il s’agissait de cas très exceptionnels. En l’occurrence, la jeune fille de 11 ans était enceinte et le mufti avait entériné la décision de la famille.
Au sujet du droit d’asile, la délégation a indiqué que l’expulsion ne peut avoir lieu qu’après le rejet du dernier recours. Concernant la question portant sur les 300 personnes expulsées, la délégation a précisé que parmi ces personnes il y avait 25 à 30 mineurs non accompagnés qui n’avaient pas demandé l’asile et qu’après trois mois de détention, ils avaient été libérés.
En matière de participation des femmes à la vie politique, la délégation a donné quelques chiffres. Elle a indiqué qu’aux élections législatives de 2004, 38 femmes sur 300 députés ont été élues. Au Parlement européen, sur les 24 députés grecs siègent sept femmes. En outre, une femme est élue à la présidence du Parlement grec et une autre assume les fonctions de maire d’Athènes, a ajouté la délégation. Il y a aussi deux femmes ministres et quatre secrétaires générales.
En vertu de la Constitution grecque, la saisie d’un écrit est interdite, sauf sur ordre du procureur pour des raisons spécifiques, a précisé la délégation, avant de citer une affaire dans laquelle le Tribunal de première instance d’Athènes avait jugé que le livre bénéficiait du statut d’œuvre d’art et échappait donc à la saisie. La Cour européenne des droits de l’homme a autorisé la saisie des livres dans certains cas, a-t-elle rappelé. La saisie invoquée par l’expert colombien est un cas unique et cette affaire n’est pas terminée puisqu’elle a fait l’objet d’un recours actuellement pendant devant la Cour de cassation.
En ce qui concerne la liberté religieuse, on ne fait pas de différence entre les entités publiques et privées des églises en Grèce pour assurer la protection de leurs droits, a poursuivi la délégation. Pour ce qui est de l’Église catholique, elle n’a pas demandé le statut de personne juridique, a-t-elle fait remarquer, et il lui a été demandé de choisir le type de personnalité juridique qu’elle voulait endosser.
Répondant à la question des châtiments corporels, la délégation grecque a rappelé qu’une loi datant du mois dernier les interdit dans les écoles. Sur le thème de l’éducation, tous les citoyens ont les mêmes droits, a-t-elle ajouté. Un système de cartes de transit permet aux élèves tziganes de changer d’école plus facilement. L’année dernière, 632 nouvelles cartes ont été délivrées aux Tziganes, a-t-elle précisé.
La délégation a indiqué qu’il n’était pas possible de réduire la durée du service militaire pour un objecteur de conscience. La durée du service militaire dépend de la situation du pays en matière de défense et du niveau de menace auquel il est exposé. Par conséquent, la durée du service des objecteurs de conscience dépend de la durée du service militaire normal. Au sujet de la traite, la délégation a précisé qu’en moins d’un an toutes les mesures prévues avaient été mises en œuvre grâce au Comité interministériel. L’octroi du permis de résidence pour les victimes de la traite constitue également un permis de travail. Depuis octobre 2002, date à laquelle la loi 3104 sur la traite a été adoptée, plus de 600 cas ont fait l’objet de procédures pénales. Au sujet de l’interdiction de l’émission de télévision, la délégation a précisé qu’un problème technique explique le report de l’émission qui sera diffusée dimanche prochain sur la même chaîne et à la même heure.
L’experte des États-Unis a précisé qu’elle avait évoqué la question kurde pour montrer ce qui se passe quand on refuse la reconnaissance à une minorité. L’article 27 du Pacte parle de groupes qui se constituent pour des raisons religieuses, linguistiques et pas nécessairement pour des raisons nationales. Tout comme Sir Nigel Rodley, elle a souhaité obtenir des précisions au sujet des allégations de violences policières.
Pour sa part, l’expert de la Pologne a réfuté les dires de la délégation au sujet des ONG en précisant que c’est grâce aux ONG que ce Comité peut fonctionner. Les ONG constituent un élément clef de nos activités et je suis troublé par les déclarations du chef de délégation selon lesquelles les ONG sont trop zélées, a-t-il déclaré, tout en se félicitant que ce dialogue atteste que le pays prend très au sérieux l’application du Pacte.
Poursuivant, Mme ELISABETH PALM, experte de la Suède et Vice-Présidente du Comité, a félicité l’État partie pour la composition de haut niveau de sa délégation. Le rapport présenté est complet et d’importants efforts ont été déployés pour répondre aux questions du Comité. La protection des minorités nous préoccupe toutefois, tout comme la situation des objecteurs de conscience, les enfants et la situation dans les prisons.
La délégation a répondu qu’il ne fallait pas oublier que les questions des minorités sont nées dans les Balkans et a assuré que son Gouvernement a pleinement conscience du contenu de l’article 27 du Pacte. Mais pour nous, cette question ne se résume pas à un simple processus d’identification ethnique ou religieuse.
* *** *