SG/SM/9572-GA/AB/3643

ALLOCUTION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À LA CINQUIÈME COMMISSION SUR LA SÉCURITÉ DU PERSONNEL DES NATIONS UNIES

15/11/2004
Communiqué de presse
SG/SM/9572
GA/AB/3643


ALLOCUTION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À LA CINQUIÈME COMMISSION SUR LA SÉCURITÉ DU PERSONNEL DES NATIONS UNIES


Vous trouverez ci-après le texte de l’allocution du Secrétaire général, Kofi Annan, à la Cinquième Commission sur la sécurité du personnel des Nations Unies, le 1er novembre :


Parmi les responsabilités qui m’incombent en tant que Secrétaire général, il n’en est pas de plus importante que celle qui consiste à assurer la protection de mes collaborateurs. Ces hommes et ces femmes pleins de talent et d’ardeur remplissent des missions d’importance vitale en faveur du développement et de la paix à travers le monde, dans des conditions toujours difficiles et parfois dangereuses. Ils ont besoin – et ils méritent – qu’on leur offre les meilleures conditions de sûreté et de sécurité possibles. Je suis donc heureux de m’adresser à vous aujourd’hui pour vous présenter mes propositions en la matière afin qu’ensemble, États Membres et Secrétariat, nous puissions œuvrer avec le maximum d’efficacité et de professionnalisme pour assumer cette responsabilité fondamentale et ce devoir sacré qu’est la sécurité du personnel des Nations Unies.


L’Organisation des Nations Unies travaille aujourd’hui dans des conditions de sécurité plus incertaines que jamais.


Il fut un temps où les Casques bleus avaient essentiellement pour tâche de surveiller des lignes de cessez-le-feu relativement calmes. Aujourd’hui, nombre d’opérations de maintien de la paix sont déployées dans des zones de conflit ou dans des régions instables et se trouvent aux prises avec des sociétés désintégrées et, parfois, avec des acteurs non étatiques qui ne respectent guère, voire pas du tout, les règles de la guerre.


Les besoins humanitaires sont aussi devenus plus importants, et un plus grand nombre d’agents des services de secours et de développement doivent intervenir dans des zones plus reculées et potentiellement plus dangereuses.


Après la catastrophe de Bagdad l’an dernier, et les nombreux autres incidents tragiques dont ont été victimes des fonctionnaire de l’ONU, force est de constater que l’Organisation est devenue la cible d’actes de violence politique, et que le sentiment que nous avons longtemps éprouvé d’être protégés par notre drapeau et par notre statut d’acteur impartial et bénévole est remis en question. Je dois d’ailleurs souligner que ce même phénomène a des répercussions tout aussi dramatiques pour la Croix-Rouge, les organisations non gouvernementales à vocation humanitaire et les autres partenaires traditionnels de l’ONU.


Cette détérioration de conditions de sécurité date du début des années 90. Depuis cette époque, l’histoire de nos engagements internationaux est ponctuée de meurtres, de viols, d’actes de harcèlement et d’enlèvements, qui visent les membres du personnel local aussi bien qu’international, de Dili à Mogadishu et de Tbilisi à San Salvador. Depuis 1992, 218 membres du personnel civil et plusieurs centaines de Casques bleus ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions, victimes d’actes de malveillance. Beaucoup d’autres ont été gravement blessés, ont été détenus ou ont disparu. Au moment où je vous parle, nous essayons d’obtenir la libération immédiate et sans conditions de trois membres du personnel international de l’ONU pris en otage jeudi dernier à Kaboul.


Une telle situation rend d’autant plus pressante la réforme de notre système de sécurité.


Avec l’aide et le soutien de l’Assemblée générale, nous avons été en mesure depuis plusieurs années d’augmenter sensiblement les effectifs des services chargés de la gestion de la sécurité et de prendre d’autres mesures en vue de professionnaliser le système de sécurité. En 2000, et à nouveau en 2003, des équipes d’experts indépendants ont évalué le système, la dernière évaluation ayant été achevée quelques jours avant l’attaque à la bombe de nos bureaux de Bagdad. Le rapport Ahtisaari sur l’attentat de Bagdad a mis en lumière de façon éloquente les défaillances de notre système de sécurité.


Toutes ces études ont mis en évidence les mêmes faiblesses, à savoir essentiellement la dispersion de notre système de gestion de la sécurité et son manque de ressources patent. Et toutes ont conclu que ces insuffisances, ainsi que les autres problèmes et lacunes recensés, n’étaient pas propres à tel ou tel pays mais étaient inhérents au système et avaient des répercussions sur la façon dont nous menions nos activités à l’échelle mondiale. Le message qui ressortait de ces études exhaustives était clair : que l’attentat de Bagdad ait eu lieu ou non, notre système de sécurité n’était pas adapté aux nouvelles menaces auxquelles nous devons désormais faire face.


Songez au nombre de personnes que nous devons protéger : 100 000 collaborateurs internationaux et nationaux ainsi que les membres de leur famille et personnes à leur charge, ce qui représente plus de 300 000 personnes supplémentaires, en poste dans plus de 140 villes sièges et lieux d’affectation sur le terrain.


Pensez aussi à leur sens aigu du devoir quand ils sont au service de populations vivant dans des zones en difficulté; et à leur détermination à s’acquitter des mandats que vous, les États Membres, leur avez confiés. La sécurité n’est pour eux ni un privilège, ni un luxe, ni une question accessoire, ni un fardeau, mais une condition essentielle à l’exécution de leurs tâches.


Le plan que je vous présente aujourd’hui vise à pallier les défaillances du système actuel. Tous les organismes du système, de même que la Fédération des associations de fonctionnaires internationaux, l’appuient résolument. Par-dessous tout, il jette les bases du système de sécurité dont nous aurons besoin à l’avenir : un système unifié, professionnel, solide et capable de répondre aux attentes placées en lui.


Notre système actuel est éclaté entre des entités et des services disparates, aussi bien dans les villes sièges que sur le terrain. Ma proposition vise à créer un système de gestion de la sécurité unique et intégré.


La Direction de la sécurité que je propose de créer est conçue de façon à doter le système de procédures claires et de responsabilités bien définies et hiérarchisées, afin que nos directeurs de programmes aient les moyens d’assumer leurs responsabilités.

Elle sera organisée et dotée du personnel spécialisé voulu pour être en mesure de procéder à des analyses fiables des menaces et des risques, ce qui est indispensable si l’on veut assurer la sécurité du personnel dans des endroits où la situation est instable et évolue sans cesse. J’ai constaté avec plaisir que vous avez vous aussi reconnu la nécessité de renforcer les capacités professionnelles dans ce domaine lors du débat sur la résolution relative à la sécurité adoptée par l’Assemblée générale en juin dernier.


La Direction de la sécurité apportera à nos opérations sur le terrain l’appui dont elles ont besoin. Nous ne pouvons pas accepter plus longtemps que 33 pays ne disposent pas sur place d’un responsable de la sécurité sur le terrain et que 18 autres pays n’aient pas assez d’agents de sécurité pour couvrir les besoins.


Elle aura les moyens et les capacités nécessaires pour faire respecter les procédures en vigueur, grâce à la mise en place d’un régime d’inspections rigoureux, à une meilleure gestion des ressources humaines et à d’autres mesures.


Enfin, elle s’appuiera sur une solide équipe d’experts de la sécurité. L’Organisation compte déjà des personnes extrêmement compétentes dans ce domaine. Notre objectif est de faire fond sur leur savoir-faire en leur offrant une formation et des perspectives de carrière qui, à long terme, serviront les objectifs de l’Organisation. J’ajoute que l’ensemble du personnel devra aussi bénéficier d’une formation dans ce domaine.


Vous ne serez pas étonnés d’apprendre qu’un tel train de mesures a un coût. Compte tenu des mandats que vous, les États Membres, nous confiez, et compte tenu de la nécessité d’améliorer nos infrastructures et notre équipement, d’organiser des programmes intensifs de formation et d’offrir à notre personnel de réelles perspectives de carrière, et malgré les fonds supplémentaires que l’Assemblée nous a déjà alloués, force est de constater que nous manquons cruellement de ressources. Personne ne souhaiterait plus que moi pouvoir mener à bien cette réforme avec les moyens disponibles, ou en ne demandant qu’une faible augmentation de notre budget. Mais ce n’est pas possible. Nous avons besoin de davantage de ressources; nous en avons besoin dès maintenant et nous en aurons besoin à l’avenir. Au regard des sommes dépensées par le système des Nations Unies pour financer ses programmes, le montant demandé, soit 97 millions de dollars, est relativement modeste. En réalité, la sécurité ne doit pas être vue comme un élément distinct des programmes mais comme une des conditions essentielles à leur réalisation, étant donné que, si les conditions de sécurité ne sont pas bonnes, nous ne pouvons pas mener à bien nos activités de développement ou notre travail humanitaire sur une grande partie de la planète.


Un des aspects essentiels de ma proposition consiste à mettre fin aux accords de partage des coûts qui ont jusqu’à présent été utilisés pour financer les opérations de sécurité sur le terrain. La formule de partage des coûts est lourde à gérer et rend les services de sécurité dangereusement tributaires des budgets d’institutions, de programmes et de fonds qui sont financés au moyen de contributions volontaires, et dont les ressources ne sont donc pas prévisibles. Le partage des coûts n’est pas une solution satisfaisante quand il s’agit d’assumer une responsabilité fondamentale, voire de remplir une condition préalable à l’exécution de nos opérations. La sécurité de l’ensemble du personnel fait partie intégrante des activités que mène l’Organisation. Elle doit donc être financée au moyen de son budget ordinaire.


Le moment est venu pour vous d’agir résolument et fermement. C’est ce que demande notre personnel. C’est la conclusion à laquelle sont arrivés les auteurs d’études approfondies, faisant autorité, de notre système de sécurité, y compris le rapport Ahtisaari. Notre système de sécurité doit être réformé et modernisé.


Permettez-moi de vous rappeler ce qui est en jeu. Des populations du monde entier, dont nombre de vos propres citoyens, appellent l’ONU à l’aide dans les moments de crise – au Darfour ou dans d’autres endroits qui ne sont pas sous le feu des projecteurs – ou encore simplement pour les accompagner dans le combat qu’ils mènent au jour le jour pour rester dignes. En tant qu’États Membres, vous aussi nous donnez des mandats, par l’intermédiaire de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité ou d’autres organes, pour que nous allions là où les gens souffrent ou sont dans le besoin.


Les hommes et les femmes qui sont au service des Nations Unies entendent ces appels à l’aide et sont désireux d’y répondre. C’est la vocation qu’ils ont choisie. Mais pour qu’ils soient efficaces, pour qu’ils soient accessibles, pour qu’ils n’aient pas une « mentalité de bunker », pour qu’ils n’hésitent pas à partir sur le terrain et à se mettre au service des populations dans le besoin, nous devons assurer leur sécurité. Nous ne pouvons plus nous contenter de structures de sécurité dispersées, ou d’un petit groupe de conseillers surchargés de travail, même s’ils font de leur mieux pour s’acquitter de leur tâche. Face à une situation nouvelle, nous devons trouver de nouveaux moyens d’action.


Je vous remercie d’avoir compris ce défi et d’avoir appuyé les premières mesures que nous avons prises pour le relever. Je vous exhorte à continuer d’apporter votre soutien à la réforme que nous avons engagée et à nous permettre de passer à la vitesse supérieure. Je voudrais ajouter que la sécurité du personnel est ma priorité absolue et que je considère la réforme que je vous propose aujourd’hui comme l’une des plus importantes propositions – sinon la plus importante – que je vous aurai soumises en ma qualité de Secrétaire général.


Enfin, je ne doute pas que, si nous oeuvrons ensemble, les peuples du monde entier seront les premiers à bénéficier de cet investissement indispensable.


Je vous remercie.


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