En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/9311-SC/8096-PKO/107

POUR RÉUSSIR, LES SOLDATS DE LA PAIX ONT BESOIN D’UN MANDAT SOLIDE ET DE RESSOURCES ADÉQUATES, DÉCLARE KOFI ANNAN DEVANT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ

18/05/2004
Communiqué de presse
SG/SM/9311
SC/8096
PKO/107


POUR RÉUSSIR, LES SOLDATS DE LA PAIX ONT BESOIN D’UN MANDAT SOLIDE ET DE RESSOURCES ADÉQUATES, DÉCLARE KOFI ANNAN DEVANT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ


Vous trouverez ci-après le texte intégral de l’allocution prononcée hier par le Secrétaire général, Kofi Annan, devant le Conseil de sécurité à l’occasion du débat sur les opérations de maintien de la paix:


Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, Monsieur le Président, ainsi que votre délégation, d’avoir organisé cet important débat sur un sujet essentiel pour nous tous. Nous nous réjouissons également de vous revoir à New York.


Permettez-moi, à mon tour, d’ajouter ma voix à la vôtre, Monsieur le Président, en remerciant l’Ambassadeur Arias de sa contribution aux Nations Unies et à notre Conseil. Monsieur le Président, vous avez déjà tout dit. Mais je conviens avec vous que son sens du réalisme et sa finesse d’esprit nous manqueront beaucoup. Sa finesse d’esprit nous ramène souvent vers le possible, vers le réel et nous encourage à ne pas nous égarer dans l’illusoire. Je crois que c’est une qualité qui nous manquera. Je crois que je parle au nom de nous tous en disant que nous avons eu beaucoup de plaisir à travailler avec vous, Monsieur l’Ambassadeur. Vous nous manquerez. Je crois savoir que vous rentrez à Madrid pour organiser un match de championnat. J’espère que nous serons tous invités. Je vous souhaite beaucoup de succès, Monsieur l’Ambassadeur.


Nous devons faire face à une vague de demandes concernant les opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Le mois dernier, on comptait plus de 53 000 militaires, observateurs militaires et membres de la police civile servant dans 15 missions des Nations Unies de par le monde, soit le chiffre le plus élevé depuis octobre 1995. Nombre de ces missions sont de grande taille et complexes. La plupart vont au-delà des simples fonctions militaires qui ont traditionnellement caractérisé les missions de maintien de la paix.


Un plus grand nombre de missions encore se profile à l’horizon. Le Conseil de sécurité a récemment autorisé une nouvelle mission en Haïti et a élargi la mission actuelle en Côte d’Ivoire. Des missions sont envisagées au Burundi et au Soudan. D’ici à la fin de l’année, pour financer ces nouvelles missions et les missions renforcées, nous aurons vraisemblablement besoin d’un milliard de dollars supplémentaire pour le budget du maintien de la paix des Nations Unies, qui s’élève actuellement à 2,82 milliards de dollars.


Il est de notre devoir de répondre à cette demande et de saisir toutes les occasions qui nous sont données de mettre fin aux conflits de longue date. Pour des millions d’êtres humains, les missions de maintien de la paix de l’ONU constituent le meilleur et parfois le seul espoir de sortir du conflit et de connaître un avenir sûr et stable. Une récente étude réalisée par des économistes de l’université d’Oxford montre que le coût économique des guerres civiles, en termes de manque à gagner et de production locale et régionale perdues, s’élève en moyenne à 128 milliards de dollars par an et que, comparé au coût des conflits, le maintien de la paix est extrêmement rentable.


Monsieur le Président, votre louable initiative de convoquer le présent débat du Conseil de sécurité nous conduit à nous poser deux questions générales.


Premièrement, quelle est la nature du défi qui est le nôtre s’agissant du maintien de la paix? Deuxièmement, l’Organisation des Nations Unies est-elle en mesure de relever ce défi, en d’autres termes, êtes-vous, vous États Membres, prêts et disposés à le faire?


Les activités de maintien de la paix aujourd’hui comportent de plus en plus des dimensions multiples. Les missions que vous autorisez mettent en œuvre des accords de paix, aident à gérer des transitions politiques, édifient des institutions, appuient le relèvement économique, organisent le retour des réfugiés et des personnes déplacées, participent aux programmes d’assistance humanitaire, supervisent ou même organisent des élections, contrôlent le respect des droits de l’homme, procèdent au déminage, et désarment et démobilisent les milices pour réinsérer leurs membres dans l’économie civile.


À mesure que la complexité des mandats augmentait, on a attendu de ces missions qu’elles puissent accomplir davantage. Il est fait appel aux opérations de maintien de la paix lorsque la paix est encore souvent récente et fragile. Mais ces opérations doivent s’inscrire dans une stratégie à long terme visant à asseoir les fondements de la paix, sans quoi, comme dans le cas d’Haïti et du Libéria, l’envoi d’une autre mission s’avérera nécessaire. C’est pourquoi la communauté internationale doit mieux intégrer les leviers sécuritaire, politique, économique et social dont elle dispose pour rétablir et consolider la paix immédiatement après le conflit et au-delà. Tous les départements, institutions et programmes des Nations Unies, et pas seulement le Département des opérations de maintien de la paix, ont un rôle à jouer dans le processus du maintien de la paix. Nous devons également faire en sorte que nos efforts pour édifier la paix ne perdent jamais de vue le fait que nous sommes là pour aider et qu’il revient aux populations locales de prendre les décisions qui retentissent sur leurs vies.


En particulier depuis que l’ONU prend part aux aspects non traditionnels du maintien de la paix, nos soldats de la paix sont pris pour cible par les individus qui tentent de perturber le processus politique, dans l’espoir qu’une escalade de la violence leur permette de parvenir à leurs fins. Il est de la responsabilité de chacun d’entre nous de protéger tous ceux qui servent la Charte des Nations Unies dans le cadre d’une mission de maintien de la paix. Pour évaluer, prévenir et gérer de telles menaces, l’ONU doit avoir une idée précise des conditions dans lesquelles elle agit. Les opérations de maintien de la paix des Nations Unies n’ont pas seulement besoin d’informations, mais également de la capacité d’analyser ces informations et des moyens d’accomplir leur mandat.


Comment pouvons-nous relever ces défis? Avant toute chose, nous devons faire preuve de détermination. La communauté internationale doit être prête à garder le cap en usant de la volonté politique et des ressources nécessaires, en particulier en période difficile, pour que le processus de paix ne vacille pas, cédant la place à une reprise du conflit.


Le Conseil assume une lourde responsabilité en tant qu’organe autorisant ces missions difficiles et dangereuses. Pour réussir, nos soldats de la paix ont besoin de votre solidarité sans faille et de mandats clairs, applicables et réalistes. Il vous revient, à vous, de peser sur les autres États Membres afin de garantir que les missions se voient allouer les contingents et les ressources dont elles ont besoin.


Votre appui est particulièrement important lorsqu’une mission voit la légitimité de son mandat contestée par des fauteurs de trouble. Les soldats de la paix doivent avoir les moyens de surmonter de telles difficultés et de faire efficacement leur travail. Pour cela, ils ont besoin d’un mandat solide, élaboré en fonction d’objectifs politiques clairs et appuyé par un consensus international fort.


En outre, ils doivent être dotés des ressources appropriées et de renforts adéquats, de sorte qu’ils puissent protéger les civils, maintenir la paix et préserver la sécurité lorsqu’ils rencontrent une forte opposition.


Avec votre aide et avec celle de l’Assemblée générale, nous avons pu mettre en œuvre nombre des recommandations du rapport Brahimi. Nous sommes sans aucun doute plus efficaces et mieux coordonnées aujourd’hui qu’il n’y a cinq ans. Nous sommes aussi mieux équipés, tant ici au Siège qu’à notre base de soutien logistique de Brindisi, pour appuyer nos missions sur le terrain et répondre de manière plus rapide aux imprévus.


En dépit de ces progrès, l’ampleur de la demande actuelle risque fort de dépasser nos capacités à soutenir les opérations, et nous allons devoir envisager d’augmenter ces capacités.


Les missions des Nations Unies demeurent gênées par un manque de compétences militaires spécialisées, qui sont généralement fournies par les forces militaires des pays développés. Malheureusement, ces pays aujourd’hui ne fournissent que des contingents limités aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Dans le même temps, de nombreux États qui sont disposés à fournir des contingents rencontrent de grandes difficultés pour déployer leur personnel dans les délais requis.


J’exhorte les États Membres à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour combler ces lacunes afin que les opérations de maintien de la paix des Nations Unies puissent compter sur ces compétences spécialisées et puissent se déployer rapidement. L’ONU coopère également avec les arrangements régionaux, sous-régionaux et internationaux pour obtenir des capacités complémentaires, comme par exemple des déploiements temporaires rapides dans l’attente que les soldats de la paix des Nations Unies puissent être déployés.


Une autre lacune critique tient à notre besoin urgent en personnel francophone, surtout en matière de police, pour remplir les mandats dans les pays francophones. Nous avons créé ou étendu des missions cette année en Haïti, en Côte d’Ivoire et peut-être au Burundi et ce besoin ne fera que s’amplifier.


Il y a beaucoup à faire. Je n’ai esquissé que certains des défis. Le document de travail présenté au Conseil donne un tableau plus complet de l’ensemble des difficultés qui doivent être surmontées si nous voulons atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Tant en théorie qu’en pratique, le maintien de la paix incarne l’esprit même des Nations Unies.


Pour les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, la communauté internationale met en commun ses moyens – notamment militaires – pour œuvrer de concert en faveur de la paix d’une façon totalement originale. Comme chacun sait, cela n’était pas originellement prévu dans notre Charte, mais il reste que c’est totalement conforme à la conception de la Charte. Les opérations de maintien de la paix envoient un message fort – celui que la communauté internationale entend tout faire pour préserver la paix. Mais pour avoir un véritable effet, ce message doit être traduit par la présence des États Membres sur le terrain. Le maintien de la paix ne décharge pas les pays de leurs responsabilités. Au contraire, il met en commun les responsabilités de chacun pour le plus grand bien de tous.


La présence des contingents de maintien de la paix envoie un message d’autant plus puissant qu’il est véhiculé par toute la communauté internationale – c’est-à-dire, les différents pays, riches et pauvres, qui fournissent ces contingents. J’invite donc instamment l’ensemble des États Membres qui composent les Nations Unies à fournir des contingents.


Le message qu’envoie une opération de maintien de la paix doit également être soutenu par l’engagement politique des États Membres. Ceux-ci jouent en effet un rôle clef en appuyant les processus de paix et en encourageant les parties à poursuivre sur la voie de la paix. Particulièrement en ces jours difficiles, où notre attention est centrée sur un petit nombre de crises majeures, la demande accrue d’opérations de maintien de la paix ne peut que mettre à rude épreuve l’attention de la communauté internationale. Chaque nouvelle mission, chaque nouvel effort de règlement d’un conflit dépend, pour réussir, d’une contribution politique soutenue des États Membres, par le biais d’une participation directe aux opérations de maintien de la paix et par les voies diplomatiques, politiques et autres.


Nous avons une longue histoire de missions de maintien de la paix qui a fait alterner des périodes de grande fierté et des périodes de grande difficulté, sinon d’échec. Nous devons nous remémorer les enseignements durement acquis par le passé et veiller à ce que, alors que nous abordons cette nouvelle période de demande accrue, tout ce qui peut être fait pour réussir soit fait. Les nouvelles missions d’aujourd’hui doivent pouvoir compter sur toutes les ressources et tout l’engagement nécessaires pour gérer les tâches incomparablement complexes et délicates qu’elles sont appelées à remplir.


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