CS/8433

CONSEIL DE SÉCURITÉ: LE DIRECTEUR EXÉCUTIF DU PAM DÉCRIT LA LUTTE CONTRE LA FAIM COMME UN INSTRUMENT DE PRÉVENTION DES CONFLITS

30/06/2005
Communiqué de presse
CS/8433


Conseil de sécurité

5220e séance – matin


CONSEIL DE SÉCURITÉ: LE DIRECTEUR EXÉCUTIF DU PAM DÉCRIT LA LUTTE CONTRE LA FAIM COMME UN INSTRUMENT DE PRÉVENTION DES CONFLITS


« Un homme affamé est un homme en colère. »  Ces mots du Président de l’Union africaine ont été repris, ce matin, par le Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM) pour démontrer aux membres du Conseil de sécurité, la véritable menace à la paix et à la sécurité que constituent les crises alimentaires.  James Morris a voulu les convaincre de la nécessité de hisser la lutte contre la faim au rang d’instrument de prévention des conflits.


Le Directeur exécutif a particulièrement attiré l’attention des membres du Conseil sur la situation de l’Afrique australe où quelque 8,5 millions de personnes nécessitent dorénavant une aide alimentaire d’urgence.  Les crises humanitaires les plus graves ne sont ni au Darfour, ni en Afghanistan ni en Corée du Nord.  Elles sont en Afrique australe où un mélange mortel de VIH/sida, de sécheresses récurrentes et de mauvaise gouvernance a créé une famine qui est en train d’éroder la stabilité sociale et politique de cette partie du continent africain, a-t-il prévenu dans son long exposé. 


Le lien entre mauvaise gouvernance, famine et instabilité a suscité de nombreux commentaires de la part des membres du Conseil dont certains ont suggéré que le Conseil mobilise les mécanismes de prévention des conflits dès qu’une situation de mauvaise gouvernance apparaît.  Le Zimbabwe a été cité comme l’exemple le plus probant d’une telle situation.  Pour le représentant du Royaume-Uni, les famines les plus graves se manifestent toujours dans les régimes les plus autoritaires.  Au Zimbabwe, il a fustigé une crise due non pas à la nature mais à la « main de l’homme » qui pourrait faire courir à 4 millions de personnes le risque d’une pénurie alimentaire. 


Plusieurs questions ont été posées au Directeur exécutif sur le degré de coopération du Gouvernement zimbabwéen avec les institutions humanitaires.  Les membres du Conseil ont, à cet égard, dit attendre avec intérêt le rapport de l’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour les questions d’établissements humains au Zimbabwe qui vient d’effectuer une visite dans le pays.  Ils se sont livrés à un dialogue avec le Directeur exécutif qui a ainsi eu l’occasion d’expliquer ses attentes par rapport au Conseil de sécurité et les relations du PAM avec le Département des opérations de maintien de la paix ou encore avec les organisations régionales.  James Morris a également commenté les questions de l’accès aux personnes dans le besoin et de la sécurité du personnel humanitaire.  De nombreuses questions lui ont été posées sur l’initiative que veut lancer le PAM, en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et la Banque mondiale, pour fournir une aide alimentaire aux 300 millions d’enfants qui souffrent aujourd’hui de la faim dans le monde.  


LA CRISE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE, MENACE À LA PAIX ET À LA SÉCURITÉ


Déclarations


M. JAMES T MORRIS, Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM), a déclaré que la plus grande crise humanitaire actuelle n’était pas celle du Darfour, d’Afghanistan ou de Corée du Nord.  Selon lui, la plus grave des crises est celle de la dégradation des structures sociales en Afrique australe et du problème de la faim.  Les ravages combinés de la pandémie de VIH/sida, des sécheresses et d’une mauvaise gouvernance contribuent ensemble à saper la stabilité sociale et politique dans la région.  M. Morris a indiqué que, pour la seule année dernière, plus d’un million de personnes étaient décédées des suites du sida. 


Poursuivant, M. Morris a évoqué son récent voyage en Afrique australe.  Il s’est félicité de certains progrès réalisés sur le terrain pour mieux aménager la présence des Nations Unies.  En effet, a-t-il dit, les programmes menés sous l’égide de l’ONU aux niveaux national et régional ont démontré la vigueur et l’esprit de coopération guidant une action de terrain financée à hauteur de 500 millions de dollars par l’Organisation.  


En Afrique australe, a encore estimé M. Morris, ce sont quelque 3,5 millions de personnes qui ont besoin de l’aide alimentaire d’urgence.  Dans le même temps, les effets destructeurs du VIH/sida, outre le coût en vies humaines, entravent la capacité des communautés de produire de la nourriture en quantité suffisante.  Les petits exploitants agricoles sont les premières victimes de la pandémie, a rappelé M. Morris, 8 millions de fermiers ayant perdu la vie des suites du sida en Afrique. 


Il a jugé que s’attaquer à la faim et à la malnutrition, et porter assistance aux femmes et aux enfants qui souffrent le plus, nécessitait la coopération des parties prenantes à la crise.  Dans ce contexte, les activités des autorités civiles, en particulier la livraison de nourriture, demeurent un travail dangereux, le PAM a perdu un nombre très important d’employés, inférieur seulement à ceux perdus dans le cadre des opérations de maintien de la paix. 


M. Morris s’est par ailleurs élevé contre l’utilisation de la faim comme d’une véritable arme de guerre.  En effet, a-t-il dit, le cas du Darfour est à ce titre édifiant, qui voit la situation sur place se dégrader chaque jour un peu plus du fait de cette pratique révoltante.  Au plan de la paix, de la stabilité et de la faim, M. Morris a expliqué que les études de l’ONU démontraient le lien entre l’apparition de conflits armés et la réduction de la production agricole.  Les conflits, a-t-il poursuivi, génèrent la faim.  Mais la faim est autant un effet des conflits qu’une cause.  En Afrique centrale, où la guerre en République démocratique du Congo a bouleversé la région, le pourcentage de mal nourris est passé de 53% en 1995 à plus de 70% aujourd’hui.  Dans le cas de pays où les conflits agissent moins sur la crise alimentaire –Ghana, Nigéria, Malawi et Madagascar– la situation nutritionnelle des populations s’est améliorée. 


M. Morris a déclaré que la gestion des crises alimentaires chroniques devait faire l’objet de politiques nationales établies en concertation avec les donateurs internationaux, ces deux parties ayant négligé l’apport des investissements agricoles, ce qui a contribué à aggraver le problème de la pauvreté.  L’état des économies rurales s’en est considérablement ressenti, notamment dans des pays comme l’Ouganda et le Kenya, où plus de 80% des pauvres vivent dans les campagnes.  Cette situation de pénurie alimentaire attise les manifestations de violence, puisque l’accès à la nourriture se raréfie.  Au Sud-Soudan, par exemple, l’accès à la nourriture a été utilisé comme une arme au plus fort de la guerre civile, la famine de 1988 ayant au total coûté la vie à un quart de million de personnes. 


En Afrique de l’ouest, a continué M. Morris, où le nombre de personnes déplacées n’a pas cessé de croître après plus d’une décennie de guerres, l’aide alimentaire est utilisée aux fins de restauration des secteurs économique et social.  Cette aide est également portée au soutien à l’éducation et à l’effort de reconstruction des communautés.  M. Morris a regretté que, s’agissant de la Côte d’Ivoire, ce pays restait dangereusement divisé.  Dans ce cas, le désarmement qui doit débuter cette semaine représente un défi de taille en vue de trouver un règlement à un conflit qui risque de gagner l’ensemble de la région.  M. Morris a précisé qu’un des facteurs ayant déclenché le conflit ivoirien était la compétition pour l’accès à des ressources agricoles alimentées. 


Au plan des politiques d’aide humanitaire, M. Morris s’est félicité des initiatives européennes concernant l’augmentation de l’aide officielle au développement.  Il a salué l’annonce récente du Président des États-Unis, M. Bush, qui s’est engagé à fournir une aide de 50 000 tonnes de nourriture.  La Commission Blair a en outre permis d’attirer l’attention de l’opinion sur les besoins humanitaires et en matière de développement en Afrique.  M. Morris a finalement émis le souhait que, eu égard aux engagements pris lors du Sommet du Millénaire de 2000, il était temps de démontrer que des progrès substantiels ont été réalisés en Afrique en vue d’établir la paix et la sécurité sur ce continent troublé.   


Le Directeur exécutif a poursuivi en disant comprendre que les principaux donateurs opèrent des choix politiques pour décider des projets d’aide humanitaires qu’ils vont financer.  En 2003, 23% de l’aide publique au développement (APD) sont allés aux pays les moins avancés (PMA) et 24% en Afrique.  L’aide alimentaire essentielle pour l’Afrique a diminué de plus 1,8 million de tonnes l’année dernière en dépit du fait que le nombre de personnes qui souffrent de la faim a augmenté.  Ce nombre est passé de 790 millions en 1990 à 852 millions aujourd’hui.  La Commission Blair, s’est félicité le Directeur exécutif, a attiré l’attention du public sur la situation du continent.  La France a récemment doublé sa contribution au PAM tandis que le Japon, le Danemark et le Royaume-Uni continuent d’y contribuer substantiellement.  De leur côté, la Fédération de Russie et la Chine se sont joints au rang des donateurs alors que pour la quatrième année consécutive, les États-Unis ont contribué à hauteur de plus d’un milliard de dollars.  Le Directeur exécutif s’est particulièrement félicité de l’annonce faite par le Président Bush et le Premier Ministre Blair d’affecter 674 millions de dollars à l’aide humanitaire d’urgence.  Le déblocage rapide des fonds pourrait permettre de nourrir 20% de personnes de plus, a souligné le Directeur exécutif, en soulignant l’urgence qu’il y a à nourrir les 300 millions d’enfants qui souffrent de la faim dans le monde.


Mme ELLEN MARGRETHE LOJ (Danemark) a souligné la responsabilité de la communauté internationale de briser le cercle vicieux de l’instabilité, de la pauvreté et de la faim.  Il est important que les activités d’assistance soient plus globales, a-t-elle dit.  En la matière, elle a espéré que la commission de consolidation de la paix qu’il est proposé de créer, donnera un nouvel élan aux efforts.  Elle a ensuite manifesté sa préoccupation face au sort des réfugiés et des personnes déplacées qui reviennent au Sud-Soudan.  Elle a pris note de la triple menace du VIH/sida, de la crise alimentaire et des problèmes de gouvernance.  Elle a aussi évoqué la situation au Zimbabwe, en appelant au respect des droits de l’homme et en déclarant attendre avec impatience le rapport de l’Envoyée spéciale du Secrétaire général.  Quelles sont les relations entre le PAM et le Département des opérations de maintien de la paix? a-t-elle demandé au Directeur exécutif.  À quoi attribuer le succès des mécanismes de coordination?  Qu’en est-il des garanties données par le Gouvernement au Zimbabwe quant à l’acheminement de l’aide alimentaire, a-t-elle aussi demandé.


M. ANDREY DENISOV (Fédération de Russie) a fait part des actions engagées par son pays pour venir en aide aux pays africains.  Le Gouvernement, a-t-il indiqué, s‘est engagé à annuler les dettes de ces pays dans le cadre de l’Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE).  Il essaye de contribuer à la formation des cadres en développant des partenariats avec les acteurs multilatéraux comme le PAM.  Seuls des efforts concertés pourront permettre à ces pays de s’engager sur la voie de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).


M. RONALDO MOTA SARDENBERG (Brésil) a, à son tour, souligné le caractère essentiel de la sécurité alimentaire pour la paix et sa consolidation.  Il a appuyé la double approche du PAM qui consiste à s’attaquer aux situations d’urgence et aux problèmes structurels.  Il s’en est félicité parce qu’il s’agit de la meilleure manière de créer de créer les conditions pour éliminer les causes économiques et sociales des conflits.  Pour jouer pleinement son rôle, a-t-il estimé, le PAM doit être doté de ressources fiables et prévisibles.  Il faut améliorer le mécanisme financier, a-t-il dit en voulant que les fonds soient débloqués en fonction des situations et non par rapport à des considérations politiques.


M. MIHNEA IOAN MOTOC (Roumanie) s’est dit particulièrement préoccupé par la situation du Zimbabwe.  Il a lancé un appel à la coopération au Gouvernement du pays.  Il devrait, a-t-il estimé, donner à la communauté internationale des chiffres crédibles concernant l’assistance alimentaire.  Que devrait faire le Conseil de sécurité pour améliorer l’action des Nations Unies dans ce domaine? a-t-il demandé en arguant que seule une action coordonnée pourrait permettre de sortir du cercle vicieux de la pauvreté et de l’instabilité.


Sir EMYR JONES PARRY (Royaume-Uni) a argué que les causes de la faim sont complexes mais qu’elles ont souvent des liens avec la gouvernance et l’insécurité.  Le Sommet de septembre constituera une occasion pour progresser dans la voie du développement et assurer la réalisation en temps des OMD, a-t-il voulu.  Pour lui, le développement est un compromis entre donateurs et bénéficiaires qui doivent lutter contre la corruption et les problèmes de gouvernance tandis que les donateurs doivent augmenter leur aide.  La gouvernance et les droits de l’homme sont des indicateurs fiables d’un pays, a-t-il insisté.  Les pénuries alimentaires sont des causes d’instabilité et peuvent contribuer à aggraver les conflits, a-t-il reconnu à son tour.  La faim est à la fois la cause et une des conséquences d’un conflit et de la mauvaise gouvernance, ainsi qu’une cause de l’insécurité alimentaire.  Il ne s’agit pas toujours de problèmes agricoles, a insisté le représentant en attirant l’attention sur la situation au Zimbabwe qualifié d’« exemple évident ».  La population de ce pays, a-t-il déploré, est victime d’une dégradation économique provoquée par le Gouvernement.  Cette crise-là a été provoquée par les mesures du Gouvernement lui-même.  Il s’agit d’un phénomène créé de la main de l’homme.  L’effondrement, a ajouté le représentant, est le résultat de mauvaises politiques et d’une mauvaise gouvernance. 


Il a poursuivi en arguant que le rôle de la démocratie dans la prévention de la famine est bien établi.  Les famines les plus graves se manifestent dans les régimes autoritaires.  Le représentant a dit attendre avec impatience le rapport de l’Envoyée spéciale du Secrétaire général après sa visite au Zimbabwe.  Le manque de coopération de ce pays avec les institutions humanitaires est une cause de préoccupation pour la communauté internationale.  Le représentant a aussi mis l’accent sur le problème du VIH/sida et du manque d’accès humanitaire.  Concernant ce dernier point, il a conseillé au Conseil de mobiliser les mécanismes de prévention de conflits dès qu’apparaissent des phénomènes de mauvaise gouvernance ou démographiques. 


M. LAURO L. BAJA (Philippines) a conseillé au PAM d’établir des relations avec les organisations régionales telles que l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).  Il a ensuite demandé au Directeur exécutif de citer quelques cas de politiques nationales réussies en matière de sécurité alimentaire.


M. CÉSAR MAYORAL (Argentine) a appelé le Conseil à tout faire pour éliminer les facteurs structurels qui entravent le travail du PAM comme les guerres et leurs conséquences, la mauvaise gouvernance ou encore les questions liées au commerce international des produits agricoles.  S’agissant des situations d’urgence en Afrique, le représentant a jugé essentiel que l’aide alimentaire fournie par le PAM soit augmentée.  À moyen et à long termes, ce sont les Africains eux-mêmes qui auront à mettre au point les politiques nécessaires mais il revient à la communauté internationale de fournir les incitations qu’il faut à la production agricole pour qu’elle soit viable et exportable.  Les politiques de subventions agricoles dans les pays du Nord empêchent les pays en développement de tirer des bénéfices de leurs produits agricoles, a insisté le représentant en jugeant extrêmement important que la communauté internationale donne un nouvel élan au Cycle de Doha sur les produits agricoles, lancé par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001.  Enfin, le représentant a demandé si le PAM envisage d’accroître son aide à la mise en place des infrastructures agricoles de base. 


M.SHINICHI KITAOKA (Japon) a reconnu, à son tour, que la paix et la sécurité ne peuvent être assurés si l’on ne s’attaque pas à la faim.  Comment le PAM collabore-t-il avec les autres institutions des Nations Unies?  Qu’attend le PAM des Nations Unies et, particulièrement, du Conseil de sécurité?  Comment le PAM résout-il les problèmes d’acheminement de l’aide alimentaire?  De quel degré de coopération les gouvernements font-ils preuve? a encore demandé le représentant. 


M. ZHANG YISHAN (Chine) a constaté que la stratégie de réduction de la pauvreté privilégiée par  le PAM passait par la fourniture d’une aide alimentaire d’urgence pour que les pays concernés puissent faire face à des situations extrêmes.  Poursuivant, il a estimé que la pauvreté était la cause principale de l’apparition de conflits, en particulier en Afrique.  De concert avec M. Morris, il a souscrit au fait que l’élimination de la pauvreté était absolument nécessaire pour la stabilité et la paix sur le continent africain, où les conflits perdurent et sont directement liés aux crises alimentaires les plus graves.  Dans ce contexte, le Conseil de sécurité doit intégrer, dans ses analyses des guerres, la corrélation entre ces phénomènes.  Nous espérons que la réunion d’aujourd’hui aura permis d’attirer l’attention de tous sur la situation alimentaire en Afrique.


M. ADAMANTIOS TH. VASSILAKIS (Grèce) a déclaré qu’éliminer la faim était une responsabilité collective qui impliquait de lutter, en amont, contre l’éclatement des guerres civiles ou autres phénomènes qui entraînent la pauvreté.  La grande pauvreté, a encore dit le représentant, sape le système politique international et fait peser une menace constante sur la paix mondiale et les grands équilibres régionaux.  À l’heure actuelle, l’Afrique subsaharienne cumule les ravages provoqués par les catastrophes climatiques, la pandémie de VIH/sida et les conflits armés à l’origine des déplacements massifs de personnes.  La faim y est utilisée comme une arme.  Les chiffres donnés par M. Morris sont bouleversants.  Il est urgent d’apporter un niveau d’assistance appropriée en vue de pouvoir répondre à des défis nombreux et de nature changeante.  À cette fin, il convient de repenser et de renforcer les synergies en place pour rapidement faciliter l’accès de l’aide humanitaire sur le terrain.  Les exemples du Darfour et de la RDC prouvent que ce manque d’accès provoque une détérioration sur le long terme de la situation. 


M. JEAN-FRANCIS RÉGIS ZINSOU (Bénin) a estimé que les éléments d’appréciation de M. Morris étaient éloquents.  Ce qui apparaît comme l’élément le plus stupéfiant est que des difficultés d’une ampleur gigantesque demeurent alors même que la production alimentaire mondiale déborde.  C’est pourquoi, le défi véritable n’est pas la production mais la distribution qui, seule, permet de lutter rapidement et efficacement contre le fléau de la faim.  Il convient à cet effet de revoir complètement les politiques internationales de subventions agricoles qui étouffent le secteur rural dans les pays en développement.  Les pays en développement doivent donner une nouvelle chance de survie au pays en développement en mettant en place les moyens nécessaires à une répartition équitable des vivres.


Nous soutenons l’action du PAM qui met l’accent sur la détresse des pays pauvres en paix et quasi ignorés par la communauté internationale en ce qui concerne l’aide au développement, a poursuivi le représentant.  Les controverses politiques devraient rester en dehors de l’affectation de cette aide, en particulier s’agissant des questions liées à la lutte contre la pandémie de VIH/sida.


Pour le représentant, il est temps que la communauté internationale reconnaisse le caractère dévastateur des effets conjugués des conflits, du climat et de la lutte pour la survie des plus pauvres.  Le Conseil de sécurité des Nations Unies doit mettre en place un programme de sauvetage des pays les plus touchés.  La responsabilité de la prévention des conflits appartient à l’Organisation.  Il conviendrait en ce sens de consolider les capacités en la matière pour renforcer la crédibilité des Nations Unies.  


M. MOURAD BENMEHIDI(Algérie) a reconnu les causes conjoncturelles et les causes structurelles en souhaitant s’abstenir de répéter le débat qui vient de se tenir à l’Assemblée générale, organe le plus outillé pour traiter de ces questions.  Le représentant a tout de même dénoncé la gouvernance internationale et la fragilisation de l’agriculture des pays du Sud par la pratique déloyale des politiques de subventions agricoles.  Il a conclu en reprenant à son compte la remarque du Directeur exécutif du PAM selon laquelle l’alimentation ne devrait jamais être utilisée comme une arme de guerre ou un instrument de coercition diplomatique.


Mme ANNE WOODS PATTERSON (États-Unis) s’est déclarée inquiète par la situation au Zimbabwe avant d’appeler le Gouvernement de ce pays à engager un dialogue avec l’opposition et la société civile pour sortir de l’impasse et mettre fin au déclin de l’économie.  Elle a dit la disposition de son Gouvernement à octroyer une aide alimentaire au pays comme il l’a fait entre 2002 et 2004.  Elle a rappelé que les Etats-Unis avaient déjà fourni 1,4 milliard de dollars à l’aide humanitaire en Afrique.  Prochainement, a-t-elle annoncé, une somme supplémentaire de 674 millions de dollars doit être débloquée.  Elle a appelé la communauté internationale à continuer d’affiner des outils suffisamment souples pour traiter des causes spécifiques de l’insécurité alimentaire dans chaque situation particulière.  Ces outils, conjugués à l’engagement des gouvernements récipiendaires en faveur de la bonne gouvernance et de politiques économiquement saines, permettraient à la communauté internationale de renforcer l’efficacité de son assistance.  Les Africains eux-mêmes doivent assumer la responsabilité du bien-être de leurs citoyens mais sans une assistance humanitaire, le chemin du développement serait compromis pour nombre de ces pays, a estimé la représentante.


M. TUVAKO NATHANIEL MANONGI(République-Unie de Tanzanie) a estimé que les questions de l’insécurité alimentaire et de la mauvaise gouvernance doivent se résoudre par l’assistance technique et le dialogue.  L’Afrique a un énorme potentiel.  Elle a de nombreuses terres arables et elle est riche en ressources naturelles.  Mais, a-t-il mis en garde, la crise alimentaire montre à quel point elle est vulnérable.  Parmi les problèmes, il a cité les déséquilibres systémiques entre les exportations et l’agriculture.  Reconnaissant, à son tour, l’impact du VIH/sida sur les perspectives économiques, le représentant est ensuite venu au lien entre mauvaise gouvernance et pauvreté.  Personne, a-t-il dit, n’est à l’abri de la critique.  Il faut promouvoir ensemble les intérêts de toutes les populations du monde.  On a beaucoup pleuré sur le sort de l’Afrique et il ne s’est agi trop souvent que de larmes de crocodile, a estimé la représentant en arguant que les archives de l’ONU regorgent de bonnes intentions.  Nous parlons beaucoup mieux que nous n’agissons, a-t-il dit avant d’espérer que le Sommet de septembre marquera un véritable tournant.  Concernant le Zimbabwe, il a dit partager les préoccupations face au sort des personnes délogées.  Il a néanmoins demandé au Conseil de réserver sa position tant que les choses ne seront pas éclaircies.  Il s’est dit en attente du rapport de l’Envoyée spéciale du Secrétaire générale sur sa visite dans le pays.


M. MICHEL DUCLOS (France) a demandé au Directeur exécutif son avis sur la création de couloirs de sécurité pour l’action humanitaire qu’a proposée le Coordonnateur des secours d’urgence.  Il a aussi voulu en savoir davantage sur l’initiative que voudrait lancer le PAM pour lutter contre la faim chez les enfants.  Quelles sont les attentes à l’égard de la communauté internationale? a-t-il demandé.  Quels seraient les liens avec l’UNICEF et les activités de la Banque mondiale, a-t-il aussi demandé avant d’évoquer la situation au Zimbabwe et de formuler le voeu que les efforts de la communauté internationale, dont le PAM, mènent à une amélioration  durable du sort des populations de ce pays.


Répondant aux questions et commentaires, M. MORRIS a précisé, s’agissant d’abord du Sud-Soudan, que la question des réfugiés concernait, à part le Darfour, 3,2 millions de personnes qui auraient besoin d’aide dans cette région où s’applique l’Accord de paix.  Le nombre de réfugiés est supérieur au nombre de personnes restées au Sud-Soudan, a poursuivi M. Morris. Dans ces conditions, c’est tout le processus du retour qui est rendu extrêmement difficile et périlleux.  L’insécurité alimentaire et les attaques contre nos personnels compliquent fortement notre tâche humanitaire.  Il faut savoir que 2,5 millions de personnes restées au Darfour dépendent de la  production alimentaire fournie habituellement par ceux-là même qui se retrouvent déplacés ou parqués dans des camps sans possibilités de retour à moyen terme dans leurs foyers.  Nous avons toutefois réduit la malnutrition dans ces camps et la situation des enfants y est aujourd’hui meilleure.  Le Tchad a par ailleurs fait preuve d’hospitalité en accueillant quelque 250 000 réfugiés sur son territoire au Tchad.  Mais les ressources en eau et en nourriture diminuent déjà les concernant.


M. Morris a expliqué que l’action du PAM avait permis, au total, de porter assistance à plus d’un million de personnes, mais que 700 000 n’avaient pas pu bénéficier de l’aide alimentaire en raison de l’insécurité qui empêche les personnels du PAM, et autres organisations, de distribuer eau et nourriture.  Le personnel est de plus en plus réticent à présent à aller dans ces régions dangereuses ou ils risquent leur vie.


M. Morris a ensuite pris comme exemple de bonne gouvernance la gestion commune de l’effort humanitaire en Afrique australe.  En Afrique du Sud, a-t-il dit, l’UNICEF, le PNUD, la FAO, le PAM et désormais le programme ONUSIDA, travaillent en une seule équipe, ce qui démontre, sur le terrain, que la réforme des Nations Unies est possible et efficace.  Les équipes de pays devraient s’inspirer de cette coopération à l’échelle sous-régionale, a-t-il préconisé.


Poursuivant le Directeur exécutif a indiqué qu’en plus du 1,2 million de tonnes requises, le Gouvernement du Zimbabwe entend acheter 600 000 tonnes supplémentaires pour constituer des réserves.  Il se refuse à demander l’aide de la communauté internationale tout en arguant que si elle veut tout de même la fournir, elle serait la bienvenue.  Si le Gouvernement obtient les produits alimentaires qu’il entend acheter, la situation devrait être maîtrisée, a-t-il dit tout en regrettant cette indifférence par rapport à l’aide internationale.  Le simple fait que le Conseil de sécurité se penche sur la question de la faim est extrêmement important car il s’agit d’un des organes les plus importants du monde, a-t-il poursuivi.  L’accès humanitaire est une donnée essentielle et le PAM n’accepte aucun compromis. 


Concernant la dimension sécuritaire, le dispositif a pratiquement triplé avec les incidences budgétaires que l’on sait.  S’agissant des enfants, il a estimé qu’un effort concerté de la communauté internationale dirigé par le PAM, l’UNICEF et la Banque mondiale pourrait donner des résultats déterminants.  Quatre-vingt-sept millions d’enfants et leurs mères ont besoin d’aide en Afrique.  Les sommes nécessaires sont les mêmes que celles qui ont été utilisées pour nourrir la Belgique après la Deuxième Guerre mondiale ou pour construire Eurodisney, a-t-il affirmé.  Il a dit garder l’esprit que le PAM parviendra à mettre en place ce partenariat extraordinaire.  Répondant à la question des investissements dans les infrastructures agricoles, le Directeur exécutif a jugé la question essentielle.  Le PAM a des projets en la matière mais manque toujours de fonds pour se lancer dans de grands travaux. 


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