L’INSTANCE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES OUVRE SA SESSION 2005: DIALOGUE ET PARTICIPATION POUR LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE
Communiqué de presse DH/4837 |
Instance permanente sur
les questions autochtones
1re et 2e séances – matin & après-midi
L’INSTANCE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES OUVRE SA SESSION 2005: DIALOGUE ET PARTICIPATION POUR LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE
L’Instance permanente sur les questions autochtones a ouvert sa quatrième session ce matin au Siège des Nations Unies à New York, au son de la harpe et du violon de la nation Quechua du Pérou, et avec une procession d’enfants autochtones portant offrandes de fruits et de maïs. Après une action de grâces du Chef Radford Quamahongnewa de la nation Hopi d’Arizona, l’Instance s’est mise au travail en présence de quelque 1 500 représentants des peuples reconnus comme les plus marginalisés de la planète. Jusqu’au 27 mai, ces représentants, des experts, les délégués d’États Membres et ceux de la société civile étudieront les moyens d’assurer que les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) tiennent pleinement compte des besoins spécifiques et des caractéristiques des peuples autochtones. Parmi ces Objectifs, il s’agit de réduire de moitié la proportion de la population vivant dans la misère et la faim et d’assurer l’éducation primaire pour tous.
Dans un discours liminaire, la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Louise Fréchette, a demandé aux gouvernements d’être à l’écoute de ces peuples, regrettant que les États Membres n’avaient toujours pas été en mesure d’adopter un projet de déclaration sur leurs droits. Elle a plaidé en faveur d’un plan d’action concret qui permettrait d’instaurer des normes minimales en matière de droits des populations autochtones.
En début d’après-midi, après que la Présidente de l’Instance, Victoria Tauli-Corpuz, Directrice de la Fondation Tebtebba, se soit inquiétée de ce que les statistiques nationales ne reflètent pas les difficultés particulières des peuples autochtones; Mme Louise Arbour, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a insisté sur l’urgence de répondre à leurs attentes spécifiques alors que les communautés autochtones sont parmi les plus pauvres du monde. Relevant que les confiscations de terres et les déplacements de populations sont souvent justifiés par l’accélération du développement, elle a défendu le droit à la terre et au logement.
L’Administrateur du PNUD, M. Mark Malloch Brown, a insisté sur la nécessité d’un développement fondé sur le droit. Regrettant que la communauté économique avait, dans son ensemble, négligé la valeur de la diversité, il a expliqué que les OMD constituaient un outil crucial pour redresser cette lacune et que leur réalisation devait faire une différence dans la vie des peuples autochtones.
Enfin, Jeffrey Sachs, Directeur du Projet Objectifs du Millénaire, a souligné l’importance d’une meilleure coopération entre l’Instance permanente et le Projet Objectifs du Millénaire, ainsi que de statistiques permettant d’identifier les besoins particuliers des peuples autochtones.
S’inquiétant des réflexes assimilatoires des gouvernements, l’expert Hassan Id Balkassm (Amazigh, Maroc) s’est demandé à l’occasion du débat ouvert avec les experts de l’Instance -comment nous pouvions, 50 ans après l’adoption de la Charte des Nations Unies commençant par la phrase « Nous les peuples…»- encourager les pays à intégrer dans leur constitution des références aux droits linguistiques et culturels des groupes autochtones. Il s’est particulièrement inquiété de l’impossibilité de la majorité de ces peuples de faire référence à la notion même de droits linguistiques et culturels. C’est pourquoi, il a souhaité la mise en place d’une évaluation des effets positifs de la prise en compte de la spécificité des autochtones.
Parmi les autres interventions d’experts, M. William Lagerfeld (Afrique du Sud) s’est inquiété de la situation du peuple San du Botswana expulsé de ses terres traditionnelles. Si l’expert Eduardo Aguiar de Almeida (Brésil) a mis l’accent sur le problème des politiques de lutte contre la faim qui entrent en contradiction avec le respect des droits d’accès et d’exploitation de la terre, Mme Otilia Lux de Coti (Maya, Guatemala) a estimé que c’était parce que le racisme perdurait à l’égard des peuples autochtones, que leur développement restait problématique.
Une minute de silence a été observée en début de journée en mémoire de l’experte Njuma Ekundanayo (République démocratique du Congo) récemment décédée, alors que, par ailleurs, les experts suivants ont été nommés comme Vice-Présidents de l’Instance: M. Hassan Id Balkassm (Amazigh, Maroc), Mme Otilia Lux de Coti (Maya, Guatemala), Mme Ida Nicolaisen (Danemark) et M. Pavel Sulyandziga (Udege, Fédération de Russie)
L’Instance poursuivra ses travaux demain matin, mardi 17 mai à 10 heures en salle de conférence 2
SÉANCE D’OUVERTURE
Déclarations
La Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme LOUISE FRÉCHETTE, a déclaré que ces dix dernières années, les relations entre les peuples autochtones et les Nations Unies ont avancé. Le fait même que l’Instance existe en est la preuve. La nomination d’un rapporteur spécial pour les droits de l’homme et libertés fondamentales des populations autochtones a renforcé les processus de protection à leur égard. Mais il reste de nombreux défis, comme l’a montré le récent rapport de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Dans de nombreux pays, les peuples autochtones appartiennent souvent aux catégories les plus pauvres et les plus marginalisées. Elles sont souvent victimes des conflits armés. Et au niveau international, les États Membres n’ont toujours pas adopté la déclaration des droits des peuples autochtones, malgré plusieurs années de négociations. Il reste donc beaucoup à faire. Il faut mettre en place un plan d’action concret, en collaboration avec les représentants des peuples autochtones. Ce plan permettrait d’instaurer des normes minimales de conditions de vie et un plus grand respect des droits de l’homme.
Mme Fréchette a tenu à rendre hommage aux femmes des communautés autochtones, qui ont été particulièrement actives et ont fait preuve de courage exceptionnel pour obtenir des améliorations pour leurs communautés. Elles ont notamment pris une part très active aux réunions de l’Instance. Mais les engagements pris n’ont toujours pas été tenus. Nous sommes toutefois arrivés à un point où, plus que jamais, les femmes ont été entendues, des Andes à l’Amazonie, des forêts d’Afrique centrale, des plaines des États-Unis aux déserts d’Australie, et de l’Arctique aux montagnes des Philippines. Les gouvernements doivent écouter plus encore ce que disent ces voix.
Chacun des Objectifs du Millénaire pour le développement concerne les peuples autochtones, que nous parlions de l’amélioration de la santé maternelle, de l’accès à l’éducation primaire ou de la protection des terres ou des ressources naturelles. C’est l’année du changement, a poursuivi la Vice-Secrétaire générale. En septembre, le sommet mondial permettra d’examiner l’application des OMD. Les peuples autochtones ne doivent pas être oubliés dans le cadre des efforts pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement.
Mme VICTORIA TAULI-CORPUZ, Présidente élue de l’Instance, a estimé que celle-ci a une tâche importante compte tenu des attentes nourries par les peuples autochtones du monde entier. De nombreuses réalisations ont été apportées par l’Instance au cours de sa jeune existence mais il faut encore mettre en œuvre des réponses plus efficaces aux questions des peuples autochtones. Il s’agit d’une tâche que l’Instance, les gouvernements et les peuples ne peuvent pas faire seuls. La beauté de l’Instance réside dans sa capacité à forger des alliances. La pauvreté, la marginalisation, les violations de droits de l’homme fondamentaux sont le lot de nombreux peuples autochtones, qu’ils se trouvent dans le monde développé ou en développement, ce qui va à l’encontre des Objectifs du Millénaire pour le développement. Les réalisations de l’Instance constituent un acquis à partir duquel nous devons construire et qui ont permis de renforcer la prise de conscience des questions autochtones dans le monde. Une moyenne de 1 200 représentants de peuples autochtones, des représentants de 70 États Membres et de 35 organisations non gouvernementales participent aux sessions annuelles de l’Instance. Celle-ci joue un rôle de coordination accru avec les organismes intergouvernementaux, soit 20 organismes.
L’Instance est également devenue un catalyseur pour l’examen de questions nouvelles comme la collecte de données, le consentement préalable et libre des peuples autochtones, la désagrégation de données ventilées par ethnicité et les OMD. Nous avons maintenant besoin d’engagements réalistes et de propositions concrètes de la part des gouvernements et des organismes intergouvernementaux. Cette session devrait aussi identifier les obstacles et les contraintes à dépasser pour la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement. Nous devons définir une vision et identifier où nous voulons être dans dix ans ainsi que les outils qui nous permettrons d’y parvenir. Notre succès se mesurera à l’aune des progrès accomplis sur le terrain.
M. NANA EFFAH-APENTENG, Président par intérim de l’Assemblée générale (Ghana), a jugé encourageant de constater que les questions touchant les peuples autochtones sont étroitement liées aux priorités identifiées par les Nations Unies: paix et sécurité, droits de l’homme et développement. L’Assemblée générale a suivi de près les trois sessions précédentes de l’Instance qui ont été productives et ont contribué à une plus grande prise de conscience et à un intérêt accru de la part des États Membres des Nations Unies. Ceci est d’autant plus important dans le cadre de la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et je me félicite de constater que les OMD constituent le thème de cette session, a dit l’intervenant.
Les faits et les statistiques montrent que les peuples autochtones souffrent de manière disproportionnée de la pauvreté dans de nombreuses régions du monde où ils connaissent des taux élevé de mortalité infantile et maternelle, où ils souffrent de malnutrition et du chômage. Ils se trouvent également face à des systèmes éducatifs, linguistiques et culturels inadaptés. Étant donné que la communauté internationale s’est engagée à parvenir à la réalisation des OMD, nous devons éliminer la pauvreté qui frappe des millions d’autochtones si nous voulons atteindre cet objectif. Pour cela, il faut que les populations autochtones soient associées à ce processus et à toutes les étapes de développement. Nous devons aussi nous demander quel type de modèle de développement souhaitent suivre les communautés autochtones. Le monde a beaucoup à apprendre d’elles.
Le Président par intérim a insisté sur l’importante contribution des peuples autochtones à la diversité biologique et culturelle et à l’histoire de leur pays. Nous devons reconnaître toutefois qu’un grand nombre d’entre eux connaissent des défis en terme de respect de leur terre, de leurs ressources naturelles, de leur identité, voir même de leur existence. La mise en œuvre des Objectifs du Millénaire en matière de développement doit fournir un élan en faveur de l’élimination de la pauvreté des peuples autochtones. Nous devons aussi nous assurer que la deuxième Décennie pour les populations autochtones sera axée sur l’action et liée aux OMD d’autant que la Décennie et les OMD ont le même calendrier de mise en œuvre. Les peuples autochtones doivent être associés au processus des OMD.
M. JOHAN C. VERBEKE, Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a estimé qu’au cours des trois premières années d’existence de l’Instance, la visibilité des populations autochtones a augmenté de manière significative. L’Instance permanente est devenue un espace précieux pour la collaboration intergouvernementale en matière de défense des droits des peuples autochtones. La majorité des 370 millions d’autochtones dans le monde vivent dans la pauvreté extrême et n’ont aucun accès à l’éducation car il n’y a souvent pas d’éducation primaire dans la langue dominante ou dans la langue maternelle. Il faut donc intégrer les problèmes des populations autochtones dans les actions visant à mettre en œuvre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Sinon, nous n’atteindrons pas les OMD.
Cette semaine, les deux premiers Objectifs, à savoir éliminer la misère et la faim et assurer l’éducation primaire pour tous, seront examinés. Les résultats de cette quatrième session de l’Instance seront très importants, notamment lors du segment de haut niveau de l’ECOSOC en juillet et les discussions de ce segment seront à leur tour un élément important pour l’Assemblée générale de septembre. Il faut accorder une plus grande importance aux peuples autochtones dans les rapports sur les OMD, qu’il s’agisse des rapports intergouvernementaux ou d’autres rapports. Les problèmes des populations autochtones doivent être abordés clairement, et doivent faire partie intégrante des OMD.
Mme RACHEL MAYANJA, Conseillère spéciale pour la parité entre les sexes et la promotion de la femme, a rappelé le caractère unique de l’Instance, la moitié des membres étant nommés par les gouvernements, l’autre moitié l’étant par les peuples autochtones. Malgré tous les efforts entrepris, il reste encore un long chemin à parcourir, a-t-elle estimé. Nous ne pouvons ignorer les difficultés auxquelles les autochtones sont confrontés chaque jour. Nous ne devons pas accepter la marginalisation, l’extrême pauvreté, la discrimination et toutes les atteintes aux droits de l’homme dont les peuples autochtones sont victimes. Les engagements de l’Instance permanente doivent plus que jamais être tenus.
Par ailleurs, la Conseillère spéciale a rendu hommage aux femmes autochtones présentes et s’est félicitée de voir que plusieurs évènements organisés en marge de cette réunion traitent de manière spécifique de la situation et des droits des femmes autochtones. Mme Mayanja a rappelé que la session de l’année dernière avait été l’occasion de mettre en avant les difficultés des femmes autochtones: les recommandations alors émises constituent selon elle un bon cadre de travail, et devraient faire partie intégrante des délibérations de la session de l’Assemblée générale de cette année.
Mme Mayanja a tenu à rappeler les sept priorités proposées par l’Équipe du projet Objectifs du Millénaire en ce qui concerne les femmes: permettre à plus de filles d’avoir accès à l’éducation secondaire et primaire; garantir la santé sexuelle et les droits à la reproduction, investir dans les infrastructures nécessaires pour réduire les difficultés des filles et des femmes, garantir aux femmes l’accession à la propriété et les droits à l’héritage; supprimer la discrimination au travail; augmenter le nombre de femmes dans les gouvernements locaux et nationaux; limiter les violences envers les femmes. Elle a fait remarquer que malgré les nombreux résultats obtenus au cours de la dernière décennie, les populations autochtones continuent de souffrir de préjugés et attendent de vraies solutions.
Au nom du Secrétaire général adjoint M. JOSE ANTONIO OCAMPO, Mme Mayanja a promis le plein appui du Département économique et social des Nations Unies pour inclure la situation des populations autochtones dans le processus des OMD.
OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT ET PEUPLES AUTOCHTONES
Déclarations liminaires
Dans un discours liminaire, la Présidente de l’Instance, VICTORIA TAULI-CORPUZ, a noté le problème des chiffres reflétant des moyennes nationales, mais ne tenant pas compte des difficultés spécifiques des peuples autochtones. Elle a particulièrement insisté sur la question des droits pour le contrôle des terres et des ressources, qu’elle a définis comme essentiels dans le contexte de la lutte contre la pauvreté. Notant que les OMD contiennent des références aux questions des peuples autochtones, elle a souhaité que la deuxième Décennie internationale des populations autochtones soit l’occasion d’assurer que leur mise en œuvre se fasse en tenant pleinement compte des attentes et spécificités de ces derniers.
Mme LOUISE ARBOUR, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré que la pauvreté constituait un déni de droits de l’homme, insistant que chaque être humain avait le droit à l’alimentation et à un logement décent. Les peuples autochtones sont parmi les plus affectés par la pauvreté. C’est pourquoi, il est plus qu’urgent de répondre à leurs attentes en matière de réalisation des OMD. Les programmes de mise en œuvre des OMD doivent s’assurer du respect des droits de l’homme. Ces programmes doivent être inclusifs et ne pas mener à l’exclusion, a-elle dit. Même si des résultats peuvent être observés au niveau national, le risque de voir les plus marginalisés demeurer marginalisés subsiste. Les stratégies de lutte contre la pauvreté ne devraient pas remettre en cause les droits des peuples autochtones, comme le droit à la terre et au logement, a-t-elle ajouté en insistant que les progrès pour les uns ne pouvaient être obtenus aux dépends des droits d’autres groupes de populations. À cet égard, elle a fustigé les confiscations de terres et les déplacements de populations justifiés au nom du développement.
La Haut-Commissaire a défini le droit à la pêche et à l’exploitation des terres comme essentiels pour les peuples autochtones, à leur bien être et à leur développement. Elle a estimé que les objectifs de réduction de la pauvreté des populations autochtones relèvent d’obligations nationales. Rappelant que la Commission des droits de l’homme avait décidé de consacrer une réunion supplémentaire de son Groupe de travail à la rédaction du projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones, elle a indiqué que trois semaines de session seront organisées respectivement en octobre, novembre et décembre. Enfin, elle a encouragé les peuples autochtones à utiliser les mécanismes existant à Genève en matière de défense des droits de l’homme.
M. MARK MALLOCH BROWN, en tant qu’Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et Président du Groupe des Nations Unies pour le développement, a estimé qu’en cette année charnière, il est particulièrement encourageant de voir les efforts fournis pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement. Il a regretté que la communauté économique dans son ensemble ait négligé la valeur de la diversité. Les OMD constituent un outil crucial pour redresser cette lacune, a-t-il dit. Les OMD doivent ne sont pas un plan fait de concepts théoriques dans le contexte d’un marché mondialisé. C’est un plan qui prend en considération le fait qu’il existe des poches de pauvreté partout dans le monde. Il s’agit de proposer aux populations un choix pour mieux vivre, un choix pour leurs enfants, afin que ceux-ci vivent dans un monde où ils auront accès à l’instruction, puis à l’emploi.
Il n’y a pas de développement sans droit a affirmé l’intervenant. Il est impossible de faire des choix si les droits à l’éducation, à l’emploi, ne sont pas respectés a-t-il poursuivi. Cela vaut pour les peuples autochtones, qui sont souvent particulièrement frappés par la pauvreté et l’isolement, a-t-il dit. Il a rappelé que l’Instance permanente permettait à tous d’échanger des expériences, mais aussi de rendre des comptes quant aux programmes locaux mis en place. Les gouvernements aussi ont l’occasion de rendre des comptes et cela permet de voir comment des pays aux ressources similaires progressent et de comparer les succès engrangés. Faire un état des lieux et rendre des comptes sur les progrès accomplis dans les plans de développement mis en place reste donc une priorité.
M. JEFFREY SACHS, Directeur du Projet Objectifs du Millénaire, a défini les OMD comme des moyens d’accéder aux droits et souligné que toutes les communautés doivent participer à leur réalisation. Ces Objectifs, a-t-il ajouté, ne sont pas des simples chiffres et statistiques, ils visent des réalisations auxquelles chacun doit avoir accès. Il est donc nécessaire au long de la poursuite de ces Objectifs de tenir compte des spécificités des diverses communautés, a dit l’intervenant. Les OMD qui servent les peuples autochtones concernent l’accès universel aux services et biens fondamentaux, qui ne représente pas seulement des droits humains, mais un tremplin vers le développement économique. Afin de réaliser ces Objectifs, il faut renforcer les pouvoirs d’action des communautés locales et promouvoir leur participation active.
M. Sachs a estimé que la misère touchant un sixième de la population mondiale constituait une insulte à la dignité humaine. Notant que c’était dans les zones les plus difficiles d’accès que vivaient les populations autochtones, il a indiqué qu’il fallait songer aux moyens d’aider des populations comme les communautés montagnardes, les communautés de pêcheurs, les populations des zones arides. À cet égard, il a estimé que les pauvres ne pourraient pas s’extraire de la pauvreté eux-mêmes. Parmi les trois recommandations qu’il a faites à l’Instance, il a souhaité une meilleure coopération entre les peuples autochtones et le Projet du Millénaire dans le souci de mieux identifier les besoins particuliers de ces derniers. Dans le même ordre d’idées, il a souligné l’importance de disposer de statistiques permettant de mieux identifier les besoins des communautés autochtones de manière à ce que ces dernières ne soient pas exclues des statistiques nationales. Enfin, il a souhaité associer ces groupes au processus « Villages du Millénaire » pour mieux comprendre les besoins des communautés rurales, dans le souci, notamment, d’améliorer la productivité agricole et l’accès à l’eau potable en adoptant les investissements aux situations spécifiques locales.
Débat interactif
Un expert s’est inquiété de voir que les OMD avaient été élaborés sans consultation des peuples autochtones. Comment peut-on être assuré qu’ils concerneront aussi les droits des peuples autochtones, a-t-il demandé. Il a donc réclamé que les peuples autochtones soient associés aux travaux des instances internationales des droits de l’homme.
Louise Arbour a réaffirmé que l’une des priorités était de donner l’accès aux instances par les processus démocratiques. Si l’on ne met pas en œuvre les engagements contenus dans les OMD, ce serait une double trahison, a-t-elle dit. Le Professeur Jeffrey Sachs a répondu à plusieurs questions d’experts en rappelant trois points des OMD. Afin de réaliser les OMD, les pays, au niveau national, doivent mettre en place des stratégies de réduction de la pauvreté. Ces stratégies doivent être mises en œuvre par les communautés. Il faut s’assurer que vous ayez le contrôle sur l’éducation, la santé, l’environnement, a-t-il dit, en s’adressant aux représentants des peuples autochtones. Nous essayons de promouvoir des stratégies diversifiées des communautés autochtones qui sont concentrées sur des points focaux naturels pour une meilleure utilisation des moyens. Il faut mettre en commun le développement au niveau local, c’est l’approche du Village du Millénaire, a-t-il conclu.
Suite des déclarations
La représentante du Groupe d’appui interorganisations (IASG) composé de 20 organisations intergouvernementales, a rappelé que la réalisation des OMD en ce qui concerne les peuples autochtones laissait à désirer. Les peuples autochtones sont en bas de liste en ce qui concerne les progrès dans tous les domaines. Selon elle, il faut prendre en considération toutes les sources de la discrimination et de l’exclusion dont sont victimes les peuples autochtones. Elle a estimé que la situation des peuples autochtones devait être prise en compte dans le cadre de la Déclaration du Millénaire et des OMD. Elle a également recommandé que chaque organisation intergouvernementale fasse une évaluation en consultant les peuples autochtones, incluant les femmes et les enfants, pour réaliser les OMD. Selon elle, le rôle des équipes de pays est crucial. Des partenariats internationaux et nationaux doivent assurer un financement et un appui technique afin d’encourager les efforts des peuples autochtones. Enfin, elle a rappelé que les membres de l’IASG devaient appuyer les efforts de l’Instance permanente pour atteindre les OMD.
La représentante de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a déclaré que les peuples autochtones et tribaux n’avaient souvent pas la possibilité de prendre des décisions sur ce qui les affectait. Il a indiqué que l’OIT publierait demain le résultat de recherches portant sur 14 documents stratégiques de réduction de la pauvreté mis en place au Cambodge, au Cameroun et au Népal. Même si des pays ont fait des progrès pour tenir compte de ces peuples, a-t-il précisé, des études s’accordent sur le fait qu’ils perdent l’accès à leurs terres suite à des actions pour accélérer le développement. Il a notamment suggéré que les consultations avec les communautés autochtones fassent partie intégrante de la mise en place de programme de lutte contre la pauvreté. Il faut aussi que l’on garantisse le développement de capacités institutionnelles des peuples autochtones leur permettant de participer aux processus de réduction de la pauvreté.
Le représentant de ONU-Habitat a constaté que les conditions de logement des peuples autochtones sont souvent similaires alors que ces peuples ne vivent pas dans les mêmes zones géographiques. Chaque communauté a ses propres caractéristiques et des liens différents avec les gouvernements. Mais toutes ont un point commun: les conditions de logement sont d’un niveau bien moindre que celles de la population générale et les autochtones souffrent d’exclusion à cause de ces conditions. Les gouvernements doivent faire en sorte que les peuples autochtones deviennent autosuffisants. Pour cela, il faut leur assurer l’accès aux terres et l’accès aux prêts, aux crédits mais aussi à l’éducation et à la formation. Les autres désavantages tels une mauvaise santé doivent être traités et des services adéquats doivent être fournis pour les corriger. Dans le contexte urbain, les gouvernements devraient améliorer des logements et en créer de nouveaux pour les peuples autochtones. Ces peuples devraient être protégés, notamment pour éviter qu’ils perdent leurs logements. Il faut que les peuples autochtones participent eux-mêmes à l’élaboration des projets en matière d’urbanisation. Les institutions des droits de l’homme devraient être disponibles pour défendre les droits des peuples autochtones. Il faut collecter les informations sur les conditions de logement en collaboration avec les peuples autochtones afin d’avoir une meilleure vue de la situation. ONU-Habitat invite les participants à assister au lancement de son livre sur le logement des peuples autochtones mercredi 18 mai à 13 h 15 salle 9.
La représentante de l’UNITAR a souligné l’importance d’approches inclusives qui permettent de mieux comprendre les cultures et besoins des populations autochtones. Elle a indiqué que les documents et rapports des Nations Unies sur les processus de dialogue relatifs aux ressources naturelles étaient donnés aux participants comme référence pour contrer la marginalisation. Elle a déclaré que le programme de formation de l’UNITAR s’attachait à accroître l’efficacité des représentants autochtones dans les dialogues qui les concernent et les affectent. Elle a mentionné la disponibilité de personnes ressources qui peuvent faire des présentations en matière de droits de l’homme. Un programme de formation régional est mené chaque année dans une autre partie du monde, celui de 2005 étant prévu en français pour la région des Grands Lacs et des pays d’Afrique centrale et de l’Ouest.
Le représentant de l’UNESCO a constaté que, dans le cadre des OMD, l’on n’avait pas assez défini la pauvreté comme une violation des droits de l’homme. Selon lui, on ne voit la pauvreté que comme une réalité économique et l’on ne prend pas assez en compte l’économie parallèle. Les peuples autochtones dépendent de plus en plus des influences des marchés, qu’ils ont très peu de chance de contrôler. Ce sont des personnes déplacées qui se retrouvent tout au bas de la hiérarchie. Le représentant de l’UNESCO a donc demandé que l’on affine les OMD pour tenir compte de la pauvreté et du bien-être des peuples autochtones. Il faut reconnaître la grande diversité des cultures des peuples autochtones et les impliquer dans leur développement, du niveau local vers le haut. Il a rappelé que l’UNESCO avait plusieurs instruments qui peuvent apporter un appui pour cela.
Il est important que nous comprenions pourquoi les OMD ont été élaborés comme ils l’ont été. Le développement n’a pas été découvert après l’an 2000. Les diversités géographiques doivent être examinées comme des réalités non ethnocentriques. Le représentant a fait référence aux Inuits qui, a-t-il dit, vivent dans un environnement dur et difficile à nos yeux. Vous y trouverez une richesse de faune incroyable, a-t-il poursuivi, mais pour l’observer, il faut connaître le bon moment pour y aller. Il faut donc réfléchir à deux fois aux choses que nous prenons pour acquises. Les concepts de pauvreté doivent être bien définis et prendre en considération les diversités et les réalités de chacun.
Le représentant de la Banque mondiale a souligné les efforts de celle-ci pour transformer ses relations avec l’Instance permanente dans le souci de répondre aux besoins spécifiques des peuples autochtones parmi lesquels la reconnaissance de leur langue et culture spécifiques. Il a indiqué que le Vice-Président de la Commission du développement durable de la Banque mondiale interviendrait le 19 mai et que le 20 mai sera l’occasion d’entendre la Banque mondiale faire une déclaration se concentrant tout particulièrement sur l’Objectif 2 des OMD, relatif à l’accès de tous à l’éducation primaire. Il a indiqué qu’un récent rapport de la Banque mondiale avait montré que l’objectif pour éliminer la misère était à portée de main, tout en relevant des progrès inégaux. Il a précisé que la Banque mondiale finançait 237 projets impliquant des populations autochtones et que 97 nouveaux projets devraient être financés d’ici 2008.
Le représentant de la Banque interaméricaine de développement a estimé qu’en dépit des différences sociales des peuples autochtones, il existait des similitudes dans leurs conditions de vie et de pauvreté. Nous avons l’intention d’inclure de plus en plus les questions autochtones dans les activités de la banque, a-t-il affirmé. En étroite collaboration avec les institutions spécialisées de l’ONU, la Banque veut établir des priorités pour parvenir à ses objectifs. Dans le cadre de collectes de données en Amérique latine, lors des enquêtes sur les ménages, des questions ethniques ont été incluses, ceci afin de parvenir à des programmes cibles et pertinents sur le plan socio culturel. La Banque s’est fixé comme objectifs de renforcer l’espace territorial traditionnel grâce au soutien à l’économie, par la lutte contre la discrimination sur le marché du travail et le renforcement du patrimoine autochtone. La Banque veut renforcer ses relations avec l’Instance et avec le groupe d’appui interorganisations afin de consolider son action sur sa zone géographique, en l’occurrence l’Amérique latine et les Caraïbes.
Documentation
Peuples autochtones et Objectifs du Millénaire pour le développement
Cette note (E/C.19/2005/4/Add.13) traite de la situation des peuples autochtones et la réalisation des Objectifs 1 et 2 du Millénaire pour le développement au moyen d’études de cas dans plusieurs pays du monde. Elle précise qu’étant donné que les peuples autochtones n’ont pas été consultés lorsque ont été fixés les Objectifs du Millénaire pour le développement, leur sort devrait être pris en considération lors de l’examen de l’état d’avancement de la réalisation des objectifs de façon que cette dernière n’ait pas pour effet d’aggraver leur pauvreté. L’auteur souligne qu’il est important de respecter la conception que les autochtones ont du développement et de tenir compte de l’identité des autochtones et de leurs cultures dans le développement. Elle fait également observer que le développement devrait être placé sous le signe du respect des droits. Des recommandations figurent à la fin du document. Une bibliographie établie par l’auteur peut être consultée auprès du Secrétariat.
L’éducation des enfants autochtones et les langues autochtones
Un document sur l’éducation des enfants autochtones et les langues autochtones (document E/C.19/2005/7) tend à démontrer que les modèles éducatifs appliqués aux enfants autochtones ou appartenant à des minorités, qui utilisent essentiellement les langues dominantes ont des conséquences tout à fait négatives au regard des objectifs fixés par les instruments des droits de l’homme et donc au regard du droit à l’éducation. Il s’appuie sur des considérations et les résultats de travaux concernant divers domaines: droit international, éducation, linguistique appliquée, psychologie et sociologie. Considérant les fondements juridiques du droit à l’éducation, nous soutenons en nous appuyant sur les interprétations qu’a donné de ce droit le précédent Rapporteur spécial de l’ONU, Katarina Tomaševski, sur le droit, que l’enseignement dispensé dans une langue dominante fait obstacle à l’éducation, du fait des barrières linguistiques, pédagogiques et psychologiques qu’il crée. Ce mode d’enseignement a de multiples et graves conséquences qui constituent autant de violations du droit à l’éducation sous ses divers aspects, et qu’il perpétue la pauvreté. Faute d’un droit fondamental obligatoire en matière linguistique, à savoir le droit à un enseignement dans la langue maternelle s’accompagnant d’un bon apprentissage de la langue dominante en tant que seconde langue, dispensé dans les établissements publics par des professeurs bilingues ou compétents, la plupart des populations autochtones ou minoritaires ne recevront, par l’intermédiaire de la langue majoritaire ou dominante, qu’une éducation déculturée. Elles apprennent la langue dominante au détriment de leur langue maternelle qui n’occupe plus qu’une place secondaire et qui est vouée à disparaître au profit de la première. Aussi dans ses conclusions l’Instance permanente sur les questions autochtones, rappelant ses recommandations antérieures sur l’éducation, en particulier celles adoptées lors de sa troisième session, en mai 2004, recommande aux gouvernements que tous les programmes d’enseignement pour les jeunes autochtones soient fondés sur les résultats des travaux de recherche sérieux menés pendant de nombreuses années, selon lesquels l’enseignement bilingue utilisant essentiellement la langue maternelle comme vecteur produit des résultats supérieurs à toutes les autres méthodes d’enseignement.
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