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SG/SM/9256-SC/8059

LE ROLE DU SECTEUR PRIVE DANS LA CONSOLIDATION DE LA PAIX APRES LES CONFLITS PEUT ETRE CRUCIAL, EN BIEN OU EN MAL, DECLARE KOFI ANNAN

15/04/2004
Communiqué de presse
SG/SM/9256
SC/8059


LE ROLE DU SECTEUR PRIVE DANS LA CONSOLIDATION DE LA PAIX APRES LES CONFLITS PEUT ETRE CRUCIAL, EN BIEN OU EN MAL, DECLARE KOFI ANNAN


On trouvera ci-après la déclaration faite ce matin par le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, à l’ouverture du débat du Conseil de sécurité consacré au « Rôle du secteur privé dans la prévention des conflits, le maintien de la paix et la consolidation de la paix après les conflits »:


Je voudrais remercier le Gouvernement allemand d’avoir pris l’initiative sur cette question très importante. Les dimensions économiques des conflits armés sont souvent négligées, ce qui n’empêche qu’elles ne doivent jamais être sous-estimées. Le rôle des entreprises, en particulier, peut être crucial, en bien ou en mal.


Les sociétés privées opèrent dans de nombreuses zones de conflits ou dans des pays exposés à des conflits. Leurs décisions, en matière d’investissement et d’emploi, de relations avec les collectivités locales, de protection de l’environnement sur le terrain, de sécurité de l’entreprise, peuvent aider un pays à tourner le dos à un conflit ou au contraire exacerber les tensions qui déjà  attisaient le conflit.


Ce sont les sociétés privées aussi qui fabriquent et vendent le matériel de base des conflits – des chars aux armes légères, en passant par les mines antipersonnel et même les machettes. Entreprises privées et particuliers participent à l’exploitation et au commerce de ressources naturelles lucratives, telles que le pétrole, les diamants, les stupéfiants, le bois et le coltan, composant souvent essentiel de l’électronique de pointe. Gouvernements et groupes rebelles financent et alimentent ainsi tous deux des campagnes militaires. Dans de nombreux cas, l’anomie créée par un conflit a permis d’exploiter des ressources de façon illicite ou sans beaucoup d’égards pour les considérations d’équité ou de protection de l’environnement. Lorsque les populations locales sont exclues des discussions sur l’accès aux ressources naturelles et la maîtrise de ces ressources – et voient peu d’avantages en découler pour eux au niveau local – cela peut engendrer aussi de nouveaux conflits.


Ce sont là des problèmes complexes, qui touchent aux questions fondamentales de souveraineté, de gouvernance démocratique, de responsabilisation des entreprises et d’intégrité des personnes. En outre, de nombreuses transactions se font dans l’ombre ou dans le contexte d’Etats en faillite, qui n’ont pas la capacité de réglementer des activités, mues par le profit, mais qui  alimentent les conflits. Les dispositions prises en matière d’exécution et de suivi des mesures de répression de ces activités, quand elles existent, manquent souvent de fermeté. Les chaînes d’approvisionnement ont souvent tellement de couches multiples qu’elles mettent en échec les efforts déployés pour plus de transparence. Même les activités licites peuvent avoir des conséquences inattendues ou malencontreuses.


Le monde des affaires lui-même a souvent tout intérêt à trouver des solutions. Après tout, les sociétés ont besoin d’un environnement stable pour procéder à leurs opérations avec un minimum de risques. Leur réputation, non seulement vis-à-vis du public mais aussi de leurs propres employés et de leurs actionnaires, ne dépend pas seulement du produit ou du service fourni, mais de la façon dont celui-ci est fourni. Et leurs intérêts, en fin de compte, ne sauraient désormais être distincts de certains des objectifs fondamentaux des Nations Unies : la paix, le développement et l’équité. Autant de raisons puissantes pour que le monde des affaires prenne une part active au règlement de ces questions, sans attendre d’être sollicité.


Le Conseil de sécurité, pour sa part, s’est déjà penché sur nombre de ces questions. Il a imposé des sanctions ciblées. Il a appuyé le Processus de Kimberley qui, bien qu’étant une initiative à caractère volontaire, a permis de réduire le commerce de ce que l’on appelle les diamants des conflits. Il a mis en place des groupes d’experts chargés d’évaluer le rôle joué par l’économie politique dans le déclenchement ou le prolongement des conflits. Il a autorisé certaines missions de maintien de la paix à participer au suivi des sanctions économiques et des embargos sur les armes, et à appuyer les efforts déployés pour rétablir l’autorité nationale sur les ressources naturelles.


La présente séance se déroule dans le cadre de plusieurs initiatives d’importance: l’Organisation pour la coopération et le développement économiques a adopté des Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales, dans l’espoir d’amener les entreprises à  respecter les décisions du Conseil de sécurité et les conventions internationales. Une initiative menée par le Royaume-Uni vise à accroître la transparence de l’industrie d’extraction des matières premières. Certains Etats Membres ont formulé des principes volontaires concernant la sécurité et les droits de l’homme, qui visent à éviter des violations des droits de l’homme lorsque les prestations de sécurité et de protection sont confiées à des sociétés privées.


Enfin, mon Pacte mondial est conçu pour améliorer le civisme dans les relations d’affaires au niveau mondial. Un des résultats du dialogue mené à ce sujet est le « Business Guide to Conflict Impact Assessment and Risk Management » (guide à l’intention des entreprises sur les questions d’évaluation de l’impact des conflits et de gestion des risques). Les membres du Pacte envisagent également l’ajout éventuel d’un dixième principe sur la corruption, aux neuf principes actuels sur les droits de l’homme, la réglementation du travail et l’environnement. Et ils examinent ce qui peut être fait, à leur niveau, pour favoriser la mise en œuvre de la nouvelle Convention des Nations Unies contre la corruption. Nous avons tous besoin – que ce soient les gouvernements, les entreprises, les organisations non gouvernementales et les organisations intergouvernementales – d’apprendre à travailler de façon plus ouverte, au grand jour, dans la transparence. C’est indispensable si nous voulons rompre le cercle vicieux de la corruption et renforcer la confiance du public à l’égard de nos diverses institutions et entreprises.


Dans le cadre plus étroit de l’ONU, les membres savent probablement que je suis en train de mettre en place une enquête indépendante sur les allégations de fraude, de corruption et de mauvaise gestion faites au sujet du programme « pétrole contre nourriture » dont nous assurons la gestion. La transparence est la seule option, face à ces allégations, et c'est certainement la meilleure façon d’empêcher la corruption en premier lieu. Je pense que ce sera l’une des grandes leçons que nous devons tirer de cette affaire, quel que soit le résultat de l’enquête.

Toujours est-il que ces efforts et initiatives nous permettent tout juste d’aborder la question. Le moment est venu de transformer ces efforts spécifiques en une approche plus systématique, qui, à l’Organisation des Nations Unies, serait susceptible de promouvoir une plus grande coopération et une plus grande interaction entre les volets sécurité et développement.  Cela nous donnerait des outils nous permettant de mieux comprendre et d’influer plus activement sur les incitations économiques et les motifs d’abstentions qui sous-tendent la dynamique des conflits armés, et cela nous aiderait à faire en sorte que ces facteurs soient reflétés dans les efforts visant à prévenir les conflits, dans les accords de paix et dans les mandats délivrés aux opérations de maintien de la paix.


Avec ces objectifs à l’esprit, j’ai créé un groupe interinstitutions, présidé par le Département des affaires politiques, qui examine de près le substrat économique des conflits armés et qui formulera des recommandations sur les moyens d’améliorer la réaction du système des Nations Unies et des États Membres. J’exhorte le Conseil en particulier et les États Membres en général à accorder une plus grande attention à cette question et à avoir des relations plus dynamiques avec le secteur privé. Le Secrétariat apportera toute l’aide possible à cet égard.


Nous savons que cette question déchaîne les passions. Nous devons trouver un équilibre adéquat entre l’incitation et l’application forcée. À certains moments, l’indignation est la seule réaction appropriée. À d’autres, les appels au bien commun ne persuaderont personne, mais l’enjeu est si important que nous ne pouvons pas risquer une situation où les parties concernées soient polarisées, se présentent mutuellement sous un jour diabolique et incapables d’engager un dialogue. Nous devons créer un espace où toutes les parties puissent se réunir pour trouver des solutions. J’espère que cette réunion contribuera à cet objectif.


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