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SG/SM/9322

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL AFFIRME QUE LES RÉFORMES DANS LE MONDE ARABE NE PEUVENT VENIR QUE DE L’INTÉRIEUR

24/05/2004
Communiqué de presse
SG/SM/9322


LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL AFFIRME QUE LES RÉFORMES DANS LE MONDE ARABE

NE PEUVENT VENIR QUE DE L’INTÉRIEUR


On trouvera ci-après le message du Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, au Sommet de la Ligue des États arabes qui se tient à Tunis:


Je présente mes meilleures salutations à tous les dirigeants réunis à Tunis pour cet important Sommet.


Le monde arabe traverse une période troublée et douloureuse. En Palestine, les souffrances sont immenses et le sang coule. L’Iraq est secoué de troubles. Les gens sont frustrés, déçus, et le désir de progrès est évident, surtout parmi les jeunes. Ces émotions et ces blessures, profondes et intimement liées, créent pour vous, les dirigeants de la région, des difficultés extraordinaires.


En Palestine, Israël poursuit ses exécutions extrajudiciaires, persiste à faire un usage excessif de la force dans des zones très peuplées, et continue, entre autres activités, à démolir d’innombrables habitations et à construire une barrière en Cisjordanie. Ces dernières semaines, nous avons assisté à une escalade tragique et le nombre de morts et de blessés a atteint un niveau absolument inacceptable. Outre qu’ils sont manifestement contraires au droit international, ces actes entravent la recherche de la paix et ne font qu’aggraver l’amertume des Palestiniens et l’indignation de la communauté internationale. Nous les condamnons et demandons à Israël de s’abstenir de toute nouvelle violation du droit international et de s’acquitter des obligations que lui impose la Feuille de route, surtout d’arrêter les activités d’implantation et de renoncer à la violence.


De leur côté, certains groupes palestiniens poursuivent leurs attentats-suicide et continuent de commettre d’autres attentats qui alimentent la haine et la peur et desservent leurs aspirations nationales. Nous devons tous fermement condamner le terrorisme, quels que soient le lieu et le moment, car aucune cause ne le justifie. Nous demandons à l’Autorité palestinienne de s’acquitter des obligations que lui impose la Feuille de route et de prendre des mesures concrètes pour endiguer la violence et combattre le terrorisme.


Sur un arrière-plan aussi sombre, l’intention que professe Israël de se retirer de la bande de Gaza pourrait ouvrir la perspective d’un arrêt de la violence. Le retrait de Gaza pourrait même être une passerelle vers la reprise d’un processus de paix véritable, à condition qu’il soit complet, qu’il s’effectue en consultation avec l’Autorité palestinienne et qu’il s’inscrive dans le contexte de l’application de la Feuille de route du Quatuor. Et à condition qu’il ouvre clairement la voie à la fin de l’occupation.


Malgré les événements terribles de ces deux dernières semaines, je demande instamment à tous les gouvernements de continuer à se laisser guider par la nécessité d’un règlement négocié et complet du conflit arabo-israélien, y compris dans le cadre de négociations avec la Syrie et le Liban. Ces trois dernières années, des deux côtés, les gens ont cessé de croire au désir de paix de l’autre partie. J’exhorte tous les intéressés, en particulier les dirigeants, à faire un effort réel pour trouver le moyen de convaincre les gens, de l’autre côté, qu’ils aspirent vraiment à la paix. Si chacune des parties ne voit que les manifestations de la mauvaise foi de l’autre, l’avenir sera fait de nouveaux carnages et nous ne sortirons jamais de l’impasse. Tous ces morts, toute cette détresse sont trop tragiques pour être supportés. Il y a des limites. Il doit y avoir une solution.


La situation humanitaire catastrophique des Palestiniens, surtout ceux de Rafah qui ont perdu leur maison ces dernières semaines, m’incite à lancer un appel tout particulier au nom de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. L’Office est une véritable bouée de sauvetage pour des millions de Palestiniens. Dans le territoire palestinien occupé, les besoins sont de plus en plus urgents et les moyens de survie des Palestiniens sont pratiquement épuisés; il serait tragique et dangereux qu’à ce moment, l’Office soit incapable de reconstruire les maisons détruites à Gaza ou obligé de réduire l’aide alimentaire, de licencier des milliers de travailleurs ou d’arrêter d’offrir une aide psychologique aux enfants traumatisés. Je vous demande à tous de faire des dons, des dons généreux, pour que les besoins pressants recensés par l’Office puissent être satisfaits, et je demande à Israël d’aider l’Office de s’acquitter de sa mission humanitaire, notamment en permettant à ses membres d’atteindre ceux qui sont dans le besoin.


L’Organisation des Nations Unies collaborera avec vous pour aider l’Iraq à traverser cette difficile période de transition. Traumatisés par trois guerres, la dictature et plus de 10 ans de sanctions, les Iraquiens sont à présent aux prises avec la violence, vivent dans l’incertitude et sont soumis à toutes sortes d’exactions. Ils sont pris entre une puissance occupante et une rébellion qui ne les épargne pas. Quel que soit notre avis sur la guerre et ses répercussions, nous devons, ensemble, aider l’Iraq à traverser ces nouvelles épreuves.


C’est pourquoi mon Envoyé spécial, Lakhdar Brahimi, s’entretient avec des Iraquiens de tous bords pour déterminer quelle voie suivre, et quel cadre mettre en place, pour que l’Iraq puisse redevenir pleinement souverain, uni et indépendant. Les Iraquiens doivent redevenir maîtres de leur destin dès que possible, choisir leur propre régime politique, disposer comme ils l’entendent de leurs ressources naturelles, et se doter des mécanismes nécessaires à l’édification d’un État fondé sur la légalité et le respect des droits fondamentaux de tous les habitants du pays. Ils doivent absolument pouvoir compter sur votre soutien actif pendant cette période de transition : aujourd’hui, alors que les efforts se poursuivent pour mettre en place un gouvernement intérimaire, et demain, quand ils se prépareront à voter et à prendre des décisions à long terme concernant la constitution et l’organisation politique du pays. La région a un rôle à jouer, et ne doit pas se désister. Nous avons tous intérêt à ce que l’Iraq soit libre, stable, uni et démocratique, à ce qu’il soit en paix avec lui-même et avec ses voisins et puisse reprendre sa place au sein de la région et de la communauté internationale. C’est vers cet objectif, et nul autre, que nous devons tendre; l’Organisation des Nations Unies est décidée à faire sa part, dans la mesure où les circonstances le lui permettront.


L’atmosphère qui règne en Iraq et en Palestine crée un climat délétère dans toute la région. Je me félicite que ce climat ne vous ait pas empêchés de réfléchir aux changements qui s’imposent par ailleurs dans la région.


Je saisis cette occasion pour vous féliciter pour les progrès considérables que vous avez accomplis dans la révision de la Charte arabe des droits de l’homme. Je me réjouis que la Ligue arabe ait l’intention d’adopter la version révisée de ce document, dont j’espère qu’elle sera pleinement conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, comme le Groupe d’experts l’a recommandé. L’Organisation des Nations Unies continuera de suivre avec le plus grand intérêt les efforts que déploie la Ligue pour créer un mécanisme régional dans le domaine des droits de l’homme, et reste déterminée à vous soutenir et à vous aider dans cette entreprise ô combien importante.


Tout processus de réforme, où que ce soit, doit venir de l’intérieur. C’est vrai aussi dans le monde arabe. Le monde extérieur n’a rien à vous apprendre sur la liberté, l’émancipation de la femme ou la disparité des connaissances que vos propres peuples ne vous aient déjà dit. Ce ne sont pas des gens de l’extérieur, détachés du monde arabe, qui travaillent sur la remarquable série des rapports arabes sur le développement humain que publie le Programme des Nations Unies pour le développement. Ce sont des Arabes : des intellectuels, des sociologues, et d’autres personnalités. N’ayant à cœur que le bien-être de leurs peuples, et ne cherchant qu’à évaluer honnêtement le développement de leurs sociétés, ils proposent une formule pour encourager le progrès. Leurs recommandations trouvent des échos partout dans la région et, ce qui est très encourageant, beaucoup d’entre vous les soutiennent vigoureusement. L’Organisation des Nations Unies reste déterminée à vous épauler dans votre quête du développement, de la justice et de la paix. Le plus important est de savoir que la façon dont vous jouez votre rôle de dirigeant peut faire toute la différence entre espoir et désespoir, et entre renouveau et stagnation.


Je vous souhaite plein succès dans vos travaux.


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