En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/9388

TRANSCRIPTION DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU, KOFI ANNAN, AU SIÈGE DES NATIONS UNIES, LE 25 JUIN 2004

25/06/2004
Communiqué de presse
SG/SM/9388


TRANSCRIPTION DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU, KOFI ANNAN, AU SIÈGE DES NATIONS UNIES, LE 25 JUIN 2004


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Mesdames et Messieurs, bonjour. Je vous remercie de participer à cette conférence de presse qui a lieu un petit peu plus tôt que d’habitude, mais je pars ce week-end pour une mission assez longue et j’ai par conséquent estimé qu’il était très important d’organiser cette conférence de presse avant mon départ.


Un des pays où je vais me rendre est le Soudan, et j’irai en particulier au Darfour. Je souhaiterais voir en quoi consiste le problème sur le terrain. La population au Darfour souffre.  Des crimes graves ont été commis à son encontre. Il y a des besoins humanitaires très importants. Et trop souvent, la première réponse est trop lente en raison des restrictions entravant l’accès et des problèmes de sécurité. Mais ces deux derniers mois, les organismes et leurs partenaires – les organisations non gouvernementales – ont fait des progrès significatifs. En mai le Programme alimentaire mondial a fourni des denrées alimentaires à près de 600 000 personnes, l’objectif étant d’en atteindre deux fois plus, soit 1,2 million de personnes d’ici la fin août. A la fin de ce mois-ci, nous disposerons de suffisamment de matériel sur le terrain, d’assez de couvertures pour pouvoir aider 90 % des populations déplacées. Une campagne anti-rougeole très importante a été lancée en juin et nous avons pu atteindre plus de 2,2 millions d’enfants. Environ 350 000 personnes dans le besoin ont désormais accès à de l’eau potable. L’un des besoins auxquels nous devons répondre si nous voulons empêcher la propagation de maladies et d’épidémies pendant la saison des pluies, c’est la construction de latrines. Un grand nombre de latrines est actuellement en cours de construction. J’ai lancé plusieurs appels au Président soudanais, M. Al-Bashir, lui demandant de faciliter l’accès du personnel humanitaire aux populations. L’accès s’est maintenant amélioré et le nombre de travailleurs humanitaires internationaux au Darfour est en augmentation,  mais nous en avons besoin de beaucoup plus et il y a toujours de graves problèmes à résoudre. Il faut également disposer de camions car cette course humanitaire a commencé. Et il faut absolument accréditer les organisations non gouvernementales, leur fournir des visas le plus rapidement possible et lever tous les obstacles existants en la matière.


Nous avons encore besoin de beaucoup de fonds. Il nous manque 140 millions de dollars, ce qui nous empêche de déployer beaucoup plus de personnel sur le terrain, surtout dans les domaines clés tels que la santé, l’eau et l’assainissement. Je lance un appel à tous les donateurs. Je leur demande de respecter les engagements qu’ils ont pris et de fournir des contributions supplémentaires. Nous avons également demandé aux donateurs de déployer des ingénieurs et de fournir du matériel tel que des citernes et des hôpitaux de campagne. Nous avons besoin de cette aide maintenant, et non pas dans un ou deux mois, car à ce moment-là, ce sera peut-être trop tard. Des centaines de milliers de vies sont en jeu. L’aide humanitaire est un besoin urgent mais bien sûr, cela ne peut en aucun cas constituer une solution. La responsabilité de tout gouvernement est de protéger sa population contre le type de crime commis au Darfour et la communauté internationale doit rappeler ces responsabilités. Tel est le principal objectif de ma mission. Si le Gouvernement soudanais ne dispose pas des capacités de protéger sa propre population, la communauté internationale doit être prête à aider le Gouvernement soudanais.


Il y a, derrière les atrocités commises, des conflits politiques relatifs à la terre et à d’autres questions. Il faut absolument trouver une solution à ces conflits. Il faut mettre en place des négociations ouvertes à tous. Le conflit au Darfour constitue une véritable menace pour le processus qui met enfin terme à la guerre dans le sud du Soudan, guerre qui a duré des décennies et provoqué les souffrances de millions de personnes.


Je viens de nommer Jan Pronk Représentant spécial chargé de surveiller le programme de consolidation de la paix au Soudan. Il participera à ma mission, ainsi que Mohammed Sahnoun qui m’a représenté lors des négociations nord-sud. Je lui ai demandé maintenant de travailler avec les parties au Darfour afin de trouver une solution politique. Et bien entendu, Jan Egeland, du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, participera également à cette mission. Je rendrai compte de la situation au Conseil de sécurité et j’en discuterai également avec tous les dirigeants qui participeront au sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba. Vous savez que l’Union a déjà participé aux efforts visant à résoudre le conflit du Darfour en déployant notamment des observateurs du cessez-le-feu. L’ONU ne peut que souscrire aux efforts réalisés par l’Union africaine et nous allons essayer de trouver un moyen d’appuyer beaucoup plus ces efforts et de faire en sorte que notre appui soit beaucoup plus efficace.


Lors du sommet, j’espère pouvoir rencontrer les chefs d’Etat impliqués dans la crise en République démocratique du Congo, autre pays d’Afrique où un processus de paix a été très difficilement négocié après des années de souffrances. Et ce processus de paix risque d’être remis en cause. Nous devons par conséquent redoubler d’efforts pour empêcher cela.


J’espère également pouvoir rencontrer tous les dirigeants participant au processus visant à résoudre une situation tout aussi préoccupante, celle de la Côte d’Ivoire. Nous devons absolument faire en sorte que l’Accord de Linas-Marcoussis soit respecté. Je vais discuter également avec les dirigeants de l’Ethiopie et ceux de l’Erythrée de la mise en œuvre du processus de démarcation entre les deux pays. Et j’irai également à Nairobi pour vérifier les opérations de l’ONU et pour tenir des consultations avec le Gouvernement. Après Nairobi, je me rendrai à une autre conférence, la quinzième Conférence internationale sur le sida à Bangkok.


Il faut savoir également que mercredi prochain, en Iraq, aura lieu le transfert de la souveraineté. Je déplore que la situation sur le terrain semble se détériorer. Nous continuerons à suivre de près la situation, mais il faut savoir que l’ONU fait de son mieux pour aider les Iraquiens à préparer des élections libres et crédibles en janvier de l’année prochaine. Il est vital pour le Gouvernement intérimaire de disposer d’une véritable possibilité d’exercer sa pleine souveraineté. Je voudrais lancer un appel à tous ceux qui sont impliqués, leur demander de faire de leur mieux pour que cela soit possible.


Question (interprétation de l’anglais) : Je voudrais vous poser une question sur l’Iraq. Après avoir parlé d’une « invasion illégale » de l’Iraq, vous vous êtes efforcé d’obtenir que l’ONU joue un rôle de premier plan et rétablisse une partie du prestige perdu. Le Conseil de sécurité vous a conféré ce rôle de premier plan. Pourtant, le personnel de l’ONU est maintenant à Amman et ne peut revenir en Iraq de peur d’être tué ou décapité. En résumé, la seule chose que vous puissiez faire, c’est prêter une assistance technique pour la tenue des élections. Qu’est-ce que l’ONU fait d’autre en Iraq pour être à la hauteur du rôle confié par le Conseil de sécurité ? Peut-elle faire autre chose que servir de bouc émissaire pour le fiasco en matière de sécurité ?



Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je voudrais juste dire que nous faisons bien plus que fournir une assistance technique pour la tenue des élections. J’ai dépêché une équipe dirigée par Lakhdar Brahimi, qui a contribué à la mise en place du Gouvernement intérimaire. Nous avons envoyé une équipe d’assistance électorale qui a mis en place le cadre nécessaire pour la tenue des élections. A l’heure actuelle, nous sommes également en train de former plusieurs Iraquiens au Mexique en vue des élections. Beaucoup de choses sont entreprises dans les domaines électoral et constitutionnel. Le personnel présent à Amman intervient par le truchement du personnel sur le terrain : le personnel local, iraquien, et les sous-traitants. Par exemple, le PNUD conduit en Iraq un programme de plus de 2 millions de dollars ; l’UNICEF est lui aussi impliqué sur le terrain à travers ses programmes d’éducation et relatifs à l’eau. Ainsi, nous intervenons du mieux que nous pouvons depuis Amman et traversons la frontière lorsqu’il le faut. Nous nous efforçons de trouver des moyens créatifs d’aider l’Iraq sans exposer le personnel.


Question (interprétation de l’anglais) : On ne peut donc pas parler de rôle de premier plan.


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Qualifiez cela comme vous le voulez. Mais s’agissant du processus électoral et de la transition qui vient d’être opérée, ce sont des activités fondamentales. Le conflit en Iraq ne pourra être résolu sans réconciliation politique. Il ne pourra être résolu qu’au moyen d’élections ouvertes à tous. N’oublions pas non plus la conférence internationale prévue pour le mois prochain. Tout ne peut se régler par la force. Un processus politique est impératif. Aussi, ne sous-estimez pas les efforts que l’ONU déploie pour faire avancer le processus et pour amener les Iraquiens à un dialogue démocratique. A mon avis, ce faisant, l’ONU pourra à terme influencer le cours des choses.


Question (interprétation de l’anglais) : Monsieur le Secrétaire général, vous venez de dire que le Gouvernement soudanais est tenu de protéger sa population et de lever les obstacles à l’accès du personnel humanitaire. Ma question est donc la suivante : la situation n’est-elle pas pire que celle que vous venez de décrire ? N’est-il pas vrai que le Gouvernement soudanais est en train de financer et d’équiper les milices qui se livrent à ce que Ian Egeland a qualifié de nettoyage ethnique, voire à un génocide comme d’autres l’ont dit ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) J’ai personnellement lancé un appel au Gouvernement soudanais pour qu’il mette fin aux activités des milices des Djandjawids et les désarme. De plus, j’ai envoyé sur le terrain un rapporteur spécial sur les droits de l’homme, qui préparera un rapport sur la situation. Pour ma part, je m’apprête à aller au Soudan pour voir quelle est la situation sur le terrain, pour épauler mes collaborateurs sur place et pour exercer de nouvelles pressions sur le Gouvernement. Il faut que le Gouvernement assume les responsabilités qui sont les siennes. Le Secrétaire d’Etat Powell sera lui aussi sur place. Nous serons pendant un jour au moins tous les deux à Khartoum, où nous ferons pression sur le Gouvernement pour qu’il fasse ce qu’il a à faire. Etant donné la nature des atrocités et des crimes commis, et il faut savoir que ce sont des crimes universels, les auteurs quels qu’ils soient doivent savoir qu’ils devront rendre des comptes. Et pas seulement les commandants sur le terrain, mais aussi ceux qui donnent des ordres.



Question (interprétation de l’anglais) : D’aucuns ont émis des signes d’inquiétude quant à la tenue des élections en Afghanistan, estimant que ces élections ne pourront pas avoir lieu en septembre. Qu’en pensez-vous ? Et pensez-vous que la communauté internationale et l’OTAN devraient fournir davantage de troupes en Afghanistan ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : En ce qui concerne les élections, je voudrais tout d’abord dire que le processus d’inscription sur les listes se poursuit sans heurt, avec plus de 100 000 Afghans inscrits par jour. Ce rythme montre que les Afghans sont prêts pour les élections. Jusqu’à présent, nous avons inscrit 4,5 millions de personnes. Les inscriptions se passent donc sans problème. Si nous parvenons à contrôler la situation en matière de sécurité, je pense que les élections pourront se dérouler comme prévu en septembre. Mais il reste un gros point d’interrogation. Il manque des troupes sur le terrain, la FIAS ne s’est pas encore déployée à l’extérieur de Kaboul. J’en profite d’ailleurs pour lancer un appel à la FIAS et à l’OTAN en leur demandant de déployer comme promis cinq équipes provisoires dans les provinces. Je pense que les forces américaines et les forces de l’OTAN présentes sur place doivent nous prêter leur concours et collaborer avec le Gouvernement ainsi qu’avec les chefs de guerre dans les régions pour que la sécurité règne. Notre personnel ne peut pas se rendre dans plusieurs secteurs, alors que certains étaient considérés comme sûrs. En conclusion, nous sommes dans les temps en ce qui concerne les préparatifs des élections. Maintenant il faut suivre de près la situation en matière de sécurité.


Comme je l’ai déjà indiqué, nous avons besoin de plus de troupes. Les troupes promises n’ont toujours pas été déployées. Nous avons besoin des troupes de l’OTAN à l’extérieur de Kaboul. Il faut aussi que soient déployées les cinq équipes provisoires promises.


Question (interprétation de l’anglais) : Je voudrais parler des négociations à six parties qui sont en cours à Beijing. Est-ce que vous pensez que le plan présenté par les Etats-Unis va dans le bon sens ? Pensez-vous que la Corée du Nord devrait l’accepter ? Pensez-vous que la Corée du Nord pose véritablement une menace nucléaire ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je pense que la proposition faite est positive. Elle montre que les parties veulent trouver une solution diplomatique à leur différend. Cela signifie aussi que les parties commencent à échanger des idées et à dialoguer. Je ne peux faire aucun commentaire quant à la menace représentée par la Corée du Nord. Je ne puis dire si la menace est réelle ou imaginaire. Quoi qu’il en soit, nous devons faire en sorte que les parties qui participent aux négociations prennent des engagements. La Chine joue un rôle déterminant à cet égard. J’espère que la Chine pourra convaincre la Corée du Nord, au cas où la menace serait réelle. La mission récemment effectuée par mon Envoyé spécial, Maurice Strong, a été particulièrement productive. Il a eu l’impression que la Corée du Nord était disposée à prendre des engagements. Mais trois problèmes se posent : le problème nucléaire, le problème humanitaire immédiat et le problème du développement sur le long terme, qui comprend la question des besoins énergétiques.



Question (interprétation de l’anglais) : Je voudrais en revenir au Darfour. L’heure est-elle venue pour le Conseil de sécurité d’agir avec une plus grande fermeté pour demander des comptes au Gouvernement soudanais, imposer des sanctions ou prendre toute autre mesure concrète ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Le Conseil de sécurité reste saisi de la question. J’ai moi-même remis plusieurs rapports au Conseil de sécurité, qui a publié plusieurs déclarations présidentielles. Ce qui est important, ce n’est pas simplement le Conseil de sécurité : tous les gouvernements influents doivent s’impliquer et insister auprès du Gouvernement soudanais pour qu’il protège sa population, désarme les milices Djandjawids et crée un environnement propice au retour des personnes déplacées. Il faut aussi amener le Gouvernement à prendre des engagements et à mener à bien les négociations. Nous devons également signifier clairement à tous ceux qui participent au processus de paix au Soudan que, malgré les progrès réalisés, il ne pourra y avoir de solution viable à la crise au Soudan tant que la crise durera au Darfour. Il est donc impératif de régler le problème au Darfour si l’on veut parvenir à une solution durable et à une véritable paix au Soudan et si l’on veut que les Soudanais profitent des fruits de la paix et bénéficient d’un engagement sérieux de la part de la communauté internationale.


Question (interprétation de l’anglais)  : Ne pensez-vous donc pas que des sanctions devraient être imposées ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je pense que le Conseil de sécurité devra peut-être le faire à un moment ou à un autre. Ce qui est important, c’est d’exercer des pressions collectives et d’encourager le Gouvernement à faire ce qu’il faut. Le Conseil de sécurité doit faire preuve de vigilance et demeurer saisi de la question. Le Conseil ne devra pas hésiter à agir le cas échéant.


Question (interprétation de l’anglais)  : Pour revenir à l’Iraq, les Etats-Unis chercheraient à obtenir l’immunité unilatérale pour les soldats et les sous-traitants après le 30 juin. On ne sait pas si le Gouvernement intérimaire iraquien est d’accord. Vous avez fait une déclaration à cet égard. Pensez-vous que cette initiative est souhaitable ? Cela signifie-t-il que le Gouvernement intérimaire est vraiment souverain ? 


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je ne connais pas les détails des discussions actuelles, mais si le Gouvernement américain agit avec le consentement du Gouvernement iraquien en place après le 30 juin, nous n’avons rien à dire. Je n’ai pas vraiment d’observations à faire car je ne connais pas les tenants et les aboutissants de la question. Si le Gouvernement iraquien est d’accord, nous n’avons rien à y redire.


Question (interprétation de l’anglais) : Qualifiez-vous de génocide ou de nettoyage ethnique la situation au Darfour ?


Deuxièmement, dans son exposé au Conseil de sécurité, Sir Prendergast a dit que des milliers de personnes continuent d’être déplacées par suite des agissements excessifs d’Israël, que des habitations continuent d’être détruites. Alors que l’Égypte exerce des pressions sur les autorités palestiniennes, que ferez-vous ? Vous limiterez-vous à lancer des appels puisque les Israéliens n’en tiennent pas compte ? Pensez-vous que les Etats-Unis sont d’un grand secours et exercent les pressions nécessaires sur Israël ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : S’agissant de la situation au Darfour, il y a eu de nombreux débats sur la question. S’agit-il d’un génocide ? S’agit-il d’un nettoyage ethnique ? Et moi-même à Genève, j’ai indiqué que, d’après les rapports dont j’ai été saisi, on pouvait parler de nettoyage ethnique.


Mais je voudrais également dire que la question n’est pas de savoir s’il s’agit d’un génocide. Nous sommes tous d’accord sur le fait que des crimes graves sont commis au Darfour. Le droit international et le droit international humanitaire sont bafoués et des violations très graves des droits de l’homme sont commises. Nous devons par conséquent agir. Nous n’avons pas besoin de marquer d’une étiquette la situation pour agir. Je pense donc qu’il nous faut agir dès maintenant et éviter de débattre de la question de savoir s’il s’agit d’un génocide ou d’un nettoyage ethnique. Comme je l’ai dit, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires de la Commission des droits de l'homme de l'ONU est sur le terrain et j’attends d’être saisi de son rapport dans les semaines à venir.


Pour ce qui est du conflit israélo-palestinien, je suis tout à fait au courant de la situation désespérée dans laquelle vivent les Palestiniens qui ont vu détruire leurs maisons. D’après les rapports de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), je sais que les conditions de vie des Palestiniens sont particulièrement difficiles. Le Quatuor demeure engagé dans les négociations. L’Envoyé spécial de l'ONU pour la paix au Moyen-Orient a rencontré récemment toutes les parties prenantes. Vous avez parlé des efforts réalisés par les Égyptiens mais ceux-là portent surtout sur les questions de sécurité.


Nous examinons actuellement la question du retrait des Israéliens de Gaza. Si ce retrait s’effectue dans le cadre de la Feuille de route et de façon totale et si un retrait de la Cisjordanie suit, cela pourra alors donner un élan nouveau au processus de paix. La communauté internationale doit être prête à travailler avec les deux parties afin que ce retrait se passe bien et pour éviter que le retrait n’engendre le chaos. Nos organismes sur le terrain – l’UNRWA et d’autres – font de leurs mieux pour aider les Palestiniens.


A l’évidence, personne ne se réjouit de ce qui se passe. Je l’ai dit à plusieurs reprises. L’Union européenne l’a dit également. Les Gouvernements de l’Union ont lancé des appels au Gouvernement israélien. Voilà donc où en est la situation.


Question (interprétation de l’anglais) : Vous avez parlé de violations du droit international, du droit international humanitaire. Ne pouvez-vous rien faire ? Ne pouvez-vous que vous limiter à faire des déclarations ? J’espère que votre initiative au Darfour réussira, mais pourquoi ne faites-vous rien au sujet du fait qu’Israël viole le droit international ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Nous, le Quatuor, travaillons ensemble pour essayer de régler la situation. Quand vous me dites de faire davantage, il faut d’abord savoir que la situation au Darfour est différente. On ne peut pas la comparer avec le conflit israélo-palestinien de longue date. Cette comparaison ne peut donc être faite.


Vous savez que le Quatuor est une équipe au sein de laquelle tous les membres doivent s’impliquer afin de pouvoir aller de l’avant et de progresser. Nous avons publié un rapport le 4 mai dernier qui énonce très clairement les intentions du Quatuor. Ce que vous voulez, c’est que le Quatuor agisse dès maintenant pour mettre fin à la démolition des habitations. C’est bien ce que le Quatuor a l’intention de faire, mais à l’heure actuelle, la communauté internationale n’est pas prête à agir. Moi, en tant que Secrétaire général, je ne peux agir seul. Je ne dispose d’aucune troupe, d’aucune force et je ne pense pas que les gouvernements soient prêts à agir face à la situation.


Question (interprétation de l’anglais) : M. le Secrétaire général, vous venez de dire que tout le monde s’entend à reconnaître que des crimes sont commis au Darfour. Dans ce cas, pensez-vous que la Cour pénale internationale pourrait jouer un rôle à l’avenir dans le cadre de cette crise ?


Deuxièmement, comment comparez-vous la réponse de la communauté internationale au Darfour avec celle au Rwanda il y a 10 ans ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Tout d’abord, je voudrais dire que le Soudan a signé le Statut de Rome mais ne l’a pas ratifié. Le Gouvernement soudanais doit respecter les dispositions du Statut d’un point de vue moral. Les crimes au Soudan sont des crimes universels. Même si la Cour pénale internationale n’avait pas juridiction, les coupables pourraient être traduits en justice dans n’importe quel pays du monde une fois sortis du Soudan. Ils ne pourront se cacher longtemps.


Concernant votre deuxième question, la réponse est non.


Question : M. le Secrétaire général, en français si vous le voulez bien. Sur le Darfour, selon vous, quelle est la responsabilité du Gouvernement soudanais dans ce qui se passe, d’après vous ? Et deuxièmement, seriez-vous en faveur de sanctions quand vous dites qu’il est temps d’agir maintenant ? La pression diplomatique ne fonctionne pas. Ça fait plusieurs semaines que vous l’avez essayé. Que peut-on faire d’autre ?


Le Secrétaire général : Évidemment, le Gouvernement soudanais est responsable de la protection de ses citoyens. Si cette situation continue, j’espère que le Conseil de sécurité agira. On a proposé des sanctions ou bien d’autres actions. J’espère que cela n’est pas exclu parce que le Conseil doit maintenir la pression. J’espère donc que si la situation ne s’améliore pas, le Conseil pourra prendre d’autres mesures.


Question (interprétation de l’anglais) : Puis-je poser une question en arabe ? (inaudible)


La situation se détériore en Iraq. Le monde arabe a toujours souhaité que vous alliez en Iraq mais vous n’allez qu’à Doha. Que répondez-vous ?


Pour ce qui est du Soudan, Londres et Washington ont rejeté les accusations faites par Khartoum. Êtes-vous prêt à donner des assurances aux Soudanais ? Êtes-vous prêts à dire que l’ONU ne couvrira pas les actions diplomatiques des Britanniques et des Américains ?


Le nouvel ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’ONU se rendra également au Soudan. Il apportera sa propre compréhension de la situation. Mais il est membre de l’église épiscopalienne et comme le conflit au Soudan oppose le nord musulman au sud animiste et chrétien, est-ce que vous pensez que sa nomination, en tant que membre de l’église épiscopalienne, représentera un atout pour l’ONU ou risque de poser des problèmes au Soudan ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je voudrais commencer par votre première question. Vous avez raison, je m’arrêterai à Doha avant d’aller au Soudan et je serai à Khartoum ou au Darfour le 30 juin. Les forces de sécurité qui sont sur le terrain sont au maximum de leur capacité. Je ne pense pas que l’on doive leur imposer des responsabilités supplémentaires en leur ôtant leur rôle principal qui est d’assurer la sécurité de personnalités éminentes sur le terrain. Il faut beaucoup de forces de sécurité pour assurer la sécurité de personnes éminentes en visite. Il faut savoir que la coalition et le Gouvernement iraquien ne souhaitent pas que le transfert du 30 juin soit un trop gros événement. Je serai donc au Darfour le 30 juin, au moment du transfert de souveraineté, mais nous suivrons la situation de près.


Pour ce qui est de votre deuxième question, je ne suis pas au courant d’un programme politique de l’administration américaine et de l’administration britannique au Soudan. Je ne vois donc pas comment nous pourrions servir de couverture pour ce programme politique. Nous sommes là pour aider le peuple soudanais. Nous sommes là pour mener à bien des activités humanitaires. Nous sommes là pour aider à la réconciliation. Nous sommes là pour trouver une solution aux différends. Nous sommes là pour trouver une solution durable et une paix durable au Soudan.


Vous avez parlé de M. Danforth, qui vient d’être confirmé Ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’Organisation des Nations Unies. L’Ambassadeur Danforth apportera au Soudan une grande expérience. Malgré sa trajectoire, il a réussi à faire de l’excellent travail dans le cadre des négociations entre le nord et le sud. Si les soupçons que vous insinuez étaient fondés, je pense que son rôle de médiateur dans ce processus aurait été presque impossible. Je pense donc qu’il constituera un atout et qu’il apportera une connaissance utile qui redynamisera peut-être le débat au Conseil – et entre nous tous – sur le Soudan.


Question (interprétation de l’anglais) : Je voudrais revenir sur les allégations concernant le responsable du Bureau des services de contrôle interne (BSCI). Avez-vous décidé de lancer une enquête et, le cas échéant, qui peut procéder à une telle enquête ?


Vous avez lancé un appel à l’Assemblée générale pour qu’elle adopte la déclaration de Berlin sur l’antisémitisme. J’ai demandé au Ministre des affaires étrangères irlandais si, en sa qualité de représentant de l’Union européenne, il peut la présenter à la prochaine session de l’Assemblée générale. Il a répondu qu’étant donné l’expérience qu’il a vécue l’an dernier, ce n’était pas possible. L’Assemblée générale pourrait-elle prendre le relais ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Depuis sa création, le BSCI a mené des enquêtes avec succès et a essayé d’améliorer le professionnalisme et l’intégrité au sein de l’Organisation. Je ne suis pas sans savoir que des accusations personnelles ont été lancées contre M. Nair – pour la plupart anonymes. On les a examinées et on a essayé de tirer tout cela au clair. Bien sûr, s’il y a des raisons d’agir, on pourra alors s’inquiéter de savoir qui enquêtera sur l’enquêteur. Si cela est nécessaire, on trouve toujours quelqu’un pour enquêter, mais nous n’en sommes pas encore là. Il existe des allégations et, à ce stade, nous procédons à des vérifications préliminaires.


Quant à l’autre question, j’espère qu’un groupe d’Etats Membres l’adoptera. L’Assemblée générale ne peut le faire spontanément. Il faut qu’il y ait proposition et parrainage d’un groupe d’Etats Membres. Je suis étonné d’entendre que l’Ambassadeur irlandais aurait dit que l’Union européenne ne fera plus un nouvel essai. L’an dernier, c’est l’an dernier.


Question  (interprétation de l’anglais) : Quelques questions à présent sur vos tentatives en vue d’éliminer la corruption au sein de l’ONU. Paul Volcker a dit qu’il semblerait qu’il y en ait beaucoup.


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Où ?


Question (interprétation de l’anglais) : Beaucoup de problèmes avec le programme pétrole contre nourriture. Il aurait entendu beaucoup de rumeurs. J’aimerais savoir comment vous pensez que l’enquête va se dérouler et ce que vous pensez de ces « rumeurs ».


Le Bureau de services de contrôle interne a préparé un rapport BRASS sur la corruption. Des cas y ont été constatés, mais ce rapport n’a pas encore été publié. J’aimerais savoir ce que vous en pensez et comment nous pourrions y avoir accès.


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Tout d’abord, sachez que je n’ai pas eu vent de l’interview dont vous me parlez. J’ai entendu M. Volcker dire qu’il avait tout ce dont il avait besoin pour effectuer l’enquête. En fait, on lui a demandé s’il avait un pouvoir d’injonction et il a répondu : « j’ai bien mieux qu’un pouvoir d’injonction. J’ai accès à tous les documents de l’ONU. J’ai accès au personnel de l’ONU. J’ai accès à des documents des contractants de l’ONU et des sociétés avec lesquelles l’ONU a traité sur ce sujet ». Il était absolument satisfait des pièces et des informations dont il dispose. Il a également déclaré avoir réuni une équipe d’excellence qui va faire du très bon travail.


Je pense qu’il faut prendre dûment note de cela. Je pense que nous devons écouter M. Volcker. Lui, le juge Goldstone et Pieth sont ceux qui sont chargés d’effectuer l’enquête. Je pense qu’ils feront un travail approfondi et crédible.


Nous ne pouvons pas empêcher ceux qui écrivent des histoires à partir d’éléments d’information ou de rumeurs recueillis ci et là. Cela peut être dangereux et perturbant. Mais je pense que nous devons laisser M. Volcker, M. Goldstone et M. Pieth faire leur travail. Ensuite, nous pourrons juger. Nous avons beaucoup de travail à faire et nous avons nommé une très bonne équipe qui s’en chargera. M. Volcker ne cherche pas la gloire personnelle. Il n’est pas prêt à tout. Il est complètement désintéressé. Il fait cela pour un dollar, si vous avez besoin de savoir. J’ignore d’où vous tenez cette information.


Quant à l’affaire BRASS, je ne suis pas impliqué. Je ne connais pas grand chose sur la question.


Question (interprétation de l’anglais) : Le rapport sera-t-il publié ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je n’ai même pas connaissance de ce rapport. Je pense donc qu’il faut trouver un moyen de savoir. Fred pourra peut-être vous aider. Demandez-lui. Je n’ai pas vu de rapport. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un rapport général. Vous parlez d’un rapport rédigé par un département. Un rapport de département. Je pense qu’il faut vérifier auprès du département et Fred vous dira à qui vous devez vous adresser.


Question (interprétation de l’anglais) : J’aimerais que vous nous donniez, Monsieur le Secrétaire général, un rapide suivi de la situation au Soudan. Quand vous dites que si le Gouvernement soudanais ne peut pas protéger son peuple, il doit permettre à la communauté internationale de le faire, à quoi pensez-vous au juste ? Pensez-vous à organiser une force multinationale ou à autre chose ?


En fait, je voudrais poser une question au sujet de la Cour pénale internationale. Vous avez adopté une attitude très nette. Votre attitude a prévalu. Craignez-vous que les Etats-Unis ne mettent à exécution les menaces qu’ils ont proférées il y a deux ans, et bloquent les opérations de maintien de la paix et posent de grandes difficultés aux missions autorisées par l’ONU ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Pour ce qui est du Soudan, je ne pense pas que nous puissions envoyer la « cavalerie » à ce stade et je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de pays prêts à déployer leurs troupes sur le terrain. Le Conseil, s’il le juge nécessaire, devra décider. On a parlé par exemple de sanctions, mais c’est au Conseil de décider. D’autres mesures peuvent aussi être prises mais c’est au Conseil d’en décider. Il y a déjà eu des situations où des gouvernements n’ont pas pu protéger leur population et la communauté internationale a réagi, comme par exemple au Timor oriental. L’Indonésie n’a pas été en mesure de la faire et c’est nous qui sommes allés sur le terrain. J’étais alors en contact régulier avec le Président Habibi, lui expliquant que s’il ne pouvait pas intervenir, la communauté internationale, elle, le pouvait. Mais cette volonté politique d’intervenir doit être réelle et je crois que nous devrions tous commencer à y songer.


Pour ce qui est de la question concernant la Cour pénale internationale, je pense que nous avons obtenu un bon résultat tant pour le Conseil que pour les Américains. Il ne faut pas oublier après avoir été divisé, le Conseil a retrouvé son unité sur la question de l’Iraq. L’unité du Conseil est extrêmement importante. Lorsque le Conseil est uni et travaille de concert, les décisions prises ont beaucoup plus de force. Nous avons beaucoup de problèmes à régler au cours des mois à venir et j’étais donc préoccupé de constater que le Conseil risquait, encore une fois, d’être divisé sur la question de la Cour pénale internationale. J’espère que tout le monde considère cette décision comme la bonne et que les Etats-Unis ne formuleront pas de nouvelles menaces ou qu’ils ne mettront pas à exécution celle faite il y a deux ans de se retirer des opérations de maintien de la paix.


Question (interprétation de l’anglais) : J’ai deux questions à poser, l’une concerne le Soudan et l’autre l’Iraq. Vous serez au Soudant en même temps que le Secrétaire d’Etat américain, Colin Powell. Allez-vous vous rencontrer ? Quelque chose est-il prévu à cet égard ? Deuxièmement, M. Egeland  a déclaré la semaine dernière que, contrairement à l’ONU, les organisations non gouvernementales ne parvenaient pas à obtenir leur approvisionnement. Pensez-vous que la situation a changé ? Pour ce qui est de l’Iraq, je ne vois pas comment vous pourrez jouer un rôle si vous n’avez pas de Représentant spécial sur place. Allez-vous en nommer un d’ici au 30 juin ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Effectivement, je compte rencontrer le Secrétaire d’Etat Powell au Soudan. S’agissant de votre dernière question, je vais nommer un Représentant spécial prochainement et il sera basé à Bagdad.


Question (interprétation de l’anglais) : Quand ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Prochainement.


Question (interprétation de l’anglais) : Avant le 30 juin ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Dans environ une semaine.  La troisième question avait trait au Soudan, où les organisations non gouvernementales n’arrivent pas à obtenir de visas et ne sont pas autorisées à entrer dans le pays. J’en ai parlé au Président et aux autorités soudanaises et la situation commence à s’améliorer. Mais nous allons continuer à exercer des pressions pour garantir que les organisations non gouvernementales obtiennent leurs visas. Les autorités soudanaises tendent à faire une distinction entre l’ONU et les organisations non gouvernementales, mais ces organisations sont cruciales pour nous. Nous travaillons en partenariat et nous ne pouvons nous passer d’elles. Nous avons donc essayé de faire comprendre au Gouvernement soudanais qu’il ne serait à rien de nous autoriser à rentrer dans le pays s’il refuse de laisser entrer nos partenaires essentiels. 


Je vous remercie.


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