En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/9350

KOFI ANNAN ATTEND UNE DÉFINITION CLAIRE DU RÔLE DE L’ONU EN IRAQ ET LA MISE EN PLACE DE TOUTES LES CONDITIONS NÉCESSAIRES À L’ACCOMPLISSEMENT DE SON MANDAT

08/06/2004
Communiqué de presse
SG/SM/9350


KOFI ANNAN ATTEND UNE DÉFINITION CLAIRE DU RÔLE DE L’ONU EN IRAQ ET LA MISE EN PLACE DE TOUTES LES CONDITIONS NÉCESSAIRES À L’ACCOMPLISSEMENT DE SON MANDAT


On trouvera ci-après la déclaration du Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, à la réunion que le Conseil de sécurité a tenue hier sur la situation en Iraq:


Le Conseil de sécurité se réunit aujourd’hui pour entendre un exposé officiel de mon Conseiller spécial, Lakhdar Brahimi, sur le processus qui a abouti à l’annonce de la formation du nouveau Gouvernement intérimaire iraquien le 1er juin 2004. Je sais que tous les membres du Conseil de sécurité accordent beaucoup de crédit à son évaluation de la situation. Cependant, je souhaite dire quelques mots avant qu’il ne s’adresse au Conseil.


Depuis le début de la crise iraquienne, le rôle de l’Organisation des Nations Unies a été difficile, souvent dangereux, assorti de contraintes et entouré de controverses. Afin de comprendre le rôle joué au cours des dernières semaines par Lakhdar Brahimi et son équipe, et par Carina Perelli et la sienne, il est important de replacer leurs efforts dans une perspective plus large et plus longue.


Ce n’est un secret pour personne que les événements qui ont abouti à la guerre contre l’Iraq, et les faits qui sont survenus depuis lors, ont suscité les plus graves divisions que ce Conseil ait connues depuis la fin de la guerre froide. Pour de nombreuses personnes aux quatre coins du monde, ce qui était en jeu était la façon dont nous définissions l’ordre international et notre système de sécurité collective au début du nouveau millénaire.


Sur fond de ces vues très arrêtées des deux côtés de la controverse, et parfois d’amers désaccords concernant les mesures prises, il était inévitable qu’il serait difficile de parvenir à un accord sur le rôle qu’aurait à jouer l’ONU après la guerre, particulièrement dans le processus politique. Les Etats Membres ont pu se mettre d’accord que l’Organisation devrait jouer un rôle vital ou central. Mais ce rôle n’a jamais été spécifiquement défini. De plus, l’attaque mortelle contre les bureaux des Nations Unies à Bagdad a considérablement réduit notre capacité d’action à l’intérieur de l’Iraq, et j’ai insisté pour qu’il y ait une certaine symétrie entre les risques que l’on demandait à l’ONU d’encourir et la substance du rôle qu’il nous était demandé de jouer.


Je trouve qu’il est extrêmement poignant de noter que Lakhdar Brahimi et son équipe ont quitté l’Iraq la semaine dernière le 2 juin, un an jour pour jour après l’arrivée à Bagdad de Sergio Vieira de Mello et son équipe,le 2 juin 2003. Comme nous nous en souvenons tous si clairement et douloureusement, l’attentat à la bombe contre les bureaux des Nations Unies à l’Hôtel Canal, le 19 août 2003, a coûté la vie à certains de nos fonctionnaires les plus talentueux et appréciés du personnel de l’ONU, nos merveilleux amis, y compris Sergio lui-même, qui était non seulement mon Représentant spécial pour l’Iraq mais aussi le Haut Commissaire aux droits de l’homme. Cette journée a virtuellement stoppé net l’intervention sur le terrain – et je précise sur le terrain – de l’ONU dans le processus politique en Iraq. Et il est resté clair depuis lors que tout rôle de l’ONU, politique ou autre, serait confronté à de graves contraintes en matière de sécurité.


Je tiens à dire au Conseil que des Iraquiens de tous bords gardent un très bon souvenir de Sergio et du rôle qu’il a joué, et le décrivent souvent comme un véritable ami de leur pays. Il n’est pas surprenant qu’au vu de l’exemple qu’il a donné au cours d’une période si brève, les Iraquiens espéraient sincèrement que des conditions de sécurité adéquates pourraient être rétablies rapidement, afin que l’ONU puisse sans tarder reprendre, sur le terrain, un rôle significatif dans le processus politique.


Le déplacement temporaire hors du pays de nos équipes internationales ne signifiait pas, toutefois, que l’ONU s’était désengagée du processus politique de l’Iraq. Au contraire, à partir du Siège de l’ONU ici à New York, nous avons intensifié les contacts avec les gouvernements du monde entier. L’Iraq a été constamment à l’ordre du jour de  pratiquement toutes mes réunions avec des chefs d’État et de gouvernement, et avec des ministres des affaires étrangères. Le principal message que je leur transmettais était que l’occupation devait prendre fin le plus rapidement possible et que les Iraquiens devaient recouvrer leur souveraineté, prendre en main leur destin politique et reprendre le contrôle de leurs ressources naturelles. J’ai donc accueilli très favorablement, en tant que première étape essentielle, l’annonce d’une date – le 30 juin 2004 – pour la fin de l’occupation et le rétablissement de la souveraineté iraquienne, conformément aux dispositions de l’Accord politique conclu le 15 novembre 2003 entre l’Autorité provisoire de la Coalition et le Conseil de gouvernement de l’Iraq.


La plupart des Iraquiens se sont chaleureusement félicités de ce qu’une date avait enfin été fixée pour la formation d’un Gouvernement iraquien souverain, même si beaucoup d’entre eux la jugeaient trop lointaine. Parallèlement, de nombreuses personnalités influentes  représentant des groupes d’intérêt clefs en Iraq menaçaient de rejeter le résultat des élections par des groupes désignés que prévit l’Accord du 15 novembre pour la formation du Gouvernement. Il semblait y avoir un réel risque de voir le processus de transition politique s’effondrer quelques semaines seulement après avoir entamé  une nouvelle phase. Une crise politique se profilait à l’horizon.


Dans ce contexte, le Président du Conseil de gouvernement de l’Iraq m’a écrit à la fin du mois de décembre 2003. Il demandait à l’ONU d’aider à trouver les réponses à deux questions: était-il possible de tenir des élections avant le 30 juin 2004 ; et, si tel n’était pas le cas, par quel autre moyen serait-il possible de former un gouvernement intérimaire, auquel la souveraineté pourrait être rendue. Sur mon invitation, une délégation du Conseil de gouvernement de l’Iraq s’est rendue à New York en janvier 2004, afin de réaffirmer et clarifier de vive voix cette demande.


L’Ambassadeur Paul Bremer, Administrateur de l’Autorité provisoire de la Coalition, et Sir Jeremy Greenstock, Représentant personnel du Premier Ministre Blair en Iraq, se sont joints à cette délégation pour exprimer leur appui au retour de l’ONU. Peu après cette réunion au Siège de l’ONU à New York, le 19 janvier, j’ai répondu affirmativement à leur demande d’assistance, ayant reçu les assurances fermes que, premièrement, le rôle de l’ONU serait clairement défini, et que deuxièmement, toutes les mesures  possibles seraient prises pour veiller à la sécurité du personnel des Nations Unies prenant part à cette entreprise. Comme je l’ai déjà dit, ma position, alors comme aujourd’hui, n’a pas changé : le rôle de l’ONU, quel qu’il soit, devrait être proportionnel aux risques que nous demandons de prendre à notre personnel.


C’est dans ce contexte que j’ai demandé à mon Conseiller spécial, Lakhdar Brahimi, de jouer un rôle dans le processus de transition politique. Je savais bien qu’alors qu’une grande partie du travail était d’ordre technique, il était, de par sa nature, extrêmement politique. Et donc, outre une évaluation technique faite par des experts électoraux, il fallait également une gestion habile des facteurs politiques complexes y afférents.


C’est pourquoi j’ai demandé à M. Brahimi de se rendre en Iraq du 6 au 13 février 2004, accompagné d’une petite équipe politique – dont deux membres sont assis derrière lui aujourd’hui – et d’un groupe d’experts électoraux dirigé par Carina Perelli, Directrice de la Division de l’assistance électorale du Département des affaires politiques. Au cours de leur visite, ils ont rencontré des centaines de groupes et de ressortissants iraquiens de tous horizons et de toutes les régions du pays, y compris des personnalités influentes telles que le grand ayatollah al-Sistani. Le 23 février, j’ai présenté un rapport de cette mission exploratoire au Conseil de sécurité (S/2004/140, annexe), en appuyant pleinement ses observations et recommandations. C’est ainsi qu’a commencé le processus menant à la formation du Gouvernement intérimaire, ainsi qu’aux préparatifs des élections prévues pour janvier 2005.


J’ai demandé à M. Brahimi de rappeler au Conseil les recommandations de la mission exploratoire de février. Je voudrais, quant à moi, déclarer que le processus qui a commencé sur la base du rapport de l’équipe chargé de cette mission exploratoire s’est achevé dans les délais et dans sa totalité.


Le rôle de l’ONU, par le truchement des bons offices de M. Brahimi, était de faciliter un processus de concertation nationale et de recherche de consensus entre les Iraquiens, aboutissant à la formation d’un Gouvernement intérimaire iraquien. Bien que ses membres  n’aient pas été élus, nous avons en place un Gouvernement intérimaire compétent et assez bien équilibré, prêt à assumer le pouvoir dès le 30 juin 2004. L’ONU a pleinement contribué à parvenir au consensus sur sa structure et sa composition.


Ce Gouvernement intérimaire aura désormais pour tâche  de rassembler le pays et d’en assurer la direction efficace au cours des sept prochains mois. Le peuple iraquien le jugera sur ses actions et sur ses résultats, en particulier pour ce qui est d’endiguer la violence qui continue d’affliger le pays.


L’Iraq n’est pas un Etat en déliquescence. Je suis persuadé que, grâce au talent de son peuple et à ses ressources naturelles, il sera bientôt en mesure de reprendre la place qui lui revient au sein de la communauté des nations. J’appelle le Conseil de sécurité et l’ensemble de la communauté internationale, les voisins de l’Iraq en particulier, à répondre favorablement et généreusement à la demande d’assistance et d’appui du Gouvernement intérimaire.


M. Brahimi et son équipe ont également contribué à dégager un consensus sur le choix d’un Président pour le comité qui préparera la conférence nationale au début du mois de juillet. Le Président est actuellement en train de mettre la dernière touche à la composition du comité sur la base des recommandations que lui a faites l’ONU.


Enfin, nos experts électoraux ont œuvré avec soin pour aider les Iraquiens à mettre en place les conditions propices à la tenue des élections. Je suis heureux de pouvoir dire que la mise en place de la Commission électorale indépendante pour l’Iraq est achevée, après un processus de nomination mené à l’échelle de tout le pays. Près de 2000 candidatures ont été proposées par la totalité des 18 gouvernorats. Sept commissaires iraquiens et un directeur électoral national ont été choisis par l’ONU. Un accord a été conclu sur le cadre législatif requis pour les élections, y compris le système électoral, les partis et la représentation politiques et les critères relatifs à l’inscription des électeurs.


Nous savons tous que la sécurité reste l’obstacle et le problème majeurs. Nos efforts conjugués nous aideront, je l’espère, à favoriser un processus politique crédible qui aura des répercussions positives sur les conditions générales de sécurité et encouragera toutes les parties à renoncer à la logique de la violence.


Je voudrais saisir cette occasion pour rendre un hommage particulier et sincère à mon Conseiller spécial, Lakhdar Brahimi, à Mme Carina Perelli, qui est sur le chemin du retour, et à chacun des membres de leurs équipes respectives, car ils ont tous œuvré avec un grand dévouement pour mener à bien leur mission dans des conditions exceptionnellement difficiles et dangereuses. Leur détermination à aider le peuple iraquien est un témoignage éloquent de l’idéalisme qui continue de motiver tant de membres de notre personnel partout dans le monde. Je suis reconnaissant aux autorités iraquiennes et à celles de la Coalition de leur avoir assurer la sécurité nécessaire pendant leur séjour en Iraq, tant à Bagdad que durant leurs déplacements dans le pays.


La mission que vient d’accomplir M. Brahimi était une tâche particulière que j’avais acceptée à la demande de l’Autorité provisoire de la Coalition et du Conseil de gouvernement. C’est également à leur demande que l’ONU assure aujourd’hui un appui aux préparatifs des élections qui doivent avoir lieu en janvier 2005.


Le projet de résolution examiné par le Conseil traite, entre autres choses, du futur rôle de l’ONU en Iraq. Je tiens à réaffirmer que nous sommes prêts à faire de notre mieux, compte tenu des circonstances, pour contribuer au rétablissement de la paix et de la stabilité dans un Iraq unifié, souverain et démocratique. A cette fin, nous attendons avec intérêt que notre rôle soit clairement défini et que soient mises en places toutes les conditions - y compris la sécurité pour notre personnel et des ressources adéquates – qui nous permettraient de nous acquitter de notre mandat à la satisfaction du peuple iraquien et à la satisfaction du Conseil et des Membres de l’ONU.


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