2004: LE CONSEIL DE SÉCURITÉ PRÉPARE LES ÉTAPES DÉCISIVES DE LA COURSE À LA PAIX ENGAGÉE DANS BON NOMBRE DE POINTS CHAUDS DU GLOBE
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Aperçu des travaux
du Conseil de sécurité
2004: LE CONSEIL DE SÉCURITÉ PRÉPARE LES ÉTAPES DÉCISIVES DE LA COURSE À LA PAIX ENGAGÉE DANS BON NOMBRE DE POINTS CHAUDS DU GLOBE
Le tsunami, ses 200 000 morts et ses 5 millions de personnes démunies ont jeté à la face du monde la vulnérabilité de l’être humain. Les 2 millions de Soudanais qui ont payé de leur vie les conséquences d’un conflit de 20 ans ou les 1 000 morts enregistrées chaque jour en République démocratique du Congo (RDC) témoignent néanmoins du fait que l’homme est d’abord vulnérable à l’indifférence de ceux de ses congénères qui ont choisi de faire parler les armes.
L’année 2004 aura été pour le Conseil de sécurité, celle où, conformément à son mandat de maintien de la paix et de la sécurité internationales, il a multiplié les efforts pour assurer le bon déroulement des étapes décisives de la course à la paix engagée dans bon nombre de points chauds du globe. Dans le cadre de 189 séances publiques, le Conseil a adopté 59 résolutions et publié 48 déclarations présidentielles, concernant principalement le Moyen-Orient, la République démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire, le Darfour, l’Iraq, l’Afghanistan ou encore le Kosovo (Serbie-et-Monténégro).
En autorisant le déploiement de missions au Burundi, en Haïti, en Côte d’Ivoire et une équipe pour préparer une large opérationau Soudan, le Conseil a porté à 17 le nombre des opérations de l’ONU dans le monde, totalisant 76 297 personnels militaire et civil. Multidimensionnelles, ces missions comprennent désormais des tâches liées non seulement au maintien de la paix mais aussi à la consolidation de la paix dont le désarmement des anciens combattants, les efforts de reconstruction, et le rétablissement de l’état de droit et visant à une sortie de crise durable. Le Conseil a d’ailleurs multiplié cette année ses consultations avec les pays contributeurs de troupes à la fois pour s’assurer les contingents nécessaires pour la mise en œuvre des opérations et pour réfléchir sur les « sorties de crise » lorsque les objectifs ont été atteints.
Concernant le Moyen-Orient, la décision du Premier Ministre israélien de retirer de Gaza l’armée et les colonies de peuplement tout comme la manière dont les responsables palestiniens ont assuré l’après-Arafat, sont venus apporter un regain d’optimisme quant à un règlement pacifique du conflit. Le Conseil a continué à suivre le processus de transition politique en Iraq ou la situation volatile n’a pas empêché la mise sur pied d’un Gouvernement provisoire et celle d’une Commission électorale indépendante en prévision des élections du 30 janvier. Un an après sa création, la Mission des Nations Unies en Iraq continue de remplir, certes dans des conditions difficiles, son mandat. L’Afghanistan a, pour sa part, confirmé à sa tête Ahmed Karzaï, après des élections saluées comme historiques. Objet de l’intention continue du Conseil avec 27 résolutions sur 59, l’Afrique a été secouée davantage par le conflit au Darfour qui fait l’objet d’une enquête pour déterminer s’il y a eu ou non génocide.
Après les attentats terroristes de Madrid, de Tchétchénie, de Moscou et de Beslan, le Conseil n’a eu de cesse de renforcer son arsenal antiterroriste, se dotant entre autres, d’un nouvel organe subsidiaire, avec la création d’un Comité pour suivre les mesures prises par les États pour empêcher le trafic d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques ou de leurs vecteurs.
QUESTION DE PALESTINE
Conflit Moyen-Orient: possibilités de changements positifs après une année de violence
Le Moyen-Orient a connu un niveau de violence plus bas en fin d’année dans un contexte marqué par l’annonce du retrait des militaires israéliens et des colonies de peuplement de la bande de Gaza, ou ils contrôlent environ 40% du territoire, le décès de Yasser Arafat le 11 novembre dernier, et l’organisation d’élections en janvier 2005 pour pourvoir le poste de Président de l’Autorité palestinienne. Durant tout le courant de 2004, la situation ait été marquée par le regain de la violence et l’effondrement de l’économie palestinienne. Les exposés mensuels présentés aux membres du Conseil par de hauts responsables des Nations Unies présentaient alors une situation « tragique, les parties étant loin d’avoir honoré leurs engagements préliminaires au titre de la Feuille de route ».
Annoncé en février par le Premier Ministre israélien, Ariel Sharon, le plan de retrait de la bande de Gaza avait été salué par le Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, Terje Roed-Larsen. Celui-ci avait cependant souligné le 18 février au Conseil que ce retrait devait « constituer un premier pas et s’effectuer dans le contexte de la Feuille de route ». Pour que ce retrait marque une nouvelle ère de paix, de sécurité et la fin de décennies de violence avait ajouté Roed-Larsen le 23 avril dernier, il doit dans un premier temps se traduire par la fin de l’occupation de Gaza. Il doit être plein et entier et déboucher sur la consolidation du contrôle palestinien sur son territoire et ses frontières internationales. Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, Kieran Prendergast, avait quant à lui précisé le 21 mai 2004, que le retrait de Gaza devait « s’accompagner de mesures similaires en Cisjordanie ».
En mars et avril, l’assassinat, le 22 mars, par Israël, de cheikh Yassine, chef spirituel dirigeant du Hamas, à la suite de l’attentat suicide dans le port israélien de Ashdod, puis d’Abdel Al-Rantissi, dirigeant politique du Hamas, ont fait craindre une nouvelle flambée de violence. Présenté par l’Algérie et la Libye le 25 mars, un projet de résolution condamnant l’exécution de cheikh Yassine a été rejeté à la suite du veto des États-Unis. Le représentant américain, John Negroponte, avait regretté que le texte passe sous silence « les atrocités terroristes commises par le Hamas. Ce texte ne reflète pas les réalités du conflit au Moyen-Orient et ne servira pas les objectifs de paix et de sécurité dans la région », avait-il ajouté.
De même, les États-Unis n’avaient pas adhéré à une autre résolution présentée le 19 mai par l’Algérie et le Yémen et s’étaient abstenus sur le texte qui, notamment, demandait à Israël de ne pas se livrer aux destructions d’habitations. Bien que nous soyons à l’évidence préoccupés par les opérations israéliennes à Gaza, particulièrement par la destruction des maisons de Palestiniens innocents et les morts parmi les civils, nous ne pensons pas que le texte soumis replace suffisamment les récents évènements de Gaza dans leur contexte. Il est clair que des terroristes palestiniens ont fait pénétrer clandestinement des armes à Gaza ». La résolution 1544 avait été adoptée par 14 voix pour et une abstention.
L’impasse s’est maintenue tout au long de l’année. En août, Kieran Prendergast déclarait qu’« aucun progrès tangible n’avait été accompli vers la relance du processus de paix ». De son côté, le Secrétaire général avait affirmé qu’aucune des parties n’avait pris de mesures appropriées pour protéger les civils, toutes deux manquant à leurs obligations au titre du droit international.
Le 5 octobre, les États-Unis avaient opposé leur veto à un autre projet de résolution présenté à la suite d’un long débat ayant associé plus d’une quarantaine d’orateurs. Ce texte condamnait l’incursion militaire et les attaques d’envergure menées par les forces d’occupation israéliennes dans le nord de la bande de Gaza, y compris dans le camp de réfugiés de Jabaliya et exigeait la cessation de toute opération israélienne de cette zone.
Le décès de Yasser Arafat le 11 novembre, a marqué « la fin d’une époque », a souligné quelques jours plus tard Terje Roed-Larsen devant le Conseil. Le Coordonnateur spécial pour le processus de paix, estimait alors que la situation renfermait un potentiel permettant d’envisager un changement net de la réalité sur le terrain. Les dirigeants palestiniens avaient selon lui bien réagi en engageant avec fermeté les premières étapes d’une transition sans heurt tandis que la coordination entre le Gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne lors des funérailles de Arafat avait été importante.
Au mois de décembre, de nouvelles chances de paix ont vu le jour. Pour Kieran Prendergast, « la direction palestinienne avait continué de superviser la transition de manière digne d’éloge et beaucoup ont été fait pour que l’élection présidentielle fixée au 9 janvier 2005 soit libre et régulière ». Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques relevait qu’une « majorité de Juifs israéliens, soit 75%, étaient favorables à la reprise des négociations ».
Liban
Le mandat de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) a été renouvelé à deux reprises le 30 janvier puis le 29 juillet, chaque fois pour une période de six mois. La FINUL avait été déployée en 1978 pour confirmer le retrait des troupes israéliennes du sud du Liban, et aider le Gouvernement libanais à rétablir son autorité sur tout son territoire. Dans son dernier rapport couvrant la période allant du 21 janvier au 21 juillet, le Secrétaire général faisait état de nombreux affrontements armés de part et d’autre de la Ligne bleue.
Dans une résolution adoptée le 19 octobre, le Conseil avait par ailleurs noté avec préoccupation qu’il n’avait pas été satisfait aux exigences énoncées dans la résolution 1559, adoptée le 2 septembre 2004. Celle-ci, présentée à l’initiative des États-Unis et de la France, demandait instamment le retrait de toutes les forces étrangères encore au Liban ainsi que la dissolution et le désarmement de toutes les milices libanaises et non libanaise. À l’approche de l’élection présidentielle au Liban, le Conseil se déclarait favorable à un processus libre, en dehors de toute interférence ou influence étrangère. Le représentant de Beyrouth avait critiqué ce texte qui, selon lui, faisait « un amalgame entre deux questions », s’agissant, pour la première, « des relations qui unissent le Liban et la Syrie et qui correspondent aux intérêts libanais », et, pour la deuxième, d’un sujet « purement interne qui a trait au processus des élections présidentielles ».
Israël/Syrie
La situation dans le secteur Israël/Syrie est restée calme même si d’une manière générale la situation au Moyen-Orient reste tendue, déclarait le secrétaire général dans son dernier rapport en date du 15 décembre dernier. Sur la base de ce rapport, le Conseil a alors décidé de proroger pour une période de six mois, soit jusqu’au 30 juin 2005, le mandat de la FNUOD, la Force des Nations Unies chargée d’observer le dégagement entre militaires israéliens et syriens dans les Hauteurs du Golan.
Iraq: Conseil et appui au Gouvernement intérimaire
Les Nations Unies ont continué d’apporter conseil et appui aux Iraquiens sur la voie du développement politique du pays, conseil et appui fournis particulièrement à la Commission électorale indépendante chargée d’organiser, dans un délai très court et dans des conditions très difficiles, l’élection, le 31 janvier 2005, d’une assemblée nationale de transition qui sera chargée d’élaborer une constitution permanente pour l’Iraq. Ce rôle de soutien au scrutin avait été dévolu par le Conseil de sécurité à la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq dans une résolution adoptée à l’unanimité le 8 juin. Par la résolution 1546, il avait approuvé la formation du Gouvernement intérimaire de l’Iraq présenté le 1er juin et qui avait été grandement facilitée par le Conseiller spécial du Secrétaire général, Lakhdar Brahimi. Le Conseil avait aussi renouvelé, conformément au souhait exprimé par le Gouvernement iraquien, son autorisation à la force multinationale, habilitant celle-ci « à prendre toutes les mesures nécessaires pour contribuer au maintien de la sécurité et de la stabilité dans le pays »
Le Secrétaire général avait alors affirmé au Conseil que « l’ONU était prête à faire tout son possible en vue d’appuyer un processus dirigé et contrôlé par les Iraquiens » qui, selon lui, « avaient les capacités humaines et les ressources naturelles nécessaires pour reconstruire leur pays ». Il avait averti que « la sécurité resterait le principal obstacle » et que l’amélioration dans ce domaine était « une condition préalable essentielle pour le succès de l’action de l’ONU en Iraq ». La résolution 1546 « prenait note de l’intention des États-Unis de créer une entité distincte » pour assurer la sécurité de la présence onusienne et demandait aux États Membres de contribuer à son financement.
Le 12 juillet, le Secrétaire général nomme Ashraf Jehangir Qazi, Représentant spécial et Chef de la MANUI. Celui-ci arrive à Bagdad le 13 août, à la veille de la tenue de la Conférence nationale alors que la veille, le Conseil de sécurité, à l’unanimité, avait prorogé le mandat de la Mission pour un an, se déclarant prêt à en réexaminer le mandat si le Gouvernement iraquien en faisait la demande. Face aux graves risques de sécurité, le personnel international de la MANUI, de même que celui de tout le système des Nations Unies avait été transféré en dehors du pays à la fin de 2003 et devait continuer à mener une grande partie des opérations à partir d’Amman (Jordanie) et du Koweït, seule une petite unité -35 membres- ayant été installée en août dans la « zone verte » à Bagdad. Exposant pour la première fois la situation devant le Conseil, le 14 septembre, Ashraf Jehangir Qazi attire l’attention du Conseil, sur « les graves divergences de la société iraquienne » et sur le fait que « le climat de terreur reste inchangé ». Il insiste sur la nécessité du déploiement de l’entité distincte de la force multinationale que le Conseil a chargée d’assurer la sécurité de la présence onusienne.
« Nous attendons avec impatience que l’ONU intensifie ses activités en Iraq, surtout dans les domaines favorisant le processus démocratique » déclare à cette même réunion John Danforth, le Représentant permanent des États-Unis, au nom de la force multinationale. Il exhorte « fortement les États Membres à contribuer à l’avenir de l’Iraq en fournissant une aide financière et des soldats pour assurer la sécurité de l’ONU dans le pays ». Pour sa part, le représentant de l’Iraq « supplie l’ONU, en tant qu’organe, d’intervenir en Iraq » et d’augmenter ses équipes. Il avertit le Conseil « que les terroristes sont déterminés à bloquer à tout prix cette assistance vitale » et déplore que « dans une certaine mesure, ils y soient déjà parvenus ».
Le 30 novembre, sur proposition des Pays-Bas, le Conseil de sécurité approuve la création d’un fonds d’affectation spéciale pour financer l’entité qui sera chargé de la protection du personnel des Nations Unies en Iraq. Le plafond pour le déploiement du personnel des Nations Unies est relevé à 250, visant essentiellement à soutenir le processus électoral et, de ce fait limité à la zone internationale. Dans son dernier rapport de l’année sur la question, le Secrétaire général explique que son Représentant spécial « continuera à rechercher activement sur un terrain d’entente entre ceux qui ont choisi de participer au processus politique et ceux qui demeurent en dehors ». Il souligne que « des élections dignes de foi et sans exclusive offriront la table rase sur laquelle un chapitre nouveau de l’histoire de l’Iraq pourra être écrit ».
Programme pétrole contre nourriture
À la suite de rapports dans la presse mettant en cause l’administration et la gestion du programme « pétrole contre nourriture », y compris des allégations de fraude et de corruption, le Conseil a accueilli avec satisfaction la nomination d’une commission d’enquête. Dans la résolution 1538 qu’il a adoptée à l’unanimité le 21 avril, le Conseil a également demandé à l’Autorité provisoire de la Coalition en Iraq et à tous les États Membres de coopérer pleinement et par tous les moyens appropriés à l’enquête. Le programme pétrole contre nourriture avait été mis en place en 1995 pour faire face à la crise humanitaire qui a suivi les sanctions imposées à l’Iraq à la suite de son invasion du Koweït en 1990. Le Programme pris fin le 21 novembre 2003.
Soudan
Succès d’un pan du processus de paix au Soudan
Le processus de paix soudanais, entamé en 1994 sous les auspices de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), vient de connaître une issue heureuse grâce à la signature, le 31 décembre 2004, des deux derniers des huit Protocoles qui doivent faire partie du futur accord de paix global, à savoir les Protocoles sur les modalités d’application dudit accord et sur un cessez-le-feu permanent entre le Gouvernement soudanais et le Mouvement/Armée de libération du peuple soudanais (SPLM/A) de Johan Garang. Cet évènement, qui met fin à 20 ans d’une guerre meurtrière entre le nord et le sud du Soudan, comme en témoignent ses 2 millions de morts et ses 4 millions de réfugiés et de personnes déplacées, représente un succès pour un des pans du processus de paix au Soudan; l’autre étant relatif à la région du Darfour. L’Accord de paix global sera signé, le 9 janvier, à Nairobi.
Le processus de paix entre le nord et le sud, dit Processus de Navaisha, avait donné lieu à un premier succès avec la signature du Protocole de Machakos, le 22 juillet 2002, qui offrait au sud une autonomie de six ans à l’issue de laquelle il devra se prononcer sur son maintien dans le pays lors d’un référendum d’autodétermination. Après la signature des Protocoles sur les arrangements en matière de sécurité, intervenue le 24 septembre 2003 et sur le partage des revenus pétroliers du 6 janvier 2004, les parties avaient encore à régler les questions liées à la composition et à la nature du gouvernement de transition ainsi qu’à l’avenir des trois régions disputées du centre. Ces questions trouveront une solution, le 24 mai 2004.
Au cours de l’année 2004, ce pan du processus de paix soudanais est quelque peu éclipsé par les tensions croissantes dans la région du Darfour. Depuis février 2003, la situation ne cesse de se dégrader dans cette partie occidentale du Soudan. C’est à cette date que le Mouvement de libération du Soudan/Armée de libération du Soudan (SLA/M) lance sa première attaque sur la ville de Gulu avec pour revendication principale le développement socioéconomique de la région et la fin des activités des milices tribales. Les forces gouvernementales répondent par des offensives et vers la fin 2003, le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM) se joint à la SLA/M dans la lutte armée. À la suite de l’accord de cessez-le-feu de septembre 2003, les combats cessent entre le Gouvernement et la SLA/M mais des milices composées d’un ensemble mouvant de combattants, connues sous le nom de « Janjaouites », soutenues, selon toute vraisemblance par le Gouvernement soudanais, se mettent, à viser délibérément des groupes considérés comme sympathisants de la SLA/M et du JEM.
Un million de personnes déplacées et 200 000 réfugiés, tel est le bilan de ces attaques meurtrières contre des civils. Le 8 avril, sous les auspices du Président du Tchad dont le pays accueille la majeure partie des réfugiés, et du Président de l’Union africaine, un accord de cessez-le-feu humanitaire est signé à N’djamena ainsi qu’un Protocole sur la mise en place de l’aide humanitaire. L’accord de cessez-le-feu prévoit la cessation des hostilités pour une période de 45 jours renouvelables, la création d’une Commission mixte et d’une Commission pour le cessez-le-feu à laquelle participerait la communauté internationale dont l’Union africaine ainsi que l’adoption de mesures visant à faciliter la distribution de l’aide humanitaire. Aux termes de l’accord, les parties s’engagent aussi à se réunir à une date ultérieure en vue d’un règlement global et définitif des problèmes de la région.
Ces bonnes dispositions se révèlent vaines. Le 25 mai, le Conseil se réunit et dans une déclaration présidentielle, constate la poursuite de violations massives des droits de l’homme et du droit international humanitaire ainsi que les obstacles posés à l’accès du personnel humanitaire. Le Conseil constate aussi qu’en dépit des engagements pris par le Gouvernement soudanais, les milices armées janjaouites ne sont toujours pas désarmées. Il demande au Secrétaire général de déterminer les meilleurs moyens pour l’ONU de faciliter l’application d’un accord global de paix au Soudan.
Le 28 mai, le Gouvernement soudanais, le SLA/M et le JEM signent un Accord sur les modalités de mise en place de la Commission de cessez-le-feu prévue par l’Accord du 8 avril, et de déploiement des observateurs militaires de l’Union africaine dans le Darfour. La Commission est créée le 2 juin et le déploiement des observateurs. Le 3 juin, c’est au tour du Secrétaire général de signer un communiqué conjoint avec le Gouvernement soudanais dans lequel celui-ci s’engage sur les plans humanitaires, des droits de l’homme, de la sécurité et du règlement politique du conflit au Darfour. La décision est prise de mettre sur pied un mécanisme conjoint d’application des accords contenus dans le Communiqué.
Le 11 juin, le Conseil approuve la proposition du Secrétaire général de mettre en place, pour une période initiale de trois mois, une équipe préparatoire en tant que mission politique spéciale qui serait également chargée de la surveillance internationale des arrangements en matière de sécurité. Par cette résolution 1547, le Conseil interroge le Secrétaire général sur la taille, la structure et le mandat que devrait prendre une opération de soutien à la paix des Nations Unies après la signature d’un accord de paix global.
Dans son rapport S/2004/453, le Secrétaire général lance un avertissement clair. Le succès du rôle que l’ONU pourrait être appelée à jouer au Soudan dépend d’un accord véritable au Darfour: mener une opération de contrôle et de vérification dans une partie du pays alors que les conflits se poursuivent dans une autre se révélerait politiquement intenable. Partageant les inquiétudes du Secrétaire général, la Conférence de l’Union africaine décide, le 8 juillet, du déploiement d’une Force de protection.
Également alerté, le Conseil adopte, le 30 juillet, la résolution 1556 portant imposition d’un embargo sur les armes contre tous individus et entités non gouvernementales y compris les Janjaouites opérant dans la région du Darfour. Les sanctions seront levées, précise-t-il, lorsque le Gouvernement soudanais aura honoré l’engagement qu’il a pris de désarmer les milices janjaouites et d’arrêter et de traduire en justice leurs chefs et leurs complices. En cas de non respect de cet engagement, le Conseil envisage d’autres actions.
« Le Gouvernement soudanais n’a pas été à même de mettre fin aux attaques des milices contre les civils ni de les désarmer ». La sentence tombe, le 2 septembre, de la bouche du Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan qui, nommé un mois plus tôt, revient d’une mission au Darfour. Le Conseil réagit. Il adopte, par 11 voix pour et 4 abstentions, la résolution 1564 dans laquelle il menace de prendre des mesures, telles que celles contenues dans l’Article 41 de la Charte de l’ONU, à l’encontre notamment du secteur pétrolier, du Gouvernement du Soudan ou de certains de ses membres. Dans cette résolution, le Conseil charge aussi le Secrétaire général de créer une commission internationale pour déterminer si des actes de génocide ont eu lieu et pour en identifier les auteurs.
Pendant ce temps, les parties au conflit sont réunies à Abuja dans ce qui s’appelle depuis lors le Processus d’Abuja. Les progrès des pourparlers, qui s’achèvent le 17 septembre, sont explicités au Conseil par le Président de l’Union africaine et Président du Nigéria qui refusera d’utiliser le mot « échec » pour caractériser l’issue des négociations sur les questions de sécurité. Le Président de l’Union africaine explique que « l’un des mouvements rebelles a simplement souhaité plus de temps pour étudier les propositions qui ont été mises sur la table ». Le Président nigérian est surtout là pour demander un appui technique, logistique et financier à l’élargissement de la mission africaine au Darfour. Il est essentiel, plaide alors le Président de l’Union africaine, que la communauté internationale appuie les efforts visant à déployer les 3 000 à 5 000 hommes nécessaires.
Cet appel est relayé quelques jours plus tard par le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan. « Peu de progrès ont été réalisés pour mettre fin à l’impunité », commente-t-il lors de son retour devant le Conseil, le 5 octobre. Il propose, en conséquence, une stratégie « globale, unifiée et ciblée » qu’il définit en sept points. Il cite, outre le soutien aux activités de l’Union africaine, l’adoption d’une approche axée sur les questions humanitaires, de sécurité et sur les causes profondes des conflits; la création de conditions favorable à une passage sans heurt des secours à la reconstruction; l’augmentation de l’assistance financière; la recherche d’une solution globale aux conflits; l’exercice d’une pression sur les dirigeants soudanais; et le rétablissement de la confiance parmi les belligérants.
Le 9 novembre, le Protocole sur la sécurité, promis par le Président de l’Union africaine lors de son passage au Conseil de sécurité, est signé. Il s’agit maintenant d’accélérer les choses. Le Conseil prend la décision « historique » de se réunir en dehors du Siège de l’ONU. Le 18 novembre, il invite les protagonistes des conflits soudanais à Nairobi pour prendre part à une réunion « exceptionnelle », et selon les mots de John Garang, le chef du SPLA/M, « offrir au Soudan, à l’Afrique et au monde, un cadeau de Noël et de fin d’année, en signant bientôt un accord de paix global ». Ce n’est pas Noël c’est l’étrenne avec la signature, le 31 décembre, des deux derniers protocoles de l’accord de paix global.
Mais avant cela, le 19 novembre, le Conseil adopte la résolution 1574 pour se féliciter de la signature par le Gouvernement du Soudan et le Mouvement pour la libération du peuple soudanais (SPLM/A), de la « Déclaration sur la conclusion des négociations de l’IGAD pour la paix au Soudan » et de l’accord selon lequel les six protocoles mentionnés dans la Déclaration de Nairobi, du 5 juin, constituent l’essentiel du futur accord de paix global. Le Conseil en profite pour proroger jusqu’au 10 mars 2005, le mandat de la Mission préparatoire des Nations Unies au Soudan (UNAMIS).
Au Darfour, en revanche, les choses ne s’améliorent pas. Malgré la signature des Protocoles sur les questions humanitaires et en matière de sécurité, le mois de novembre est marqué par la violence. C’est ce que confie, le 7 décembre, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques venu faire le point de la situation avec le Conseil. Il dénonce les multiples violations de l’Accord de cessez-le-feu, l’inaction du Gouvernement soudanais dans le désarmement des milices et l’absence d’actions en justice contre les dirigeants janjaouites. Le Secrétaire général adjoint souligne la nécessité de renforcer encore la Mission de l’Union africaine en prévenant déjà qu’il faudra 620 millions de dollars pour répondre aux besoins humanitaires du Darfour, sur la somme de 1,5 milliard qui sera nécessaire, en 2005, pour l’ensemble du pays.
Haïti: Retour des Nations Unies
La Mission de stabilisation des Nations Unies en Haïti (MINUSTAH) signe le retour de l’Organisation dans un pays qui de, 1993 à 2001, avait accueilli pas moins de quatre missions. L’opération de stabilisation lancée par le Conseil de sécurité s’est imposée à la suite des tensions qui s’intensifient, vers la fin de 2003, entre la Fanmi Lavalas du Président Aristide et le nouveau mouvement d’opposition comprenant les autres partis politiques, les acteurs de la société civile ainsi que le secteur privé. Dès son élection contestée en 2000, le Président Aristide n’a cessé de faire face à une opposition de plus en plus déterminée.
C’est la raison pour laquelle, en janvier 2004, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) offre sa médiation et présente un Plan d’action préliminaire suivi d’un Plan d’application élaboré par le Groupe des six regroupant les Bahamas pour la CARICOM, le Canada, l’Union européenne, la France, l’Organisation des États américaines (OEA) et les États-Unis. Les Plans, qui prévoient des réformes profondes et permettent au Président Aristide de terminer un mandat qui va jusqu’au 7 février 2006, sont rejetés par l’opposition. Leur position durcit. Le 5 février, un conflit armé se répand à partir de la ville des Gonaïves. La CARICOM en saisit le Conseil et le 26 février, un débat se tient au cours duquel, parmi 31 intervenants, le Président de la Communauté des Caraïbes et Ministre des affaires étrangères de la Jamaïque demande une intervention « directe et immédiate » des Nations Unies sous la forme d’une force multinationale. Le Ministre jamaïcain profite de l’occasion pour rappeler les trois principes des Plans préliminaire et d’application: le strict respect de la démocratie, le rejet du coup d’État et la conformité de tout changement avec la Constitution.
Dans la Déclaration présidentielle qu’il publie à la fin du débat, le Conseil « craint que l’absence d’un règlement politique n’entraîne de nouvelles effusions de sang ». À l’appui d’un tel règlement, il s’engage à étudier d’urgence les différentes options dont l’envoi d’une force internationale. Le Président Aristide est acculé au départ. C’est chose faite le 29 février et, prenant note le même soir de la « démission » du chef de l’État, le Conseil adopte la résolution 1529 autorisant le déploiement immédiat d’une force multinationale intérimaire pour une période de trois mois au maximum chargée, à l’invitation de Boniface Alexandre, Président de la Cour Suprême et Président intérimaire d’Haïti, de faciliter l’instauration de conditions de sécurité et de stabilité dans le pays. Sous commandement américain et organisée conjointement avec le Canada et la France, la Force comprendra aussi des contingents chiliens. Elle trouve une situation grave. Après une insurrection qui a fait plus de 70 morts et des centaines de blessés, le pays, en particulier, la capitale, est le théâtre de scènes de chaos imputables aux milices armées et aux pilleurs.
Dans la même résolution, le Conseil se déclare prêt, à l’issue des trois mois, à créer une force de stabilisation des Nations Unies. Le 17 mars, un gouvernement de 13 membres est formé en Haïti et fait signer aux membres du Conseil des sages –groupe d’éminentes personnalités-, aux représentants des groupes politiques et aux organisations de la société civile, un « Consensus de transition politique » dit Pacte qui prévoit des élections législatives et présidentielles prévues désormais pour le dernier trimestre 2005. Le Pacte est dénoncé par la Fanmi Lavalas, le parti de l’ex-Président Aristide. Comme prévu, trois mois plus tard, le Conseil adopte la résolution 1542 portant création de la Mission de stabilisation des Nations Unies en Haïti (MINUSTAH), forte de 1 622 membres de la police civile et de 6 700 militaires. La passation des pouvoirs de la Force multinationale à la Mission, établie pour une durée initiale de six mois, est prévue le 1er juin.
Si la situation d’ensemble continue de s’améliorer, les groupes armés irréguliers défient toujours l’autorité du Gouvernement de transition. C’est en ces termes que le Secrétaire général informe le Conseil, dans son rapport S/2004/698, de l’évolution des choses sur le terrain, deux mois après le déploiement de la MINUSTAH. Dans la Déclaration présidentielle qu’il publie le 10 septembre, le Conseil demande au Gouvernement de transition d’achever sans tarder, avec l’aide de la Mission, la mise en place des structures nécessaires et du cadre juridique requis pour la mise en œuvre d’un programme national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR).
Trois mois plus tard, soit le 29 novembre, le mandat de la MINUSTAH est prorogé, pour une nouvelle période de six mois, par la résolution 1576. L’intention déclarée du Conseil de renouveler le mandat pour de nouvelles périodes, s’explique par la sonnette d’alarme que tire le Secrétaire général dans son rapport S/2004/908. Kofi Annan, qui demande d’emblée une prorogation jusqu’au 31 mai 2006, signale que la sécurité générale s’est dégradée en Haïti. Des manifestations organisées, le 30 septembre, par des partisans de l’ex-Président Aristide, provoquent la mort de 60 personnes. Le Conseil encourage, en conséquence, le Gouvernement de transition à continuer d’explorer activement tous les moyens possibles d’inclure dans le processus démocratique et électoral ceux qui demeurent à l’heure actuelle en dehors du processus de transition mais ont rejeté la violence. La sécurité revient progressivement en Haïti, se félicite, le 31 décembre, la Mission dans un communiqué dans lequel elle se réjouit aussi du déploiement presque complet de ses effectifs avec 6 009 Casques bleus et 86% des membres de la police civile.
Terrorisme: Renforcement de l’arsenal antiterroriste
Avec les attentats terroristes de Madrid à Moscou, en passant par celui perpétré contre l’Ambassade d’Australie en Indonésie ou la prise d’otages dans une école de Beslan en Fédération de Russie, le Conseil n’a eu de cesse, cette année, de renforcer son arsenal antiterroriste dont les mécanismes sont désormais au nombre de trois.
Le 12 janvier, le Conseil commence par le premier mécanisme d’entre tous, le Comité chargé de la supervision du respect de l’embargo sur les armes, les déplacements à l’étranger et les avoirs financiers imposés par la résolution 1267 du 15 octobre 1999 aux membres d’Al-Qaida, aux Taliban et aux personnes qui leur sont associées. Relevant les problèmes rencontrés par les États pour appliquer ces sanctions, le Conseil décide de renforcer le Comité et lui confie un rôle central dans l’évaluation des renseignements qu’il doit examiner.
Pour lui permettre de tenir ce rôle, le Conseil crée, par la résolution 1526 du 30 janvier, une Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions qui placée, sous la direction du Comité, a pour tâche principale de réunir, évaluer, surveiller l’information concernant l’application des sanctions, en rendre compte et formuler des recommandations à leur sujet. L’Équipe doit aussi effectuer des études de cas, étudier à fond toute autre question pertinente selon les instructions du Comité.
L’Équipe présente son premier rapport*, le 13 septembre, après le rapport trimestriel du Comité, le 25 mai. « Les sanctions du Conseil n’ont pas donné les résultats escomptés », tranche l’Équipe dans ce rapport S/2004/679. Des pistes de solutions y sont proposées qui tournent autour de la nécessité d’adapter les sanctions à l’évolution de la menace terroriste et de celle de garantir la cohésion internationale et d’assurer le respect des droits de l’homme. Plus précisément, l’Équipe prône la clarification de la Liste récapitulative de toutes le personnes et entités associées à Al-Qaida et aux Taliban; l’amélioration de la procédure de radiation des noms; un relevé précis des difficultés rencontrées par les États Membres dans la mise en œuvre des sanctions; la multiplication des missions du Comité dans les États Membres; et une coopération renforcée de ces derniers. La coopération doit aussi être de mise entre les différents comités, demandent la majorité des délégations au cours du débat que le Conseil tient le 17 décembre.
Deuxième mécanisme auquel s’adressent les appels à la coopération, le Comité contre le terrorisme, créé par la résolution 1373, deux jours après les attaques terroristes sur New York, Washington et la Pennsylvanie, fait l’objet d’une réunion du Conseil, le 4 mars, consacrée principalement à sa redynamisation. C’est chose faite, le 26 mars, jour où par la résolution 1535, le Conseil décide que le Comité sera désormais constitué d’une Plénière –composée des États siégeant au Conseil- et d’un Bureau composé du Président et des Vice-Présidents, secondé par une Direction exécutive instituée en mission politique spéciale, sous la direction générale de la Plénière, pour une période initiale se terminant le 31 décembre 2007.
La Déclaration présidentielle du 19 juillet est suivie d’une autre, le 19 octobre dans laquelle le Conseil invite le Comité à continuer d’établir et à commencer à envoyer aux États Membres des évaluations de leurs besoins en matière d’assistance afin qu’elles soient ultérieurement communiquées aux États et aux organismes donateurs intéressés. Le Conseil invite aussi le Comité à entreprendre, en coopération avec les organisations internationales, régionales et sous-régionales pertinentes et avec les organes compétents de l’ONU, la mise au point d’un ensemble de pratiques de référence afin d’aider les États à appliquer les dispositions de la résolution 1373 relatives au financement du terrorisme.
Dernier né des mécanismes antiterroristes, le Comité sur la non-prolifération des armes nucléaires, chimiques et biologiques et de leurs vecteurs, fait l’objet, avant sa création, d’un débat tenu le 22 avril. La majeure partie des délégations reconnaît le danger que pose la prolifération des armes de destruction massive, en particulier depuis le 11 septembre 2001, et la menace imminente de voir des groupes terroristes se doter de telles armes et de leurs vecteurs. Malgré les protestations de certaines délégations comme le Pakistan qui craignent que le Conseil ne tente d’imposer des obligations aux États qui pourraient entraîner des conséquences graves et porter atteinte aux droits à la défense et à la sécurité nationales, la résolution 1540 est adoptée à l’unanimité le 28 avril.
Le Conseil créé ainsi, pour une période initiale de deux ans, un Comité chargé de surveiller la manière dont les États respectent l’interdiction qui leur est faite d’apporter une aide quelconque à des acteurs non étatiques qui tentent de mettre au point, de fabriquer, de se procurer ou d’utiliser les armes de destruction massive. Les États doivent adopter et appliquer une législation appropriée et mettre en place des dispositifs intérieurs de contrôle destinés à empêcher la prolifération de telles armes. Ils doivent aussi élaborer et instituer des mécanismes de contrôle des exportations et adopter des règles et des réglementations visant à garantir la conformité de leurs engagements au titre des principaux traités multilatéraux de non-prolifération.
Huit mois plus tard, le Comité sur la non-prolifération des armes de destruction massive lance la deuxième phase de ses travaux après une première phase qui consistait à se rendre « opérationnel et fonctionnel ». La phase inaugurée, ce 9 décembre, lors d’une réunion du Conseil, consiste à examiner les 86 rapports nationaux dont le Comité est saisi. Là encore, le représentant du Pakistan, suivi par d’autres, relève la difficulté de la tâche du Comité en invoquant l’inexistence de normes internationalement agréées sur les armes de destruction masse. Dans le domaine des vecteurs, ajoute-t-il, les choses sont plus compliquées puisqu’il n’existe ni traité ni convention.
Face à la multiplication des mécanismes antiterroristes auxquels il faut lier le Groupe de travail chargé d’examiner et de recommander des mesures concrètes contre les particuliers, groupes et entités participant ou associés à des activités terroristes autres que Al-Qaida et les Taliban, créé par la résolution 1566 du 8 octobre 2004, nombreuses sont les délégations qui disent attendre avec intérêt la « stratégie globale » que le Secrétaire général compte présenter.
AFRIQUE: LES RECULS DES PROCESSUS DE PAIX
Avec les processus de paix en Côte d’Ivoire, en Guinée-Bissau, au Libéria et en Sierra Leone, l’Afrique de l’Ouest a continué à occuper le devant de la scène au cours de l’année 2004.
Marche résolue vers la paix au Burundi
Comme le dit le Représentant de la France, au cours de cette réunion, la mission a été rassurée par la détermination manifeste de tous ses interlocuteurs burundais à respecter le calendrier électoral qui prévoit la tenue des élections le 24 avril 2005, et à accélérer le règlement des questions en suspens. Parmi ces questions, il cite l’adoption du code électoral et la loi communale préalable à la tenue des élections, les progrès dans les domaines du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion (DDR) et l’adoption du projet de loi sur l’organisation des forces de défense et de sécurité. Présent à cette réunion, le Représentant du Burundi attire l’attention du Conseil sur le FNL d’Agathon Rwasa, seul groupe armé restant en marge du processus de paix.
Le Sommet de l’Initiative régionale de paix ayant déclaré, le 15 octobre, ce mouvement organisation terroriste, le Représentant burundais demande au Conseil d’aller plus loin et de promettre l’assistance requise pour empêcher ce mouvement, allié aux forces négatives présentes en RDC, de torpiller le processus de paix. Le FNL d’Agathon Rwasa revendique d’ailleurs la responsabilité du massacre de Gatumba. Toutefois, comme le dit le Secrétaire général dans sa lettre S/2004/821, tout porte à croire que ce mouvement n’a pas agi seul. Malheureusement, regrette Kofi Annan, le manque de coopération dont font preuve les autorités burundaises ne permettent pas d’établir un rapport définitif. Faisant preuve de bonne foi lors de cette réunion du 8 décembre, le Représentant burundais demande au Conseil de rendre publique le rapport de la mission d’évaluation du Secrétariat de l’ONU sur la faisabilité d’une Commission d’enquête judiciaire internationale au Burundi.
Ce pays dont le processus de paix se fonde sur l’Accord d’Arusha du 28 août 2000, est depuis le 21 mai, l’hôte d’une Opération de l’ONU (ONUB). Par la résolution 1545, le Conseil décide, en effet, de remplacer les 2 600 hommes de la Mission africaine au Burundi (MIAB) par une Opération dont les effectifs maximum sont fixés à 5 650 militaires. L’ONUB est chargée de neuf tâches essentielles à savoir contribuer au bon déroulement du processus électoral, s’assurer du respect des accords de cessez-le-feu, promouvoir le désarmement des forces burundaises et surveiller les mouvements d’armes illégaux à travers les frontières. Chargée également d’apporter conseil et assistance au Gouvernement et aux autorités de la transition dans cinq domaines principaux, l’ONUB, doit, entre autres, contribuer au bon déroulement des réformes institutionnelles, à la constitution des forces intégrées de défense nationale et de sécurité intérieure et à la finalisation de la réforme du système judiciaire et pénitentiaire. Autorisée à exercer son mandat en étroite coopération avec la MONUC, l’Opération est placée sous la direction d’une Représentante spéciale qui exerce la présidence du Comité de suivi de l’application de l’Accord d’Arusha. Le 1er décembre, par la résolution 1577, le Conseil proroge le mandat de l’Opération pour une nouvelle période de six mois.
Dès le 23 janvier, le Conseil de sécurité examine le rapport du Secrétaire général (S/2003/1147) donnant un aperçu des dispositions prises en vue de l’application des recommandations contenues dans la Déclaration présidentielle du 25 juillet 2003 dans laquelle le Conseil insiste sur l’importance d’une approche sous-régionale pour des questions comme celles des armes légères, des mercenaires, des enfants soldats ou encore de l’accès humanitaire. Le rapport du Secrétaire général donne lieu à un débat duquel il ressort que l’adoption de stratégies intégrées et le renforcement des capacités de la Communauté pour le développement économique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), impliquée dans les processus de paix de ces pays, contribueraient à instaurer la paix dans la région.
Fort de ce constat, le Conseil demande un autre rapport au Secrétaire général qu’il examine le 25 mars. Paru sous la cote S/2004/200, le document contient 30 recommandations sur les moyens de combattre les problèmes sous-régionaux et transfrontaliers de la région. Ces recommandations, Kofi Annan les regroupe en 12 grandes catégories à savoir l’amélioration de l’harmonisation au sein du système des Nations Unies; la ratification et l’application des conventions existantes; la collaboration dans la zone de l’Union du fleuve Mano; le renforcement du Secrétariat de la CEDEAO; le renforcement et l’application du Moratoire de la CEDEAO sur les armes légères et de petit calibre; l’appui aux commissions nationales; les programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion; la réforme du secteur de la sécurité; la lutte contre l’extorsion aux barrages routiers à l’intérieur des pays et aux frontières; le renforcement de la participation et de la prise de conscience de la société civile; la dénonciation et l’humiliation; les exportateurs d’armes légères et les sociétés privées de sécurité.
Dans une longue Déclaration présidentielle qui commente chaque point soulevé par le Secrétaire général, le Conseil exprime son intention d’examiner plus avant les recommandations en vue de faciliter les opérations transfrontières et de renforcer la coopération entre les missions des Nations Unies dans la région. Compte tenu des enjeux, le Conseil dépêche une nouvelle mission, qui, conduite par le Représentant permanent du Royaume-Uni, visite sept pays du 20 au 29 juin. Emyr Jones Parry confirme le caractère « fondamental » de l’approche régionale lors du débat tenu le 30 juin. Il voit ses propos faire l’unanimité au cours du débat qui suit le 16 juillet.
Mobilisation régionale en faveur de la Côte d’Ivoire
Si la Côte d’Ivoire est tombée sous le coup d’un embargo sur les armes, elle a néanmoins, échappé à l’entrée en vigueur de toute une panoplie de sanctions prévues par le Conseil de sécurité, en attendant l’évolution du processus de paix consécutive à la mission de facilitation entreprise par le Président sud-africain, Thabo Mbeki, au nom de l’Union africaine.
Depuis la signature, le 24 janvier 2003, de l’Accord de Linas-Marcoussis censé de mettre fin à un conflit datant du 19 septembre 2002, un Gouvernement de réconciliation nationale, dirigé par Seydou Elimane Diarra, est mis en place avec pour programme de s’attaquer aux réformes constitutionnelles, législatives et réglementaires concernant huit domaines dont l’article 35 de la Constitution sur les critères d’éligibilité à la présidence, et ce en prévision des élections prévues pour la fin de l’année 2005. Conformément à la résolution 1464 du 4 février 2003, la protection des civils est confiée à la force française « Opération Licorne » et à la Mission de la CEDEAO (ECOMICI), déployées respectivement le 21 septembre 2002 et le 3 janvier 2003, initialement pour surveiller la zone de confiance ou zone de non-franchissement entre les forces armées nationales et les forces rebelles. Cet arsenal va être complété par la Mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire (MINUCI) qui, créée le 13 mai par la résolution 1479, a, en outre, pour mandat politique de faciliter la mise en œuvre de l’Accord de Linas-Marcoussis.
Au bout de six mois, le 4 février 2004, le mandat de la MINUCI est prorogé jusqu’au 27 février, le temps, s’explique le Conseil dans sa résolution 1527, pour le Secrétaire général de préparer le déploiement d’une opération de maintien de la paix, conformément à la demande faite, le 10 novembre 2003, par le Président ivoirien, Laurent Gbabgo, appuyé en cela par la CEDEAO qui demande la transformation de l’ECOMICI en une telle opération.
Le 27 février, le Conseil, par la résolution 1528, prend note avec satisfaction de la réintégration, le 6 janvier, des Forces nouvelles dans le Gouvernement, de la conclusion de l’accord sur l’exécution du programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) et des pourparlers entre le Président Gbagbo et les Forces nouvelles. Par cette résolution, le Conseil créé une Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) forte de 6 240 militaires et de 350 membres de police civile en sus de l’effectif civil, judiciaire et pénitentiaire approprié. Le déploiement de l’ONUCI, qui hérite de l’autorité de la MINUCI et de l’ECOMICI, est prévu pour le 4 avril pour une période initiale de 12 mois. Présent à cette réunion, le Secrétaire général se félicite de cette décision mais prévient de la présence au sein des différentes parties ivoiriennes « d’éléments durs qui demeurent résolus à entraver le processus de paix ».
Ces « éléments durs » ne tardent pas à faire parler d’eux et le 30 avril, dans une déclaration présidentielle, le Conseil se déclare prêt à considérer des actions à l’encontre des individus dont les activités constitueraient un obstacle à la pleine application de l’Accord de Linas-Marcoussis. Le Conseil réagit à la manière dont les forces de l’ordre ont réprimé, les 25 et 26 mars, des manifestations pacifiques organisées à l’appel de plusieurs partis politiques réclamant l’application de l’Accord de Linas-Marcoussis. Selon le Mouvement ivoirien des droits humaines (MIDH), le bilan est lourd: 200 morts par balles et 400 blessés et disparus. Deux mois plus tard, soit le 25 mai, le Conseil se saisit du rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme et devant la gravité des faits, prie le Secrétaire général d’établir une Commission d’enquête internationale sur l’ensemble des violations des droits de l’homme commises depuis le 19 septembre 2002. À cette occasion, le Conseil réitère sa menace de sanctions.
Le 30 juillet, à l’initiative des Présidents de la CEDEAO et de l’Union africaine, le Président Laurent Gbagbo, le Premier Ministre Seydou Diarra et l’ensemble des forces politiques de Côte d’Ivoire signent à l’issue d’un sommet de deux jours dans la capitale ghanéenne un accord dit « Accra III ». L’engagement renouvelé en faveur des réformes législatives, du processus de DDR, de la dévolution du pouvoir au Premier Ministre et de la reprise des activités du Gouvernement national est accueilli par le Conseil, le 5 août, dans une déclaration présidentielle comme une mesure de consolidation de l’Accord de Linas-Marcoussis. Celui-ci « appelle les parties à s’y conformer ». Les choses se gâtent pourtant. Les Forces nouvelles exigent d’abord, avant le DDR, l’adoption des réformes politiques. C’est l’impasse. Le 6 novembre, en violation de l’Accord de cessez-le-feu du 3 mai 2003, les FANCI mènent des frappes aériennes sur les positions des Forces nouvelles à Bouaké, attaquant aussi les forces françaises dont neuf soldats son tués.
Le Conseil réagit le même jour par une déclaration présidentielle dans laquelle il confirme l’autorisation donnée aux forces françaises de faire usage de tous les moyens nécessaires à la pleine exécution de leur mandat. Il cautionne ainsi le fait que la France ait répliqué par la destruction des moyens aériens des forces ivoiriennes et pris la décision de dépêcher, dès le lendemain, des renforts militaires pour assurer la sécurité des ressortissants français. Conjugué au ressentiment provoqué par l’action militaire de la France, la présence des renforts à Abidjan donne lieu à de violents accrochages dont les conséquences seront plus tard dénoncées par le Représentant permanent de la Côte d’Ivoire comme « une répression par les troupes françaises d’une manifestation pacifique ». Ce 7 décembre, le Représentant ivoirien va même jusqu’à disqualifier la France comme force d’interposition et demander une commission d’enquête internationale « indépendante, crédible et impartiale ».
Pour en revenir à la déclaration présidentielle du 6 novembre, le Conseil y brandit, une nouvelle fois, la menace de sanctions. Il traduit ses paroles en actes le 15 novembre, en déplorant la reprise des hostilités et les violations répétées de l’Accord de cessez-le-feu et en exigeant que les autorités ivoiriennes mettent un terme aux incitations à la haine, à l’intolérance et à la violence, et assurent, de même que les Forces nouvelles, la sécurité des civils, y compris les étrangers et leurs biens.
Par la résolution 1572, le Conseil impose, pour une période de 12 mois, un embargo immédiat sur les armes et, à moins qu’il ne constate que les signataires des Accords de Linas Marcoussis et d’Accra III se sont engagés sur la voie de l’application intégrale du premier accord et se sont conformés à toutes les dispositions du second, décide d’imposer un mois plus tard, soit le 15 décembre, le gel des avoirs financiers et la restriction des déplacements à l’étranger à toute personne menaçant le processus de paix et de réconciliation nationale.
L’Union africaine multiplie alors les initiatives. Elle dépêche le Président sud-africain au chevet des protagonistes. À l’issue de nombreuses consultations, Thabo Mbeki annonce, le 6 décembre, être parvenu à un accord avec tous les belligérants sur des mesures permettant l’accélération de la mise en œuvre des Accords. Il dit son intention de soumettre son plan de sortie de crise à l’approbation du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine qui doit se réunir le 10 janvier à Addis-Abeba. Rendant hommage aux efforts du Facilitateur, le Conseil souligne, dans une déclaration présidentielle du 16 décembre, que le non-respect des engagements pris par toutes les parties ivoiriennes devant le Président sud-africain constituerait une entrave à la mise en œuvre du processus de paix et de réconciliation nationale. Il rappelle, à cet égard, le gel des avoirs financiers et les restrictions aux déplacements à l’étranger prévues par la résolution 1572.
Le 17 décembre, le Parlement ivoirien amende l’article 35 de la Constitution qui permet désormais à toute personne née d’un seul parent ivoirien de briguer la présidence. L’intention déclarée du Président Gbagbo de soumettre ce texte à un référendum populaire alors que la clause exigeant une telle consultation a été retirée suscite les protestations des Forces nouvelles. Elles arguent qu’une consultation populaire ne peut avoir lieu tant qu’ils n’ont pas déposé les armes.
La stabilisation régionale passe par le Libéria
Depuis la destitution, le 12 août 2003, de l’élément déstabilisateur qu’a été le Président Charles Taylor pour la région, le Libéria, épaulé par la Mission de l’ONU (MINUL), créée en vertu de la résolution 1509, poursuit son chemin vers la stabilisation.
Dans le souci d’accélérer ce processus, le Conseil prend, le 12 mars, des mesures pour empêcher que l’ancien Président, les membres de sa famille proche, les hauts fonctionnaires de l’ancien régime et des membres de son entourage n’entravent le rétablissement de la paix et de la stabilité au Libéria et dans la région. Par la résolution 1532, le Conseil impose le gel de leurs fonds, leurs avoirs financiers et autres ressources économiques. Cette dernière sanction vient s’ajouter aux embargos sur les armes, les diamants et le déplacement des individus et groupes armés, décrétés par les ajustements apportés, le 22 décembre 2003, à la résolution 1343 du 7 mars 2001. L’embargo financier s’ajoute aussi aux sanctions sur l’exportation de bois imposé par la résolution 1478 du 6 mai 2003.
Les contraintes budgétaires résultant, en particulier, des embargos sur le commerce des diamants et du bois sont exposées au Conseil, le 3 juin, par Guy Bryant qui, en octobre 2003, en prévision des élections d’octobre 2005, a accédé à la présidence du Gouvernement national de transition, à la faveur de l’Accord de paix global signé, le 18 août, par les protagonistes d’alors, le Gouvernement de Charles Taylor, le LURD –Libériens pour la réconciliation et la démocratie- et le MODEL– Mouvement pour la démocratie au Libéria. Appuyé par le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUL, le Président libérien plaide pour la levée de ces deux types de sanctions en arguant de la mise en place d’un régime de certificats d’origine des diamants bruts conforme au Processus de Kimberley et de la création d’un cadre transparent d’attribution des licences d’exploitation forestière et de contrôle des ressources publiques tirées de cette activité.
Le Conseil confie le soin de vérifier ces informations au Groupe d’experts chargé de suivre l’application des sanctions. Ainsi, le 17 juin, il adopte la résolution 1549 qui reconduit pour une durée supplémentaire de six mois le Groupe d’experts, créé par la résolution 1408 du 6 mai 2002. En attendant, le rapport du Groupe prévu pour fin décembre, le Conseil proroge jusqu’au 19 septembre 2005, le mandat de la MINUL. Dans cette résolution 1567, adoptée le 17 septembre, le Conseil note les progrès accomplis dans la phase de désarmement du programme de désarmement, de démobilisation, de réadaptation et de réinsertion (DDRR) des anciens combattants.
Administration véreuse et poursuites d’activités extractives illégales: le verdict du Groupe d’experts, examiné par le Conseil le 21 décembre, est sans appel. Le Conseil suit les recommandations de son Groupe. Par la résolution 1579, il reconduit pour 12 mois toutes les sanctions imposées au Libéria. S’agissant des diamants, il décide de les réexaminer dans un délai de trois mois après réception des conclusions des représentants du Processus de Kimberley et du rapport préliminaire du Groupe d’experts attendu le 21 mars 2005. Un délai de six mois est fixé pour le réexamen des sanctions sur le bois, les armes et les voyages. Constatant, par ailleurs, que l’ex-Président Charles Taylor et d’autres personnes qui lui sont encore étroitement associées continuent de mener des activités qui compromettent la paix et la stabilité au Libéria et dans la région, le Conseil maintient le gel de leurs fonds et autres avoirs financiers et ressources économiques.
Sortie de la sphère d’influence de Charles Taylor, la Sierra Leone consolide sa paix
S’il est un pays où Charles Taylor aura montré son pouvoir de nuisance, c’est bien la Sierra Leone. Aujourd’hui, aidé par la Mission des Nations Unies (MINUSIL), le pays s’attaque au renforcement des moyens de son armée et à la mise en place d’un système de justice pénale et d’un appareil judiciaire indépendant, lesquels sont identifiés par le Conseil de sécurité comme les critères de sécurité sur lesquels doit se fonder le retrait d’une Mission qui, d’après la résolution 1492 du 18 juillet 2003, ne devrait plus compter, en fin décembre 2004, que 5 000 hommes contre 16 000 hommes au plus fort de son déploiement, décidé par la résolution 1270 du 22 octobre 1999.
Le 30 mars 2004, le Conseil adopte la résolution 1537 qui, tout en prorogeant le mandat de la MINUSIL jusqu’au 30 septembre 2004, stipule que le 28 février 2005 au plus tard, les effectifs de la Mission seront ramenés de 5 000 à un plafond de 3 250 militaires et 141 observateurs militaires. Composant avec une composante civile réduite la « présence résiduelle », ces effectifs sont chargés de surveiller la situation générale, d’aider la police sierra-léonaise à maintenir la sécurité intérieure et à mener à bien le programme de recrutement, de formation et d’encadrement, et de protéger le personnel, les installations et la matériel des Nations Unies. C’est ce que précise la résolution 1562 du 17 septembre, portant prorogation du mandat de la MINUSIL jusqu’au 30 juin 2005.
Les ratés du processus de paix en Guinée-Bissau
Après le coup d’État du 14 septembre 2003 et la démission du Président Kumba Yala, élu en 1999, le Conseil apprend le 29 septembre 2004, que la veille, une Charte de la transition a été adoptée qui prévoit la mise en place d’une présidence de la transition, d’un comité militaire pour la restauration de l’ordre constitutionnel et démocratique, d’un conseil national de transition et d’un gouvernement de transition avant les élections législatives et présidentielles prévues respectivement le 28 mars 2004 et pour un an après l’installation de l’Assemblée nationale.
Les élections législatives sont tenues les 28 et 30 mars et, dans son rapport S/2004/456, le Secrétaire général les qualifie de « crédibles ». Elles sont suivies par la mise en place d’une nouvelle Assemblée nationale populaire et d’un nouveau gouvernement, formé le 11 mai. La fin de la première phase de transition a sonné, se félicite le Conseil dans sa déclaration présidentielle du 18 juin. La transition devant s’achever par les élections présidentielles de mars 2005, le Conseil affirme que sont ainsi créées les conditions propices pour que la communauté internationale accorde une confiance et un soutien accrus au pays.
Du point de vue politique, économique et social, la Sierra Leone demeure fragile. Le Secrétaire général pointe du doigt les facteurs de déstabilisation que sont le non-paiement des forces de sécurité ainsi que le mauvais état des casernes et de l’infrastructure. Les avertissements de Kofi Annan ne sont pas vains. Le 6 octobre, une mutinerie éclate et se solde par le meurtre des chefs d’état-major et des ressources humaines. Condamnant dans une déclaration présidentielle du 2 novembre le recours à la force pour régler des différends ou des griefs, le Conseil prend acte de la signature, le 10 octobre, d’un mémorandum d’accord ainsi que de la création d’une commission chargée d’en suivre l’application. Le Conseil demande que des solutions soient apportées aux problèmes militaires, politiques, institutionnelles et économiques qui sont à l’origine de l’instabilité et des troubles récurrents en Guinée-Bissau.
Comme première mesure, il modifie le mandat du Bureau des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BANUGBIS). Approuvée par la résolution 1233 du 6 avril 1999, la création du Bureau visait à offrir un cadre et une direction politiques pour l’harmonisation et l’intégration des activités du système des Nations Unies et à faciliter l’application de l’Accord d’Abuja du 1er novembre 1998. En vertu de son mandat modifié, décrété par la résolution 1580 du 22 décembre, le BANUGBIS doit soutenir tous les efforts tendant à asseoir le dialogue politique, à consolider la réconciliation nationale et à promouvoir l’état de droit et le respect des droits de l’homme.
Le Bureau doit aussi apporter son concours à la tenue d’élections présidentielles libres et transparentes, seconder les efforts de réforme du secteur de la sécurité et collaborer à la mobilisation de l’aide financière internationale nécessaire à la mise en œuvre de la stratégie de reconstruction et de développement social et économique du pays. Ce mandat modifié est prorogé pour un an.
Aux côtés de la région de l’Afrique de l’Ouest, celle des Grands Lacs vient illustrer, une fois encore, la volatilité de la situation sur le continent africain.
Compte tenu des échéances électorales, l’urgence se fait ressentir en République démocratique du Congo (RDC)
Hôte de l’opération de maintien de la paix la plus importante de l’ONU, la RDC fait, dès le 15 janvier, l’objet d’une résolution du Conseil de sécurité. Il s’agit pour ce dernier et sa résolution 1522, de presser le Gouvernement de transition de s’attaquer à la réforme du secteur de la sécurité, y compris le processus de désarmement, de démobilisation, de réinsertion, de réinstallation et de rapatriement (DDRRR) des anciens combattants et des ex-FAR/Interahamwe, l’intégration et la restructuration effective des forces armées des ex-belligérants et l’établissement d’une police nationale intégrée. Pour le Conseil, se sont là les éléments déterminants pour la réussite du processus de transition.
Cette phase de l’histoire politique congolaise est régie par « l’Accord global et inclusif pour une gestion consensuelle de la transition » signé à Pretoria le 17 décembre 2002. Il a donné lieu à la mise en place d’une direction composée, depuis le 29 juin 2003, d’un Président, de quatre Vice-Présidents, de 61 ministres et vice-ministres et d’un Parlement de 500 députés et de 120 sénateurs, qui, aidée par un Comité international d’accompagnement de la transition (CIAT), doit conduire le pays vers les élections de juin 2005 et faire oublier les affres d’une guerre de cinq ans qui a opposé six belligérants nationaux, soutenus, au plus fort de la crise, par six pays de la région.
Le Conseil se fixe un autre rendez-vous le 17 février, cette fois, pour examiner la suite donnée par le Secrétaire général aux recommandations de la mission qu’il a envoyée en Afrique centrale, du 7 au 16 juin 2003. Dans son rapport S/2004/52, Kofi Annan prône une hiérarchisation claire des besoins, compte tenu des échéances électorales. Il identifie comme priorités la réforme du secteur de la sécurité mais aussi l’établissement de l’état de droit, la promotion des droits de l’homme, le rétablissement de l’autorité de l’État sur toute l’étendue du territoire et les préparatifs électoraux.
Ces deux derniers points dépendent naturellement du degré de pacification du pays. Les retards en la matière conduisent le Conseil à imposer, le 28 juillet 2003 par la résolution 1493 et pour une période d’un an, un embargo sur les armes à la région de l’Ituri ainsi qu’au Nord et au Sud-Kivu. Rien n’y fait. La présence de combattants armés étrangers est toujours signalée dans l’est de la RDC. Le 12 mars 2004, le Conseil suit les recommandations du Secrétaire général. Il établit, par la résolution 1533, un Comité qu’il charge d’examiner les informations concernant les violations et les mouvements d’armes présumés, d’identifier les personnes réputées responsables de ces violations et de proposer les moyens de renforcer l’efficacité de l’embargo. Pour épauler le Comité, il prie le Secrétaire général de créer un Groupe d’experts.
Malgré ces dispositions, le Conseil doit, le 14 mai, exprimer, dans une déclaration présidentielle, sa préoccupation quant aux rapports sur l’accroissement des activités militaires des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) dans l’est de la RDC et sur les incursions faites par elles sur le territoire rwandais. Il se déclare aussi préoccupé par les récents rapports sur les incursions d’éléments de l’armée rwandaise en RDC. Les deux pays sont appelés à établir des mécanismes de sécurité aux frontières et sont rappelés aux engagements qu’ils ont pris dans la Déclaration de principes sur les relations de bon voisinage et coopération signée le 25 septembre 2003.
La situation ne s’améliore pas pour autant. Trois semaines plus tard, soit le 2 juin, la ville congolaise de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, est prise par des forces rebelles conduites par des anciens commandants du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), représenté au Gouvernement congolais et proche du Rwanda. Ces soldats, qui jusqu’ici refusent leur intégration à l’armée nationale, motivent leur action par la nécessité de protéger la communauté banyamulenge « menacée de génocide », selon eux, par les populations locales, en général, et le commandant de la 10e région militaire, en particulier. Pour Kinshasa, il s’agit là d’une autre tentative du Rwanda de déstabiliser l’est du pays. Kigali nie et qualifie l’insurrection « de problèmes internes ». Dans la déclaration présidentielle qu’il rend publique le 7 juin, le Conseil met solennellement en garde les États voisins de la RDC quant aux conséquences du soutien aux groupes armés rebelles.
Sous l’offensive de l’armée régulière et la pression de la communauté internationale, les forces rebelles se retirent « sans conditions » de Bukavu, en expliquant qu’elles s’étaient trompées sur le génocide des Banyamulenge et en renonçant, du même coup, à leur principale revendication de remplacer le commandant de la 10e région militaire. La prise de Bukavu et la révolte qu’elle provoque dans les populations de la RDC a des conséquences graves sur la sécurité à l’est. Le 22 juin, le Conseil publie une autre déclaration présidentielle pour inviter le Secrétaire général à déterminer précisément le besoin d’une capacité de force de réaction rapide pour la Mission des Nations Unies en RDC (MONUC), forte depuis l’adoption de la résolution l’adoption de la résolution 1493 du 28 juillet 2003, de 10 800 hommes.
Les mouvements d’armes illicites se poursuivant tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la RDC, le Conseil reconduit pour une nouvelle période d’un an, l’embargo sur les armes et par cette résolution 1522 du 27 juillet, prie, en conséquence, le Secrétaire général de rétablir le Groupe d’experts qui a d’ailleurs fourni un rapport accablant S/2004/551. Le prochain rapport est attendu avant le 15 décembre. Deux jours plus tard, soit le 29 juillet, c’est au tour du mandat de la MONUC d’être prorogé jusqu’au 1er octobre 2005 par la résolution 1555. Le 13 août, des réfugiés banyamulenges sont massacrés dans le camp de Gatumba au Burundi. Kigali accuse les forces armées congolaises d’avoir sinon commandité du moins participé à la tuerie. Kinshasa rejette ces accusations, et dans la déclaration présidentielle qu’il rend publique le 15 août, le Conseil de sécurité prie la Représentante spéciale du Secrétaire général pour le Burundi, en liaison avec le Représentant spécial pour la RDC, d’établir les faits.
Les tensions nées du massacre de Gatumba, venues s’ajouter à celles qui ont découlé des évènements de mai et de juin à Bukavu, font craindre au Secrétaire général une détérioration plus avant de la situation « étant donné la vitesse à laquelle les choses se succèdent ». Pour apaiser ses tensions, les États-Unis facilitent un accord tripartite entre l’Ouganda, la RDC, le Rwanda. Signé le 26 août, à Kampala, l’Accord vise le désarmement en un an des groupes armés opérant dans ces trois pays, y compris les ex-Far/Interahamwe. Dans la lettre qu’il adresse au Conseil, le 3 septembre, et qui précise les préoccupations dont il fait part dans son rapport S/2004/650, Kofi Annan demande des renforts d’urgence. Alerté, le Conseil répond à la requête de Kofi Annan et le prie de déployer d’urgence deux bataillons d’infanterie et quatre hélicoptères d’attaque et au-delà de déployer aussitôt que possible dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu toutes les brigades et moyens appropriés.
Dans la résolution 1565 adoptée, ce 1er octobre, le Conseil autorise l’augmentation des effectifs de la MONUC de 5 900 personnels contre les 13 100 que le Secrétaire général juge nécessaire dans son rapport. La MONUC se voit, entre autres, chargée de saisir les armes présents sur le territoire en violation de l’embargo; d’appuyer les opérations de désarmement des combattants étrangers conduites par les Forces armées de la RDC; ou encore de contribuer aux efforts tendant à mener à bien l’élaboration des lois essentielles, y compris la future constitution, la réforme du secteur de la sécurité ainsi qu’au processus électoral. À la fin du mois d’octobre, la MONUC est en mesure de lancer, dans l’est, une opération conjointe avec les Forces armées congolaises visant à renforcer la campagne de sensibilisation pour un retour des rebelles rwandais présents sur place, dans le cadre d’un plan gouvernemental en deux phases: rapatriement volontaire puis forcé.
Demandant instamment, dans la plupart de ses résolutions, à la RDC, au Burundi, au Rwanda et à l’Ouganda de réaliser sans plus tarder la normalisation complète de leurs relations bilatérales, le Conseil s’informe, le 27 octobre, des préparatifs de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs dont il encourage la tenue depuis sa déclaration présidentielle du 14 octobre 1994. Le Représentant spécial du Secrétaire général fait observer que la Conférence dont la première phase est prévue les 19 et 20 novembre à Dar es-Salaam, réunira 11 pays et aboutira à l’adoption d’une Déclaration par le Sommet des chefs d’État. Le programme d’action et le protocole qui découleront de la Déclaration seront la base d’un deuxième Sommet prévu pour 2005 et à l’issue duquel un pacte de sécurité, de stabilité et de développement sera adopté.
Ni l’adoption de la Déclaration dans laquelle les signataires s’engagent à œuvrer pour la stabilisation et la pacification de la région, ni la finalisation en cours du Mécanisme conjoint de vérification dont les termes de référence ont été signés le 22 septembre 2004, ni la présence de la cinquième mission du Conseil en cinq ans en Afrique centrale, n’empêchera le regain de tensions entre la RDC et le Rwanda. Le 25 novembre, arguant d’attaques transfrontalières incessantes lancées par les forces négatives à partir de la RDC, le Président du Rwanda adresse une lettre au Président de l’Union africaine dans laquelle il réitère ses menaces de déployer ses troupes à l’est de la RDC pour contrer le danger que constitue la présence des ex-Far/Interahamwe. « Notre action serait proportionnée à la menace et sera limitée dans sa portée. Elle viserait strictement les exFar/Interahamwe ».
Le Rwanda ne prendrait en aucun cas les forces congolaises pour cible mais espère au contraire travailler avec elles à résoudre le problème ». Ajoutant qu’il a, à plusieurs reprises, adressé cette demande au Gouvernement de RDC, le Président rwandais se fixe même un délai: « Je compte que dans une période ne dépassant pas 14 jours, une solution sera trouvée qui permette un retour rapide des troupe rwandaises à l’intérieur de leurs frontières ».
Cette menace, le Président rwandais la profère lors de sa rencontre avec la mission du Conseil, entre le 21 et le 26 novembre, au cours de laquelle il souligne l’inefficacité du principe de désarmement volontaire. Lorsque le 30 novembre, le Représentant permanent de la France et Chef de la mission du Conseil présente son rapport, il affirme avoir réitéré à Paul Kagame, l’attachement de la communauté internationale au respect de l’intégrité territoriale de la RDC. Le Représentant français dit aussi avoir précisé que « si elle pouvait avoir une lecture différente de l’ampleur de la menace représentée par les ex-Far/Interahamwe, la mission reconnaissait que ceux-ci constituaient un problème réel ». La mission fait valoir alors que « les progrès dans ce domaine dépendront également de l’attitude d’ouverture du Rwanda concernant le rapatriement des combattants », ajoute le Représentant français devant ses pairs du Conseil.
Face à la multiplication des informations faisant état du déploiement des troupes rwandaises sur le territoire de la RDC, le Conseil publie, le 7 décembre, une déclaration présidentielle dans laquelle il condamne toute action militaire contraire à la Charte des Nations Unies et en particulier au principe d’intégrité territoriale d’un État. Le Conseil « exige que le Gouvernement rwandais retire sans délai toutes forces qu’il pourrait avoir sur le territoire de la RDC ». Le lendemain, le Conseil se réunit pour, à partir du rapport de sa mission en Afrique centrale, examiner les moyens d’assurer le succès du processus de transition en RDC. C’est là que la Représentante de la RDC avertit que toute incursion des forces étrangères, notamment rwandaises, sur son territoire appelle de la part de son gouvernement la stricte application de l’Article 51 de la Charte de l’ONU relatif à la légitime défense. Elle exprime l’intention de son pays de renforcer ses dispositifs de sécurité à la frontière rwandaise. Malgré les dénégations du Représentant du Rwanda qui affirme que le déploiement des troupes rwandaises s’est limité à la frontière entre les deux pays, la RDC commence dès le 10 décembre, le redéploiement de 10 000 hommes à l’est dans une atmosphère de contestation de la part de la communauté banyamulenge qui dit craindre pour sa survie. Les combats vont opposer l’armée régulière à un autre groupe de mutins venant de la 8e région militaire, à savoir le Nord Kivu. Ils affirment que les FARC ne sont là que dans le but unique de les attaquer et ce faisant, entretiennent sciemment parmi la population, la confusion entre eux et de prétendus membres de l’armée rwandaise.
La MONUC qui se félicite, dans un premier temps, du redéploiement des troupes gouvernementales, décide, après une semaine de combats, soit le 21 décembre, d’imposer une zone tampon entre les belligérants. Dans un communiqué, la Mission précise que « la création de cette zone tampon vise à empêcher une reprise des combats et à permettre l’acheminement d’aide humanitaire aux 200 000 civils déplacés ». Quant aux accusations de la RDC sur la présence de troupes rwandaises aux côtés des mutins, la MONUC et l’ONU, sans pouvoir établir ces faits avec certitude, se disent convaincues que des soldats étrangers ont pénétré en RDC et que les rebelles reçoivent des armes et du soutien logistique en provenance de l’étranger ». Lors de sa réunion du 8 décembre, le Conseil de sécurité réfléchit aussi aux moyens d’assurer le succès du processus de paix au Burundi.
Autre marche résolue vers la paix, la République centrafricaine
Ce pays qui doit tenir des élections présidentielles et législatives le 13 février 2005 reçoit les encouragements du Conseil, le 28 octobre. Dans une déclaration présidentielle, le Conseil rend hommage aux autorités centrafricaines comme aux partis politiques et à la société civile pour les efforts qu’ils ont entrepris en vue de la réussite en cours du processus de paix. Le Conseil salue, en particulier, l’esprit de consensus dont les parties ont fait preuve, en voyant là le témoignage de leur détermination à poursuivre jusqu’à son terme le processus de transition.
Le 5 décembre, le pays tient un scrutin référendum à l’issue duquel la nouvelle Constitution est approuvée à une majorité écrasante. Les élections doivent mettre fin à un processus de transition ouvert par le coup d’État perpétré contre le Président Ange Patassé, le 15 mars 2003, par François Bozizé. Le pays est épaulé, dans ses efforts, par le Bureau d’appui des Nations pour la consolidation de la paix en RCA (BONUCA) qui, crée le 10 février 2000 en remplacement de la Mission des Nations Unies en RCA (MINURCA), est chargé d’assister aux efforts de consolidation de la paix, de renforcement des institutions démocratiques et de relance de l’économie.
De bonnes nouvelles sont également arrivées au Conseil en provenance de l’Afrique de l’Est, notamment de la Somalie.
Lumière au bout du tunnel pour la Somalie
Dès le 25 février, le Conseil publie une déclaration présidentielle pour se féliciter de la signature, le 29 janvier, de la Déclaration sur l’harmonisation de différentes questions proposées par les délégués aux réunions consultatives sur la Somalie tenues à Nairobi.
Les protagonistes somaliens sont, en effet, réunis à la Conférence de réconciliation nationale qui se déroule, depuis octobre 2002, au Kenya sous les auspices de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD). Ce processus dit Processus d’Arta, entamé en 2000, a donné lieu à plusieurs accords dont la Déclaration sur la cessation des hostilités et les structures et principes du processus de réconciliation nationale, signé à Eldoret, le 27 octobre, à l’élection du Président Abdelkassim Saldad Hassan et à l’établissement d’un Gouvernement national et d’une Assemblée nationale de transition. Le problème est que, ce processus n’a pas permis de trouver des solutions aux questions liées au fédéralisme, à la durée de la période de transition et aux relations du futur gouvernement fédéral de transition avec les autorités régionales ou locales.
La Somalie connaît un autre problème celui du trafic d’armes malgré un embargo imposé dès le 23 janvier 1992 par la résolution 733 et d’autres efforts du Conseil de sécurité qui ont abouti à la création, le 16 décembre 2003, par la résolution 1519, d’un Groupe de contrôle chargé d’enquêter sur les violations de l’embargo sur le terrain et dehors; des pays comme Djibouti, l’Égypte, la Libye, l’Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït ou encore le Soudan ayant été cités nommément par le Groupe d’experts chargé de produire des informations indépendantes sur les violations de l’embargo créé par la résolution 1425 du 22 juillet 2002.
En juillet 2004, la phase III de la Conférence de réconciliation nationale est lancée en Somalie. Le Conseil s’en félicite dans une déclaration présidentielle rendue publique le 14 juillet sans pour autant apaiser ses inquiétudes quant à la poursuite des livraisons d’armes à ce pays; ce que confirme le Groupe de contrôle dans le rapport dont se saisit le Conseil le 17 août. Le Groupe est reconduit par la résolution 1558 du même jour. Il est chargé de formuler des recommandations concrètes dans les domaines techniques et d’évaluer les progrès des États de la région en vue de faire pleinement respecter l’embargo. Le Groupe de contrôle doit aussi continuer d’affiner et d’actualiser les renseignements concernant le projet de liste de ceux qui continuent à violer l’embargo ainsi que de ceux qui les soutiennent, en vue d’éventuelles mensures que le Conseil prendrait.
Les progrès réalisés lors de la phase III de la Conférence de réconciliation sont dignes d’éloges, se réjouit le Secrétaire général dans son rapport S/2004/804. À la mi-septembre, 268 des 275 députés du Parlement fédéral de transition prêtent serment au Kenya avant d’élire leur Président qui est également Président intérimaire de la Somalie. Le Secrétaire général ne cache pas que la question du « Somaliland » demeure litigieuse, il indique néanmoins que le « Président » de cette « République » voit d’un bon œil les contacts que voudra prendre le futur Gouvernement fédéral. Le 26 octobre, le Conseil salue ces avancées et dans la déclaration présidentielle qu’il publie, à cet effet, il encourage le Parlement de transition et le Président à choisir un Premier Ministre et un cabinet et à établir un programme d’action et un calendrier préliminaires pour la période de transition.
Le Conseil dit aussi attendre les recommandations du Secrétaire général sur le renforcement du rôle de l’ONU dans la consolidation de la paix en Somalie qui demeure fragile, compte tenu de la persistance des tensions au « Puntland » et des affrontements entre clans dans le centre et le sud du pays résultant, selon Kofi Annan, de la criminalité, de la délinquance, des accrochages entre milices rivales pour le contrôle des routes, des ports, des aéroports et autres ressources locales. Comme première mesure, le Secrétaire général préconise que les ressources mises à la disposition du Bureau politique des Nations Unies pour la Somalie soient maintenues à leur niveau actuel. Le Bureau politique est installé depuis le 15 avril 1995 à Nairobi. Il devra travailler avec le nouveau Premier Ministre qui, nommé le 24 décembre, doit encore former son gouvernement fédéral de transition.
Lenteur des progrès en Érythrée et en Éthiopie
Concernant ces deux pays, force est de constater l’impasse dans laquelle se trouve l’application de la décision rendue, le 13 avril 2002, par la Commission du tracé de la frontière dont l’avis avait pourtant été accepté comme « définitif et contraignant » par les deux parties. La Commission a été créée conformément aux Accords d’Alger du 18 juin et du 12 décembre 2000 qui ont mis fin à un conflit de deux ans. En attendant la pleine application de la décision de la Commission, les deux pays ont convenu d’établir une zone de sécurité temporaire qui s’étend sur 1 000 kilomètres.
En prorogeant, pour six mois, le mandat de la Mission des Nations Unies en Érythrée et en Éthiopie (MINUEE), créée par la résolution 1312 du 31 juillet 2000, le Conseil demande aux parties, ce 12 mars, de coopérer pleinement et sans retard avec la Commission et de créer les conditions requises pour que les opérations de démarcation se déroulent avec célérité, notamment, précise le Conseil, par la réaffirmation formelle par l’Éthiopie de son acceptation de la décision de la Commission.
Six mois plus tard, les travaux de démarcation ne sont toujours pas lancés. Le Secrétaire général, qui a rencontré les deux dirigeants en juillet, prévient, dans son rapport S/2004/708, que plus l’impasse dans laquelle se trouve le processus se prolonge, sans la moindre conséquence pour aucune des parties, moins il y a de chances que l’une ou l’autre accepte de faire preuve de souplesse ou de modifier radicalement sa position. L’obstacle principal, insiste Kofi Annan, est le rejet par l’Éthiopie de parties importantes de la décision de la Commission du tracé de la frontière. Il regrette aussi que l’Érythrée refuse tout dialogue tant que le processus de démarcation ne sera pas achevé.
« Devant l’impossibilité de progresser si l’on se contente de réaffirmer des positions biens connues et de rester sur ces positions », Kofi Annan évoque la fermeture des antennes de la Commission sur le terrain. Il recommande aussi des ajustements à la MINUEE consistant à réduire en deux phases ses effectifs militaires et civils; l’opération devant s’achever au début 2005. Le Conseil suit les recommandations du Secrétaire général et proroge, par la résolution 1560 du 14 septembre, le mandat de la MINUEE pour une nouvelle période de six mois.
Retour confirmé dans le concert des nations pour la Libye
L’année dernière, la Libye avait bénéficié de la résolution 1506, du 12 septembre, portant levée des sanctions sur les vols aériens, les achats d’armes, la représentation à l’étranger, les déplacements de certains de ses ressortissants et les avoirs financiers, imposées par les résolutions 748 du 31 mars 1992 et 883 du 11 novembre 1993. Par accéder à une telle faveur, la Libye avait dû accepter sa responsabilité dans les actes de ses représentants dans la destruction, en 1988, de l’appareil de la compagnie Pan Am au-dessus de Lockerbie en Ecosse, et celle, en 1989, de l’appareil de la compagnie UTA, au-dessus du Niger. Le pays avait aussi dû accepter le paiement d’une indemnité, s’engager à donner suite à toute nouvelle demande de renseignements au sujet de l’enquête relative à l’explosion de l’appareil Pan Am et renoncer au terrorisme.
Les progrès s’enchaînant, dans sa déclaration présidentielle du 22 avril 2004, le Conseil félicite la Libye de sa décision d’abandonner ses programmes de mise au point d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs ainsi que des mesures positives qu’elles a prises pour honorer ses engagements et obligations, notamment sa coopération active avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).
Rien de nouveau au Sahara occidental
Seize ans après l’acceptation par le Maroc et le Front POLISARIO des Propositions de règlement, 14 après le Plan de règlement du Secrétaire général et un an après le Plan de paix pour l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, accepté par le POLISARIO le 6 juillet 2003, rien de nouveau n’est à signaler dans cette partie occidentale de l’Afrique.
Pour donner aux parties le temps de travailler l’une avec l’autre et avec l’ONU en vue de l’acceptation du Plan de paix, le Conseil proroge le mandat de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) plusieurs fois et d’abord par la résolution 1523 du 30 janvier, puis la 1541 du 29 avril et enfin la résolution 1570 du 28 octobre. Cette dernière porte prorogation du mandat pour une période allant jusqu’au 30 avril 2005. Le Conseil y demande d’ailleurs au Secrétaire général de donner de plus amples précisions au sujet d’une éventuelle réduction des effectifs de la Mission.
Dans son dernier rapport, le Secrétaire général confie, en effet, qu’un accord entre les parties sur le Plan de paix semble plus lointain que jamais. Il estime néanmoins que la composante militaire de la Mission représente un élément essentiel du renforcement de la confiance et de la gestion du conflit et qu’aucune réduction ne devrait intervenir au détriment de la capacité et de la crédibilité du rôle opérationnel et politique de l’ONU. Le Secrétaire général recommande, en conséquence, que l’éventuelle réduction des effectifs n’aille pas au-delà des 16%, portant le total de la composante militaire à 193.
ASIE
Afghanistan
Le Conseil de sécurité a continué à appuyer la mise en œuvre de l’Accord de Bonn et à accompagner les Afghans sur le chemin qu’ils ont à parcourir pour parvenir à la démocratie. L’année avait commencé avec l’adoption, dès janvier, d’une nouvelle Constitution par une Loya Jirga. La tenue de l’élection présidentielle le 9 octobre dernier ayant porté Hamid Karzai à la tête du pays avec 55,4% des voix, en dépit des menaces extrémistes et de la situation très difficile sur le terrain, « est en soi un exploit », a déclaré devant le Conseil le Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix, Hédi Annabi. Il s’agissait de la première élection au suffrage universel d’un chef d’État afghan.
Le Conseil de sécurité s’en est félicité, dans une déclaration présidentielle, en qualifiant cette élection d’« étape historique importante de l’évolution du pays ». Il a demandé aux autorités afghanes de tenir dans les délais des élections législatives sans exclusive tout en s’engageant à apporter son soutien à la reconstruction du pays. Un hommage a été rendu à la police et à l’armée afghanes pour le rôle qu’elles avaient joué, avec l’aide des forces de sécurité internationales, dans le renforcement de la sécurité durant la période électorale. Un mois plus tard, le 17 septembre, le Conseil prorogeait l’autorisation de la Force internationale d’assistance à la sécurité pour un an, jusqu’au 12 octobre 2005. Constatant qu’elle devait être renforcée et réaffirmant que selon l’Accord de Bonn, elle devait être progressivement déployée en-dehors de Kaboul.
Après l’investiture du Président Karzai, le 7 décembre, et la formation d’un cabinet de 27 membres reflétant la composition ethnique du pays et comprenant une femme, l’attention est désormais tournée vers les élections législatives et locales, qui, a averti Jean-Marie Guéhenno, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, le 9 novembre dernier, seront plus compliquées et riches en problèmes de sécurité que le scrutin présidentiel. Avant la tenue du scrutin prévu pour avril-mai 2005, il faudra résoudre cinq questions importantes, a-t-il précisé aux membres du Conseil de sécurité: délimiter les districts et parfois les provinces; s’accorder sur les statistiques démographiques en vue de décider du nombre de sièges parlementaires à allouer à chaque région; analyser et remettre à jour les listes d’électeurs; créer un mécanisme de règlement des plaintes et des contentieux électoraux; réévaluer les qualifications des candidats potentiels aux élections avant leur enregistrement. Au centre des préparatifs, est la création de la Commission électorale indépendante. On estime qu’il faudra entre 120 et 130 millions de dollars pour les couvrir.
De même, a prévenu M. Guéhenno, les élections législatives seront davantage affectées par les tensions locales et plus vulnérables à la fraude et à l’intimidation. L’influence des commandants locaux mais également du réseau alimentant un trafic de stupéfiants et d’armes reste en effet un obstacle majeur. En 2003, l’Afghanistan avait connu sa plus grande récolte de pavot avec un chiffre de 3 600 tonnes, soit plus des trois quarts de la production mondiale, tandis qu’en 2004 la récolte a été encore plus importante et occupe 56% de l’ensemble des terres cultivées. L’intensification de la campagne de désarmement et de démobilisation ainsi que la lutte contre les stupéfiants seront deux des tâches essentielles du Gouvernement en 2005. À la fin de l’année, on comptait plus de 33 000 miliciens désarmés.
Une Conférence rassemblant à Berlin des représentants de haut niveau de 156 pays s’était achevée le 1er avril sur un franc succès, les annonces de contributions ayant été faites pour un montant de 8,2 milliards de dollars pour l’exercice allant de mars 2004 à mars 2007, soit 69% des fonds demandés par le Ministre afghan des finances.
Timor-Leste: Décollage assisté
Ce jeune État, qui a accédé à l’indépendance le 20 mai 2002 avant de devenir 191e État Membre des Nations Unies, le 27 septembre de la même année, est en train de se sortir peu à peu du parapluie de l’ONU symbolisé par sa Mission d’appui au Timor oriental (MANUTO). Créée par la résolution 1410 du 17 mai, après les trois opérations précédentes, la MANUTO fait l’objet, depuis 2003, d’un débat concernant l’éventuelle réduction de ses effectifs, compte tenu de l’état d’avancement du Plan d’exécution à trois volets dont elle est chargée, à savoir « Stabilité, démocratie et justice », « Sécurité publique et maintien de l’ordre », et « Sécurité extérieure et contrôle des frontières ».
Aussi, le 20 février 2004, le premier débat sur la situation au Timor oriental porte-il sur l’idée avancée par le Secrétaire général de faire passer la Mission d’une approche opérationnelle à une démarche de services consultatifs. Kofi Annan propose, en conséquence, la réduction des effectifs qui conduirait, entre autres, à une force de sécurité de 310 militaires contre 466. Le Ministre timorais des affaires étrangères n’est pas d’accord. Il argue de la dynamique sur le terrain qui exige du Conseil le maintien d’une force militaire efficace « meilleur moyen de dissuasion contre toute violence éventuelle » qui pourrait résulter, s’explique-t-il, du manque de progrès sur la question de la démarcation de la frontière avec l’Indonésie et de la fragilité des institutions chargées de l’ordre et de la loi ainsi que de l’administration publique. Ces inquiétudes n’empêchent pas les délégations dont celle de la France d’encourager l’ONU à mettre au point une « stratégie de sortie claire » mettant fin à la phase de la consolidation de la paix, entamée en avril 2003, au profit d’une aide au développement traditionnelle.
Le 14 mai, le Conseil de sécurité, convaincu par le plaidoyer du Représentant spécial du Secrétaire général, proroge, pour une période de six mois, le mandat de la MANUTO, « le but étant de le proroger ensuite de nouveau pour une dernière période de 10 mois, jusqu’au 20 mai 2005 ». Il adhère parallèlement, par cette résolution 1543, aux propositions du Secrétaire général relatives à la réduction des effectifs et à la modification du mandat. Les trois volets sont désormais l’appui à l’administration de la justice et à l’appareil judiciaire ainsi qu’à l’administration de la justice à l’égard des crimes graves; l’appui au renforcement du maintien de l’ordre; et l’appui à la sécurité et à la stabilité.
Le Conseil tient une réunion, le 24 août consacrée à une évaluation des chances du Timor-Leste d’assurer son autosuffisance économique, sociale et en matière de sécurité. Les lacunes dans la gouvernance, la réforme du secteur de la sécurité ou encore dans celui des institutions sont relevées avec précision lors de l’examen du rapport de la mission intégrée d’évaluation technique qui s’est rendue sur le terrain en octobre. Ce 15 novembre, le Conseil reconnaît les défis liés aux élections locales, à la nomination du Provedor pour les droits de l’homme et à la justice, à la législation relative à l’état de droit, à la formation des fonctionnaires dans les domaines judiciaire et financier ou encore à la constitution d’une police et de forces armées compétentes.
Notant alors que le Timor-Leste n’a pas encore atteint le seuil décisif d’autosuffisance, le Conseil maintient les tâches, la configuration et la taille de la Mission tout en la priant de privilégier de plus la mise en œuvre des modalités de retrait. Dans cette résolution 1573 du 16 novembre, le Conseil précise qu’à ce stade, le but est d’associer de plus en plus les Timorais dans les trois domaines d’intervention de la Mission et de leur permettre d’en acquérir la maîtrise.
Bougainville
Depuis le premier janvier 2004, la Mission d’observation des Nations Unies a été déployée à Bougainville, prenant le relais du Bureau politique des Nations Unies. D’après l’exposé fait devant les membres du Conseil de sécurité le 6 mai dernier par le Sous-Secrétaire général, Danilo Türk, la Mission fonctionne de manière satisfaisante. Elle doit donner un élan au processus de paix sur l’île en assurant notamment la présidence du Comité consultatif pour la paix; en faisant rapport au Conseil de sécurité sur le programme de destruction des armes et en surveillant le processus constitutionnel devant mener à l’adoption d’une constitution. Au mois de mai dernier, 81% des stocks d’armes avaient été détruits.
EUROPE
Chypre
Avec le rejet de l’Accord de fondation de Chypre réunifiée le 24 avril dernier par la partie chypriote grecque, les Nations Unies ne sont pas parvenues à mettre un terme à un conflit des plus délicats et complexes à son ordre du jour. À l’issue d’un référendum simultané, le plan a été rejeté par la partie chypriote grecque par près de 76% des voix tandis que la partie chypriote turque l’adoptait en revanche par 65% des voix. À l’issue du vote, le Secrétaire général, qui avait finalisé le plan global de règlement, avait précisé que ce plan était prêt à être mis en œuvre sans qu’il y ait quoique ce soit à négocier. Il ne s’agissait donc pas d’une énumération de principes directeurs pour des pourparlers futurs.
Le plan de règlement d’ensemble de la question chypriote comprenait un accord de base, les projets de constitution des États constituants chypriote grec et chypriote turque, un projet de traité sur des questions relatives au nouvel État et un projet d’adaptation des termes d’adhésion de la République chypriote unie à l’Union européenne. Des négociations menées avec des experts nommés par les deux parties avaient débouché sur la rédaction d’une centaine de lois et d’accords de coopération, soit 9 000 pages, qui font partie de l’accord de base proposé.
À l’issue des résultats du référendum, le Conseiller spécial du Secrétaire général pour Chypre, Alvaro de Soto, avait indiqué que le Secrétaire général ne voyait aucune raison de reprendre sa mission de bons offices. Le mandat de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP) a été prorogé jusqu’au 15 juin 2005. Ses effectifs ont été ramenés depuis le 15 juin à 860 hommes sur les 1 230 qu’elle comptait. Son concept d’opération a été modifié pour mettre l’accent sur la surveillance par patrouilles mobiles plutôt qu’à partir de bases statiques.
La situation au Kosovo
La flambée de violence qu’a connue le Kosovo du 17 au 20 mars a infligé un revers sérieux à la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies (MINUK). Ces actes à motivation ethnique, qualifiés par le Secrétaire général comme étant des « efforts ciblés pour chasser les Serbes du Kosovo ainsi que les membres des communautés rom et Ashkali » avaient causé la mort de 19 personnes et blessé 954 autres. En 48 heures, 4 100 membres issus de communautés minoritaires avaient quitté leur foyer, la plupart n’étant pas retournés au cours de l’année. Le 18 mars, les membres de la communauté internationale avaient réagi vigoureusement en condamnant cette recrudescence de la violence qui s’était également manifestée par des attaques contre des lieux de culte orthodoxes serbes, des cimetières et des habitations non seulement dans la province du Kosovo mais dans d’autres régions de Serbie-et-Monténégro. Ils avaient également demandé que les auteurs de ces violences soient traduits en justice.
Ces violences ont contraint la MINUK à procéder à une introspection et le 11 mai, le Représentant spécial du Secrétaire général, Harri Holkeri, a informé le Conseil que, constatant que la « vitesse à laquelle les violences se sont propagées a dépassé les capacités de réponse de la Force de paix au Kosovo (KPFOR) et des forces de sécurité de la Mission », il avait l’intention de prendre des mesures en ce qui concerne la coopération opérationnelle de réponse aux crises.
Trois mois et demi après être arrivé à Pristina à la tête de la MUNIK, le nouveau Représentant spécial du Secrétaire général, M. Soren Jessen-Petersen, a pu affirmer devant le Conseil, le 29 novembre, que « la situation en matière de sécurité s’était sensiblement améliorée ». Il a insisté sur le fait qu’il « ne pouvait y avoir de normalisation et de stabilisation dans l’Ouest des Balkans sans résolution de la question du Kosovo ». Il a présenté les cinq priorités de la MINUK: faire de la sécurité la base de toute action; donner la priorité aux normes et en accélérer l’application; continuer le transfert des compétences aux Institutions provisoires d’administration autonome en renforçant les capacités et l’obligation redditionnelle; protéger les minorités et le retour des personnes déplacées; et enfin, priorité essentielle, agir de façon énergique sur le plan économique. « Les normes demeurent la pièce maîtresse de la politique poursuivie par la communauté internationale », a-t-il insisté. Il s’agit d’indices de performance prévus par la résolution 1244 du 11 juin 1999 concernant notamment les institutions démocratiques, l’état de droit, l’économie, les droits de propriété, le retour des réfugiés, le dialogue entre Belgrade et Pristina et le Corps de protection du Kosovo. Le Conseil a fixé au milieu de l’année 2005 l’examen d’ensemble des progrès réalisés.
Un Plan d’application de ces normes avait été présenté le 31 mars dernier à Pristina. Le Conseil de sécurité, dans sa déclaration présidentielle en date du 30 avril, avait réaffirmé que le Plan devait servir de base à l’évaluation des progrès accomplis par les Institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo. Il avait demandé instamment à ces institutions de témoigner de leur adhésion inconditionnelle et sans réserve au principe d’un Kosovo multiethnique.
Le Conseil entend, dans le cadre de cet examen, s’intéresser plus particulièrement aux lois et règlements, politiques et comportements mis en œuvre par lesdites institutions dans les domaines de la lutte contre la discrimination, la corruption, la criminalité économique, la propagation de la haine par les médias. Il accordera également une importance particulière à la stratégie mise en place pour faciliter le retour des réfugiés et des personnes déplacées dans de bonnes conditions de sécurité.
La situation en Bosnie-Herzégovine
Des progrès notables ont été réalisés vers l’établissement d’un état de droit en Bosnie-Herzégovine. Le Haut Conseil de la Magistrature, organe multiethnique, est désormais chargé de nommer et de discipliner les juges et procureurs. Dix-huit lois ont été promulgués dont un grand nombre de domaines qui apportent d’importants changements structurels dans des domaines tels que la prévention du crime, le système judiciaire, les douanes, la fiscalité, l’établissement d’un marché économique et la mise en place du marché de l’énergie. La publication en juin 2004 du rapport de la Commission Srebenica au mois de juin a pour la première fois constitué une reconnaissance par la Republika Srpska des origines, de la nature et de l’étendue des atrocités commises entre le 10 et le 19 juillet dans la ville de Srebenica où 8 000 hommes et jeunes garçons avaient été liquidés par l’armée serbe.
Invité à prendre la parole le 11 novembre, le Haut Représentant chargé de l’application de l’Accord de paix de Dayton signé Paris en 1995, Lord Paddy Ashdown a cependant précisé que la Bosnie-Herzégovine avait encore « un long chemin à parcourir avant de devenir membre de l’Union européenne et alliée de l’OTAN ». Au rang des préoccupations principales de Lord Ashdown figurent les importantes difficultés économiques que connaissent le pays et la question de la coopération entre la Republika Srpska et le Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie. Au cours des neuf dernières années, la Republika Srpska n’a en effet ni arrêté, ni transféré à la juridiction du Tribunal une seule des personnes inculpées de crime de guerre. Se félicitant des progrès tangibles sur la voie de l’intégration européenne de la Bosnie-Herzégovine, le Conseil de sécurité a, le 22 novembre dernier, autorisé les États Membres, agissant par l’intermédiaire de l’Union européenne, à créer pour 12 mois une Force multinationale de stabilisation (EUFOR). À partir de décembre 2004, l’EUFOR doit opérer sous commandement et contrôle unifiés et remplir le mandat de la Force multinationale de stabilisation (SFOR) sur les questions militaires et frontalières, en coopération avec le quartier général sur le terrain de l’OTAN.
Géorgie: Le dialogue abkhazo-géorgien en panne
Dix ans après la fin des combats, le Conseil n’a pu que déplorer cette année l’absence prolongée de progrès dans la recherche d’un règlement global du conflit en Abkhazie-Géorgie. À plusieurs reprises, il a répété ses appels en faveur de la reprise du dialogue.
Pourtant, dès janvier 2004, le Conseil avait encouragé le Président géorgien nouvellement élu, ainsi que la partie abkhaze à œuvrer pour un règlement. Le 26 février, le nouveau Président, Mikhail Saakashvili déclare devant le Conseil son attachement inébranlable à une solution pacifique et affirme qu’il est prêt à garantir le degré le plus élevé possible d’autonomie à l’Abkhazie au sein de l’État géorgien. Il évoque un long entretien « très constructif » qu’il a eu à Moscou avec le Président Poutine, faisant part de son sentiment qu’une porte s’ouvrait vers l’instauration de relations véritablement positives. Il insiste toutefois sur la nécessité pour la Russie, de mettre fin à la politique qui consiste à octroyer la citoyenneté à la population des régions de conflit.
À chaque occasion, le Conseil a réaffirmé son appui au document relatif à la répartition des compétences entre Tbilissi et Soukhoumi, document mis au point il y a plus de deux ans, après plus de deux ans de discussions et qui, ralliant les suffrages de tous les membres du groupe des amis du Secrétaire général, était alors considéré comme un moyen d’ouvrir la porte à des négociations de fond. La partie abkhaze a maintenu, cette année encore, son refus de discuter le contenu de ce document en dépit des nouvelles demandes que lui a adressées en ce sens le Conseil. Elle refuse toujours d’examiner le statut de l’Abkhazie dans le cadre de l’État géorgien.
Le 29 juillet, le Conseil prolonge la présence de la Mission d’observation des Nations Unies dans le pays jusqu’au 31 janvier 2005.
TRIBUNAUX PÉNAUX POUR L’EX-YOUGOSLAVIE ET LE RWANDA
Le Conseil a réaffirmé dans sa résolution 1534 la nécessité de juger les personnes inculpées par le Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie et par le Tribunal pénal pour le Rwanda et a exhorté les États concernés à intensifier leur coopération et de fournir toute leur assistance. À l’heure actuelle, le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie recherche 20 fugitifs ayant pour la plupart trouvé refuge en Serbie tandis que le Tribunal pour le Rwanda doit juger 14 personnes en fuite, la majorité se trouvant en République démocratique du Congo. Dans cette même résolution, le Conseil a souligné qu’il importe que « les stratégies d’achèvement » soient menées à bien. Les deux tribunaux doivent en effet mener à bien leur enquêtes d’ici à la fin de 2004, achever tous les procès en première instance d’ici à la fin 2008 et terminer leur travaux en 2010.
Le manque de coopération des États et le gel des recrutements au sein de ces instances ont été identifiés comme des obstacles majeurs à la mise en œuvre des « stratégies d’achèvement ». Invitée à prendre la parole le 23 novembre, le Procureur du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, Carla del Ponte, a déclaré que tant que tous les accusés ne seraient pas jugés, notamment Ratko Mladic, Ante Gotovina et Radovan Karadzic, les objectifs du Tribunal ne seraient pas atteints. 2005 sera une année cruciale a annoncé le Procureur mais il faudra réviser la date butoir de la stratégie d’achèvement si des accusés comme Karadzic, Mladic et Gotovina ne sont pas arrêtés. Malgré le nombre de procès en attente, soit 18, le Président du Tribunal pour le Rwanda, Erik Mose, a quand à lui assuré le Conseil que le Tribunal déploiera tous ses efforts pour atteindre les objectifs fixés.
QUESTIONS DIVERSES
Armes légères
En janvier 2004, le Conseil de sécurité a accordé son appui au Groupe de travail chargé de négocier, à l’intention des États, un instrument international permettant d’identifier et de tracer rapidement et de manière fiable les armes légères illicites. Le Conseil, ce même jour, a également encouragé les États exportateurs d’armes à faire preuve du plus haut niveau de responsabilité dans les transactions impliquant les armes légères. Il leur a également demandé d’appliquer effectivement les embargos sur les armes.
Coopération entre l’ONU et les organisations régionales
Le Conseil s’est penché le 20 juillet dernier sur les moyens de resserrer ses modalités de coopération avec les organisations régionales comme l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), l’Union européenne et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Présent lors de cette réunion, M. Solomon Passy, Ministre des affaires étrangères de la Bulgarie et Président en exercice de l’OSCE, a engagé les 15 membres du Conseil à faire plus en matière de coopération régionale. Salomon Passy a souligné que l’OSCE, avec ses 18 missions sur le terrain, demeure le principal instrument d’alerte rapide, de prévention des conflits, de gestion des crises et de réhabilitation après les conflits dans la région.
Rôle du secteur privé dans les conflits
Pour la deuxième fois dans l’histoire du Conseil de sécurité, la présidence de la Banque mondiale était invitée à participer à un débat. La réunion organisée le 15 avril sur le rôle que peut jouer le secteur privé dans la prévention des conflits a associé James Wolfensohn, Président de la Banque mondiale, mais également Heinrich von Pierer, Président directeur général de Siemens. À cette occasion, le Secrétaire général, Kofi Annan, a rappelé que le secteur privé produit et vend le matériel utilisé dans les conflits et bien souvent, exploite les ressources naturelles, permettant ainsi aux groupes rebelles et aux gouvernements de financer leurs campagnes militaires. Pour James Wolfensohn, le défi est de fournir un emploi et un espoir aux populations, la frustration ne conduisant pas nécessairement à la guerre mais elle rend ces personnes vulnérables. De son côté, le Président de Siemens a soutenu les partenariats entre secteur public et privé pour financer la reconstruction.
Justice et état de droit: le rôle de l’Organisation des Nations Unies
Dans sa déclaration présidentielle en date du 6 octobre, le Conseil a souligné l’urgence qu’il y a à restaurer la justice et l’état de droit dans les sociétés qui sortent d’un conflit. Il s’est également félicité du fait que le Secrétaire général ait décidé de faire du renforcement de l’état de droit et de la justice dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit l’une des priorités des Nations Unies. À cette occasion, le Secrétaire général avait présenté une série de recommandations que le Conseil s’est dit prêt à examiner dans la perspective de la tenue d’un débat dans le courant de l’année 2005. Parmi ces recommandations, il s’agit de veiller à ce que les accords de paix, ainsi que les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et les mandats approuvés par lui prêtent une attention prioritaire au rétablissement et au respect de la légalité.
Les civils et les conflits armés
Les civils ont été les principales victimes des 20 conflits armés qu’a connus le monde en 2004. Le 14 décembre dernier, le Conseil de sécurité s’est déclaré profondément préoccupé par le fait que des civils, en particulier les femmes, les enfants et autres personnes vulnérables, notamment les réfugiés et les personnes déplacées sont de plus en plus souvent la cible des combattants en période de conflit. Dans sa déclaration présidentielle adoptée le même jour, le Conseil a souligné qu’il y avait lieu d’adopter une vaste stratégie de prévention qui s’attaquerait aux causes profondes des conflits afin de pourvoir durablement à la protection des victimes.
La communauté internationale s’est pourtant dotée d’outils supplémentaires pour venir en aide aux millions de personnes déplacées et de réfugiés et aux populations civiles en prise aux conflits armés, dont 10 millions restent inaccessibles au personnel humanitaire. Désormais, les mandats des opérations de maintien de la paix comprennent un volet de protection des populations civiles. Ces opérations disposent d’une capacité de déploiement plus rapide des troupes sur le terrain. Il existe aussi depuis le 15 mars 2002 un « Aide-mémoire » visant à guider l’action de la communauté internationale. Il y est question notamment de l’accès aux populations vulnérables; de la sécurité du personnel humanitaire; du processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR); des besoins particuliers des femmes et des enfants et de la sécurité des personnes déplacées et des réfugiés.
Invité à participer à ses débats à plusieurs reprises par les membres du Conseil, Jan Egeland s’est élevé en particulier contre la vulnérabilité du personnel humanitaire qui a été récemment illustrée par l’exécution en Iraq de Margaret Hassan, Directrice de Care International en Iraq. Le Conseil a par ailleurs fermement condamné le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats par les parties au conflit. Le 22 avril dernier, ses membres ont prié le Secrétaire général de mettre au point d’urgence d’ici trois mois, un plan d’action pour mettre en place un mécanisme de surveillance et de communication sur le recrutement d’enfants soldats.
Les violences sexistes qui sont devenues une véritable arme de guerre, a également été un sujet à l’ordre du jour du Conseil, notamment à l’occasion du quatrième anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité. Ce texte, adopté le 31 octobre 2000, demandait notamment à toutes les parties à un conflit de prendre des mesures particulières pour protéger les femmes et les petites filles contre le viol et autres formes de sévices sexuels. Louise Harbour, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a, le 28 octobre, demandé au Conseil de sécurité de redoubler d’efforts contre l’impunité des auteurs de tels actes de violence en mettant en place des systèmes de justice plus efficaces et de veiller à ce que les tribunaux traditionnels respectent les normes internationales en vigueur.
La réconciliation nationale
Le 26 janvier, le Conseil évalue les défis de la réconciliation nationale dont le moindre n’est pas d’impliquer d’anciens belligérants dans les processus de paix tout en luttant contre l’impunité. Comment ne pas sacrifier sur l’autel de la réconciliation les impératifs de justice? Quelque 40 délégations tentent de répondre à cette question et reconnaissent l’expertise de l’ONU comme en témoigne la déclaration présidentielle qui clôt le débat. Dans ce texte, le Conseil exprime son intention d’étudier de plus près comment exploiter l’expérience et les compétences acquises par le système des Nations Unies mais aussi par les États Membres pour en faire bénéficier le plus grand nombre et tirer les enseignements du passé.
S’attaquant aux moyens d’établir des échanges plus efficaces et de tirer le meilleur parti de la contribution de la société civile aux efforts déployés dans les pays sortant d’un conflit, le Conseil tient une réunion, le 22 juin, au cours de laquelle le Secrétaire général prône la définition d’une stratégie politique et d’un cadre formel d’interaction. Certaines délégations mettent alors en garde contre la tentation de « trop formaliser » les relations entre le Conseil et les ONG.
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