LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME DEMANDE AU GOUVERNEMENT OUZBEK DE RESPECTER LES DROITS DE LA DÉFENSE ET DE GARANTIR L’INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE
Communiqué de presse DH/663 |
Comité des droits de l’homme
Quatre-vingt-troisième session
2266e & 2267e séances – matin & après-midi
LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME DEMANDE AU GOUVERNEMENT OUZBEK DE RESPECTER LES DROITS DE LA DÉFENSE ET DE GARANTIR L’INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE
Il commence l’examen du rapport initial de la Grèce
Achevant aujourd’hui l’examen du deuxième rapport périodique de l’Ouzbékistan, présenté conformément à l’article 40 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité des droits de l’homme a dressé un constat défavorable pour le Gouvernement ouzbek.
La délégation a tenté de fournir des explications après les critiques sévères portées hier et aujourd’hui par les 18 experts du Comité, notamment sur les questions de la peine de mort et des tortures. La Présidente du Comité et experte de la France, Mme Christine Chanet, a estimé que l’exécution des 15 personnes condamnées à la peine capitale, alors qu’elles étaient placées sous la protection du Comité, constituait une violation très grave du principe « Pacta sunt servanda ». Une série de mesures a cependant été prise pour abolir la peine de mort, a expliqué la délégation qui a cité le lancement d’une étude sur la question en vue de préparer l’opinion publique.
Concernant la torture pratiquée par la police, l’expert du Panama, M. Alfredo Castillero Hoyos, a fait observer que les cas de torture signalés n’avaient nullement inquiété les responsables ni entraîné de mesures disciplinaires. Le médiateur n’avait donc pas été en mesure de vérifier les allégations des victimes. En outre, le nombre de poursuites dont font l’objet les personnes se livrant à des violences contre des détenus est bien plus élevé que celui des condamnations qui en résultent.
Plusieurs experts ont souligné l’importance de garantir l’indépendance des juges qui doivent être inamovibles et bénéficier d’un bon statut social pour ne pas être soumis à des pressions politiques ou autres. Ce n’est pas le cas à l’heure actuelle puisqu’ils sont nommés par le Président tous les cinq ans. La délégation a concédé qu’un mandat de 10 ans contribuerait certainement à améliorer le rôle des juges. Parmi les autres violations des droits de l’homme en Ouzbékistan, les experts ont cité l’interdiction du prosélytisme et le fait de qualifier l’homosexualité de grave infraction pénale.
Au nom des progrès réalisés en matière de protection et de promotion des droits de l’homme, les experts ont notamment relevé la création du Centre des droits de l’homme, du Centre de protection des droits de l’homme et du poste de médiateur sur cette question, ainsi que le rejet des preuves obtenues illégalement. La Présidente du Comité a estimé que le deuxième rapport périodique de l’Ouzbékistan était bien meilleur que le rapport initial, mais a expliqué que le Comité ne pouvait pas tenir compte dans son analyse des projets annoncés par l’État partie en raison de l’absence de précisions sur les délais nécessaires à leur mise en œuvre.
La Grèce, qui a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ses Protocoles facultatifs en 1997, a cet après-midi présenté au Comité son rapport initial. Les juridictions grecques ont toujours reconnu la priorité des dispositions du Pacte sur la législation nationale, a expliqué Mme Maria Telalian, Représentante permanente adjointe de la Grèce auprès des Nations Unies. De plus en plus souvent, a-t-elle ajouté, ces dispositions sont appliquées directement par les tribunaux.
Les explications qui étaient demandées à la Grèce sur le respect des droits de l’homme dans le pays portaient notamment sur le nombre important d’actes de violence familiale et de viols conjugaux, le recours à la force d’une manière excessive par les fonctionnaires de police, le problème de surpopulation carcéral, la situation des étrangers en attente d’expulsion, la contrainte par corps, les obstacles à la liberté de religion, les atteintes aux droits des minorités telles que les Tziganes et la traite des personnes. En ce qui concerne le travail forcé des enfants albanais, la délégation a indiqué que le phénomène était pratiquement éliminé, en partie grâce à la régularisation de la situation des étrangers. Dans le cadre de la lutte contre la traite des personnes, le Gouvernement a créé une Commission interministérielle chargée de cette question.
Le Comité poursuivra demain, mercredi 23 mars à 10 heures l’examen du rapport initial de la Grèce.
PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES: EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ET DES SITUATIONS DE PAYS
Examen du deuxième rapport périodique de L’Ouzbékistan (CCPR/C/UZB/2004/2)
Réponses de l’État partie
La délégation ouzbèke a répondu aux questions posées hier par les experts du Comité. Concernant le suivi de la mise en œuvre des recommandations du Comité des droits de l’homme, elle a expliqué que c’est le Ministère des affaires étrangères qui transmet ces recommandations aux organes d’État. Le Gouvernement envisage d’abolir la peine capitale et a déjà pris des mesures provisoires de protection dans cette voie. Pour faire face aux problèmes de violence à l’égard des femmes, la délégation a indiqué qu’une étude a été réalisée sur la question en Ouzbékistan, et qu’un système d’appui aux victimes a été mis sur pied par des organisations féminines avec pour objectif de créer des centres d’accueil. En outre, les médias ont accordé une très grande attention à ce problème.
Abordant la question du mariage, la délégation a expliqué que la charia autorise la polygamie et cette forme de mariage semble servir des intérêts économiques des familles concernées. Elle a aussi expliqué que l’âge légal du mariage, qui est de 18 ans pour les garçons et de 17 ans pour les filles est fixé par la loi et qu’une telle disposition est reprise par de nombreuses législations nationales, la délégation ouzbèke a considéré que cette distinction faite par la loi n’est pas une exception en la matière, évoquant les autres pays qui la prévoient.
Sur la question du viol, la délégation a fait valoir que le nombre de cas n’a cessé de se réduire ces dernières années. Le Code pénal interdit l’homosexualité. Pour expliquer le contexte culturel qui justifie ces dispositions, il a indiqué qu’il y a beaucoup de personnes dans le pays qui pratiquent le zoroastrisme, lequel condamne fermement les mariages entre personnes de même sexe. En outre, l’Islam condamne l’homosexualité.
Répondant à la question sur les informations communiquées aux familles des condamnés à mort, la délégation a expliqué que des procédures bien précises sont prévues. Elle a indiqué par ailleurs que le Gouvernement n’a pas encore mis en œuvre les recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur la question de la torture de la Commission des droits de l’homme. Il a expliqué notamment que le Gouvernement n’est pas encore prêt à placer l’administration pénitentiaire sous le contrôle du Ministère de la justice plutôt que sous l’autorité du Ministère de l’intérieur. À la demande du Comité, l’exécutif, le législatif et le judiciaire ont tous les trois condamné la torture dans les centres de détention ou pénitentiaires. Le Président de l’Ouzbékistan peut lui seul faire une déclaration à ce sujet. Concernant l’absence de responsabilité des cadres pour la torture pratiquée par leurs subordonnés, la délégation a indiqué qu’il y a différentes possibilités d’alerte rapide en la matière et que l’application des dispositions pertinentes du Code pénal a fait ses preuves.
Des mesures disciplinaires peuvent être prises à l’encontre de fonctionnaires qui sont reconnus coupables d’abus de pouvoir. Ces personnes sont mises devant leurs responsabilités pénales. Dans la république du Karakalpakstan, plusieurs fonctionnaires ont été reconnus coupables d’abus de pouvoir lors de fouilles de suspects. L’indépendance des enquêtes et des enquêteurs est une question particulièrement importante pour nous, a tenu à préciser la délégation.
Dans plusieurs cas, nous avons fait appel à des enquêteurs indépendants canadiens et dans un cas de décès en prison, des organisations de défense des droits de l’homme ont participée à l’enquête. Le 10 décembre, nous avons conclu un accord avec le médiateur pour enquêter sur ces cas qui ont fait grand bruit dans la presse. Il existe en effet un certain nombre de lacunes dans ce domaine.
La délégation de l’État partie a regretté que les experts n’aient pas bien compris les réponses qu’elle a fournies hier. Pour ce qui est de la responsabilité des agents des institutions publiques chargées d’appliquer la loi, le représentant a précisé que 262 personnes avaient été poursuivies en 2003 et 282 l’ont été en 2004. Ces personnes ont été condamnées au titre de plus de 10 articles du Code pénal, notamment pour torture. Quatorze personnes ont été condamnées pour torture dont neuf ont écopé de peines de prison. Au sujet de l’habeas corpus, la délégation a expliqué que le Gouvernement avait adopté une décision politique tendant à inclure l’habeas corpus dans les lois. Au sujet de l’extradition et de l’asile politique, elle a reconnu que son Gouvernement devrait adopter une loi à ce sujet.
Concernant les conditions de détention, la délégation a rappelé à nouveau que la ration calorique pour 24 heures est de 2 500 calories et que les sommes accordées aux prisonniers pour leur travaux effectués en prison a été multiplié par trois. Cet « argent de poche » varie toutefois d’une institution à l’autre. Nous ne pouvons pas dire que tout est bien dans le meilleur des mondes mais nous souhaitons améliorer notre système avec votre concours. Plusieurs mesures ont été prises pour abolir la peine de mort, notamment le lancement d’une étude ayant impliquée la population dont 78% ont voté contre l’abolition de la peine de mort. La première mesure vers l’abolition de la peine de mort est de préparer l’opinion publique. Nous avons organisé des séminaires sur la peine de mort. L’âge minimum requis pour le mariage est d’un an de moins pour la femme que pour l’homme, a indiqué la délégation, précisant par ailleurs que la charia ne relève pas du droit positif ouzbek. L’Ouzbékistan n’est pas un État islamique mais un État laïc de confession musulmane, a-t-elle précisé.
En vertu du Code de procédure pénale, toute personne suspecte doit être assistée d’un avocat dans les 24 heures. Une mesure réglementaire prévoit que dans chaque colonie pénitentiaire, il y a aura un représentant régional de l’ombudsman qui fera la promotion des droits de l’homme dans ces centres de détention.
Abordant la question de la durée des mandats des juges nommés par le Président, la délégation a indiqué que cette question a fait l’objet d’une discussion approfondie qui envisagerait de modifier la durée du mandat qui est actuellement fixé à cinq ans. La durée du mandat n’est pas la seule garantie de l’indépendance des juges et il existe d’autres mesures qui permettent de garantir l’impartialité des juges en Ouzbékistan.
La délégation est passée à la question concernant la possibilité pour les procureurs de recourir à tout type d’enquête sans avoir à en référer à un juge. Pour lui, la série de recours qui existe pour contester les décisions du procureur assure suffisamment la protection des droits du défendeur. S’agissant des garanties fournies aux personnes soupçonnées d’activités terroristes, la délégation a indiqué que la loi prévoit des droits pour la défense. Notre loi sur le terrorisme se fonde sur les 12 conventions internationales de lutte contre le terrorisme, l’expérience des États et l’expérience de l’Ouzbékistan, a-t-elle précisé. L’Ouzbékistan respecte très strictement ses obligations nationales dans ce domaine.
À la question sur les aveux recueillis sous la torture, la délégation a d’abord rappelé que le principe de la présomption d’innocence est en vigueur en Ouzbékistan. Les règles d’admissibilité de la preuve, a-t-elle assuré, sont respectées dans les procédures judiciaires et, ainsi, toute preuve obtenue illégalement ne sera pas recevable.
Pour ce qui est de la liberté de religion, la délégation a expliqué que les organisations religieuses doivent être enregistrées en Ouzbékistan. C’est le ministère de la justice qui est chargé de l’enregistrement des écoles religieuses, a-t-il précisé, et il existe aussi un Comité des affaires religieuses dont le rôle est consultatif. La délégation a aussi indiqué qu’il y a 14 religions actuellement enregistrées dans le pays. Elle a fait remarquer qu’à ce jour, aucune preuve n’a pu être établie pour les allégations concernant l’emprisonnement de 6 000 personnes pour avoir exprimé librement leurs convictions religieuses. De même, elle a réfuté les accusations concernant les journalistes. Un rédacteur en chef a certes été condamné, mais pour des infractions de nature financière et non en raison de son activité de journaliste, a-t-elle affirmé.
Répondant à la question du financement des partis politiques, la délégation a expliqué qu’une loi régit les moyens par lesquels les fonds sont collectés et gérés. Cinq partis politiques sont actuellement enregistrés en Ouzbékistan. S’agissant des organisations non gouvernementales, elle a indiqué que le Gouvernement encourage leur création et que leur nombre augmente de façon significative chaque année.
Dialogue avec les experts
M. ALFREDO CASTILLERO HOYOS, expert du Panama, a noté que l’Ouzbékistan a réalisé des progrès comme la création du Centre des droits de l’homme, le Centre de protection des droits de l’homme et du poste de médiateur, mais a également connu des reculs. Il a demandé des détails sur le fonctionnement des nouvelles institutions. Il a relevé des cas de violences commises par la police sans que les coupables ne se soient inquiétés, ce qui signifie que l’ombudsman n’a pas pu vérifier les allégations des victimes. Ces dernières, selon leur déposition, auraient été privées de leurs cartes d’identité. Il existe deux organisations de défense des droits de l’homme qui se plaignent des retards accumulés dans leur enregistrement. L’expert a demandé des précisions sur les relations entre l’État et les institutions chargées de la protection des droits de l’homme. Il a relevé que le viol domestique n’est pas puni. Il a demandé si le Président de la République avait déjà commué en prison à vie une condamnation à la peine de mort. Selon les informations communiquées par la délégation, les partis politiques qui « portent atteinte au moral et à la santé de la population » sont interdits tout comme le sont ceux qui « portent atteinte à la Constitution ».
M. ROMAN WIERUSZEWSKI, l’expert de la Pologne, a souligné la nécessité de garantir l’indépendance des juges qui doivent être inamovibles et bénéficier d’un bon statut social pour ne pas être soumis à des pressions. Ce n’est pas le cas à l’heure actuelle puisqu’ils sont nommés tous les cinq ans. Vous avez indiqué que les journalistes n’étaient pas poursuivis, pourtant nous avons des informations selon lesquelles un tribunal de Tachkent avait condamné un journaliste pour avoir diffusé des informations à la BBC et à Voice of America.
Pour sa part, Mme RUTH WEDGWOOD, experte des États-Unis, a souhaité savoir si les données chronologiques sont des données bénéficiant du secret d’État. À l’avenir, a-t-elle souligné, nous devons travailler dans la transparence. Elle s’est demandée s’il était vraiment possible de parler de changements en Ouzbékistan. Elle a relevé que si une personne est condamnée pour homosexualité, elle ne peut plus quitter légalement le pays. Les peines sont très lourdes, a-t-elle estimé. Il est par ailleurs interdit de faire du prosélytisme, a-t-elle relevé, tout en voulant savoir s’il avait été demandé aux étudiantes voilées de ne pas porter le voile pour être admises à l’université.
L’expert du Royaume-Uni, Sir NIGEL RODLEY, a demandé des précisions sur l’application des recommandations du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la torture. Celui-ci recommande notamment que les interrogatoires soient enregistrés. Est-il vrai que le Gouvernement a refusé d’inscrire un certain nombre d’ONG?
M. WALTER KÄLIN, expert de la Suisse, est revenu sur les questions liées à la lutte contre le terrorisme. Il a voulu savoir comment sont définis les crimes de terrorisme dans la législation ouzbèke. Sur les garanties données aux personnes suspectées d’avoir commis des actes de terrorisme, il a demandé à quel moment ces personnes ont la possibilité de communiquer avec un avocat. En ce qui concerne la liberté d’expression, il a demandé des explications sur le cas de condamnation d’un journaliste pour homosexualité. Passant aux questions relatives aux partis politiques, l’expert a reconnu que des mesures ont été prises pour arriver à une démocratisation, mais il lui a semblé qu’aucun parti démocratique d’opposition n’a pu se faire enregistrer. Le Gouvernement s’occupe-t-il de ces questions? a-t-il voulu savoir.
Intervenant à son tour, l’expert de l’Égypte, M. AHMED KHALIL, a demandé dans quelle mesure l’aide de l’État aux familles démunies contribue à lutter contre le problème du travail des enfants dans les champs de coton.
L’expert du Japon, M. NISUKE ANDO, a évoqué le problème de la réinstallation des Tadjiks. Il a rappelé que le Comité avait demandé que soient alloués à ces derniers des dommages et intérêts et a demandé à la délégation qu’elle s’explique sur cette question.
Reprenant la parole, la délégation a répondu aux questions qui précèdent. Sur celle qui concerne les rouages des institutions relatives aux droits de l’homme, elle a expliqué qu’un Institut parlementaire surveille la législation en place, avec un Centre national des droits de l’homme. En outre, ont été créés des instituts nationaux qui traitent de la protection des droits de l’homme. La loi sur l’ombudsman a été reformulée pour garantir l’indépendance du médiateur, a ajouté le représentant. Celui-ci s’occupe de la protection non judiciaire des droits concernés. Il reçoit en moyenne plus de 5 000 plaintes par an de la part de citoyens et, d’année en année, on constate que la confiance de ceux-ci augmente. Quant au Centre national des droits de l’homme créé en 1996 par un décret présidentiel, il est au centre de l’exécutif et coordonne tout le système national de protection des droits de l’homme. Tous ces organes travaillent dans une coordination très étroite, a-t-il assuré.
En ce qui concerne la question des visas de sortie, le délégué a considéré qu’il n’y avait rien d’anormal à les délivrer et que tous les pays en font de même. Sur la question de la transparence, il a indiqué que la loi sur les secrets d’État doit être réexaminée pour garantir la transparence dans le domaine de la justice pénale. En matière d’élections, il a rappelé qu’elles se sont tenues l’année dernière pour la Chambre basse et pour le Sénat. Cinq partis politiques y ont participé. Le représentant a expliqué qu’il existe un institut de candidatures indépendantes pour permettre aux personnes qui ne sont pas membres d’un parti politique de présenter leur candidature. Il y a ainsi 12 députés indépendants.
Abordant les questions de l’expert de la Pologne, le délégué a indiqué n’avoir pas compris pourquoi on lui demandait de donner des réponses officielles, faisant valoir que les réponses qui ont été données dans le rapport sont bel et bien officielles. Sur la nomination des juges, un mandat de 10 ans serait en effet pertinent, selon lui. Le Président nomme les juges et une commission spéciale évalue l’activité des juges, a-t-il précisé. M. Wieruszewski est intervenu pour clarifier ses propos précédents. Lorsqu’il qualifiait les réponses de non officielles, il se référait en fait aux réponses données à l’occasion d’une autre procédure que celle du rapport examiné par le Comité.
La délégation a poursuivi en abordant la question du prosélytisme, reconnaissant qu’il est interdit par la loi sur la liberté de conscience. Quatorze confessions sont représentées en Ouzbékistan et un appel à se convertir à une autre religion peut être considéré comme un appel à l’intolérance, a-t-il fait valoir pour justifier cette loi.
Sur la question de savoir pourquoi il n’existait pas de partis d’opposition, la délégation a estimé que cette question doit être posée à la population elle-même. Le Président de la République avait insisté, a-t-elle précisé, pour que des partis d’opposition voient le jour. Le recours au travail des enfants est interdit mais le Code du travail prévoit que des enfants, à partir de 14 ans, puissent travailler, notamment au moment des récoltes, a encore précisé la délégation à une autre question des experts. Chaque année, une amnistie peut être déclarée par décret présidentiel et, en vertu de cette disposition, plus de 200 000 personnes ont été remises en liberté. Il y a eu 15 décrets d’amnistie. Les personnes qui ne représentent pas un grand danger pour la société, les mineurs, les femmes, les hommes de plus de 60 ans et les personnes ayant participé à des activités religieuses extrémistes à condition qu’elles reviennent sur le droit chemin, peuvent en bénéficier.
La délégation a indiqué que la lutte contre la corruption se faisait au sein du système judicaire et que des projets de lois étaient en cours d’élaboration. Elle a admis que la détention des prévenus sans qu’ils puissent contacter leur avocat s’est déjà produite et qu’il fallait modifier la législation en ce sens. La procédure pour la personne accusée de terrorisme est la même que pour toute autre infraction grave.
L’experte de la France et Présidente du Comité, Mme CHRISTINE CHANET, a précisé que le pays avait trois jours pour envoyer au Comité des documents supplémentaires s’il estime n’avoir pas pu répondre à toutes les questions des experts. Elle a estimé que ce rapport était bien meilleur que le rapport précédent et que des développements positifs se sont réalisés, notamment la nomination du médiateur et le rejet des preuves obtenues illégalement. Elle a dit accueillir avec beaucoup d’intérêt les projets du pays tout en précisant que le Comité ne pouvait pas en tenir compte dans son analyse de la situation en raison de l’absence de précisions sur les délais nécessaires à leur mise en œuvre. Le Comité ne peut tenir compte que de la situation dans la pratique. Elle a aussi souligné que les réponses qui seront apportées ultérieurement au sujet du Protocole facultatifrelatif à l’abolition de la peine de mort,ne pourront pas être les mêmes que celles donnés aujourd’hui.
La Présidente a estimé que l’exécution des 15 personnes est un développement très grave qui viole le principe « Pacta sunt servanda ». Elle a jugé également que le délai de 72 heures de garde à vue est excessif, que les poursuites contre les personnes se livrant à des violences contre des détenus sont nombreuses, mais que les chiffres sur les condamnations sont réduits à une peau de chagrin. De même, elle a rappelé la situation des 800 personnes détenues pour extrémisme, tout en relevant que l’extrémisme n’est pas considéré comme un crime dans la législation ouzbèke. Pour quels motifs ces personnes sont-elles incarcérées? s’est elle alors demandée. Mme Chanet a noté qu’il fallait s’enregistrer pour tout, pour constituer un parti politique ou une ONG, et elle s’est inquiétée de ce que ces enregistrements ne soient pas de simples formalités administratives mais une forme de censure déguisée. Elle a relevé l’existence de visas de sortie, ce qui n’est pas compatible avec l’Article 12 du Pacte qui spécifie que toute personne a le droit de quitter n’importe quel pays, y compris le sien. Elle a par ailleurs relevé que la délégation, si elle a détaillé ses activités antiterroristes, n’avait pas fournie de définition du terrorisme.
La délégation a estimé que le dialogue avec le Comité a été constructif. Le Comité constitue une école qui nous permet de voir concrètement comment appliquer les normes du Pacte. Nous apprécions le nombre élevé de remarques générales. Ce Comité a un caractère universel dont nous apprécions les compétences. Vos observations inspireront nos activités à venir et nous sommes prêts à fournir par écrit des réponses supplémentaires.
Composition de la délégation de l’État partie
La délégation ouzbèke était composée des personnalités suivantes: M. Adkmal Saidov, Sénateur et Président du Centre National des droits de l’homme; M. Alisher Sharafutdinov, Ministre adjoint de l’intérieur; M. Ulugbek Gaziev, Chef du Département des droits de l’homme au Ministère de la justice.
EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE LA GRÈCE (CCPR/C/GRC/2004/1)
Présentation
Mme MARIA TELALIAN, Représentante permanente adjointe de la Grèce auprès des Nations Unies, après avoir présenté les membres de sa délégation, a exposé les principaux éléments qui figurent dans le rapport initial de la Grèce. Le rapport couvre la période allant de 1997 à 2003, a-t-elle précisé. Elle a assuré que la Grèce accordait la plus haute importance à cette procédure de rapport en application de l’article 40 du Pacte. Neuf ministères ont contribué à la rédaction du rapport, a-t-elle indiqué, et les commentaires pertinents de la Commission nationale des droits de l’homme y ont été ajoutés. Les juridictions grecques ont toujours reconnu la priorité des dispositions du Pacte sur la législation nationale, selon Mme Telalian, et elles appliquent directement ces dispositions de plus en plus souvent.
Pour Mme Telalian, il faut signaler que l’augmentation importante de la population étrangère en Grèce n’a pas entraîné de xénophobie particulière. Dans la lutte contre la discrimination, elle a signalé qu’une loi a été adoptée le mois dernier pour mettre en œuvre le principe de traitement égal, sans discrimination à l’égard des origines raciales ou ethniques, des croyances religieuses et autres croyances, de l’âge ou de l’orientation sexuelle. Par ailleurs, un cadre législatif concernant la traite des personnes a été mis en place en 1992. En ce qui concerne les relations entre les civils et les fonctionnaires de police, elle a cité différentes mesures destinées à renforcer la confiance, comme la formation des policiers ou la coopération avec des ONG, indiquant qu’elles ont donné des résultats positifs.
L’amélioration des conditions de vie des Tziganes est une autre préoccupation des autorités grecques, a assuré la représentante. En ce qui concerne les musulmans de Thrace, Mme Telalian a assuré que leur situation a été améliorée. Elle a expliqué que les membres de cette minorité jouissaient des mêmes droits et de la même protection légale que la majorité des Grecs, tout en bénéficiant de mesures spéciales pour les protéger particulièrement dans les domaines de l’éducation, de la religion et de la culture. Pour conclure, Mme Telalian a admis que la Grèce devait améliorer la protection des droits de l’homme dans beaucoup de domaines et misant sur le dialogue avec les experts du Comité pour encourager les efforts menés dans son pays.
Réponses aux questions écrites des experts
Le Professeur KYRIAKI GRIGORIOU, Conseiller au Conseil national d’État, a abordé la question portant sur les mesures prises en matière de terrorisme, en indiquant que son pays avait signé plusieurs instruments internationaux qui seraient prochainement ratifiés, comme le Protocole amendant la Convention européenne sur le terrorisme. Il y a également deux lois nationales de 2001 et 2004 qui régissent en Grèce la question des attentats terroristes. Ces textes respectent les droits de l’homme tels que formulés au Pacte, de l’avis du représentant. Ainsi, une manifestation pacifique ne peut jamais être considérée comme un acte terroriste. Ces lois ont été appliquées par les tribunaux dans plusieurs affaires, a-t-il indiqué. Il a cité des mesures inévitables prises contre les menaces terroristes en Grèce avant les Jeux olympiques de 2004, mais a assuré que les citoyens n’ont pas ressenti ces mesures comme une gêne dans leur existence.
La délégation a précisé que son pays participait activement à l’élaboration de directives pour la lutte contre le terrorisme au sein de l’Union européenne. Les conditions pour déclarer que le pays est en état de siège sont définies dans la Constitution. Depuis sa révision de 1956, l’état de siège ne peut être déclaré qu’en cas de menaces graves à l’ordre public. Le Parlement a un rôle central à jouer pour l’approbation de mesures adoptées par l’organe exécutif. L’état de siège ne peut dépasser 15 jours et pour prolonger cette mesure, le Parlement doit prendre une décision tous les 15 jours. Le Pacte a la primauté sur la législation nationale, a précisé le représentant qui a aussi précisé que le dernier état de siège a été décrété en 1976.
La Constitution grecque accorde des droits fondamentaux aux citoyens grecs uniquement mais cela ne veut pas dire que les étrangers ne peuvent pas bénéficier de droits. Le législateur détermine les droits des étrangers en s’appuyant sur les dispositions constitutionnelles qui ne font pas de différence entre les citoyens et les étrangers. Les traités internationaux sont directement applicables et l’emportent sur toute disposition nationale.
Un cadre juridique a été établi pour la violence domestique, mais il est nécessaire d’adopter une législation spécifique. Un comité de travail est désormais établi avec pour but d’élaborer un projet de loi qui érigera la violence domestique comme un crime distinct. Il est également nécessaire de sensibiliser l’opinion publique. C’est ce que nous faisons, a expliqué la délégation, à travers l’organisation de conférences et de campagnes d’affichage. Nous disposons d’un centre d’accueil de victimes à Athènes et à Salonique. Des ONG offrent des services similaires dans trois autres grandes villes du pays, en collaboration avec le Secrétariat général pour l’égalité des sexes.
La délégation a expliqué que les policiers avaient reçu une formation au port d’armes et qu’une nouvelle législation a été adoptée avec l’idée de créer un cadre juridique clair et fonctionnel et de renforcer la confiance entre les citoyens et la police. Pour cela, nous nous sommes inspirés du Code de conduite des Nations Unies pour la police ainsi que du Code européen éthique de la police et les recommandations de la Commission nationale des droits de l’homme. Le droit disciplinaire de la police prévoit que les actes de torture et les abus physiques et psychologiques constituent une offense disciplinaire. Nous déployons tous les efforts possibles pour que les enquêtes pour mauvais traitements soient menées le plus vite possible. Les allégations d’impunité sont tout à fait infondées. Les personnes victimes font immédiatement l’objet de réparations.
Le problème de la traite des personnes va croissant non seulement en Grèce et en Europe mais également dans les autres régions du monde. Il s’agit d’un problème prioritaire. La lutte contre la traite des personnes, qui est une forme d’esclavage moderne, doit passer par la coopération internationale. C’est pourquoi, le Gouvernement a institué récemment une Commission interministérielle. L’arme judiciaire est la plus efficace. Nous voulons faire passer le message clair que la Grèce ne tolère pas la traite et la criminalité organisée. Il est indispensable d’éduquer le public. Les victimes et les enfants des rues sont prioritaires dans cette lutte. Les résultats de l’action de la police sont les suivants: entre le 1er janvier 2004 et octobre 2004, 50 enquêtes ont été menées et 20 d’entre elles concernaient les activités de groupes criminels. À ce jour, 34 victimes ont reçu une aide et la protection de l’État et des ONG, et 17 de ces victimes ont bénéficié d’une suspension d’expulsion.
Concernant la question de la traite des personnes, la délégation a évoqué diverses mesures prises par la Grèce pour y remédier. Elle a cité la création de lignes téléphoniques rouges et de deux centres d’accueil fonctionnant 24 heures sur 24. Toutes les victimes peuvent y recevoir des soins médicaux gratuits. Quant au Ministère des affaires étrangères, le représentant a déclaré qu’il a doublé son budget destiné aux ONG pour leur lutte contre le trafic des personnes en Grèce et à l’étranger. En outre, un accord bilatéral avec l’Albanie sur le trafic d’enfants est en cours d’élaboration.
Selon un autre membre de la délégation, le phénomène de l’exploitation des enfants albanais est pratiquement éliminé. Les statistiques n’ont en effet révélé qu’un seul cas de trafic d’enfants en 2004. Il s’agissait d’un couple albanais qui incitait les parents d’enfants albanais à envoyer ceux-ci en Grèce pour les faire travailler. Souvent, c’était aussi les parents en situation irrégulière en Grèce qui envoyaient leurs enfants dans la rue car ils ne pouvaient pas travailler eux-mêmes, a-t-il expliqué. C’est pourquoi, la régularisation des étrangers a eu pour effet d’éliminer ce problème.
Abordant le problème de la surpopulation carcérale, la délégation a indiqué qu’il y avait en Grèce 8 737 détenus dans environ 4 000 centres pénitentiaires. Après les années 80, un projet ambitieux de construction de nouvelles prisons a été mis en place et devrait permettre de mettre en service six nouvelles prisons d’ici à la fin 2007. Le coût de l’ouverture de ces centres sera pris en charge par le Gouvernement grec, a ajouté le représentant. Le problème de surpeuplement carcéral, a fait remarquer la délégation, reste néanmoins grave. Il a cité l’exemple de la plus grande prison d’Athènes, qui contient trois à quatre fois plus de détenus qu’il ne faudrait. Des efforts ont été menés ces dernières années pour séparer les prisonniers en fonction de la gravité de leurs délits ou crimes, a-t-il assuré.
S’agissant des conditions de détention, la délégation a fait part de nettes améliorations. La loi sur l’entrée et le séjour des étrangers en Grèce prévoit que ces derniers ne peuvent pas être détenus plus de trois mois et qu’ils peuvent présenter un recours concernant leurs conditions de détention. Les progrès en matière de régularisation des ressortissants étrangers ont en outre entraîné des libérations et donc l’amélioration des conditions de détention, a-t-il ajouté.
Passant à la question sur les institutions de santé mentale, la délégation a évoqué une réforme psychiatrique aux termes de laquelle quatre hôpitaux psychiatriques vont être fermés et remplacés par des structures communautaires. Elle a décrit les mesures visant à améliorer les conditions de vie des patients, notamment grâce à une meilleure formation du personnel. Des personnes sont spécialement chargées de contrôler ces conditions de vie, a-t-elle ajouté.
Faisant référence à la question de l’emprisonnement pour non-respect des obligations contractuelles, la délégation a reconnu que certains cas précis sont prévus par la loi, qui ne peuvent pas être remis en question en Grèce. Il a enchaîné sur la question relative aux mesures prises pour remédier aux carences de la législation qui doit assurer l’application effective des décisions judiciaires. La jurisprudence a beaucoup évolué depuis 1997 dans le sens de l’amélioration de l’exécution des jugements, a-t-il assuré. Concernant l’aide judiciaire, le représentant a cité des cas où certaines personnes ne l’ont pas obtenue, mais a confirmé qu’elle était accordée aux demandeurs d’asile et aux immigrants.
L’experte des États-Unis a demandé dans quelle mesure une manifestation ne pouvait-elle pas être considérée comme un acte terroriste. Elle a demandé à l’État partie s’il avait connaissance de la recommandation générale 29 du Comité. Est-ce que les coups d’État sont considérés comme des actes terroristes? Un juge dans une zone rurale éloignée qui ne connaît pas le droit international, pourrait prendre des mesures discriminatoires à l’encontre des étrangers. Avez-vous envisagé d’amender la Constitution pour qu’elle reflète les engagements internationaux pris par la Grèce? Elle a fait part de sa préoccupation quand à la campagne de nettoyage lancée contre les Roms et le recours excessif à la force contre cette communauté. La traite des femmes et le traitement de la minorité rom constituent les deux problèmes principaux de ce continent hautement civilisé qu’est l’Europe. L’experte a relevé que le Comité international de la Croix-Rouge avait été autorisé à visiter les prisons mais pas les centres de détention.
Composition de l’État partie
La délégation grecque était composée des membres suivants: Mme Maria Telalian, Représentante permanente adjointe de la Grèce auprès des Nations Unies; MM. Vasileios Kryiazopoulus, Conseiller, Elias Kastanas, Rapporteur, (au Ministère des affaires étrangères); Mmes Kyriaki Grigoriou, Conseiller et Louiza Kyriakaki, Rapporteur (Ministère de l’intérieur, de l’administration publique et de la décentralisation); M. Konstantinos Gogos, Juge militaire (Ministère de la défense nationale); M. Angelos Vallianatos, Conseiller (Ministère de l’éducation nationale et des affaires religieuses); Mme Joanna Despotopoulou, Secrétaire générale pour la solidarité sociale (Ministère de la santé et de la solidarité sociale); M. Nestor Kourakis (Ministère de la justice); MM. Nikolaos Stavrakakis et Ioannis Stavrou, (Ministère de l’ordre public); M. Theodosis Demetracopoulos et Mme Marilena Moujzakiti (Secrétariat général à la communication et à l’information).
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