LA CNUCED PROPOSE UN NOUVEAU « PLAN MARSHALL » POUR LE COMMERCE EN FAVEUR DES PAYS LES MOINS AVANCÉS
Communiqué de presse DEV/2523 TAD/2022 |
LA CNUCED PROPOSE UN NOUVEAU « PLAN MARSHALL » POUR LE COMMERCE EN FAVEUR DES PAYS LES MOINS AVANCÉS
(Publié tel que reçu)
GENÈVE, 14 juin (CNUCED) -- Élargissement de l’accès aux marchés, libéralisation du secteur des services et fonds d’aide au commerce: telles sont les propositions de la CNUCED pour aider les 50 pays les plus pauvres du monde à sortir de la pauvreté.
Pourquoi un «Plan Marshall pour le commerce» en faveur des PMA? Un sixième de la population mondiale vit dans des conditions d’extrême pauvreté et 50 pays, grands ou petits, répartis dans l’ensemble des régions en développement, semblent condamnés à rester éternellement pris au piège de la pauvreté. La nécessité d’une solidarité entre les pays et les régions et l’intérêt que présente pour chaque pays une «entreprise mondiale» au fonctionnement harmonieux donnent à penser qu’il faut prendre des mesures énergiques en faveur des PMA.
La situation des PMA à l’heure actuelle est comparable à celle de l’Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. D’après les estimations de la CNUCED, la mise en œuvre, aujourd’hui, d’un programme analogue au Plan Marshall permettrait aux PMA de recevoir des fonds supplémentaires d’un montant de 62,5 milliards de dollars par an, dont une grande partie (environ 40 milliards de dollars) pourraient provenir d’un Plan Marshall pour le commerce. Un tel financement leur permettrait d’amortir les coûts d’ajustement; de renforcer leurs capacités de production, leur compétitivité et leur infrastructure de base; de créer des emplois et de sortir des millions de personnes de la pauvreté. «Grâce à ce cercle vertueux, une croissance commerciale durable devrait s’installer dans les PMA, ce qui permettrait de créer de nouveaux marchés viables pour d’autres pays» a déclaré M. Lakshmi Puri, Directeur de la Division du commerce de la CNUCED.
En 2004, les PMA représentaient 0,68 % du commerce mondial (soit environ 131 milliards de dollars sur un total de 9 460 milliards de dollars), contre 3,06 % en 1954. Au cours des 40 dernières années, leur place dans le commerce mondial est donc devenue de plus en plus marginale, en particulier dans le cas des PMA exportateurs de produits primaires non pétroliers, soit la majorité d'entre eux. Dans ces pays, le taux de croissance des exportations a été pénalisé par la baisse des prix des produits de base constituant l’essentiel de leurs exportations. Au premier semestre 2003 par exemple, le cours du café représentait à peine 17 % du cours de 1980, le coton 33 % et le cuivre 42 %. Très peu de PMA ont réussi à sortir d’une situation créée par la dépendance à l’égard des produits de base, par une faible valeur ajoutée, par le manque de diversification, situation liée également aux erreurs dans les choix d’activités et à la dégradation des termes de l’échange.
Pourquoi maintenant? Selon la CNUCED, le contexte actuel est particulièrement propice à la concrétisation d’un Plan Marshall pour le commerce en faveur des PMA dans la mesure où, outre la reconnaissance de la réduction de la pauvreté comme un impératif moral et le consensus politique autour de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, il existe des raisons économiques et des arguments juridiques à l’appui d’une telle initiative. Depuis son apparition, la notion de «justice commerciale» fait de plus en plus d’adeptes, tant au sein de la société civile que parmi les dirigeants de nombreux pays développés. Les liens étroits entre développement, sécurité et droits de l’homme sont reconnus, de même que le fait que la réalisation de chacun de ces objectifs soit indissociable de la réalisation des deux autres.
Quand un tel plan pourra-t-il voir le jour? Le Sommet des Nations Unies qui se tiendra en septembre prochain à New York et la sixième Conférence ministérielle de l’OMC qui aura lieu en décembre prochain à Hong Kong offrent l’occasion d’exprimer une volonté politique de s’attaquer sans plus tarder à l’ensemble des principaux problèmes auxquels sont confrontés les PMA.
Principaux piliers du Plan
Le Plan Marshall pour le commerce que propose la CNUCED repose sur trois piliers. Les deux premiers sont axés sur le commerce en tant que vecteur de l’aide, et le troisième sur l’aide au commerce. Le premier pilier consiste en l’octroi, par les pays développés, d’un traitement consolidé au sein de l'OMC, en franchise de droits et sans contingents aux exportations des PMA, assorti d’un renforcement effectif des capacités des PMA de satisfaire aux normes afin de leur permettre de surmonter les barrières à l’entrée sur certains marchés. Le traitement en franchise de droits et sans contingents pourrait à lui seul générer des gains socioéconomiques d’une valeur de 8 milliards de dollars et permettre aux PMA d’accroître leurs exportations de 10 % par an, soit une augmentation des recettes annuelles d’exportation de 6,4 milliards de dollars. Les régimes prévoyant un accès préférentiel aux marchés, mis en œuvre par les pays industrialisés depuis le début des années 70, n’ont pas permis d’intégrer véritablement les PMA au système commercial multilatéral, de promouvoir leur industrialisation et d’accélérer leur développement économique en vue d’une croissance durable. Néanmoins, ils ont eu un effet positif sur les exportations et les recettes publiques de nombreux PMA dans les cas où d’importantes marges de préférence étaient accordées aux produits présentant un intérêt pour eux. Ces résultats mitigés tiennent essentiellement au caractère non contraignant des régimes de préférences, à l’exclusion de certains pays et de certains produits de ces régimes, à la rigidité et à la complexité des règles d’origine et à la corrélation entre les traitements tarifaires préférentiels et des questions d'ordre autre que commercial, telles que l’application des normes en matière d’environnement, de protection sociale et d’emploi, la protection des droits de propriété intellectuelle, et la lutte contre la drogue.
« Sans une capacité suffisante en matière de production, les arrangements concernant l’accès aux marchés, aussi généreux soient-ils, ne pourront pas à eux seuls renforcer les liens entre le commerce et le développement dans les pays les plus pauvres du monde » a prévenu la CNUCED.
Bien que ces régimes existent, ce sont toujours les exportations au titre du traitement de la nation la plus favorisée qui constituent l’essentiel des échanges des PMA, le traitement préférentiel demeurant à l’état de potentialité. Une déclaration ministérielle entérinant l’accès en franchise de droits et sans contingents pour tous les produits des PMA pendant une durée déterminée (entre 10 et 20 ans) et les modifications nécessaires des régimes de préférences, en particulier dans le domaine des règles d’origine, pourraient faire du traitement préférentiel non plus une potentialité mais une réalité. Des règles de cumul internationales pourraient ainsi être adoptées et appliquées uniformément au titre des différents régimes, ce qui simplifierait les procédures administratives.
Le deuxième pilier concerne la libéralisation des services et prévoit un ensemble de mesures visant notamment à aider les PMA à régler les modalités de mise en œuvre en particulier pour le mode 4 (mouvement des prestataires de services), dans des secteurs prioritaires pour eux tels que le tourisme, le divertissement et le sport, ainsi que dans d’autres domaines comme la délivrance de visas et de permis de travail. La CNUCED estime qu’un programme de mesures de libéralisation concernant le mode 4, associé à un plan de renforcement des capacités des PMA dans le domaine du commerce des services, pourrait générer entre 10 et 20 milliards de dollars par an. Le groupe des PMA représente seulement 0,4 % des exportations mondiales totales de services commerciaux, et près de 1 % des importations. Néanmoins, compte tenu de la contribution déterminante de nombreux services aux résultats d’autres secteurs de l’économie, le commerce des services apparaît de plus en plus comme un facteur important de leurs résultats économiques. L’Accord général sur le commerce des services (AGCS) ne permet pas de fonder juridiquement l’octroi de préférences commerciales en faveur des PMA. Ce problème pourrait être résolu par l’adoption d’une déclaration ou d’une décision ministérielle de l’OMC.
Le troisième pilier prévoit la création d’un fonds d’aide au commerce d’un milliard de dollars en complément de l’aide au développement. Le fonds servirait à assurer un financement d’urgence (15 milliards de dollars sur deux ou trois ans) destiné à couvrir les coûts d’ajustement résultant de la réforme du commerce et à financer le développement des infrastructures, des capacités de production et de la compétitivité dans les secteurs des produits de base, de l’industrie manufacturière et des services. «Sans une capacité suffisante en matière de production, les arrangements concernant l’accès aux marchés, aussi généreux soient-ils, ne pourront pas à eux seuls renforcer les liens entre le commerce et le développement dans les pays les plus pauvres du monde» a prévenu la CNUCED. En outre, certains engagements devraient être inclus dans les négociations commerciales en cours afin de garantir la disponibilité des ressources financières nécessaires pour honorer les obligations découlant des arrangements commerciaux existants et futurs.
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