DES EXPERTS DE L'ONU EXPRIMENT À NOUVEAU LEUR PRÉOCCUPATION S'AGISSANT DE LA SITUATION DES DÉTENUS DE GUANTANAMO
Communiqué de presse DH/4812 |
DH/4812
4 février 2005
DES EXPERTS DE L'ONU EXPRIMENT À NOUVEAU LEUR PRÉOCCUPATION S'AGISSANT
DE LA SITUATION DES DÉTENUS DE GUANTANAMO
(Publié tel que reçu)
Genève, 4 février -- Six experts des droits de l'homme des Nations Unies rappellent aujourd'hui que le centre de détention situé sur la base navale des États-Unis à Guantanamo est entré ce mois-ci dans sa quatrième année d'existence et que nombre de prisonniers de ce centre en sont à la fin de leur troisième année de détention pratiquement au secret, sans assistance juridique ni aucune information quant à la durée prévue de leur détention, celle-ci se faisant par ailleurs dans des conditions qui, selon de nombreux observateurs, équivalent à un traitement inhumain ou dégradant.
Les six experts qui ont fait cette déclaration commune sont Mme Leïla Zerrougui, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur la détention arbitraire de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies; M. Stephen J.Toope, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires de cette même commission; M. Manfred Nowak, Rapporteur spécial sur la torture; M. Paul Hunt, Rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du plus haut niveau possible de santé physique et mentale; M. Leandro Despouy, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats; ainsi que M. Cherif Bassiouni, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan, nommé par le Secrétaire général.
Dans leur déclaration, les six experts rappellent que le Groupe de travail sur la détention arbitraire a fait part de sa préoccupation face à la situation à Guantanamo dès la création du centre de détention. En juin dernier, quatre d'entre eux avaient demandé aux États-Unis ainsi qu'à l'Iraq et à l'Afghanistan de les inviter à rendre visite aux personnes détenues pour terrorisme, notamment à Guantanamo. Bien que le Gouvernement des États-Unis - le seul, à ce jour, à avoir répondu - n'ait pas encore accepté cette demande, il a manifesté de l'intérêt pour l'établissement d'un dialogue avec les experts afin d'examiner la possibilité d'une visite.
L'année 2004 a vu une évolution de la situation des détenus de Guantanamo. Un certain nombre d'entre eux ont été libérés. En outre, la Cour suprême des États-Unis a rejeté la prétention du Gouvernement qui affirmait pouvoir refuser aux détenus de Guantanamo l'accès à la procédure d'habeas corpus. De plus, un tribunal de district des États-Unis a établi que c'est au pouvoir judiciaire et non au pouvoir exécutif qu'il revient de dire si la troisième Convention de Genève s'applique aux personnes privées de liberté durant les hostilités en Afghanistan. Ce même tribunal a par ailleurs jugé qu'il était illégal d'exclure le prévenu de certaines audiences et de ne pas le laisser accéder à des preuves utilisées contre lui. En réponse à ces décisions de justice, les États-Unis ont créé des tribunaux d'examen du statut de combattant et un Conseil de révision administrative ayant pour tâche de réexaminer, sur une base annuelle, si un prisonnier continue de constituer une menace pour les États-Unis ou leurs alliés ou s'il existe d'autres facteurs justifiant la nécessité de maintenir sa détention.
Les six experts des Nations Unies jugent cependant ces évolutions insuffisantes pour dissiper les graves préoccupations qu'ils nourrissent à l'égard de la situation. En effet, tant le conflit armé international en Afghanistan que la guerre en Iraq ont pris fin depuis plus de 18 mois; or la troisième Convention de Genève, qui traite des prisonniers de guerre, stipule que tout prisonnier de guerre doit être libéré sans délai dès la fin des hostilités. Ainsi, la base juridique d'un maintien en détention des prisonniers de Guantanamo n'est-elle, pour le moins, pas claire. De surcroît, nombre d'entre eux ont été arrêtés dans des pays qui n'étaient pas parties à un quelconque conflit impliquant les États-Unis, soulignent les experts. Ils rappellent en outre que le nombre exact et les noms des personnes détenues à Guantanamo restent inconnus. Cette situation est extrêmement déconcertante et peut entraîner un transfert, sans notification, de détenus vers d'autres centres de détention, souvent secrets, gérés soit par les États-Unis soit par d'autres pays - ce qui est particulièrement préoccupant du point de vue du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. Des préoccupations ont également été exprimées en ce qui concerne l'indépendance et l'équité des procédures des tribunaux d'examen du statut de combattant et du Conseil de révision administrative.
Dans leur déclaration commune, les six experts mettent l'accent sur la nécessité d'évaluer les allégations de torture et autres traitements ou punitions cruels, inhumains ou dégradants qui ont été portées à l'attention du Rapporteur spécial sur la torture et sont en rapport, en particulier, avec les méthodes d'interrogatoire des détenus. D'autre part, les conditions de détention, en particulier pour les personnes placées en isolement, exposent les détenus à des risques importants de détérioration de leur état psychique voire à des apparitions de symptômes psychiatriques irréversibles. En outre, la plupart des détenus ne savent même pas si le Gouvernement des États-Unis à l'intention ou non de porter plainte au pénal contre eux.
En conclusion, les six experts des droits de l'homme des Nations Unies réaffirment une fois de plus que le droit et le devoir de tout État d'utiliser tous les moyens légaux dont il dispose pour protéger ses citoyens contre la mort et la destruction provoquées par les terroristes doivent s'exercer en conformité avec le droit international, sous peine de voir l'ensemble de la cause de la lutte contre le terrorisme compromise.
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