POP/901

POPULATION: LES DELEGATIONS SONT APPELEES A AUGMENTER LE FINANCEMENT ET A ELARGIR LE CHAMP DES POLITIQUES AU-DELA DE LA SANTE GENESIQUE ET DU STATUT DES FEMMES

25/03/2004
Communiqué de presse
POP/901


Commission de la population

et du développement

7ème séance – matin


POPULATION: LES DELEGATIONS SONT APPELEES A AUGMENTER LE FINANCEMENT ET A ELARGIR LE CHAMP DES POLITIQUES AU-DELA DE LA SANTE GENESIQUE ET DU STATUT DES FEMMES


Les priorités nationales en matière de population et de

développementdurable doivent déterminer l’allocation de l’aide internationale


« Il est temps d’élargir le champ de l’aide internationale au-delà des questions de santé génésique et d’émancipation de la femme », a déclaré le Directeur du Centre de recherche et des projets de développement de Beyrouth qui s’est prêté, ce matin, à un exercice de prospective devant la Commission de la population et du développement.


Reconnaissant que la question du statut des femmes et de la santé génésique avait été présentée, à raison, comme la pierre angulaire des politiques de population et de développement, M. Tabbarah a affirmé que l’heure était venue d’aligner les flux d’aide aux diverses priorités politiques des différents pays.  Il a fait observer que 75% des ressources du Fonds des Nations Unies pour la population sont destinés à des programmes de santé génésique et regretté que seule une petite portion des 25% restants soit consacrée au recueil de données et à la recherche dans ces mêmes domaines.  L’évolution des flux de fonds destinés à des politiques de population est impressionnante, a-t-il affirmé, indiquant que le budget du FNUAP avait augmenté de 5% par an depuis 1994.  Fort de ce constat, M. Tabbarah a mis en garde les délégations contre les risques que comporte la poursuite de cette stratégie qui pourrait, selon lui, entraîner une distorsion des priorités nationales pour les faire coïncider avec les financements et la marginalisation des autres domaines de préoccupation comme les migrations et la structure de la population notamment.  Il faut résister à la tentation de laisser le financement déterminer les politiques et non le contraire, a-t-il affirmé, en insistant sur la nécessité d’intégrer concrètement les politiques de population aux stratégies de développement durable.  M. Tabbarah a préconisé une augmentation substantielle des contributions des donateurs aux politiques de population, un meilleur partage des coûts entre les pays recevant l’aide et les donateurs bilatéraux, et l’augmentation des économies d’échelles, ajoutant que la prise en compte des questions de migrations ne devait pas se faire aux dépends de celle liées au statut de la femme, à la santé génésique, à la famille ou au vieillissement.


La question du vieillissement de la population illustre parfaitement la nécessité de penser les politiques de population à long terme et de prendre en compte la perspective de développement durable, a-t-il affirmé lors du débat interactif avec les délégations.  Appelant les délégations à admettre que le champ d’étude des politiques de population était bien plus étendu que celui entendu actuellement, il a souligné que les préoccupations démographiques devaient être exprimées auprès des preneurs de décisions.  Brisant le stéréotype selon lequel les mouvements migratoires se font majoritairement du Sud vers le Nord, M. Tabbarah a insisté sur le fait qu’aucun pays n’était épargné par les mouvements migratoires.  Ces mouvements, étroitement liés à la mondialisation, a-t-il affirmé, sont désormais l’un des champs d’étude prioritaires.  


La Commission a par ailleurs mis fin au débat général en entendant trois représentants d’organisations non gouvernementales ainsi que le Vice-Ministre de la santé et du bien-être familial de l’Inde.


La Commission se réunira demain, vendredi 26 mars, à partir de 15 heures, pour conclure sa trente-septième session. 


Exécution du programme et futur programme de travail du Secrétariat dans le domaine de la population


Déclarations


Mme Nowicka(Federationfor Women and Family Planning, au nom de l’International Sexual and Reproductive Rights Coalition) a rappelé que la coalition représentait plus de 50 organisations de toutes les régions du monde.  Elle a plaidé pour l’avènement d’un monde où l’information relative aux droits reproductifs et sexuels serait accessible à tous.  Près d’un milliard de personnes vit avec moins d’un dollar par jour; un milliard de personnes est privé de l’accès à l’eau, un quart des femmes dans les pays en développement et en transition sont atteintes d’une maladie liée à la naissance.  Chaque année près de 70 000 femmes meurent en l’absence d’accès à des procédures d’avortement sans danger.  L’accès aux méthodes de contraception est encore très limité pour des millions de personnes.  Il n’est pas possible d’atteindre les Objectifs de développement du Millénaire si les objectifs du Programme d’action du Caire ne sont pas réalisés.  Il n’est pas possible de sortir de la pauvreté sans la liberté d’assurer la maîtrise de la reproduction, a-t-elle déclaré. 


M. Sassone (American Life League) a déclaré qu’il existait une division notable entre les pays qui ont connu un taux de fécondité de moins de 2,1% pendant dix ans.  Le revenu par tête semble bien être un facteur déterminant de l’évolution démographique.  Il a indiqué que peu d’informations étaient disponibles sur la façon d’accroître la fécondité dans les pays où elle était descendue en dessous du seuil de renouvellement.


Mme Hobcraft (Population Action International, au nom de la Youth Coalition) a rappelé qu’au moment où se négociait le Programme du Caire, la plupart des participants ne savaient pas encore qu’un préservatif pourrait sauver leur vie.  Aujourd’hui, la population jeune la plus nombreuse qui n’ait jamais existé fait face aux défis de la préservation de la santé et du plein exercice de ses droits sexuels et reproductifs.  Trois points fondamentaux doivent être respectés: le droit à l’éducation et à l’information en matière des droits sexuels et reproductifs; la participation des jeunes dans tous les processus qui affectent leur vie; la mise en place de services accessibles aux jeunes en matière de santé sexuelle et reproductive qui soient confidentiels et accessibles en termes de coûts.


M. Hota (Vice-Ministre de la santé et du bien-être familial de l’Inde) a estimé que bien que la discussion portant sur les droits, les statistiques, et les chiffres soit très importante –et il ne s’agit pas de diminuer le travail qui a été fait– il serait utile de porter plus d’attention aux questions de programmation.  Il faut entrer dans le détail de la façon dont les droits seront mis en œuvre.  Le représentant a proposé que la Commission procède à des études sur le terrain plus approfondies.  Si le système n’est pas capable de montrer ses effets sur le terrain, l’appel aux fonds restera sans réponse.  Les budgets doivent être analysés, le niveau d’efficacité doit être vérifié.  L’Inde, qui est un grand pays, dispose de fonds importants, mais leur attribution achoppe sur l’efficacité de la fourniture des services.


M. JOSEPH Chamie (Directeur de la Division de la population au Département des affaires économiques et sociales) a noté que plusieurs pays et organisations non gouvernementales avaient abordé la question du VIH/sida, qui doit rester une priorité.  Des études ont été menées dès le début des années 1990, et nous pensons qu’il est très important de continuer.  Des études prospectives ont été menées.  Même dans le scénario le plus favorable, un grand nombre de décès ne pourra être évité.  M. Chamie a indiqué qu’il prenait note des requêtes de la Fédération de Russie et de l’Inde.  Par sa taille seule, tout ce qui concerne l’Inde touche au monde entier.


Discours du Directeur du Centre d’études et de projets de développement (Beyrouth), sur le thème « ICPD+10 ou Bucarest+30? La vue à long terme »


Le Directeur du Centre de recherche et des projets de développement de Beyrouth au Liban, M. RIAD TABBARAH, a rappelé que l’intérêt de la communauté internationale pour les questions de population au sens large et non plus seulement pour la démographie au sens formel, s’était exprimé déjà 20 ans avant la Conférence du Caire à l’occasion de la Conférence de Bucarest de 1974.  La phase préparatoire de la Conférence du Caire et la rédaction de son Programme d’action, a-t-il expliqué, ont révélé que l’étude des politiques de population par les Nations Unies avait pendant longtemps manqué d’audace et s’était avérée décousue.  La rédaction d’un programme d’action traitant les divers aspects des politiques de population se présentait donc comme une tâche dantesque pour le Secrétariat.  La Conférence et le Plan d’action du Caire se sont ainsi révélés être dominés par l’attention accordée à la relation étroite entre population et développement, a-t-il affirmé. 


Le Plan d’action du Caire, a-t-il poursuivi, a apporté la réponse aux deux questions cruciales que sont la définition de l’ampleur du domaine couvert par les politiques de population et leur nature.  La question était de savoir si le Plan d’action devait se limiter à la croissance de la population, à la fécondité et à la planification familiale et accorder au mieux un rang de priorité très faible aux autres questions voire les reléguer à l’annexe.  Le débat de l’époque, a-t-il noté, était dominé par le scénario catastrophe du rapport du Club de Rome relayé par la publication de livres titrés « La bombe démographique » ou encore « Famine 1974 » expliquait la frilosité ambiante et la volonté de financer prioritairement les questions paraissant comme les plus pressantes.  Bien heureusement, a-t-il lancé, la vision plus large des questions de population a prévalu et les questions de croissance démographique, de mortalité et de morbidité, de reproduction, de famille, du statut des femmes, de distribution de la population, des migrations internes et internationales et de structure de la population ont été incluses dans le Programme d’action du Caire.  Ce texte a par ailleurs défini les politiques de la population comme toute mesure, directe ou indirecte, dont le principal objectif est lié à l’un des domaines couverts par le Programme lui-même.  Une autre nouveauté a été la reconnaissance de l’émancipation des femmes comme pierre angulaire des politiques de population et de développement.  Les concepts de maternité et d’avortement sans risque ont été pour la première fois introduits dans le débat et la légalisation de l’avortement est apparue comme le moyen de lutter contre les avortements effectués dans de mauvaises conditions.  L’inclusion d’objectifs concernant les groupes vulnérables comme les personnes handicapées et les autochtones est également une nouveauté mais la plus grande innovation du Programme d’action du Caire, a-t-il poursuivi, a été l’inclusion des questions de migrations internes et internationales et de structure de la population.


Pour ce qui est du financement des politiques de population, les choses sont bien différentes, a déclaré M. Tabbarah.  Alors que la communauté internationale reconnaissait une définition large des politiques de population, les financements se sont totalement concentrés sur l’aspect santé reproductive, famille et statut de la femme ne laissant que peu de ressources pour la collecte de données et la recherche.  L’analyse de l’allocation des ressources du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) montre que 75% de l’aide est destinée à des programmes de santé génésique et de plaidoyer alors que seulement une petite portion des 25% restants est consacrée à la collecte de données et à la recherche sur les mêmes sujets.  Aucune aide significative ne couvre les questions de mouvement de population et de structure de la population.  La stratégie suivie depuis Bucarest a été de concentrer les ressources sur les questions importantes et « attractives » pour les donateurs.  L’évolution des flux de fonds destinés à des politiques de population est impressionnante, a-t-il fait observer, en précisant que depuis le Caire le budget du FNUAP  avait augmenté de 5% par an, soit plus de quatre fois le taux de croissance démographique mondiale.  M. Tabbarah a mis en garde les délégations contre les risques que comporte la poursuite de cette stratégie, notamment le risque de fausser les priorités nationales et de limiter les domaines d’assistance en matière de population.  La poursuite d’une telle stratégie, a-t-il dit, conduirait à marginaliser certains domaines de préoccupation, comme les migrations et la structure de la population, alors que celles-ci portent d’importantes contributions pour le développement durable et l’harmonie au plan international.  Le risque, a-t-il insisté, est de laisser le financement déterminer les politiques et non pas le contraire. 


M. Tabbarah a affirmé que l’heure était venue d’initier la troisième phase de l’étude des politiques de population et du financement de celles-ci.  La première phase ayant fait des Nations Unies le chef de file du développement de la démographie au sens formel du terme et la deuxième phase étant celle des progrès significatifs en matière de politique de population, notamment en matière de santé génésique et de statut des femmes, et de la croissance des flux de financements consacrés à ces questions. 


Il est temps, a-t-il insisté, d’aligner l’aide consacrée aux politiques de population aux différentes priorités nationales et d’intégrer concrètement les politiques de population aux politiques de développement durable.  Cette évolution, a-t-il mis en garde, ne signifie pas que les ressources consacrées à la santé génésique et à l’amélioration de la condition des femmes diminueront.  Ce qui est en jeu est l’augmentation substantielle des contributions des donateurs aux politiques de population et le meilleur partage des coûts entre les pays recevant l’aide et les donateurs bilatéraux, et l’augmentation des économies d’échelles.  Le gâteau, en d’autres termes, doit être significativement agrandi. 


Répondant aux questions des délégations, M. Tabbarah a indiqué qu’il était indispensable d’adopter une approche à très long terme, se projetant même jusqu’à 60 ans.  Le phénomène du vieillissement est très important, a-t-il noté.  Il est notable en Europe, mais il est sensible ailleurs.  Ses effets se font sentir même dans un pays comme le Liban.  Or, jusqu’à présent, c’était la famille qui servait de filet de sécurité.  Si l’on ne s’y penche pas dès maintenant, a-t-il prévenu, on sera limité par des politiques réactives. C’est un problème qui concerne le monde entier.


Un représentant de la Commission économique pour l’Europe a noté à cet égard que la croissance de la population et le vieillissement étaient souvent étudiés de façon distincte, et il a plaidé pour un rapprochement des travaux des organes compétents à l’ONU.


Interrogé sur la question du chômage et des liens entre politiques de population et politiques d’emploi, M. Tabbarah a souligné la complexité du problème.  Ces questions sont liées à la mondialisation, a-t-il noté.  « Pour ce qui me concerne, il faut étudier le chômage dans ses différentes catégories ».  Parfois, il existe des personnes qualifiées et une offre d’emploi, mais il n’existe pas de marché du travail, les deux parties n’arrivant pas à se rencontrer.  Parfois, la demande existe mais le système éducatif, resté bloqué trente ans en arrière, ne produit pas les personnes qualifiées au regard des besoins actuels.  Enfin, il peut y avoir aussi pénurie de travail, et les besoins peuvent varier, si la pénurie concerne des emplois manuels.  « C’est à présent une véritable plaie qui affecte les pays développés ».


M. Chamie s’est interrogé sur les politiques de migration, et sur le multiculturalisme, et sur la pertinence de convoquer une conférence sur ce thème à l’avenir.  Sur ce point, M. Tabbarah a noté qu’il était important d’établir un plan pour l’avenir.  « Que sera Bucarest+ 40, ou +50? »  L’élan du départ s’est affaibli, y compris à l’intérieur des Nations Unies.  Il existait autrefois un échange vibrant d’idées et d’informations mais l’ONU a contracté ses effectifs.  Il est à présent nécessaire de rétablir l’énergie qui existait au niveau régional.  La prochaine conférence devrait insister sur les mouvements de populations, et sur la structure de la population.  « Notre champ d’étude est bien plus large que ce que l’on entend à présent » a-t-il indiqué, ajoutant que la question du financement est très importante.  L’étude du vieillissement ne doit pas divertir des ressources déjà affectées, par exemple, à la condition des femmes.


Interrogé sur les perspectives en matière de déplacement de population, M. Tabbarah a plaidé pour la promotion des exigences démographiques auprès des preneurs de décisions.  « Nos préoccupations démographiques doivent être exprimées auprès des preneurs de décision, dans le processus politique et économique » a-t-il déclaré.  « Les politiques de population ne peuvent se faire en dehors de ce processus » a-t-il déclaré.


Interrogé par le représentant du Liban sur la concurrence des phénomènes de migration et d’immigration, M. Tabbarah a noté qu’un pays comme le Liban n’était pas isolé dans sa position de pays émetteur et récepteur de migrations.  La Jordanie est dans la même situation.  A mesure que croît le niveau d’éducation, un certain type de travail est accompli par une population immigrée.  Répondant au représentant du Kenya qui soulignait le décalage entre pays en développement et pays développés, M. Tabbarah a fait observer que la question était directement liée au problème de la mondialisation et de la responsabilité internationale.  Il a plaidé pour la poursuite des études sur la mondialisation et sur la modification des équilibres mondiaux.


Liste des orateurs


Les représentants des pays suivants ont pris la parole lors du débat interactif: République arabe syrienne, Mexique, Liban, Kenya.  Le Directeur de la Division de la population au Département des affaires économiques et sociales et le représentant de la Commission économique pour l’Europe ont aussi participé à ce débat.


En début de séance, le Vice-Ministre de la santé et du bien-être familial de l’Inde a pris la parole ainsi que trois représentants d’organisations non gouvernementales. 

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