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FEM/1295

LE CEDAW EXHORTE L’ARGENTINE À PROTÉGER LES DROITS DES FEMMES POUR LIMITER L’IMPACT DE LA CRISE ÉCONOMIQUE ET LUTTER CONTRE LA PAUVRETÉ

16/07/2004
Communiqué de presse
FEM/1295


Comité pour l’élimination de la

discrimination à l’égard des femmes

660e et 661e séances – matin et après-midi


LE CEDAW EXHORTE L’ARGENTINE À PROTÉGER LES DROITS DES FEMMES POUR LIMITER L’IMPACT DE LA CRISE ÉCONOMIQUE ET LUTTER CONTRE LA PAUVRETÉ


Les 23 experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) se sont penchés aujourd’hui sur l’impact de la crise économique en Argentine* sur la population féminine et sur les moyens d’y remédier.


Si les membres du Comité ont reconnu l’ampleur des initiatives prises par le Gouvernement argentin pour tenter d’atténuer les répercussions de la crise sur la vie quotidienne de ses citoyens, ils n’en ont pas moins souligné l’urgence d’intégrer une approche soucieuse de l’égalité entre les sexes dans toutes les politiques et programmes de développement et d’élimination de la pauvreté.  En réponse à la demande du Comité, l’Argentine, État partie à la Convention depuis 1985, a présenté ce matin un rapport complémentaire sur les mesures prises pour pallier les conséquences de la crise de 1999 sur la population féminine, que ce soit en termes de paupérisation, d’emploi, de santé, d’éducation ou de violence.  Les experts ont regretté que les programmes gouvernementaux ne prennent pas en compte les questions liées à la parité entre les sexes et ont estimé que les efforts de réforme économique et sociale ne pouvaient pas être pleinement efficaces s’ils laissaient la moitié de la population à la marge des efforts de développement et si les femmes n’étaient pas associées à l’élaboration des politiques nationales. 


Les experts se sont inquiétés notamment de l’insuffisance des mécanismes argentins de promotion de la condition de la femme et de l’élimination de toutes les formes de discrimination dont elles sont les victimes.  La Présidente du Comité et experte de la Turquie, Mme Feride Acar, a ainsi insisté sur le fait que la vulnérabilité des femmes est exacerbée à chaque fois qu’il y a une crise économique.  La protection de leurs droits impliquait que ce phénomène de fragilisation soit contrecarré par l’adoption de politiques actives et de programmes ciblés dans les secteurs où elles font l’objet de plus de discriminations.  Selon les experts, il est crucial de s’attaquer au phénomène de la féminisation de la pauvreté, de la précarisation sur le marché de l’emploi mais aussi en matière de santé, de l’inégalité de traitement sur le marché du travail et dans le système éducatif, de même qu’aux stéréotypes sexistes et à la violence dont les femmes sont l’objet.  Pour ce faire, ils ont préconisé l’évaluation des programmes déjà mis en oeuvre et la mise en place d’indicateurs ventilés par sexe mais aussi par groupes de personnes, afin d’élaborer des politiques répondant à leurs besoins spécifiques. 


Parmi les éléments de discrimination qui ont tout particulièrement attiré l’attention des experts du CEDAW, la propagation des maladies sexuellement transmissibles (MST), y compris du VIH/sida, les taux élevés de mortalité maternelle et infantile et les grossesses précoces figuraient en bonne place.  Par exemple, ils se sont dits préoccupés par le fait que les cas de syphilis et la prévalence d’autres MST aient respectivement doublé et triplé entre 1998 et 2002, que le nombre de femmes atteintes d’un cancer du sein ait augmenté de 20% ces dernières années, qu’un tiers des grossesses sont interrompues par un avortement, que celui-ci soit pratiqué sur des jeunes filles de 10 à 12 ans, et qu’un nombre élevé de mères soient âgées de moins de 15 ans.  La situation dramatique en matière de santé génésique et sexuelle a amené les experts à s’interroger sur la mise en oeuvre de l’éducation sexuelle qui n’est pas apparue équitable puisqu’elle n’est pas systématiquement appliquée dans les écoles privées et dans les centres médicaux. 


Tout en saluant les efforts pour lutter contre l’impunité et l’injustice sociale, les experts ont néanmoins souligné la faiblesse du système judiciaire pour sanctionner la violence domestique.  Ils ont notamment invité l’Argentine à veiller à ce que la législation en vigueur soit appliquée de la même manière sur l’ensemble du territoire, quel que soit le niveau d’autonomie dans la prise de décisions dont disposent les différentes provinces.  Reconnaissant la tendance mondiale à l’augmentation de toutes les formes de violences perpétrées à l’égard des femmes, ils ont engagé les autorités argentines à lancer une campagne globale d’éducation et de sensibilisation pour lutter contre les violations flagrantes des droits des femmes, au premier rang desquelles se trouvent les violences fondées sur le sexe.  Il faut non seulement lutter contre les stéréotypes et les pratiques sexistes mais envoyer également le bon message concernant la garantie des droits des femmes.  Les experts ont par ailleurs souligné la nécessité de porter une attention particulière aux besoins des femmes rurales et à l’égalité des chances des femmes dans le domaine fiscal, sur le marché du travail et en matière d’accès à l’éducation.  Le Comité s’est en effet étonné que 55% des femmes salariés ne perçoivent pas de prestations sociales ou n’en touchent qu’une partie.  


Les experts ont par ailleurs entendu les réponses** de la délégation angolaise aux questions soulevées lundi 12 juillet à l’occasion de l’examen de son rapport initial et de ses quatre rapports périodiques suivants sur les mesures prises en application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.


Concluant leur examen à ce stade de l’application de la Convention en Angola, les experts ont invité les autorités angolaises, et surtout le Ministère de la famille et de la promotion de la condition féminine, à profiter du processus d’élaboration d’une nouvelle Constitution pour y incorporer les dispositions de la Convention.  La Présidente du Comité, qui s’exprimait au nom de tous les membres, a insisté sur la nécessité de s’attaquer activement aux stéréotypes ancrés dans la culture et aux comportements sexistes.  Elle a invité l’Angola à adopter des mesures de discrimination positive pour promouvoir la participation des femmes à la vie publique, politique et économique.  Elle a également souligné le besoin d’éliminer les discriminations dont souffrent les femmes dans le domaine de la santé, en particulier en matière de soins maternels, de planification familiale, et de traitement du VIH/sida.  Là aussi, les experts ont souligné la nécessité de promouvoir l’éducation sexuelle afin de modifier les comportements.  L’Angola a également été encouragé à mettre tout en oeuvre pour réaliser l’objectif de l’accès universel à l’éducation et à renforcer le mécanisme d’application des lois pour endiguer la violence à l’encontre des femmes, surtout dans le cadre privé.


Le Comité entendra les réponses de la délégation lettonne et de la délégation de Malte aux questions soulevées par les experts à l’occasion de l’examen de leurs rapports respectifs, lundi 19 juillet à partir de 10 heures.


*CEDAW/C/ARG/5/Add.1

** cf. notre communiqué de presse publié sous la cote FEM/1291 en date du 12 juillet.



EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES


Présentation du rapport de suivi complémentaire du quatrième et cinquième rapports périodiques combinés de la République d’Argentine (CEDAW/C/ARG/5/Add.1)


Ce rapport fait suite aux quatrième (septembre 1996-octobre 1999) et cinquième (février 2000-decembre 2001) rapports périodiques combinés.  Lors de l’examen de ces rapports, le Comité avait demandé de plus amples informations apportées au sujet de l’effet de la crise sur la population féminine et de son impact négatif sur l’application de la Convention.  Ce rapport porte donc sur les domaines de préoccupation visés dans la Convention et répond aux recommandations formulées par le Comité dans ses conclusions, notamment sous la forme d’informations détaillées, actualisées et systématiques et, de données ventilées par sexe, quand elles existent, sur les conséquences de la crise pour la population féminine du pays ainsi que sur les mesures adoptées pour en atténuer les effets négatifs sur la situation des femmes.  Il décrit la situation politique institutionnelle et la situation socioéconomique du pays, donne les grandes lignes de la politique du Gouvernement  en matière sociale et passe en revue les mesures prises pour palier aux conséquences de la crise sue la population féminine, que ce soit en termes de paupérisation, d’emploi, de santé, d’éducation ou de violence.


L’État partie note que les politiques macroéconomiques adoptées par le Gouvernement en 2002 et 2003 et la stratégie mise en œuvre par le Gouvernement actuel ont porté leurs fruits et permis un léger redressement de l’économie en 2003 et tout au long de 2003.  Les grandes lignes de la politique nationale de développement social s’inscrivent dans la nécessité de répondre aux défis fondamentaux que le pays doit relever actuellement: la sécurité alimentaire, le développement de la famille et le développement local pour l’économie sociale.  Ainsi, note-t-il, les principaux programmes mis en œuvre par le Ministère du développement social consistent en trois plans: Plan national de développement local et d’économie sociale (Manos a la Obra: « Main à la pâte »), Plan national de sécurité alimentaire et le Plan intégral de promotion de la famille et de la communauté.  Il rappelle que le Comité s’est tout particulièrement montré préoccupé de la situation des femmes par suite de l’augmentation croissante de la pauvreté et de la pauvreté extrême enregistrée, notamment chez les femmes chefs de famille qui vivent dans la pauvreté et se trouvent au chômage avec des enfants, filles et garçons, à leur charge, et également chez les femmes des zones rurales, des populations autochtones et des secteurs les plus vulnérables de la société.   Le Comité s’est également dit vivement préoccupé par la précarité de l’emploi féminin, et notamment par la situation des chômeuses et des femmes employées dans le secteur non structuré.  S’agissant de la santé, rappelle l’État partie, le Comité s’était inquiété du taux de mortalité maternelle et de ce que, en raison de la détérioration croissante des services de santé, les femmes, et en particulier celles que leur situation rend particulièrement vulnérables, se voient priver de leur droit aux prestations de santé, notamment en matière de santé sexuelle et génésique.  Le Comité s’était également préoccupé de l’augmentation de l’incidence du VIH/sida, notamment chez les femmes.    


S’agissant de l’éducation, le Comité avait craint que la crise ait nui considérablement à l’accès qu’ont les femmes, en particulier les filles, à l’éducation publique faute de ressources permettant d’entreprendre ou de poursuivre leurs études.  Il s’était par ailleurs dit extrêmement préoccupé par le fait que, bien que le l’État se soit doté d’une ample législation pour prévenir et traiter la violence familiale, ce problème se soit aggravé dans la situation actuelle.  Il craignait que la crise ne puisse accentuer le risque de trafic des femmes et des filles ainsi que l’exploitation aux fins de prostitution.  Enfin, le Comité avait regretté qu’il n’y ait pas de stratégie officielle prévoyant la coordination entre les divers organismes d’État qui forment le mécanisme de promotion des droits de la femme.


Présentation par la délégation de l’État partie


Présentant le rapport de suivi des quatrième et cinquième rapports périodiques combinés, la Présidente du Conseil national des femmes de l’Argentine, Mme MARIA LUCILA COLOMBO, a indiqué que la crise avait entraîné non seulement une augmentation de la pauvreté mais aussi une fragmentation de la société et une perte des valeurs associées à la citoyenneté.  Elle a expliqué que le défi que devait relever le Gouvernement était d’améliorer la réalité quotidienne de ses citoyens en répondant à ses besoins socioéconomiques et, ce, en tenant compte des causes de la crise et des responsabilités nationales et internationales correspondantes.  La priorité est de mettre en place un capitalisme permettant de restaurer la mobilité sociale.  Pour ce faire, le Gouvernement a adopté une politique active de développement et de croissance économique, de création d’emploi, et visant une redistribution des richesses plus équitables.  L’État retrouve un rôle fondamental dans ce modèle d’inclusion sociale des femmes et des hommes et la préservation, le renforcement et l’aide aux familles et la lutte contre la corruption et l’impunité aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé.  Le Gouvernement de l’Argentine, a-t-elle dit, reconnaît le rôle de la société civile dans la reconstruction du tissu social et des principes et valeurs, l’exercice des droits et la promotion de l’égalité des chances et l’associe à l’élaboration des politiques et programmes, au niveau des Conseils consultatifs sur la politique sociale notamment. 


Mme COLOMBO a expliqué que son Gouvernement s’est attaché à réformer le système judiciaire en commençant par la Cour Suprême.  La réforme a consisté, a-t-elle précisé, à améliorer la transparence dans la sélection des juges et la mise en place d’un mécanisme d’audition publique des sénateurs.  Les nominations des juges ont vu l’entrée de deux éminentes juristes dans cette instance composée de trois membres.  Le Gouvernement considère que seule la justice, et en particulier l’impunité, pourra rétablir la confiance et permettre une réelle transformation sociale respectueuse des droits humains des femmes et des hommes.  Le Gouvernement argentin, a-t-elle expliqué, est de l’avis que la reconstruction requiert une politique globale d’inclusion sociale et de lutte contre la pauvreté et a adopté une stratégie destinée à reconstruire le tissu social en commençant par la cellule familiale.  Les politiques et programmes du Gouvernement cherchent à promouvoir l’accès des femmes et des hommes à un emploi décent qui permettra de répondre aux besoins de leurs familles, pourvoir à l’éducation de leurs enfants et prendre soin des personnes âgées.  Le Gouvernement a affecté à la politique sociale un budget de 2,1 milliards de pesos en 2004, soit 300 millions de plus qu’en 2003 et a éliminé l’atomisation des programmes sociaux en les remplaçant par un ensemble de politiques fédérales tenant compte des spécificités de chacune des provinces et décliné en trois axes, à savoir la sécurité alimentaire, le développement local pour l’économie sociale et le développement de la famille.  Les efforts de rationalisation ont permis de passer de 40% d’impact direct des dépenses sociales pour les bénéficiaires à 94,4% aujourd’hui.  Parmi les mesures sociales prises pour palier à la crise et à l’augmentation de la pauvreté, elle a cité l’augmentation du salaire minimum, qui s’élève désormais à 350 dollars par mois, l’augmentation des pensions de retraite, notamment pour les mères de sept enfants. 


Comme l’a souligné le Président argentin, a-t-elle indiqué, les politiques mises en place ont toutes un caractère d’urgence et visent la justice sociale et l’équité entre les hommes et les femmes.  La crise a entraîné la création de multiples organisations de participation sociale et de solidarité dont une grande partie implique les femmes.  Du fait de cet accroissement du nombre d’organisations de la société civile, les citoyens, et en particulier les femmes, connaissent de mieux en mieux leurs droits et les moyens de les exercer.  Le Ministère du développement social, a-t-elle expliqué, définit les grandes lignes de la politique sociale et veille à faire coïncider les politiques aux besoins des populations dans le but de permettre, aussi bien aux femmes qu’aux hommes, de jouir de leurs droits, de retrouver leur dignité par le travail.  La Directrice du Conseil national des femmes a également indiqué que l’institution qu’elle dirige était chargée d’accompagner le développement de stratégies et de politiques et de veiller à la poursuite de l’équité.  Le Conseil développe notamment des programmes de renforcement des capacités des organisations de la société civile locale oeuvrant dans les domaines de la lutte contre la violence et de l’accès aux soins de santé.  Le Conseil a lancé un plan national de développement local et d’économie sociale « Main à la pâte » ciblant particulièrement les chefs de famille et prévoyant un accompagnement des bénéficiaires en vue de favoriser leur insertion dans le marché de l’emploi formel par le biais de la participation à des coopératives ou au financement de projets.


Questions des experts et dialogue avec le Comité


Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a demandé que plus de détails soient donnés sur les mesures adoptées en application de la Convention.  Comment, par exemple, le Programme de renforcement de la famille a-t-il été conçu? a-t-elle demandé.


La délégationargentine a répondu que le Conseil de coordination des politiques sociales n’avait pas de lien avec la présidence, qu’il ne s’agit pas d’une entité administrative mais politique qui a mandat pour mieux utiliser les ressources financières et humaines destinées à la lutte contre les violences.  Le Conseil national de la femme fait partie de cet organisme.  La délégation a par ailleurs indiqué que les programmes financiers avaient subi les répercussions de la crise économique qui a paralysé leur mise en œuvre.  En ce moment, a-t-elle poursuivi, notre Conseil travaille sur les différents programmes pour s’assurer qu’ils correspondent aux objectifs généraux, à savoir un travail rémunéré et une prise en charge des soins de santé aux familles argentines.  Le Programme de renforcement de la famille a ainsi une composante d’équité sociale, et il met l’accent sur l’aide à apporter aux femmes.  Il est présent dans la majorité des provinces où les organisations travaillent localement pour améliorer le renforcement du capital social, a expliqué la délégation.


Intervenant à son tour, Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a regretté que le rapport ne contienne pas suffisamment d’informations sur les mesures concrètes qui devaient être prises par le Gouvernement argentin.  Qu’en est-il des mesures visant à modifier les stéréotypes sexuels? a-t-elle demandé.  Mme Shin a également regretté l’absence d’informations détaillées sur les types de violence à l’égard des femmes.  Aussi documenté qu’il soit, le rapport ne décrit pas la teneur des problèmes ni les efforts qui pourraient être déployés pour les résoudre.  Elle a aussi signalé le manque de documentation sur le suivi des peines et les sanctions prises contre les auteurs de violence contre les femmes.  De même, concernant la prostitution, le rapport ne donne que peu d’informations sur les efforts de lutte contre la traite des femmes.  L’experte a demandé à la délégation de préciser les mesures que le Gouvernement entend prendre pour modifier l’attitude stéréotypée des hommes à l’encontre des femmes.


Pour sa part, Mme ROSARIO MANALO, experte des Philippines, a demandé comment l’Argentine comptait s’y prendre pour assurer une éducation sexuelle sur l’ensemble du pays.  Elle a voulu savoir si ce pays possédait un programme ciblé sur la violence au niveau scolaire qui intègre la violence contre les femmes, notamment au sein de la famille.  Il semblerait pertinent que l’éducation des jeunes joue son rôle pour éviter que les comportements violents des hommes ne se reproduisent.  Aucune information sur cette question ne figure dans le rapport, a-t-elle signalé.


En réponse, la délégation argentine a rappelé qu’en matière de violences, l’Argentine avait accompli des progrès en promulguant des lois concernant les provinces.  Il s’agit d’un élément important qui doit faire partie des politiques générales visant à faire modifier les comportements, a-t-elle dit.  Elle a cependant expliqué que de tels efforts nationaux ne pouvaient pas se traduire immédiatement au niveau local.  Les autorités locales et provinciales doivent donc être davantage impliquées et cela prend du temps.  S’agissant du lien entre pauvreté et violence, la délégation a indiqué que ce lien existe, et qu’il avait eu un impact certain sur la dégradation des liens familiaux.  L’absence de communications entre les générations et au sein même des familles est souvent source de violences, a dit la délégation.  L’augmentation des cas de violences sexuelles résulte de l’absence de motivations chez les jeunes, car, a-t-elle poursuivi, la famille n’est plus une cellule de développement.  C’est pourquoi il faut renouer avec cette vocation que met en avant le Gouvernement national, à savoir restaurer le respect réciproque et diffuser plus largement les normes de coexistence pour lutter contre la violence.  Cet effort exige le concours des services de justice et autorités locales afin de décider ensemble des moyens d’intervention en cas de violences et de diffusion des programmes dans les familles et les écoles. 


Concernant l’aide aux victimes et la prévention de la violence, la délégation a reconnu l’absence de mesures centralisées.  Ces mesures devraient intégrer l’interaction des différents corps de l’État pour mettre fin à l’impunité et consolider un système judiciaire fiable.   Poursuivant, la délégation a promis de faire parvenir au Comité un document plus détaillé.  La délégation a, en outre, rappelé l’élaboration d’un programme d’action contre le trafic illicite des personnes par les États membres du MERCOSUR.  Un projet de loi allant dans ce sens est actuellement à l’étude, a indiqué la délégation, dont le but ne sera pas uniquement d’aider les victimes, mais aussi de démanteler les réseaux de trafiquants.


La délégation a précisé que depuis 2001 un minimum de 33% des sièges de sénateurs était réservé à des femmes.  Par conséquent, la législature issue des dernières élections en 2003 est composée de 41% de sénateurs femmes et de 27% de députés femmes dans les provinces.


Articles 11, 12 et 14 de la Convention


Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, a fait observer qu’il était parfois difficile de comprendre la logique suivie dans le choix des statistiques.  Elle a souhaité savoir si le Gouvernement avait pris des mesures spéciales pour améliorer la condition des femmes et assurer la prise en compte systématique des aspects sexospécifiques.  Elle a dit avoir l’impression que les femmes étaient en quelque sorte reléguées au rôle de bénéficiaire de l’assistance sociale sans que soit pris en compte le potentiel de leur participation aux politiques d’élimination de la pauvreté.  Elle a souligné la nécessité de garantir la protection de leurs droits en matière d’éducation, de santé et d’accès au marché du travail et s’est interrogée sur la façon dont sont incorporées les femmes et leurs besoins spécifiques à l’élaboration des politiques de redressement économique et d’élimination de la pauvreté. 


Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, s’est étonnée de l’absence de mesures concrètes visant à améliorer les conditions de vie des femmes rurales.  Elle a demandé quel était le montant du budget alloué aux programmes destinés aux femmes rurales et quel était le nombre de femmes ayant bénéficié des programmes de formation.  Elle a souhaité connaître les obstacles qui limitent l’accès des femmes rurales à la propriété foncière, au crédit et à la commercialisation de leurs produits.  Elle a souhaité en savoir davantage sur la politique sociale suivie pour améliorer le sort des femmes rurales, notamment dans le domaine de la santé, de l’environnement et de l’accès à la terre.  Elle a demandé des précisions sur l’implication des femmes dans l’élaboration des politiques et sur le nombre d’écoles construites ou rénovées dans le cadre du plan sur l’éducation.  Elle s’est alarmée du taux très élevé de mortalité maternelle et sur l’accès des femmes au soin de santé.  Elle a par ailleurs souhaité connaître les intentions du Gouvernement pour remédier à l’impact dévastateur de la pratique clandestine de l’avortement.


Mme GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a demandé des précisions sur la politique de santé et a souhaité disposer davantage de statistiques.  Elle s’est inquiétée de l’augmentation du nombre d’avortements et a souhaité connaître les mesures que le Gouvernement comptait prendre pour inverser cette tendance et limiter le taux de fécondité des adolescentes.  Il lui a semblé que la mise en œuvre du programme d’éducation sexuelle n’était pas équitable car elle n’était pas systématiquement assurée dans les écoles privées et dans certains centres de santé.  Elle a par ailleurs invité le Gouvernement à agir activement pour lutter contre la propagation des maladies sexuellement transmissibles (MST).  Entre 1998 et 2002, le nombre des cas de syphilis a doublé et le taux de prévalence d’autres MST a triplé.  L’experte a demandé des informations supplémentaires sur les mesures prises pour remédier à ce grave problème de santé publique.  Elle a également souhaité savoir si les résultats des programmes de prévention du VIH/sida avaient été évalués.  Mme Gonzalez s’est en outre alarmée du taux de mortalité maternelle et du fait qu’un tiers des grossesses sont interrompues par des avortements.  Elle a souhaité savoir quelles étaient les mesures prises pour s’attaquer à ce problème et de quelle manière l’éducation sexuelle était encouragée.  À cet égard, elle s’est dite préoccupée par le nombre élevé de mères de moins de 15 ans et de la pratique d’avortements sur des jeunes filles de 10 à 12 ans.


Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, a souligné que la priorité pour le Gouvernement argentin était d’intégrer une approche soucieuse de l’égalité entre les sexes dans toutes les politiques nationales.  S’agissant du marché de l’emploi, elle a demandé si le Gouvernement tenait bien compte de la nécessité d’encourager la participation des femmes dans des secteurs non traditionnels de l’économie et du besoin d’encourager l’accès des femmes à des emplois stables.  Elle s’est étonnée que 50% des femmes salariées ne perçoivent pas de prestations sociales et a demandé à la délégation ce que comptait faire le Gouvernement pour assurer l’égalité de traitement dans ce domaine.  Elle a par ailleurs demandé des éclaircissements sur la politique fiscale constatant que l’impôt affecterait davantage les femmes.


La délégation a indiqué que le Gouvernement s’attachait à obtenir un équilibre plus démocratique entre les hommes et les femmes.  Elle a précisé que le plan pour les chefs de famille visait à la réinsertion dans le marché du travail formel des bénéficiaires et à servir de tremplin en encourageant le financement de projets ou les activités des coopératives.  Elle a en outre passé en revue les aides sociales et les subventions prévues pour les femmes, y compris les bourses d’études. S’agissant du plan de la famille, elle a précisé que son Gouvernement cherchait à sortir du modèle de l’État providence et à avantager la réinsertion plutôt que l’assistance.  Elle a d’ailleurs précisé que le secteur informel en Argentine comptait 40% de femmes.  Elle a par ailleurs indiqué que son Gouvernement attachait une grande importance à l’appui apporté par la société civile en matière de politique sociale.  S’agissant du plan « Main à la pâte », elle a estimé qu’il constituait un premier pas vers une politique sociale intégrant l’aspect sexospécifique plus formellement.


Elle a également indiqué que le versement des allocations familiales était désormais assuré directement par le Ministère du travail et non plus par les entreprises.  Cela permet, a-t-elle notamment indiqué, de lutter contre les discriminations à l’égard des femmes sur le marché du travail, dont les discriminations à l’embauche des femmes chefs de familles nombreuses, et de lutter contre les fraudes.  Elle a indiqué que son Gouvernement s’efforçait de lutter contre le travail au noir.  Elle a indiqué que le seuil des revenus imposables était de 12 000 pesos par an.  S’agissant de la propriété foncière, elle a évoqué la possibilité de titulariser les occupants de terrains qui ne leur appartiennent pas et a indiqué qu’un des principaux obstacles était la construction de nombreux bâtiments sur des terrains occupés illégalement.  Pour remédier à cette situation, a-t-elle précisé, la banque foncière procède à l’élaboration d’un cadastre. 


S’agissant des conditions de travail des femmes, la délégation a indiqué qu’un programme « femmes, équité, travail », contenant notamment la valorisation du travail au foyer, avait été lancé.  Elle a précisé qu’une organisation non gouvernementale avait pris l’initiative de déterminer la contribution indirecte des femmes à la vie économique et sociale.  Elle a également passé en revue les dispositions du programme de promotion de la création de microentreprises qui a permis à l’entrée sur le marché de 650 nouvelles entreprises.  Elle a en outre affirmé que les programmes d’accès au microcrédit prenaient en compte la problématique de l’égalité entre les sexes.  S’agissant des données budgétaires, elle a assuré le Comité qu’elle les transmettrait ultérieurement.  Pour ce qui est de la santé, elle a indiqué que le Gouvernement cherchait à garantir l’accès de tous aux services de santé, tout particulièrement en matière de santé reproductive.  En la matière, a-t-elle précisé, les autorités encouragent le rôle de la femme dans la prise de décision et la responsabilisation des hommes.


La délégation a indiqué que le Ministère de la santé et le Ministère des affaires sociales coopéraient en vue d’améliorer l’accès des femmes aux soins de qualité.  L’objectif poursuivi est de fixer les normes que les centres de santé sont chargés de mettre en œuvre.  Les maîtres mots de la politique gouvernementale sont responsabilisation, inclusion et insertion, a-t-elle dit. 


S’agissant de la propagation du VIH/sida, elle a indiqué qu’il n’existait pas d’évaluation des effets de la loi et que cela s’expliquait notamment l’autonomie dont chaque province dispose.  Elle a précisé qu’un conseil composé de toutes les instances sociales du Gouvernement est chargé, en collaboration avec les ONG, de veiller à ce que les dispositions légales soient relayées par des actions concrètes pour les personnes dans le besoin.  Elle a indiqué que comme partout dans le monde, on constatait en Argentine une féminisation de l’épidémie du VIH/sida et l’augmentation du taux d’infection des couches de population de plus en plus jeunes.  Elle a par ailleurs estimé que les attitudes, traditions culturelles et stéréotypes de la société argentine limitaient l’efficacité des efforts de prévention.  Concluant, la délégation a invité les membres du Comité à tenir compte du fait que les institutions ont été et sont toujours mises à rude épreuve en raison de la crise économique et sociale que connaît le pays depuis trois ans.


Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, a demandé de préciser les mesures prises pour lutter contre la pauvreté, notamment à l’égard des femmes.  Dans la mesure où le programme mis en place est national, est-ce que toutes les provinces étaient concernées?  Comment sont déterminés les crédits destinés à sa mise en œuvre? a demandé Mme Khan.  Une partie du budget étant consacrée à ces prêts, pour quels objectifs de développement sont-ils accordés, et incluent-ils une perspective sexospécifique?  M. CORNELIUS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, a demandé quand l’Argentine comptait ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.  Prenant à son tour la parole, Mme NAELA GABR, experte de l’Égypte, s’est inquiétée de l’augmentation du taux de cancer, notamment du cancer du sein qui a progressé de 20% ces dernières années.  Elle a souhaité des précisions sur le plan visant à lutter contre cette augmentation très importante.  Outre les soins de santé, existent-ils des aides spécifiques à la femme en cas de violences à son égard?  S’agissant de la protection de l’enfance, Mme Gabr a souhaité des explications sur le projet de loi datant de 2002 et qui n’a toujours pas été adopté par le Parlement.


Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, a pour sa part suggéré que, dans son prochain rapport, l’Argentine donne ses informations ventilées par province ou par région.  Cela permettra de rendre compte de manière plus précise de l’écart qui existe dans l’application des programmes d’une municipalité à l’autre.  Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a fait observer que la politique générale de lutte contre la violence des femmes ne ressortait pas clairement du rapport.  Des campagnes de sensibilisation ont été lancées, des lois provinciales sont mentionnées mais qui relèvent en fait de la bonne volonté des pouvoirs publics.  Elle a insisté sur le fait que la violence à l’encontre des femmes n’avait rien d’une question strictement privée, qu’elle relevait plutôt d’une responsabilité fédérale.  Un programme général sur cette question et sur la question concomitante de la violation du droit des femmes doit donc être un programme intégré qui mobilise en priorité l’État.  Reprenant la parole, Mme PATTEN, experte de Maurice, s’est également déclarée inquiète du taux élevé de cancer du sein.  Elle a demandé à la délégation si les femmes des zones rurales avaient, elles aussi, accès aux soins adéquats.


Mme GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a fait un commentaire général sur les méthodes de limitation des naissances qui, semble-t-il, ne prévoient pas de possibilités de stérilisation volontaire permettant aux femmes de prendre une décision définitive sur le nombre d’enfants qu’elles souhaitent avoir.


La délégation a répondu, à propos du Plan fédéral de la femme, que son but principal est de compléter les politiques nationales et surtout d’instituer dans les provinces et municipalités un espace femme.  Les populations que l’on vise sont bien sûr les plus touchées par la pauvreté, a-t-elle rappelé.  Nous travaillons à éliminer les obstacles qui empêchent l’accès des femmes au travail rémunéré et cette action à l’échelle régionale pose encore des difficultés.  Modifier les comportements intimes, a déclaré la délégation, est difficile en Argentine où la culture de la prévention reste faible.  Les soins gratuits pour les victimes de violence ne sont pas fournis dans toutes les régions, a poursuivi la délégation, mais, pour ce qui est du cancer, l’Argentine a mis en place un train social et solidaire qui circule dans les régions les plus reculées du pays pour informer et aider directement les populations.  Concernant la stérilisation volontaire, la délégation a répondu que cette question était actuellement discutée dans certaines provinces.  Il est important que l’État assure un accès démocratique aux soins et la délégation va faire le nécessaire pour ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.


Bilan


Dans ses remarques de clôture, la Présidente du Comité et experte de la Turquie, Mme AYSE FERIDE ACAR, s’est félicitée des efforts accomplis par le Gouvernement argentin pour éliminer l’impunité et l’injustice sociale du passé et rétablir l’égalité, la liberté et la démocratie.  Elle a salué les efforts impressionnants entrepris dans le contexte d’une crise économique et sociale sans précédent ainsi que les initiatives prises pour tenter d’atténuer l’impact de cette crise sur la vie quotidienne des citoyens et favoriser la construction d’un tissu social plus démocratique.  Elle a toutefois souligné que l’État partie n’avait pas fourni suffisamment de preuves concrètes de l’impact des politiques menées sur l’égalité des droits des femmes et des hommes.  Tout en se félicitant de la montée en grade du Conseil national des femmes dans l’exécutif argentin, elle s’est inquiétée de l’insuffisance des mécanismes nationaux qui n’ont pas les moyens de palier les séquelles de la crise sur les femmes.  Mme Acar a ainsi invité la chef de la délégation, Mme Colombo, à profiter de l’élargissement des compétences de l’institution dont elle assure la direction pour renforcer le mécanisme visant à promouvoir la condition de la femme et éliminer toutes les formes de discrimination dont elles sont les victimes.  Elle l’a aussi encouragée à procéder à l’évaluation des résultats concrets des politiques et programmes déjà mis en œuvre. 


La Présidente du Comité a reconnu la tendance mondiale à l’augmentation de toutes les formes de violence perpétrées à l’égard des femmes.  C’est une tendance, a-t-elle précisé, qui s’exacerbe à chaque fois qu’il y a une crise économique et qu’il convient de contrecarrer par l’adoption de politiques ciblées, notamment le lancement d’une campagne d’éducation et de sensibilisation pour lutter contre les violations flagrantes des droits des femmes.  Elle a engagé l’État partie à intensifier les efforts pour promouvoir l’émancipation des femmes et à lancer une campagne de sensibilisation du public pour lutter de façon plus efficace contre le phénomène inacceptable de la violence.


Concluant, Mme Acar a souligné combien il était essentiel d’éviter que les femmes ne soient doublement victimes dans les sociétés en crise.  Le Gouvernement argentin doit tenir compte, dans les mesures prises pour faire face à la crise, des répercussions de cette crise sur les femmes.  Elle a ainsi exhorté l’Argentine à adopter systématiquement une perspective sexospécifique dans tous les programmes et toutes les politiques afin de ne pas laisser la moitié de la population en marge des efforts de redressement du pays et de respecter leurs droits.  Pour ce faire, a-t-elle ajouté, il est crucial de lutter contre les stéréotypes et attitudes sexistes, et urgent d’intégrer à tous les niveaux, local et fédéral, une approche soucieuse de l’égalité entre les sexes.


Composition de la délégation de l’État partie


      Conduite parMme Maria Lucila COLOMBO, Présidente du Conseil national de la femme, la délégation était également composée de M. César MAYORAL, Représentant permanent de l’Argentine auprès des Nations Unies; de Mme Juliana DI TULLIO, Représentante spéciale pour les questions liées à la condition féminine au Ministère des Relations extérieures, du commerce international et du culte; de Mme Estela PALOMEQUE, Présidente de la Fondation Banco Nacion; de Mme Maria Teresa PUGA MARIN, Présidente de la Fondation pour la femme, la paix et le développement ; et de M. Gustavo AINCHIL et Mme Gabriela MARTINIO, membres de la mission permanente d’Argentine auprès aux Nations Unies


Réponses de la représentante de l’Angola


Répondant aux questions posées par les experts lors de l’examen du rapport initial et des quatre rapports suivants de l’Angola, le 12 juillet dernier, Mme FILOMENA DELGADO, Vice-Ministre chargée de la famille et de la promotion de la femme de l’Angola a indiqué que son Gouvernement avait mis en place une Commission parlementaire pour le processus de paix et de réconciliation nationale et une Commission parlementaire sur la réintégration des personnes déplacées et des soldats démobilisés auxquelles participent des femmes.  Elle a rappelé qu’en 2002, une amnistie générale avait été proclamée et que par conséquent, tous ceux ayant commis des crimes pendant la guerre avaient été amnistiés.  Elle a précisé que le Gouvernement ne disposait pas de chiffres sur les violences perpétrées pendant la guerre et qu’il avait établi un programme visant à éviter la stigmatisation des 263 896 enfants anciens soldats qui vivent dans la crainte et n’osent pas identifier les auteurs des violences.  Elle a également précisé que la mise en oeuvre du premier plan d’action pour l’égalité entre les sexes avait été un échec en raison des difficultés financières et autres auxquelles le pays faisait face à l’époque de sa mise en oeuvre.  Le plan d’action pour l’égalité actuel, a-t-elle ajouté, qui couvre la période allant jusqu’à 2005, a été élaboré avec la collaboration d’ONG, d’organisations religieuses, de partis politiques et autres organisations de femmes. 


La Vice-Ministre a par ailleurs précisé que les politiques gouvernementales de lutte contre la pauvreté s’articulaient sur les objectifs de la réintégration des populations touchées par la guerre, y compris les 1,5 million d’enfants directement affectés par le conflit, du soutien aux personnes handicapées et d’assistance sociale aux familles vivant en situation d’extrême pauvreté.  S’agissant des réfugiés et personnes déplacées, elle a indiqué qu’à la fin de l’année 2003, sur 4 millions de personnes déplacées, 3 323 124 étaient retournées chez elles et qu’au début avril, on comptait encore quelque 444 625 personnes déplacées restées dans les camps.  Pour ce qui est des réfugiés, 43 345 réfugiés angolais avaient été rapatriés avec leur consentement en novembre 2003 (53% de femmes et 47% d’hommes).  Un programme de réintégration a été mis en place pour répondre aux besoins de la population touchée par la guerre et que des programmes avaient été élaborés pour répondre aux besoins spécifiques de la population rapatriée.  On compte encore 457 374 réfugiés dans les pays d’accueil et on a dénombré quelque 190 688 retours spontanés, a-t-elle précisé. 


S’agissant du budget du Ministère de la condition féminine, la Vice-Ministre a précisé que son montant s’élevait environ à 1,3 milliard de dollars, soit 0,02% du total du budget de l’État.  À ces ressources, s’ajoute une aide financière du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) d’un montant de 92 351 dollars et une aide du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) d’un montant de 576 000 dollars.  La stratégie visant à éliminer les stéréotypes défavorables aux femmes est axée sur la sensibilisation des communautés et des personnels pertinents comme la police ou le personnel chargé de l’administration de la justice.  Elle a précisé que dans les régions, les activités de sensibilisation s’effectuaient en langue locale.  Elle a estimé que les traditions n’étaient pas incompatibles avec les normes juridiques modernes, que toutes deux coexistaient en harmonie mais qu’en cas de conflit, c’était le droit positif qui prévalait.  Elle a également indiqué que les points focaux existant dans chacun des ministères étaient chargés de veiller à la prise en compte systématique d’une approche soucieuse de l’égalité entre les sexes.  S’agissant de la culture patriarcale, la Vice-Ministre a précisé que ce système trouvait son origine dans un contexte culturel différent et consistait en un processus de contrôle et de sanctions fondées sur des normes de comportements respectueux de la culture traditionnelle.  Elle a estimé que le phénomène actuel de la violence urbaine relevait de l’acculturation découlant des lacunes des médias.  Elle a également souligné que la polygamie était une tradition qui n’avait rien à voir avec les pratiques de promiscuité sexuelle observées en milieu urbain où se propage le VIH/sida. 


S’agissant de la représentation féminine au parlement, dont le nombre s’élève à 37 députés sur un total de 220, elle a indiqué que seuls trois partis étaient représentés par des femmes, à savoir le MPLA, parti majoritaire, dont 27 des 129 sièges sont occupés par des femmes; l’UNITA, dirigé par une femme et dont 6 des 70 sièges sont occupés par des femmes; et le PLD dont les trois sièges sont occupés par des femmes.


La Vice-Ministre a également affirmé qu’il n’y avait aucune discrimination de droit en matière d’égalité des chances dans l’éducation et sur le marché du travail.  Le droit du travail angolais, a-t-elle précisé, s’inspire pour beaucoup des conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT).  Elle a indiqué que son Gouvernement reconnaissait le lien entre le travail des enfants et la pauvreté et considérait que la solution à long terme résidait dans une croissance économique soutenue permettant des progrès sociaux, une réduction de la pauvreté et l’accès universel à l’éducation.  Elle a indiqué que la loi 20/00 énonçait les conditions légales du travail des femmes et des enfants.  À l’heure actuelle, le taux d’analphabétisme était de 70% chez les femmes et de 60% chez les hommes et les causes des disparités fondées sur le sexe en matière d’éducation n’avaient pas été étudiées, a-t-elle ajouté.  Un programme a été mis en place pour accroître d’ici à 2005 l’accès des petites filles à l’enseignement, y compris dans les zones rurales, et éliminer les stéréotypes sexistes. 


S’agissant du VIH/sida, la Vice-Ministre a indiqué que le taux de prévalence global n’était pas connu mais que des études transversales révélaient que le virus se propageait rapidement, étant de l’ordre de 3,4% en 1999 et de 8,6% en 2001 parmi les femmes enceintes des hôpitaux de Luanda.  La prévalence du VIH/sida chez les prostituées de Luanda aurait été de 20% en 1999 et de 33% en 2001, dont 60% auraient entre 20 et 39 ans.  La situation s’explique par le fait que les filles ont une vie sexuelle à un âge précoce, par l’inégalité entre les sexes, l’augmentation des pratiques d’exploitation sexuelle et le taux élevé de pauvreté que connaît le pays.  Pour faire face à cette épidémie, le Gouvernement a pris une série de mesures et mène, en collaboration avec le PNUD, un projet de réforme des programmes scolaires pour y inclure l’éducation sexuelle et la sensibilisation aux maladies sexuellement transmissibles.  Il a également élaboré un plan stratégique dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive ainsi que des programmes de soins infantiles et maternels pour remédier à la situation actuelle.  En effet, a-t-elle dit, selon une étude menée en 1997 dans un hôpital de Luanda, 44% des 286 femmes hospitalisées à la suite d’un avortement à risque étaient âgées de 15 à 19 ans et 1,4% ne dépassaient pas les 15 ans.  S’agissant des techniques de planification familiale, elle a indiqué que l’utilisation de contraceptifs était estimée à 1,8%.


Mme DORCAS AMA FREMA COKER-APPIAH, experte du Ghana, a commenté les réponses de la délégation et fait observer que celles relatives à la culture étaient trop brèves.  Les hommes font et défont les traditions, a-t-elle dit, et il faut lutter contre cet état de fait car certaines des coutumes en vigueur contiennent des éléments de discrimination qui touchent les femmes.  Les traditions discriminatoires doivent être éliminées par un effort conjoint.  Pour sa part, Mme SHIN, experte de la République de Corée, a demandé à la délégation angolaise si la Constitution en cours d’élaboration contenait des dispositions sur l’application directe des traités sur la parité hommes-femmes; ou encore si une définition précise de la discrimination y était portée.  Prenant à son tour la parole, Mme HANNA BEATE SCHÖPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, a estimé que la rédaction de cette constitution était une mesure positive pour l’Angola.  Elle a cité l’exemple de l’Afrique du Sud où, dans une situation comparable, les femmes avaient été sollicitées pour faire part de leurs besoins.  L’experte aurait par ailleurs voulu connaître les efforts engagés par la délégation pour incorporer dans sa constitution des mesures temporaires spéciales, en l’occurrence les plus appropriées pour accélérer la mise en œuvre de l’égalité entre hommes et femmes.  Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon, a demandé si les centres de conseils psychologiques et sociaux destinés aux familles et les centres de conseils juridiques étaient une seule et même chose.


En réponse, la Vice-Ministre a indiqué qu’en Angola, il existe encore une différence très marquée entre les modes de vie modernes et traditionnels.  Le droit positif l’emporte majoritairement, mais, dans les campagnes, le règlement des litiges repose encore sur le droit coutumier.  Pour autant, si la femme est victime d’une discrimination, lors d’un héritage par exemple, le Gouvernement peut être saisi de la question et réagir selon les dispositions du droit positif.


S’agissant des dispositions temporaires, la délégation a précisé que le Ministère de la famille avait été justement crée pour renforcer le droit des femmes et promouvoir leur rôle au sein des entreprises publiques et privées.  Un budget spécial est établi pour financer la mise en œuvre des politiques de promotion de la femme du Gouvernement angolais, a-t-elle poursuivi.  Concernant les écoles, la Vice-Ministre a dit que les écoles publiques et privées étaient, sur le plan méthodologique, logées à la même enseigne.  L’enseignement qui y est dispensé émane du seul Ministère de l’éducation et s’adresse le plus démocratiquement possible à tous les enfants.  Les Centres de conseils psychologiques et sociaux pour la famille servent, quant à eux, à fournir une aide financière aux victimes de violences au sein des familles, a précisé la Vice-Ministre.  Plus largement, ces centres ont pour objectif d’informer les citoyens de leurs droits sociaux et culturels afin qu’ils puissent exercer leurs droits.  Les Centres offrent également une assistance juridique aux plus démunis.


Bilan


Dans ses remarques de conclusion, la Présidente du Comité a souligné le courage des réponses apportées par l’Angola, compte tenu des énormes difficultés causées par la longue guerre que ce pays a dû endurer.  Le développement des programmes de réinsertion des victimes de la guerre, est une initiative qui doit être saluée, a-t-elle dit.  Si le Comité se félicite de la signature du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, il exhorte toutefois l’Angola à le ratifier au plus vite.  De même, le Comité salue l’adoption du Code de la famille mais attend maintenant une définition précise de la discrimination dans la future constitution de l’Angola.


Nombre de lois doivent être amendées car, a poursuivi la Présidente, il existe un écart entre la législation et l’application pratique de ces lois que le Gouvernement de l’Angola doit combler. 


Nous invitons donc l’Angola à travailler sur la base de programmes permanents pour éliminer les préjugés les plus discriminatoires et fortement enracinés au sein de la population.  Ces préjugés puissants vont à l’encontre des efforts accomplis en faveur de la parité entre les sexes.  Dans ce cadre, il revient au Gouvernement de marquer sa volonté de changement en prenant des mesures affirmatives visant à instaurer une égalité de fait entre les sexes.  Le Gouvernement doit, de ce point de vue, approfondir la recommandation 25 du Comité.  Les campagnes de sensibilisation des populations, notamment en matière d’éducation sexuelle, sont un autre effort crucial que l’Angola doit engager pour enrayer la pandémie de sida et l’explosion des taux de mortalité infantile et maternelle.  Le Comité reconnaît l’énormité de la tâche, compte tenu de la nécessité de renouveler les infrastructures sanitaires tant affectées par la guerre.  Les moyens financiers doivent augmenter de façon significative pour remédier à la situation difficile actuelle, a conclu la Présidente du Comité.  


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