LE COMITÉ DU CEDAW PRIE LE BANGLADESH D’HARMONISER SA LÉGISLATION AVEC LA CONVENTION POUR AMÉLIORER LE STATUT DE SES CITOYENNES
Communiqué de presse FEM/1290 |
Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
653e et 654e séances – matin & après-midi
LE COMITÉ DU CEDAW PRIE LE BANGLADESH D’HARMONISER SA LÉGISLATION AVEC LA CONVENTION POUR AMÉLIORER LE STATUT DE SES CITOYENNES
Le paradoxe entre les succès enregistrés par le Bangladesh dans les domaines de l’alphabétisation, de l’intégration économique et de l’émancipation des femmes et la persistance d’un cadre juridique et constitutionnel en deçà des principes prescrits par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, a marqué la discussion qui a eu lieu aujourd’hui entre la délégation du Bangladesh, conduite par la Ministre chargée des affaires féminines et de l’enfance, la BegumMme Khurshid Zahan Haque, et les 23 experts du Comité chargé du suivi de l’application de la Convention (CEDAW). Cet échange de vues était basé sur la présentation du cinquième rapport périodique du Bangladesh concernant les mesures prises pour éliminer les discriminations à l’égard des femmes entre 1997 et 2002.
Passant en revue les obstacles qui s’opposent à la jouissance pleine et entière des droits reconnus aux femmes par la Convention à laquelle le Bangladesh est partie depuis 1984, les experts ont estimé que la priorité était d’utiliser les bons résultats accomplis dans certains domaines pour établir des politiques et des mesures solides permettant de garantir le respect des droits des femmes et d’éradiquer les pratiques discriminatoires. Une des priorités identifiées par les experts à cette fin est de regrouper les lois sur la famille dans un seul code. Cette codification permettrait, selon les experts, d’offrir à chaque femme les même droits en particulier en matière de mariage, de divorce et de succession. A l’heure actuelle, le Gouvernement tolère, au nom du respect des religions, les pratiques musulmanes, hindoues, chrétiennes et bouddhistes pour tout ce qui relève de la vie de famille. Ainsi, malgré l’existence d’une loi fixant l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les jeunes filles, plus de 50% d’entre elles sont mariées avant l’âge de 15 ans en raison des lois hindoues et musulmanes autorisant le mariage de mineures. Cette situation a été largement dénoncée par les experts qui ont estimé qu’elle entretenait une discrimination de fait entre les femmes des différentes religions. Ils ont non seulement invité les autorités du Bangladesh à y remédier sur le plan législatif mais également à lancer des campagnes de sensibilisation à grande échelle, grâce aux médias et aux organisations de la société civile, pour lutter contre les traditions et stéréotypes dégradants.
Les membres du Comité ont également estimé que la politique de l’Etat partie en matière de lutte contre la violence laissait à désirer. Ils ont notamment regretté l’absence d’une loi sur la violence domestique, qui couvre le viol commis par le mari. Là encore, il a semblé aux experts que davantage devait être fait pour faire changer les comportements, pour sensibiliser et former le personnel chargé de l’application des lois et pour élargir la portée des mécanismes établis à l’appui des sanctions. De l’avis des experts, s’il est avéré que les mesures policières sont essentielles, elles n’en sont pas moins insuffisantes. C’est pourquoi, le Bangladesh doit adopter une approche plus équilibrée face au phénomène de la violence. L’inclusion dans le code pénal de dispositions précises prévoyant des mesures audacieuses contribuera considérablement à sensibiliser toutes les communautés aux violences dont sont victimes les femmes. Le Comité a par ailleurs rappelé qu’il ne suffisait pas de prévoir des peines importantes contre ceux qui commettent des crimes à l’encontre des femmes, mais il était également nécessaire d’en garantir une application effective et d’adopter des approches novatrices visant à encourager les femmes à exercer leurs droits, notamment de recours.
Les experts ont aussi encouragé le Gouvernement du Bangladesh à retirer les réserves qu’il a émises sur certains articles de la Convention. Ils l’ont invité à lever sa réserve à l’article 2 concernant les mesures politiques à prendre pour assurer l’application effective de la Convention. Au-delà de sa portée symbolique, cette mesure permettrait, selon eux, de clarifier la hiérarchie des normes juridiques visant à promouvoir et protéger les droits des femmes et à éliminer les discriminations qu’elles subissent. Elle ouvrirait en outre la voie à l’applicabilité directe de la Convention et rendrait possible la suppression de mesures contradictoires. Cette clarification permettrait de mettre un terme à l’incompatibilité qui existe entre certaines lois nationales et certaines dispositions de la Convention, notamment en ce qui concerne la nationalité, le mariage, y compris le mariage précoce, l’héritage, la répudiation ou d’autres pratiques discriminatoires.
En réponse à ces préoccupations, la Ministre bangladaise a expliqué qu’un comité interministériel avait déjà recommandé le retrait des réserves concernant les dispositions de la Convention relatives aux prestations économiques et sociales et à l’intérêt supérieur de l’enfant et l’égalité des responsabilités des deux parents dans les cas de tutelle, curatelle, garde et adoption des enfants. Elle a en outre assuré les experts que son Gouvernement étudiait les moyens de retirer les réserves concernant les articles relatifs respectivement aux mesures politiques visant à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à l’égalité des responsabilités et des droits entre les époux au cours du mariage ou de sa dissolution. Elle a toutefois précisé qu’en dépit de l’absence de réserve émise à l’article 9 de la Convention, les femmes bangladaises n’étaient pas en mesure de transmettre leur nationalité à leur mari ou à leurs enfants si elles étaient mariées à un ressortissant étranger. A cet égard, le Gouvernement étudie actuellement la possibilité d’amender la loi sur la citoyenneté.
Les experts du Comité se sont réjouis de l’annonce faite par le Bangladesh de retirer prochainement ses réserves sur les dispositions de la Convention et ont estimé que cela adresserait un message encourageant aux autres pays musulmans du monde.
Le Comité examinera lundi, 12 juillet, à partir de 10 heures les deuxième et troisième rapports combinés de l’Angola.
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES
Cinquième rapport périodique du Bangladesh (CEDAW/C/BDG/5 et CEDAW/PSWG/2004/II/CRP.2)
Présentant le rapport, la Ministre chargée des affaires féminines et de l’enfance du Bangladesh, Mme KHURSHID ZAHAN HAQUE, a déclaré que son Gouvernement reconnaissait la nécessité pour les pauvres de briser le cycle de la pauvreté et qu’il n’avait cessé d’augmenter les ressources budgétaires affectées aux affaires sociales, dont une grande partie bénéficie directement aux femmes. Le Bangladesh, a-t-elle rappelé, est l’un des premiers pays à avoir ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes, et son Protocole facultatif. A cet égard, elle a informé les experts du Comité que son pays a approuvé l’amendement du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention relatif à la durée des sessions du Comité.
Mme Zahan Haque a présenté aux membres du Comité certaines mesures prises par son Gouvernement en réponse aux questions les plus pressantes intéressant l’amélioration de la condition des femmes. Elle a notamment fait valoir les efforts de son Gouvernement pour encourager l’éducation des femmes, notamment la décision de rendre l’enseignement obligatoire jusqu’à la fin du secondaire et l’établissement de bourses et autres aides scolaires. Grâce à ces mesures, a-t-elle expliqué, la scolarisation des filles a augmenté de manière significative, approchant ainsi le niveau du taux de scolarisation des garçons et réduisant considérablement le taux d’abandon scolaire. Selon la Banque mondiale, 80% des jeunes filles de 6 à 10 ans et 73% des jeunes filles de 11 à 15 ans suivent respectivement un enseignement primaire et secondaire. Ces résultats montrent que le pays compte un des taux de scolarisation au niveau primaire les plus élevés dans le monde en développement, y compris parmi les enfants les plus pauvres, et a atteint la parité aux niveaux primaire et secondaire.
En matière de santé, la Ministre a indiqué que le programme relatif aux secteurs de la santé et de la population pour la période 2003-2006 était centré sur les besoins en matière de santé des pauvres en zones rurales, en particulier des femmes et des enfants. Dans ce cadre, a-t-elle expliqué, les services de santé maternelle ont été étendus pour couvrir les femmes des zones rurales par le biais de cliniques communautaires et mobiles. Ce programme considère que les soins de santé essentiels comprennent les soins obstétriques primaires et d’urgence, l’accouchement sans risques, les soins pré- et post-nataux et, la réduction des risques d’avortements dangereux et l’utilisation croissante des services cliniques de contraception. Le taux de mortalité est de 3,8 pour mille en 2001 alors qu’il atteignait 6,48 pour mille en 1986. Mme Zahan Haque a également souligné que les infrastructures offertes aux femmes enceintes étaient satisfaisantes, en particulier dans les zones rurales où elles sont prises en charge par les centres de santé des Upazilla et l’Union des centres de soins familiaux. Elle a précisé que le taux de mortalité infantile a diminué de moitié au cours de ces 20 dernières années et que le taux d’immunisation des enfants de moins de deux ans était le plus élevé des pays en développement. Elle a en outre souligné que le taux de prévalence du VIH/sida au Bangladesh était relativement bas, notamment par rapport au reste de l’Asie. À cet égard, elle a précisé qu’il existait un consensus pour ne pas reléguer la question au rang des questions non prioritaires pour autant et que la propagation de l’épidémie faisait l’objet d’une grande attention de la part du Gouvernement. Ce dernier, a-t-elle précisé, a d’ores et déjà pris des mesures pour endiguer cette épidémie, créé un Comité national de prévention du VIH/sida, établi des programmes de transfusions sanguines sans risques et des programmes de prévention du VIH/sida et lancé des campagnes de sensibilisation notamment par le biais des différents médias et par l’organisation de séminaires et de réunions d’information. Elle a en outre expliqué que, grâce à la planification familiale, le Bangladesh a désormais un taux de croissance démographique de 1,5% par an, un taux de fertilité de 3,3 enfants par femme et un taux de grossesses désirées de 2,3 par femme.
La Ministre a par ailleurs souligné l’importante intégration des femmes à l’économie bangladaise, grâce notamment aux micro-crédits et aux mesures visant à concilier vie familiale et travail comme l’établissement de crèches et de foyers pour travailleuses. Selon la Banque mondiale, quelque 12 millions de femmes ont bénéficié du micro-crédit pour un montant total s’élevant à 1,2 milliard de dollars recouvré à près de 90%. S’agissant de la participation politique des femmes, Mme Zahan Haque a estimé que le fait que le Premier Ministre et le Chef de l’opposition soient des femmes depuis 14 ans, soit 3 législatures, reflétait l’engagement de son pays à l’émancipation politique des femmes. Le nombre de sièges réservés aux femmes au Parlement national, considéré comme un seuil minimal, est passé de 30 à 45 et les partis d’opposition ont exprimé leur disposition à partager les sièges réservés aux femmes proportionnellement. Suite aux élections locales au niveau des Conseils d’Union Parishad qui se sont déroulées en 2003, quelque 12 669 femmes ont été élues au titre des sièges réservés aux femmes auxquelles s’ajoutent 22 Présidentes et une centaine de femmes élues au titre des sièges généraux. La Ministre a également indiqué que son Gouvernement avait pris des initiatives pour intégrer les questions de parité dans tous les programmes gouvernementaux et sensibiliser tous les groupes professionnels.
S’agissant de la lutte contre la violence perpétrée à l’encontre des femmes, Mme Zahan Haque a passé en revue une série de lois adoptées par son Gouvernement en vue de combattre toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris les attaques à l’acide, de faciliter pour les femmes l’exercice de leurs droits et de punir les auteurs de tels actes. Un centre de crise a été établi pour procurer une aide médicale, juridique et autre aux victimes et les procédures judiciaires ont été simplifiées. Du fait de ces mesures, a-t-elle souligné, 215 accusés impliqués dans 123 affaires de violence à l’égard des femmes ont été condamné à la peine de mort ou à l’emprisonnement à vie entre août 2003 et juin 2004 et 86 accusés impliqués dans 37 autres affaires ont été condamnés à des peines d’emprisonnement d’une durée limitée. La Ministre chargée des affaires féminines et de l’enfance a par ailleurs indiqué que son Gouvernement avait également lancé, à l’occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars 2003, et en collaboration avec la société civile et ses partenaires du développement, une campagne de sensibilisation du grand public intitulé « Marche contre la violence à l’égard des femmes ». A cette occasion, la Premier Ministre a appelé les citoyens à lutter contre la pratique de la dot afin de juguler la violence à l’égard des femmes. La Ministre a en outre souligné l’engagement de son Gouvernement, qui a signé et ratifié la Convention sur la prévention et la lutte contre le trafic de femmes et d’enfants à des fins de prostitution en juillet 2002, à combattre le trafic de femmes et d’enfants.
S’agissant de l’emploi des femmes, la Ministre a souligné que 10% des postes de débutants dans la fonction publique étaient réservés aux femmes et que le Président disposait d’un quota pour la nomination de femmes aux postes à responsabilité. Elle a ajouté que les femmes étaient également encouragées à faire carrière dans des domaines non traditionnels, comme l’armée ou l’application des lois. Au total, a-t-elle précisé, 7 574 femmes travaillent dans la Fonction publique, dont 25 dans les affaires étrangères.
S’agissant des réserves émises par son pays aux articles 2 et 16.1 (c), elle a assuré les experts que son Gouvernement étudie les moyens de les retirer et a indiqué que le Ministère de la loi, de la justice et des affaires parlementaires avait récemment donné un avis en faveur du retrait des réserves et que l’étape ultérieure était l’approbation de cet avis par le Cabinet. Elle a toutefois indiqué qu’en dépit de l’absence de réserve émise à l’article 9 de la Convention, les femmes bangladaises n’étaient pas en mesure de transmettre leur nationalité à leur mari ou à leurs enfants si elles étaient mariées à un ressortissant étranger. A ce titre, elle a indiqué que le Gouvernement étudie cependant la possibilité d’apporter un amendement à la loi sur la citoyenneté.
M. IFTEKHAR AHMED CHOWDHURY (Bangladesh) a rappelé que son pays était partie à presque tous les instruments internationaux relatifs à la défense et à la promotion des droits de la femme, en particulier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et son Protocole facultatif. Il a ensuite rappelé la participation du Bangladesh aux travaux de la Troisième Commission de l’Assemblée générale et à ceux de la Commission de la condition de la femme, notamment pour soutenir toutes les résolutions sur l’« avancement des femmes ». Par ailleurs, lorsque le Bangladesh siégeait au Conseil de sécurité, il s’était étroitement associé à l’adoption de la résolution 1325 intitulée «Femmes, paix et sécurité». Le Bangladesh, en tant que plus important pays contributeur de troupes dans le maintien de la paix, joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre des résolutions concernant les pays émergeant d’un conflit. Convaincu que les changements sociaux ne peuvent être imposés de l’extérieur, le Bangladesh a toujours proposé des idées novatrices tels que le micro-crédit et l’éducation non structurée. Le représentant a enfin rappelé que sa propre délégation comprend également des représentants d’ONG. Le pays compte 20 000 ONG, dont certaines parmi les plus importantes du monde.
Dialogue avec les experts
Mme YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, a demandé d’expliquer les mesures prises pour réprimer les attaques à l’acide perpétrées contre les femmes. Quelles sont les statistiques concernant ce type de violence? Le rapport indique également qu’un mécanisme a été mis en place pour régler certaines questions par l’arbitrage et la médiation. Les violences à l’égard des femmes sont-elles concernées?
Pour sa part, Mme ROSARIO MANALO, experte des Philippines, a rappelé que la mise en œuvre des lois adoptées au Bangladesh en faveur des femmes était relativement faible. Par ailleurs, il n’existe pas de lois contre les violences et les abus commis au sein de la famille, ni de lois contre le harcèlement sur le lieu de travail. Elle a préconisé d’adopter un code de la famille unifié afin d’harmoniser toutes les lois en vigueur. Que fait en outre le Gouvernement pour réduire la portée des fatwas? L’experte a suggéré d’élaborer un « code national » qui inclue les dispositions de la Convention et qui soit basé sur une claire distinction entre les pouvoirs législatif et exécutif pour plus d’efficacité.
Mme HANNA BEATE SHÖPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, a soulevé la question des réserves à l’article 2, rappelant que les États parties ont été priés de préciser davantage leurs réserves. L’unification du Code de la famille semble être le problème central de la question des réserves. Elle a demandé ensuite si la promotion des droits des femmes au Bangladesh prenait en compte les femmes d’autres confessions que la confession musulmane. Enfin, elle a voulu savoir si le Bangladesh adhérait à toutes les dispositions du Protocole facultatif. Intervenant à son tour, Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a fait observer que le rapport ne mentionnait pas certaines affaires impliquant des agressions contre les femmes. Pourquoi a-t-il fallu attendre parfois deux ans avant que des sentences ne soient prononcées? Elle a estimé qu’il était indispensable de sanctionner au plus vite ceux qui commettent de tels actes, en particulier au sein des foyers.
M. GÖRAN MELANDER, expert de la Suède, a demandé si dans la hiérarchie des normes nationales, la Convention était traitée différemment. Une des raisons pour lesquelles la Convention ne s’applique pas toujours comme il le faudrait tient à ce qu’on appelle le « dualisme juridique ». Il y a un moyen très simple pour y remédier, à savoir l’adoption de textes de lois qui reprennent mot pour mot le contenu de la Convention.
Revenant sur la question des réserves, Mme DUBRAVKA SIMONOVIC, experte de la Croatie, a demandé si le Protocole facultatif pouvait s’appliquer dans le pays, en dépit des réserves émises par le Bangladesh. Toujours à ce sujet, elle a noté que le Gouvernement prenait des mesures progressives en vue d’assurer l’égalité de fait entre hommes et femmes. Comment la délégation définit-elle la notion de « mesure progressive » alors que la mise en œuvre des dispositions de la Convention devrait être immédiate?
S’agissant de la violence à l’égard des femmes, des campagnes de sensibilisation ont permis de la signaler plus fréquemment. Le Bangladesh procède actuellement à l’élaboration d’une loi concernant les violences familiales, a indiqué la délégation tout en rappelant que son pays, en raison des traditions qui le caractérisent, aborde difficilement certaines questions taboues, notamment les violences commises en milieu familial. Cependant, L’État commence à prendre des mesures comme la mise en place d’un programme d’aide juridique aux femmes et la création de tribunaux des familles permet désormais de régler des litiges liés à la dot. Après la promulgation de lois et de régimes de sanctions, les condamnations ont augmenté. Malheureusement, le manque de preuves permet souvent d’acquitter l’inculpé.
Le Gouvernement envisage de permettre aux enfants mineurs d’exercer des recours devant les tribunaux contre des attaques à l’acide, alors que jusqu’ici, l’âge minimum pour le faire est de 18 ans. Certains des tribunaux sont qualifiés pour traiter ce type de délits et on essaie de voir comment une assistance juridique peut être accordée à ces victimes.
Sur la question de la traite, des peines très sérieuses ont déjà été infligées. Toutefois, il s’agit d’un phénomène transversal et transfrontalier, reposant sur la demande et difficilement maîtrisable, et qui exige que l’on s’attaque aux sources inhérentes du problème. Il faut aussi prendre en compte le refus de témoigner. Le Bangladesh a entamé une procédure d’extradition des étrangers qui se sont livrés à la traite d’être humains. Par ailleurs, a poursuivi la délégation, l’an dernier, des campagnes de sensibilisation à ce problème ont été lancées dans 18 districts. En outre, un projet pilote a été mis en place pour lutter contre la traite des enfants, qui associe les médias et le monde du spectacle. A cette fin, le Gouvernement a adopté une approche multisectorielle et interministérielle et a augmenté le nombre de juges qualifiés. Répondant à la question sur les réserves aux articles 2 et 16, la délégation a reconnu qu’il existe quelques obstacles constitutionnels à la mise en œuvre de la Convention, liés notamment à la possibilité d’exercer librement sa religion.
S’agissant de la collaboration entre le Gouvernement et les ONG, il existe un centre de crise commun qui propose des services de santé, une aide juridique et qui travaille sur des projets de micro-crédit.
La délégation a indiqué que 45 sièges étaient désormais réservés aux femmes au Parlement national. Elle a précisé que six membres du Gouvernement étaient directement élus, dont le Premier Ministre, qui est une femme. Le chef de l’opposition au Bangladesh est également une femme. Le Gouvernement encourage la participation des femmes à la vie politique pour qu’elles puissent faire entendre leurs voix lors de l’élaboration des politiques de développement. En tant que pays en développement, le Bangladesh ne peut agir que par étape. Tout en reconnaissant l’ampleur de ce qui reste à faire, la délégation a fait valoir les importants progrès accomplis pour assurer une meilleure représentation des femmes sur le marché du travail. Avec le temps, a-t-elle estimé, les femmes seront présentes dans tous les domaines d’activités économiques. Répondant à la question sur la formation des religieux aux questions de parité, la délégation a précisé que des fondations assuraient la formation des imams, et que le Gouvernement étudiait actuellement la question de la formation des religieux hindous. Elle a insisté sur le fait que son Gouvernement était conscient du rôle fondamental des ecclésiastiques et de leur capacité à faciliter ou à saper les efforts consentis par le Gouvernement en matière de développement, et en particulier d’émancipation des femmes.
Passant à une nouvelle série de questions, Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, a souligné que le retrait des réserves aux articles 2 et 16.1 (c) aurait une portée symbolique et pratique. Elle a également souhaité savoir ce que faisait le Gouvernement pour protéger les femmes contre les fatwas qui risquent de menacer leur intégrité physique.
Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, a demandé des précisions sur les mesures prises pour mettre en oeuvre les programmes de lutte contre la violence à l’égard des femmes. Elle a déploré que le taux d’acquittement dans les affaires concernant des cas de violence à l’encontre des femmes soit très élevé et a souligné que le fait de considérer très souvent les plaintes comme non justifiées et d’acquitter les accusés décourageait les femmes de porter plaintes. Elle a également souhaité savoir si l’État partie disposait de méthodes de collecte de données permettant de répertorier les attaques à l’acide, notamment ventilées par sexe, par régions et par hôpitaux.
Déplorant l’augmentation des comportements violents à l’égard des femmes que la délégation explique par l’éveil des consciences, Mme HUGUETTE BOPKE GNANCADJA, experte du Bénin, s’est opposée à cette explication. Elle a considéré qu’au contraire, l’éveil des consciences devait provoquer une baisse de la violence si les mesures prises étaient effectivement appliquées. L’augmentation des actes de violence contre des femmes laisse penser que les lois ne sont pas appliquées car seule l’impunité encourage l’infraction, a-t-elle affirmé en ajoutant qu’il était nécessaire de donner un nouvel élan à la lutte contre la violence en vue d’améliorer l’application effective des mesures prises. Elle a demandé à la délégation d’expliquer pourquoi la compétence territoriale des tribunaux familiaux ne couvrait pas l’ensemble du territoire. Est-ce que les tribunaux spéciaux disposent de compétences civiles et pénales? Elle a également demandé des éclaircissements sur la répartition des compétences entre les tribunaux spéciaux et les tribunaux de famille.
Mme NAELA GABR, experte de l’Egypte, a demandé des précisions sur la place qu’occupe la Convention dans la hiérarchie des normes et sur la manière dont le Gouvernement compte remédier à l’incompatibilité constatée entre certaines lois nationales et certaines dispositions de la Convention, notamment en ce qui concerne la nationalité et le Code de la famille. S’agissant des réserves émises par l’État partie, elle a souhaité connaître les problèmes qui empêchaient leur levée. Pour sa part, Mme FATIMA KWAKU, experte du Nigéria, a demandé des précisions sur l’applicabilité de la Convention et sur les mesures prises pour assurer l’application effective de la Convention.
Mme MARIA REGINA DA SILVA, experte du Portugal, a souhaité des précisions sur la décision visant à éliminer l’impunité pour la violence contre les femmes. Quels sont les cas où cette loi aurait été utilisée à mauvais escient, s’est-elle interrogée? Elle a également souhaité savoir si les décisions du Conseil national pour la promotion de la femme engageaient le Gouvernement. Elle a aussi demandé des précisions sur le suivi de la mise en oeuvre des politiques et programmes de promotion des femmes. Existe-t-il des statistiques ventilées par sexes sur ce point?
Déplorant quant à lui la non-applicabilité de la Convention dans le système juridique national et l’impossibilité pour les organisations de femmes de faire valoir les dispositions de la Convention devant les tribunaux, M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, a souhaité en savoir davantage sur les compétences des tribunaux en matière d’élimination des discriminations à l’égard des femmes. Il s’est toutefois réjoui de l’intention du Gouvernement du Bangladesh de créer une commission des droits de l’homme et un poste de médiateur. Est-ce que cette commission serait compétente pour recevoir les plaintes déposées au titre de la violation de la Convention, a-t-il demandé?
Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, s’est dite préoccupée par le nombre limité de personnes condamnées après avoir été impliquées dans des affaires de traite, en dépit du nombre considérable d’affaires portées devant les tribunaux.
Mme KRISZTINA MORVAI, experte de la Hongrie, a estimé que le fait de maintenir une réserve à un des articles essentiels de la Convention, notamment l’article 2, envoyait un message inapproprié à la communauté internationale, laissant croire que cela était acceptable. Elle a affirmé qu’il était injuste que la victime de violence et ses enfants soient obligés de vivre dans des foyers spéciaux alors qu’il serait plus juste d’emprisonner l’auteur de tels actes. Elle a par ailleurs souligné le lien clair qui existe entre la traite et la prostitution et a souligné que, pour être efficace contre la traite, il fallait préalablement lutter contre la prostitution.
Tout en demandant s’il existait un mécanisme national de suivi de l’application des mesures prises pour promouvoir la condition des femmes, Mme SJAMSIAH ACHMAD, experte de l’Indonésie, s’est dite préoccupée par le silence devant le viol commis par le mari. Condamnant une telle pratique, elle a invité l’État partie à profiter des échanges d’expérience et de bonnes pratiques facilités par la coopération internationale. Elle l’a également invité à prendre des mesures fermes pour lutter contre la violence au sein de la famille, en tenant particulièrement compte du fait que les femmes continuent de dépendre de leur conjoint et des implications de cet état de fait sur leur capacité à réagir.
Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, a souligné la nécessité de lever la réserve à l’Article 2 pour ouvrir la voie vers l’élimination pleine et entière des discriminations à l’égard des femmes. Elle a souligné que la levée de cette réserve avait d’autant plus de sens que le pays avait ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Elle a estimé que dès lors que le Bangladesh retirerait ses réserves, il constituerait un exemple pour de nombreux pays.
Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a souhaité avec des précisions sur le statut des ONG au Bangladesh et a demandé si les ONG faisant partie de la délégation pouvaient appliquer la Convention et si elles recevaient des fonds pour mener leurs activités. Elle a également demandé si des femmes étaient membres de la Commission de réforme des lois et comment l’État partie garantissait l’intégration systématique d’une démarche soucieuse d’égalité entre les sexes dans la législation. Elle a par ailleurs déploré que l’État partie ne semble pas reconnaître l’importance et l’ampleur de la violence familiale et restreigne la violence aux actes reliés à la dot sans tenir compte des homicides, des abus sexuels et des sévices contre les enfants.
Des lois ont été promulguées pour éradiquer la prostitution, a indiqué la délégation du Bangladesh qui a précisé que les prostituées ne sont pas jugées comme des criminelles, les tribunaux ayant réaffirmé la dignité de ces femmes. Elle a également indiqué que même s’il n’existe pas de lois particulières sur la violence au sein de la famille, les femmes sont cependant protégées par le régime de droit pénal. La délégation a néanmoins annoncé l’adoption prochaine d’une loi spécifique sur la violence familiale, qui fera notamment référence aux abus d’ordre psychologique. La délégation a par ailleurs rappelé qu’un projet de levée des réserves concernant l’article 2 du Protocole facultatif.
Au Bangladesh, des milliers de procès ont lieu pour des affaires relatives à des violences contre des femmes. Face au nombre de personnes qui déposent des plaintes, des médiateurs entre les parties leur évitent parfois de s’adresser aux tribunaux. Pour ce qui est du droit de garde, la délégation a précisé qu’il n’existe pas au Bangladesh de lois pour la tutelle des enfants en cas de séparation ou de divorce.
La création de tribunaux de famille, qui seront développés à l’avenir, permettra de fournir une assistance judiciaire adaptée. Jusqu’à aujourd’hui, en cas de violence familiale, les femmes sont protégées par le Code pénal et toutes les allégations sont examinées par une cellule établie par le Gouvernement pour assurer le suivi des affaires jusqu’à ce qu’elles soient portées devant les tribunaux. Deux fois par an, un Comité interministériel fait le bilan des mesures engagées en vue de favoriser la promotion des droits des femmes au Bangladesh. Dans le cadre de la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing, le Gouvernement travaille avec les ONG sur des projets spécifiques, axés notamment sur la sensibilisation à la perspective sexospécifique dans tous les secteurs de la société. Des centres spécialisés dans la formation des fonctionnaires, des policiers et des personnels d’encadrement ont été créés et des cours, visant à informer de leurs droits les femmes qui subissent des violences au foyer, ont été organisés.
Tout en se félicitant de la désignation d’un Rapporteur spécial sur la violence à l’encontre des femmes, le Bangladesh a voulu éviter le chevauchement en se retirant du mécanisme d’enquête prévu par la Convention, a expliqué la délégation. Ainsi, si les dispositions de la Convention ne figurent pas dans la législation nationale, le Gouvernement procèdera à l’amendement de la loi en vigueur ou à l’élaboration d’une nouvelle. Mais même si les tribunaux n’acceptent pas complètement la Convention, ils reconnaissent cependant la nécessité de l’appliquer d’une façon générale.
Articles 7 à 9 de la Convention
Mme DORCAS AMA FEMA COKER-APPIAH, experte du Ghana, a rappelé que la loi sur la citoyenneté prévoit que celle-ci ne peut être transférée que par le père. Cette situation allant clairement à l’encontre des dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, il est donc nécessaire de procéder à des amendements constitutionnels. Dans ce contexte, pourrions-nous avoir plus d’informations sur les raisons du retard pris dans la modification de la loi? A quel stade se trouve ce processus d’amendement?
M. FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, s’est interrogé sur la compatibilité des amendements constitutionnels avec l’article 9 de la Convention. Est-ce que le Gouvernement estime que la loi ainsi modifiée est une mesure provisoire spéciale? Par ailleurs, le Gouvernement a-t-il envisagé d’autres mesures en vue d’accroître la représentation féminine au Parlement? Enfin, est-ce que des consultations entre le Gouvernement et les organisations de femmes ont lieu? Poursuivant, Mme KWAKU, experte du Nigéria, a voulu connaître le niveau de participation des femmes aux services diplomatiques.
Comment le Gouvernement évalue l’efficacité du système de quotas de femmes tant au niveau du Parlement que des autres organes administratifs, a demandé Mme SCHÖPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne. Saluant l’existence d’un système de postes réservés aux femmes dans le Gouvernement, Mme BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, a déclaré qu’il fallait cependant s’assurer que les femmes figuraient de façon significative sur les listes électorales. Seule une représentation à hauteur de 30% dans tous les secteurs de la vie politique, internationale et universitaire, peut permettre d’introduire de réels changements dans les décisions.
L’Etat partie n’a pas émis de réserves sur les amendements à apporter à la loi sur la nationalité. Un projet de texte a été élaboré qui devrait, selon la délégation, être adopté prochainement par le Parlement. Pour ce qui est de la participation des femmes au corps diplomatique, elle a indiqué que 25 femmes sur 222 personnes au total, soit un peu plus de 11%, occupent des postes diplomatiques. La délégation du Bangladesh auprès des Nations Unies à New York comprend deux femmes, et celle à Genève en comprend une. Dans le système même des Nations Unies, une femme est actuellement Secrétaire générale adjointe, mais les femmes, quelle que soit leur nationalité, sont largement sous représentées dans le système des Nations Unies. En tant qu’important pays contributeur de troupes, le Bangladesh a par ailleurs essayé de promouvoir la participation des femmes aux opérations de maintien de la paix. Il a enfin rappelé qu’il y a encore trente ans, il faisait partie du Pakistan et qu’à l’époque, le système diplomatique n’était pas ouvert aux femmes. C’est ce qui explique la difficulté de faire changer la pratique mais, a assuré la délégation, le Gouvernement entend bien assurer une plus grande visibilité des femmes aux niveaux politique et diplomatique.
Articles 10 à 14 de la Convention
Mme GASPARD, experte de la France, a demandé s’il existait des statistiques disponibles sur la présence des femmes dans les filières de l’enseignement supérieur? Par ailleurs, qu’en est-il de la participation des filles aux activités sportives, et par exemple dans la délégation bangladaise des prochains Jeux olympiques d’Athènes?
Si elle s’est félicitée de la levée de l’interdiction de travailler à l’étranger, Mme SHIN, experte de la République de Corée, a demandé comment était vérifiée l’intégration de la perspective sexospécifique aux politiques mises en place en faveur des femmes migrantes.
Mme GABR, experte de l’Egypte, a voulu connaître les organisations qui aident les femmes à la fois mères et salariées. Comment aide-t-on ces dernières au niveau des crèches? D’autre part, y-a-il des inégalités de salaires entre hommes et femmes? Quelles sont les discriminations dont sont victimes les femmes sur le lieu de travail et quelles sont les mesures en vigueur pour les réprimer?
Mme ACHMAD, experte de l’Indonésie, a demandé des statistiques sur la participation des étudiantes à la science et à la technologie et à la prise de décisions dans les Conseils de recherche ou l’Académie des sciences. Elle a posé la même question pour les secteurs de l’éducation aux niveaux primaire et secondaire.
Mme MORVAI, experte de la Hongrie, a rappelé que l’eau potable est une préoccupation fondamentale pour la femme bangladaise. Or, les techniques pour accroître à 100% l’accès à l’eau potable ont entraîné de graves tragédies par la pollution et l’arsenic, et dont les premières victimes ont été les femmes. Est-ce qu’une indemnisation est prévue pour ces victimes?
Mme PATTEN, experte de Maurice, a voulu savoir s’il existait un mécanisme pour suivre les différences de salaire. Il a été indiqué que des pressions étaient exercées par le secteur privé à l’encontre des femmes. De quelles pressions s’agit-il et quelles sont les mesures prises pour y remédier? Quels sont par ailleurs les efforts fournis par le Gouvernement pour favoriser l’accès aux médicaments ?
Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon, a demandé si l’éducation était effectivement gratuite au Bangladesh et si des mesures étaient prises pour faire régresser l’analphabétisme des filles.
Notant que beaucoup de femmes en zones rurales travaillent dans le textile, Mme MANALO, experte des Philippines, a demandé si le Gouvernement a pris des mesures spécifiques pour assurer une sécurité des femmes qui risquent de se retrouver sans emploi après l’expiration prochaine de l’Accord multifibre. Par ailleurs, beaucoup de femmes handicapées sont exposées à des discriminations. Existe-t-il des programmes pour les protéger? L’experte a souhaité également plus d’informations sur les filles placées en garde préventive, qui sont souvent soumises à des abus sexuels et autres.
La délégation a indiqué qu’un dialogue avec les pays d’accueil avait été engagé pour veiller à améliorer la condition des femmes migrantes. Le personnel affecté à cette tâche reçoit une formation pour le sensibiliser aux droits et besoins spécifiques des femmes migrantes. Concernant les allégations d’arsenic dans l’eau, la délégation a indiqué que son Gouvernement venait de mettre au point un plan triennal visant à remédier à ce problème. Ce plan tient compte de la situation des femmes, notamment en matière de santé et d’approvisionnement d’eau. Répondant à la question des statistiques sur la représentation des jeunes filles dans l’enseignement supérieur, elle a précisé que les universités comptaient 24,6% d’étudiantes, les collèges 39,1% et les établissements d’enseignement technique 20%. Pour ce qui est de la participation des femmes aux événements sportifs, la délégation a expliqué que la tradition anglaise, notamment pour le cricket, était phallocrate et ne leur donnait donc pas accès. En revanche, elles sont largement représentées dans la délégation olympique pour la discipline du tir. Elle a par ailleurs précisé qu’il existait une coordination étroite entre les ONG et le Gouvernement pour assister les victimes des attaques à l’acide.
La délégation a reconnu que l’expiration prochaine de l’Accord multifibres risquait de créer un chômage important dans ce secteur, dont la force de travail est majoritairement féminine. Le Gouvernement, a-t-elle précisé, s’est engagé à procurer à ces nouveaux chômeurs une formation dans de nouveaux secteurs, comme le secteur social, pour permettre en particulier aux femmes de retrouver un emploi dans les meilleures conditions. Pour ce qui est de la disparité des salaires, elle a indiqué qu’il n’y avait pas beaucoup de discrimination dans la fonction publique, ni même dans le secteur privé du fait de la concentration de la main d’oeuvre féminine dans le secteur textile.
Lançant une nouvelle série de questions, Mme SIMOVIC, experte de la Croatie, a demandé s’il n’y avait pas contradiction entre la loi sur l’âge minimum du mariage, qui est de 18 ans pour les filles et de 21 ans pour les garçons, et la loi sur la majorité, qui est fixée à 18 ans. Comment est-il possible de concilier ces deux lois, s’est-elle interrogée en soulignant que 50% des filles étaient mariées avant 15 ans? N’y-a-t-il pas conflit de normes? Comment peut-on envisager une loi sur la majorité qui n’ait pas d’effet sur la capacité des personnes à l’égard du mariage, a-elle demandé? Elle a également souhaité avoir des précisions sur la filiation des enfants nés dans le mariage et des enfants nés hors mariage; sur les obligations alimentaires du mari après le divorce et sur les droits de la femme divorcée concernant la garde des enfants.
S’agissant de la question de l’héritage (article 15 de la Convention), la délégation a expliqué que le droit de succession relevait du statut personnel applicable à chaque confession. Le Bangladesh, a-t-elle expliqué, est une société multiconfessionnelle où chaque religion régit les règles de la vie de famille. Dans le droit musulman, a-t-elle précisé, le droit à l’héritage est limité, il est inexistant au titre du droit hindou et parfaitement équitable en vertu du droit chrétien. Elle a réaffirmé que l’âge minimum du mariage était de 18 ans mais les lois religieuses hindoues et musulmanes permettent le mariage des mineures. Elle a affirmé qu’il n’y avait pas de contradiction entre la loi sur l’âge minimum du mariage et celle sur l’âge de la majorité. Elle a expliqué qu’il n’y avait pas de processus de légitimation des enfants dans le droit civil pour les enfants nés hors mariage mais que dans le droit musulman, la reconnaissance de paternité est possible. S’agissant des pensions, elle a indiqué que le droit musulman imposait des limites temporelles au versement par le mari de toute pension. Elle a expliqué que la femme hindoue n’avait pas droit au divorce, en vertu de la
tradition hindoue. Pour ce qui est de la garde des enfants, elle a précisé qu’elle dépendait en général de la situation de la mère. En vertu de la loi islamique, a-t-elle précisé, l’enfant est confié à sa mère ou à son père en fonction de son âge; pour les mineurs, c’est l’intérêt de l’enfant qui prévaut.
Soulignant que l’existence de différentes lois sur le mariage en fonction des religions perpétuait les discriminations à l’égard des femmes, Mme GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a observé qu’il existe également une loi civile sur le mariage. Elle a donc demandé si une personne, quelle que soit sa confession religieuse, pouvait choisir de se marier civilement. Elle a demandé des précisions sur le statut des femmes appartenant à des minorités religieuses et a invité l’Etat partie à redoubler d’efforts pour lutter contre les différents stéréotypes, y compris ceux qui limitent la liberté de conviction et imposent des discriminations à l’égard des minorités. Mme ACHMAD, experte de l’Indonésie, a demandé si la polygamie était légale et a demandé des précisions sur les mesures prises pour éliminer les discriminations à l’égard des personnes âgées. Elle a aussi suggéré que l’Etat partie tienne compte des possibilités des nouvelles technologies de la communication pour ce qui est de lutter contre les stéréotypes, en s’appuyant sur les médias. Reprenant la parole, Mme BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, a fait observer qu’il existait des discriminations entre les femmes hindoues et les femmes musulmanes en matière de divorce, et ce, alors même que les citoyennes sont égales devant la loi. Elle a suggéré que l’Etat partie introduise un contrat de mariage dans lequel les époux se mettraient d’accord sur la possibilité ou non de dissoudre le mariage et sur les conditions de dissolution du mariage le cas échéant. Mme MORVAI, experte de la Hongrie, a demandé quant à elle de nouvelles précisions sur les mesures prises par le Gouvernement concernant la présence d’arsenic dans l’eau. Mme SAIGA, experte du Japon, a voulu des précisions sur les dispositions existantes en matière de congés de maternité et d’accès aux crèches. Enfin, Mme SIMONOVIC, experte de la Croatie, a tenu à connaître les mesures prises par le Gouvernement pour lutter contre les mariages précoces.
La délégation a indiqué que son Gouvernement préparait un texte pour garantir un congé de maternité de 4 mois dans le secteur privé. Elle a expliqué qu’il y avait des crèches dans les institutions publiques et qu’on comptait environ 32 crèches dans le secteur privé.
Elle a expliqué que depuis 1872, le respect des religions de chacun l’emportait toujours en matière de vie familiale. Les mariages dans la loi musulmane sont enregistrés mais dans la loi hindoue et dans la loi bouddhiste il n’y a pas d’enregistrement systématique, a-t-elle précisé.
Elle a expliqué que la loi spéciale sur le mariage concernait les personnes qui déclaraient ne pas avoir de religion ou y renoncer. Elle a toutefois précisé que le gouvernement réfléchissait à l’élaboration d’une loi unique sur le mariage indépendante des religions.
Elle a par ailleurs indiqué que le statut de la loi sur la personne dépendrait de l’interprétation de tribunaux qui est encore en suspens. S’agissant de la polygamie, elle a indiqué que pour ce qui été du mariage musulman, la permission de la première épouse était nécessaire à la célébration d’un deuxième mariage et que le mari devaient donner des raisons à un conseil chargé d’accorder ou non le droit au deuxième mariage et compétent pour punir un homme qui épouserait une seconde femme sans son autorisation.
Répondant aux questions sur la participation de représentants d’ONG dans la délégation, cette dernière a précisé que leur présence symbolise avant tout le partenariat établi entre ces ONG et le Gouvernement. Ces organisations sont inclues par ailleurs à tous les comités de haut-niveau. La délégation a aussi indiqué que la perspective sexospécifique est intégrée à tous les secteurs, y compris la science et la technologie. La lutte contre les stéréotypes existe encore dans les universités. Récemment, un département des études féminines a été inauguré dans la plus vieille université du pays, à Dhaka.
Dans ses remarques de clôture, Mme AYSE FERIDE ACAR, Présidente du Comité sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et experte de la Turquie, a félicité le Bangladesh pour avoir pris au cours de ces dernières années des initiatives en faveur de l’éducation ou du micro-crédit en milieu rural. De même, la participation significative des femmes au plus haut niveau des affaires politiques est une avancée qu’il faut utiliser comme un atout pour assurer la défense des droits de la femme au Bangladesh. Beaucoup d’experts se sont donc étonnés et inquiétés de voir que le cadre juridique et constitutionnel du pays ne permet pas de mettre en œuvre effectivement toutes les dispositions de la Convention. Ainsi, l’absence d’une loi légiférant sur les violences domestiques constitue une grave lacune malgré les efforts récents du Gouvernement. Le Comité a donc demandé de mettre en œuvre au plus vite une loi en la matière. Face à la nécessité urgente de faire changer les comportements négatifs à l’égard des femmes, la présence de nombreuses ONG dans toutes les régions du pays devrait permettre d’obtenir des résultats efficaces à l’avenir. Le Comité a ensuite rappelé qu’il ne suffisait pas de prononcer de grandes peines contre ceux qui commettent des crimes à l’encontre des femmes: il faut aussi les compléter par des approches novatrices et un mécanisme d’appui pour éradiquer les mentalités traditionnelles.
Le Comité s’est dit encouragé par le retrait imminent des réserves émises par le Bangladesh sur certaines dispositions de la Convention qui, a souligné sa présidente, devrait adresser un message encourageant aux autres pays musulmans dans le monde. Mais les dispositions juridiques en matière de mariage et de polygamie posent problème parce qu’elles sont contraires au droit de la personne et aux dispositions de la Convention. Les experts ont enfin espéré que l’Etat partie ne renoncera pas à participer au processus d’enquête prévu par la Convention et adhèrera au Protocole facultatif dans son ensemble.
Cinquième rapport périodique du Bangladesh (CEDAW/C/BDG/5 et CEDAW/PSWG/2004/II/CRP.2)
Ce rapport, qui porte sur la période 1997-2002, est constitué de trois parties. Il fournit des renseignements assortis d’analyse sur la mise en oeuvre des articles 2 à 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes; des informations sur la situation socioéconomique actuelle des femmes au Bangladesh. État partie à la Convention depuis 1984 et également du Protocole facultatif à la Convention, il présente aussi un aperçu général de la conjoncture socioéconomique et politique du pays et des informations sur les mesures prises pour donner effet aux 12 domaines prioritaires du Programme d’action de Beijing et aux documents finaux de Beijing +5 et de l’après Beijing +5. En conclusion, les autorités bangladaises répondent aux recommandations formulées par le Comité à la suite de l’examen des troisième et quatrième rapports périodiques le 12 août 1997.
Dressant l’état de la condition des femmes bangladaises, l’Etat partie fait tout d’abord remarquer qu’il est un des sept pays du monde dont la population compte davantage d’hommes que de femmes et explique que cela s’explique en grande partie par les discriminations anciennes à l’égard des femmes sur les plans de la nutrition, de l’alimentation et des autres aspects de la vie. Il note que les valeurs et pratiques socioculturelles traditionnelles s’opposent à l’amélioration de la condition féminine et que les femmes bangladaises n’ont qu’un accès limité à l’éducation, à la formation technique et professionnelle, à l’emploi et autres activités. Il reconnaît que les changements socioéconomiques engendrés par le nombre croissant de pays sans terres et l’aggravation de la pauvreté ont eu un effet considérable sur la vie des femmes, qui assument l’essentiel du fardeau des besoins familiaux. Le rapport indique que 76% des femmes sont classées dans la catégorie des pauvres, en termes de revenus et de dotation en ressources. Il explique que les femmes sont normalement victimes de discrimination dans la famille, qu’il s’agisse de la nourriture, de l’éducation, des soins de santé, du logement ou de la charge de travail. Bien qu’elles jouent un rôle prépondérant dans la bonne marche du foyer, la contribution des femmes en dehors de la sphère familiale reste faible, concède-t-il.
Le taux d’alphabétisation est de 44,9 % en 2000, soit de 49,5% chez les hommes contre 40,1% chez les femmes. Cette différence s’explique en grande partie par le fait que les parents continuent à envoyer à l’école de préférence les garçons qui son censés subvenir plus tard aux besoins de leurs parents. En raison de la pauvreté et des valeurs traditionnelles, les femmes sont plus désavantagées que les hommes pour ce qui est de l’accès aux soins et de la qualité de la nutrition quels que soient les groupes d’âges. Sur le plan de l’emploi, la situation des femmes est également moins bonne que celles des hommes. Près de 43% des femmes participent à des activités agricoles, mais 70% d’entres elles travaillent en tant que membres de la famille non rémunérés. Le pourcentage de femmes dans la population active s’élevait à 11% en 1991; il passerait à 55,8% en utilisant une définition élargie de la population active pour y inclure les femmes exerçant des activités qui permettent d’éviter des dépenses. La contribution économique des femmes est plus importante dans le secteur traditionnel et a considérablement augmenté en raison du succès des programmes de micro-crédits. La proportion des femmes dans le secteur formel était négligeable il y a encore peu, ajoute-t-il. Il ressort également des diverses enquêtes que les femmes travaillent davantage que les hommes et leurs journées sont plus longues, de 16 à 18 heures, compte tenu de leurs charges familiales.
L’État partie indique que les plans quinquennaux récents mettaient l’accent sur l’autonomisation des femmes et que le dernier en date visait plus particulièrement à intégrer la planification sectorielle à la planification globale et à démarginaliser les femmes en réduisant les disparités entre les sexes. Il note que l’intégration systématique de la dimension féminine dans les politiques et programmes visant à l’élimination de la pauvreté et au développement constitue un pas important vers la réalisation de l’égalité entre les sexes. La Politique nationale pour la promotion de la femme, adoptée en 1997, a été assortie d’un plan d’action national élaboré sur la base du Programme d’action de Beijing. S’agissant du cadre juridique, l’État partie indique qu’un certain nombre de lois ont été élaborées ou modifiées en vue d’assurer l’égalité entre les sexes et de protéger les droits fondamentaux des femmes. Il cite notamment l’ordonnance sur les lois relatives à la famille musulmane de 1961, la loi portant interdiction de la dot de 1980 et son amendement de 1986; l’ordonnance sur les tribunaux de la famille de 1985; la loi restreignant le mariage des mineures de 1929; et la loi sur l’enregistrement des mariages et des divorces musulmans de 1974. Il précise que les mécanismes nationaux sont composés du Ministère des affaires féminines et de l’enfance et de ses organes de mise en oeuvre, le Conseil national pour la promotion de la femme, le Comité de la mise en oeuvre et de l’évaluation pour la promotion de la femme et les comités de coordination au niveau des Upazilla et des districts.
S’agissant des réserves émises sur certaines dispositions de la Convention, l’Etat partie explique qu’un comité interministériel a recommandé en 1997 le retrait des réserves concernant les articles 13 a) et 16.1 f) respectivement relatifs aux prestations économiques et sociales et à l’intérêt supérieur de l’enfant et l’égalité des responsabilités des deux parents dans les cas de tutelle, curatelle, garde et adoption des enfants. Il explique néanmoins que les réserves concernant les articles 2 et 16.1 c) respectivement relatifs aux mesures politiques visant à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à l’égalité des responsabilités et des droits entre les époux au cours du mariage ou de sa dissolution.
Les préoccupations des experts du Comité quant à la mise en oeuvre de la Convention au Bangladesh portent notamment sur l’applicabilité de la Convention dans le droit interne; les données statistiques et autres indicateurs permettant de déterminer la représentation des femmes dans tous les domaines de la société, y compris dans le système éducatif, la vie politique, la fonction publique, l’emploi, la fonction publique, postes à responsabilités inclus; sur les mesures prises pour éliminer les discriminations dont souffrent les femmes dans tous ces domaines, y compris sur les mesures visant à encourager l’éducation des filles à tous les niveaux d’enseignement et un meilleur accès aux soins de santé, y compris de santé de reproduction. Leurs préoccupations portent également sur les mesures prises pour lutter contre l’exploitation de la prostitution et pour éliminer le trafic des femmes et des enfants; sur la loi sur la nationalité et en particulier le statut des femmes migrantes; sur les mesures prises pour lutter contre toutes les formes de violence perpétrées à l’encontre des femmes, y compris pour lutter contre les attaques à l’acide; sur les possibilités qu’ont les femmes d’exercer leurs droits; sur l’incidence de la pauvreté; et sur les programmes de sensibilisation mis en place par le gouvernement pour promouvoir l’émancipation des femmes et les changements de gouvernement.
Composition de la délégation de l’État partie
Mme Khurshid Zahan HAQUE, Ministre chargée des affaires féminines et de l’enfance; M. Iftekhar Ahmed CHOWDHURY, Représentant permanent du Bangladesh aux Nations Unies; Mme Mortuza Hossain MUNSHI, fonctionnaire au Ministère des affaires féminines et de l’enfance; M. Jahrul ISLAM, fonctionnaire au Ministère des affaires intérieures; et M. Luftor Rahman CHOWDHURY, fonctionnaire au Ministère de la Santé et des affaires sociales. Etaient également présents 10 autres fonctionnaires gouvernementaux du Bangladesh et de deux représentants de la société civile.
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