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FEM/1289

LA LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES DE GUINÉE ÉQUATORIALE PASSE PAR L’ÉLIMINATION DES STÉRÉOTYPES TRADITIONNELS

08/07/2004
Communiqué de presse
FEM/1289


Comité pour l’élimination de la

discrimination à l’égard des femmes

651e  et 652e séances – matin & après-midi


LA LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES DE GUINÉE ÉQUATORIALE PASSE PAR L’ÉLIMINATION DES STÉRÉOTYPES TRADITIONNELS


Les politiques visant à améliorer la condition de la femme en Guinée équatoriale se heurtent au poids des traditions locales, a reconnu ce matin Mme Jesusa Obono Engono, Ministre de la promotion de la femme et chef de la délégation de cet État partie à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.  La Guinée équatoriale, qui avait ratifié la Convention le 28 juillet 1984, a présenté devant les 23 experts du Comité chargé du suivi de son application (CEDAW) des rapports périodiques combinés*.


Alors que la législation nationale n’établit aucune discrimination à l’égard des femmes, la structure traditionnelle de la société bantoue fait obstacle aux mesures adoptées en vue de mettre un terme aux stéréotypes coutumiers.  Ces derniers, a précisé la délégation, préjugent que la femme, considérée comme inférieure, doit se soumettre aux arrangements qui régissent le mariage coutumier.  Face aux préoccupations des expertes, la délégation a expliqué qu’en Guinée équatoriale, les pères des familles concernées se réunissaient pour négocier le mariage sans le consentement des futurs conjoints.  En cas de séparation ou de divorce, la femme était passible d’une peine de prison si elle ne restituait pas à la famille de l’ex-conjoint la dot qui avait consentie pour le mariage.  Un décret-loi a été récemment promulgué pour interdire l’incarcération pour un tel motif et la loi sur le mariage coutumier fait actuellement l’objet d’un amendement.  Toutefois, plusieurs experts se sont inquiétés du conflit de lois éventuel entre ces nouvelles mesures sur le mariage coutumier et le futur Code de la famille.


Toutefois, plusieurs experts ont souligné que les résistances de la société traditionnelle équato-guinéenne ne pouvait entièrement justifier la lenteur des progrès enregistrés jusqu’ici,  la Guinée équatoriale n’étant pas le seul pays africain à être confronté à un tel problème.  Le Comité a estimé que dans la mesure où l’État partie avait ratifié il y a 20 ans déjà la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, il était tenu de mettre en œuvre tous les efforts nécessaires pour faire effectivement appliquer chacune des dispositions de la dite Convention.  Il a en outre invité l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.


Tout en notant qu’il n’existait pas de lois discriminatoires à l’égard des femmes en Guinée équatoriale, le Comité a fait observer que ces lois ne leur étaient pas non plus favorables, comme si le Gouvernement semblait s’être résigné à maintenir les coutumes.  La délégation a d’ailleurs concédé au cours de l’échange de vues avec les experts que le fait de renoncer complètement au mariage coutumier et à la polygamie équivaudrait pour sa société à renoncer à son identité.  Pointant le fossé qui existe entre l’égalité de principe, garantie par la Constitution, et l’égalité de fait, le Comité s’est dit particulièrement préoccupé par la situation des femmes en milieu rural où l’application des lois demeure arbitraire et l’accès à l’information limité.  La priorité est donc de mener un travail de sensibilisation systématique auprès de toutes les communautés du pays afin d’éliminer les pratiques discriminatoires, a insisté l’experte de Cuba.


En matière d’éducation, un diagnostic remontant à 1990 montrait ainsi que le taux de scolarisation des filles diminuait à partir du cycle secondaire.  Ce phénomène est largement imputable à la grossesse et au mariage précoces -57% des mères équato-guinéennes sont en effet âgées de 13 à 17 ans– et aux obligations traditionnellement assignées aux femmes, en particulier dans le secteur agricole où elles représentent 80,7%.  Pour remédier à cette situation, un programme national d’éducation a été lancé, des enseignants ayant désormais pour tâche de faire comprendre aux habitants de ces zones rurales l’importance de scolariser les jeunes filles.  La protection effective contre la pandémie de VIH/sida pose également problème.  Les méthodes de contraception sont certes légales, mais elles ont du mal à s’imposer en raison des préjugés.  Comme l’a fait remarquer le Comité, la question est d’autant plus sensible que la prostitution, pourtant interdite, s’est beaucoup développée ces dernières années dans les villes.  Cette situation tient notamment à l’afflux d’Occidentaux qui effectuent des missions dans les nombreuses concessions pétrolières du pays.


Rappelant que la Convention couvre les formes directes et indirectes de discrimination exercées à l’encontre des femmes, le Comité a recommandé au Gouvernement de Guinée équatoriale de revoir sa perception de la notion de même de discrimination.  Il l’a également invité à s’attaquer aux causes profondes de cette discrimination et à faire preuve d’une ferme volonté politique pour faire connaître aux femmes leurs droits et les encourager à les exercer.


Le Comité examinera demain, vendredi 9 juillet à partir de 10 heures le cinquième rapport périodique du Bangladesh.


* CEDAW/C/GNQ/2-3; CEDAW/C/GNQ/4-5; CEDAW/PSWG/2004/II/CRP.2/Add.2 et CEDAW/PSWG/2004/II/CRP.1/Add.3.



DEUXIÈME ET TROISIÈME RAPPORTS PÉRIODIQUES COMBINÉS ET QUATRIÈME ET CINQUIÈME RAPPORTS PÉRIODIQUES COMBINÉS DE LA GUINÉE ÉQUATORIALE (CEDAW/C/GNQ/2-3, CEDAW/C/GNQ/4-5 et CEDAW/PSWG/2004/II/CRP.2/Add.2 et CEDAW/PSWG/2004/II/CRP.1/Add.3


L’intégration de la femme dans les secteurs social, économique et politique demeure insuffisante en Guinée équatoriale, indiquent ces rapports, qui précisent aussi que depuis ces dernières années, des efforts immenses et sans précédent sont mis en oeuvre et que l’on arrive à des résultats très positifs, non seulement pour la femme mais aussi pour la société dans son ensemble.  Il est donc nécessaire d’améliorer la condition de la femme en augmentant son pouvoir d’achat, en élevant son niveau d’instruction et en valorisant son état de santé.  Outre les effets positifs que cela peut avoir sur des facteurs aussi importants que l’emploi, les salaires, l’accès au processus de prise de décisions et à des secteurs traditionnellement réservés aux hommes, cela contribuera aussi à instaurer l’égalité entre les hommes et les femmes et constitue un élément essentiel pour le développement de la Guinée équatoriale.


Il faut reconnaître qu’il n’existe officiellement aucune réglementation discriminatoire à l’égard des femmes mais c’est dans la pratique que les différences se manifestent.  C’est pourquoi, en dépit des progrès et des engagements officiels, l’approche sexospécifique, considérée dans une perspective d’amélioration de la condition de la femme par le développement de ses possibilités de formation et d’accès aux ressources, par l’extension de son environnement traditionnel (la maison, la cuisine, les enfants), demeure pour beaucoup lettre morte: d’où la difficulté à appliquer les lois et autres dispositions en vigueur.  Aussi, bon nombre d’actions de sensibilisation sont-elles mises en oeuvre dans l’ensemble du pays pour faire prendre conscience à la population, tant féminine que masculine, de la nécessité d’adopter des comportements conformes aux normes en vigueur, contribuant ainsi à l’application de ce qui est établi juridiquement.


C’est dans cet esprit que d’importantes activités sont mises en oeuvre, tels que des projets visant à faire baisser de 60 à 23% le taux d’analphabétisme chez les femmes ou l'organisation de cours et séminaires sur des questions ayant trait au travail productif des femmes.  Les rapports font valoir en outre la mobilisation en faveur d’une stricte application des lois qui protègent les femmes et le renforcement des mécanismes institutionnels de promotion de la femme par des ministères sectoriels, des ONG et des associations féminines.  Un projet de plan d’action opérationnel de la politique nationale de promotion de la femme est également en cours d'élaboration.  De nombreux séminaires, notamment sur les femmes et le développement à l’intention des femmes, ont aussi été organisés.


Parmi les progrès réalisés, le rapport indique l'adoption de plusieurs décrets et textes de lois, dont un sur la planification familiale, et l'élaboration d'une politique nationale de promotion de la femme par le Ministère des affaires sociales et de la condition de la femme.  Un décret-loi interdit désormais l’emprisonnement de la femme qui n’avait pas remboursé la dot après la séparation ou le divorce, tandis qu'un arrêté ministériel proscrit l’utilisation des établissements touristiques comme lieux d’hébergement à des fins de prostitution.


Présentation par la délégation de l’État partie


Mme JESUSA OBONO ENGONO, Ministre de la promotion de la femme sur les avancées de la femme en Guinée équatoriale, a présenté les principaux axes juridiques de sa « Politique nationale de promotion de la femme de Guinée équatoriale »: l’amélioration des cadres juridiques et de la participation aux organes de prise décisions; la promotion économique durable des femmes; l’accès équitable des femmes et hommes aux services de base et à un environnement sain, le renforcement des mécanismes institutionnels en faveur de la promotion de la femme; l’éducation, la formation et l’alphabétisation.  Parmi les mesures concrètes prises par le Gouvernement, elle a signalé celle qui interdit désormais l’emprisonnement des femmes qui n’ont pas restitué la dot après la séparation ou le divorce.  En effet, pour une dissolution effective du mariage, la société équato-guinéenne exige que la femme rembourse la dot.  Il est toutefois difficile d’appliquer cette mesure législative dans les régions rurales à cause de la persistance du machisme et de l’ignorance. 


Dans le but d’assurer une plus grande protection pour la femme, le Gouvernement procède actuellement à l’élaboration d’un nouveau code de la famille, qui vise à harmoniser les coutumes et traditions avec la Loi fondamentale et les dispositions des conventions internationales pertinentes.  La Ministre a rappelé à quel point il est difficile de surmonter les difficultés liées aux traditions de la société bantoue.  Dans le projet de loi sur le mariage coutumier, les questions relatives à la dot sont prises en compte mais malheureusement ce texte se heurte à l’hostilité de certains hommes qui font tout pour en empêcher l’adoption.  La Loi fondamentale permet aux femmes d’occuper des postes à responsabilité, mais dans la pratique, une seule femme est membre du Gouvernement.  Toutefois, en 2004, environ 150 femmes ont été candidates à des élections parlementaires et 14% de femmes ont été élues, ce qui représente une augmentation par rapport aux élections antérieures.  Toutes les missions diplomatiques de la Guinée équatoriale comptent des femmes, a assuré la Ministre.


En ce qui concerne l’éducation, un diagnostic remontant à 1990 montrait qu’en dépit de l’égalité de principe entre hommes et femmes, le nombre de filles diminue dans l’enseignement du secondaire, diminution qui s’accentue encore davantage dans l’enseignement supérieur et particulièrement chez les filles issues des milieux ruraux.  Cela tient à des facteurs tels que la grossesse et le mariage précoces et les obligations familiales qui pèsent sur les filles: 57% des mères sont en effet âgées de 13 à 17 ans.  Le programme national d’éducation, qui envisage l’égalité entre filles et garçons, s’applique à l’ensemble du territoire afin de remédier à cette situation.  Des programmes d’alphabétisation, qui s’adressent également aux femmes, sont mis en œuvre dans toutes les régions.  En outre, depuis 2002, des programmes ont été mis en place à l’intention des jeunes gens ayant abandonné leurs études.  Enfin, le Gouvernement a lancé une réforme qui vise à harmoniser les programmes avec les systèmes scolaires des pays de la région.  Concernant l’économie et l’emploi, a indiqué la Ministre, l’agriculture est dominée par une participation active de la femme, qui est de 80,7%.  Bien que la femme représente la moitié de la population, elle ne détient pourtant qu’un dixième de la richesse.  La Loi fondamentale garantit en principe l’égalité des chances et des mesures comme les formations professionnelles gratuites ou l’allègement des cotisations pour les entreprises qui embauchent des femmes ont été adoptées pour parvenir à une égalité de fait.  La Ministre a indiqué que le Gouvernement a intégré la perspective sexospécifique dans tous les plans de développement.  La prostitution qui n’est pas légale en Guinée équatoriale est susceptible de peines de prison allant de 4 à 6 ans.  Elle s’est beaucoup développée, en particulier dans les villes de Malabo et Bata, et ce, en raison de la situation économique du pays, de la migration massive ou encore des coutumes et de la pression sociale qui contraignent les jeunes femmes à entrer très tôt dans la vie active.  Abordant la question de la santé, la Ministre a assuré que la femme et l’enfant sont protégés par la Loi de planification familiale


En conclusion, la Ministre a rappelé la tenue de nombreux séminaires dans son pays axés sur l’amélioration de la condition de la femme, et portant sur des sujets aussi divers que l’égalisation, la sensibilisation à la prostitution et à la violence domestique.


Questions des experts et dialogue avec le Comité


Articles 1 à 6 de la Convention


M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, a demandé aux membres de la délégation équato-guinéenne d’apporter des précisions sur le processus de restructuration du Comité national de la femme et du développement sur les mesures prévues pour améliorer son efficacité.  Il a également voulu en savoir davantage sur le statut des ONG en Guinée équatoriale et sur le processus de consultation existant entre elles et les autorités.  Il a aussi souhaité connaître la composition de la Commission nationale des droits de l’homme et son mode de fonctionnement.  Il a en outre demandé si les magistrats avaient reçu une formation en droit international, axée en particulier sur les droits des femmes. 


Intervenant à son tour, Mme HANNA BEATE SCHÖPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, a demandé s’il existait un calendrier pour finaliser l’amendement de la loi sur le mariage coutumier; que régit le Code de la famille et quelle est la portée de la future loi sur le mariage?  Est-ce que le Gouvernement a établi un calendrier pour la mise en oeuvre de la « Politique nationale pour la promotion de la femme », et envisagé des mesures pour impliquer les organisations de femmes ainsi que les dispositions budgétaires pour leur mise en oeuvre.


Tout en demandant à la délégation de l’État partie de mentionner les affaires judiciaires pour lesquelles des articles de la Convention avaient été invoqués, Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, a souhaité connaître le nombre de tribunaux civils et coutumiers, y compris dans les zones rurales.  Est-ce que le Gouvernement a prévu un système d’assistance juridique pour faciliter l’accès aux tribunaux.  Elle a également demandé de préciser ce qui a été accompli pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et la manière dont sont évalués les résultats des programmes de sensibilisation menés dans le cadre de cette lutte, en particulier dans les zones rurales compte tenu du taux élevé d’analphabétisme chez les femmes rurales. 


Mme SJAMSIAH ACHMAD, experte de l’Indonésie, a demandé si le décret présidentiel réglementant la dot énonçait les responsabilités de chacun des membres de la famille.  Elle a souhaité savoir quelle était la stratégie adoptée par le Gouvernement pour obtenir le soutien des adversaires au projet de loi sur le mariage coutumier.  Est-ce que le Gouvernement utilise les directives préparées par le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) et la Division de la promotion de la femme concernant la formation des magistrats et autres juristes aux droits des femmes et aux dispositions de la Convention?  Est-ce qu’il mène une campagne pour obtenir le soutien des communautés locales et du public?  Elle a souhaité connaître la pratique en matière de divorce et s’il était couvert par le projet de loi auquel il a été fait référence ce matin.  Elle a par ailleurs demandé des précisions sur le rôle du médiateur.


Après une question de Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon, sur le dispositif prévu pour la promotion de la femme et sur la hiérarchisation existante entre les différents plans, décrets et autres textes, Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, a fait observer que dans la mesure où les stéréotypes constituent des discriminations enracinées dans les coutumes et traditions en vigueur dans le pays, que le défi à relever était de faire en sorte que les lois soient appliquées de manière effective.  À ce titre, a-t-elle dit, la priorité est de mener un travail de sensibilisation systématique auprès de tous les membres de la communauté afin d’éliminer les pratiques discriminatoires.  Elle a également souhaité avoir des précisions sur les rapports existant entre la communauté des ONG et les autorités locales et nationales.  Elle a aussi souhaité savoir si un programme était prévu pour éliminer les préjugés idéologiques selon lesquels les femmes sont des êtres inférieurs.  Elle a enfin demandé des précisions sur la procédure d’élaboration du code de la famille et sur la composition du groupe des rédacteurs? 


Mme HUGUETTE BOKPE GNANCADJA, experte du Bénin, a demandé d’expliquer les difficultés qui font obstacle à la mise en oeuvre de la Politique nationale de promotion de la femme et sur le rôle de la société civile dans l’élaboration des politiques et programmes pour la promotion des femmes.  Elle a demandé de préciser les dispositions du Code de la famille qui s’appliquent au mariage coutumier, tout en mettant en garde l’État partie contre le risque de dualisme juridique.


Pour sa part, Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a demandé si le Gouvernement avait l’intention de maintenir l’ambitieux mandat du Comité national de la femme et du développement dans le cadre de sa restructuration.  Quels sont les liens entre ce Comité et le Ministère chargé de la promotion des femmes?  L’experte a souhaité connaître les moyens mis en oeuvre pour faire connaître leurs droits aux femmes et a demandé des précisions sur les moyens dont elles disposent pour les exercer.  Y-a-t-il un écart entre la théorie et la pratique, s’est-elle interrogée en demandant à la délégation d’indiquer les intentions du Gouvernement pour combler éventuellement cette lacune. 


Mme KRISZTINA MORVAI, experte de la Hongrie, a souhaité savoir si le Gouvernement s’appuyait sur les organisations de femmes avant de prendre des mesures.  S’agissant de la lutte contre la violence à l’égard des femmes, elle a souhaité que la délégation précise si la question des violences au sein du foyer était considérée comme relevant du domaine privé ou plutôt comme une violation des droits de l’homme.  Quels sont dans ce cadre les moyens de recours, les compétences de la police, et celles des tribunaux?


Mme DUBRAVKA SIMOVIC, experte de la Croatie, a demandé à la délégation de préciser s’il y avait compatibilité entre d’une part les lois et d’autre part les pratiques et coutumes du pays.  Est-ce qu’il existe une définition légale de la discrimination qui soit compatible avec la définition de la Convention? Comment le Gouvernement prévoit harmoniser les pratiques et coutumes qui jusqu’ici constituent une discrimination à l’égard des femmes aux dispositions de la Convention? 


Mme FATIMA KWAKU, experte du Nigéria, a demandé d’expliquer ce qui retarde la soumission des rapports périodiques du pays.


La délégation a fait observer que la Guinée équatoriale faisait partie de la famille africaine et qu’il était donc difficile de se libérer des traditions ancestrales selon lesquelles la femme doit être soumise.  Elle a cependant souligné qu’en dépit de cet obstacle important, son Gouvernement s’engageait pour promouvoir la condition de la femme et le respect de leurs droits.  Elle a précisé que le Gouvernement allouait chaque année des fonds au Ministère chargé de la promotion des femmes pour répondre aux besoins des femmes et lutter contre les discriminations.  Ce Ministère est représenté dans toutes les régions par des femmes appartenant à toutes les couches sociales de la société.  Elle a expliqué que le retard dans la présentation des rapports périodiques s’expliquait par la négligence des administrations précédentes qui étaient confrontées à une crise économique et sociale très forte dans les années 80 à la fin de la dictature et qui devaient donner donc la priorité à d’autres questions.  Elle a précisé que la situation politique et sociale du pays avait changé et que le Gouvernement faisait tout ce qui était en son pouvoir pour améliorer la condition de la femme. 


Intervenant à son tour, Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, a demandé s’il existait un débat pour encourager une participation plus active des femmes aux assemblées élues et s’il existait une commission au sein de l’Assemblée nationale exclusivement chargée de la condition de la femme.  Elle a aussi souhaité disposer de statistiques sur la participation des femmes dans les collectivités territoriales.  S’agissant de l’amendement à la loi sur la nationalité, elle a demandé si une femme étrangère qui se mariait avec un étranger pouvait conserver sa nationalité et la transmettre à ses enfants. 


La délégation équato-guinéenne a indiqué qu’en cas de mariage avec un étranger, la femme conservait sa nationalité, que son conjoint avait automatiquement le droit d’obtenir la nationalité équato-guinénne et que les enfants avaient d’office la nationalité.  L’homme ou la femme ne perd pas la nationalité en raison d’un divorce ou de décès du conjoint, a-t-elle précisé.  Elle a également indiqué qu’une femme pouvait, en droit, demander un passeport sans l’assentiment de son mari mais que dans les faits, la situation est plus compliquée, en particulier dans les zones rurales du fait de la persistance du mariage coutumier.  Elle a par ailleurs indiqué que le taux de représentation des femmes à l’Assemblée nationale était de 14%.  Elle a expliqué que la faible représentation des femmes résultait du manque d’information dont elles disposent et des modalités de répartition géographique des sièges et non pas d’une loi discriminatoire.  Le Gouvernement, a-t-elle ajouté, prévoit de mener des campagnes de sensibilisation visant à encourager les femmes à participer à la vie politique.  Elle a aussi précisé que le Gouvernement actuel ne disposait que d’une déléguée provinciale. 


Articles 10 à 14 de la Convention


Reprenant la parole, Mme PATTEN, experte de Maurice, a regretté que l’État partie ne considère pas davantage les traditions et coutumes comme faisant obstacle à l’application de la Convention.  Elle a notamment demandé des précisions sur les mesures prises par le Gouvernement pour assurer que les jeunes filles bénéficient des mêmes conditions d’accès aux études et à la formation.  Quelles sont les mesures que le Gouvernement prend pour éviter les discriminations dans l’enseignement formel et informel? 


Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, a demandé si des mutilations génitales étaient pratiquées dans le pays et si le Gouvernement avait adopté une politique pour éliminer cette pratique le cas échéant.  Elle a aussi demandé d’indiquer la politique du Gouvernement en matière de lutte contre le VIH/sida, notamment dans les zones rurales.  Elle a par ailleurs demandé si la Convention était traduite dans les langues locales.  Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour sensibiliser les femmes de toutes les communautés à leurs droits et à la manière de les exercer?


Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a fait observer que la pratique consistant à privilégier l’éducation des garçons était contraire à la Convention et a demandé à l’État partie de prendre des mesures, y compris des mesures temporaires spéciales, pour promouvoir l’accès équitable des femmes à tous les niveaux d’enseignement.  Elle a par ailleurs souhaité savoir si les femmes conservaient les fruits de leurs activités dans l’agriculture et l’élevage.


Reprenant la parole, Mme SAIGA, experte du Japon, a déploré la discrimination de fait existant dans le domaine de l’éducation et a souhaité connaître le nombre d’années d’enseignement obligatoire, le taux de scolarisation et le taux d’abandon par sexe.  Tout en faisant remarquer que la prolongation de la scolarisation ne contribuait pas forcément à réduire l’abandon scolaire, elle a demandé d’indiquer les autres mesures que le Gouvernement prenait pour promouvoir la scolarisation durable des femmes.


Faisant observer que par égalité des chances, il fallait aussi entendre égalité en matière de possibilité de résultats, Mme Achmad, experte de la Malaisie, a invité l’État partie à mettre tout en oeuvre pour encourager l’éducation des filles à tous les âges.  Elle s’est félicitée que le pays ait lancé un processus de révision des manuels et des cours dans le but d’assurer la mise en place de cours identiques pour les filles et les garçons.  Elle a toutefois souligné qu’il serait bon de prendre des mesures pour éliminer les stéréotypes dans l’enseignement par le biais de la formation et la sensibilisation des enseignants. 


La délégation a fait savoir que le Gouvernement avait travaillé en collaboration avec les organismes internationaux et bilatéraux pour mettre en oeuvre les mesures prises en application de la Politique nationale.  Le Comité des associations de femmes n’était pas efficace en raison de l’absence pendant longtemps de politiques pour la promotion de la femme bien définies.  Pour ce qui est de la Commission des droits de l’homme, la délégation a rappelé que la Constitution de son pays garantit le principe d’une égalité des chances et qu’à ce titre, la Commission est ouverte à la participation des femmes.  La délégation a par ailleurs indiqué que son Gouvernement est en train de rédiger une loi spécifique pour réglementer les problèmes de violence à l’encontre des femmes.


Répondant à la question du statut juridique des ONG, la délégation a précisé qu’il est désormais réglementé par une loi.  Cependant, la Guinée équatoriale connaît peu d’ONG de femmes.  Plus répandus sont les regroupements associatifs, notamment dans le secteur de l’agriculture, où travaillent la plupart des femmes du pays.  Par ailleurs, lorsque les principes de la Convention sont appliqués de façon trop catégorique, notamment dans les zones rurales, leur application se heurte à des traditions fortement ancrées, a rappelé la délégation, qui en préconise plutôt une application progressive.  La délégation a précisé ensuite que des cours ont été organisés dans le pays afin de sensibiliser juges et magistrats aux principes de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. 


Répondant aux questions portant sur le problème délicat des mariages coutumiers et des stéréotypes, la délégation équato-guinéenne a expliqué que les pères de famille se réunissaient traditionnellement pour négocier le mariage sans le consentement des futurs conjoints.  Si la femme se retirait de la négociation, elle devait être emprisonnée jusqu’à ce que le montant de la dot que devait obtenir la famille du futur mari lui soit remboursé.  Un décret-loi a été promulgué récemment pour interdire l’incarcération dans pareil cas.  De même, en cas de décès du mari, la femme n’avait pas droit à la succession des biens de son conjoint, qui retournaient directement à la famille du défunt.  Un projet de loi est à l’étude pour permettre à la femme de faire valoir ses droits et à ses enfants d’hériter les biens de leur père.  Son adoption est prévue pour 2005.


La délégation a indiqué ensuite la présence de tribunaux dans chaque municipalité, auprès desquels les femmes peuvent désormais déposer leurs plaintes. 


S’agissant des stéréotypes et des obstacles qui empêchent l’accès des fillettes à l’éducation, la délégation a précisé que beaucoup de femmes enseignantes sont assignées à faire comprendre aux habitants des zones rurales l’importance de laisser aller les filles à l’école.  En outre, 20% des bourses leur sont accordées.  Même enceintes, elles sont encouragées et aidées par l’État à poursuivre leurs études.


Répondant aux questions liées à la prostitution, la délégation équato-guinéenne a fait savoir que le Gouvernement n’a pu endiguer ce phénomène jusqu’à ce jour, malgré de nombreuses mesures législatives en vigueur pour lutter contre la prostitution.  Une formation technique courte serait très utile pour permettre aux jeunes prostituées de trouver une activité leur permettant de subvenir à leurs besoins.


Articles 10 à 14


Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, a rappelé que la Guinée équatoriale n’était pas le seul pays confronté à des problèmes de mariages coutumiers et de traditions.  Mais, a-t-elle rappelé, la ratification de la Convention en 1984 suppose que l’État partie doit tout mettre en œuvre pour établir à une égalité de fait.  Elle a suggéré qu’il serait peut-être utile d’adopter une loi qui encouragerait une participation plus active des femmes à la vie politique et publique du pays.


Alors qu’aucune loi n’est discriminatoire à l’égard des femmes, a fait remarquer la délégation, le poids des coutumes et de la tradition les empêche d’occuper dans la société une place égale à celle de l’homme.  L’égalité des chances est garantie en droit mais fait défaut dans la pratique, a-t-elle reconnu en estimant que le Gouvernement fait face à un obstacle structurel sapant l’application des dispositions de la Convention.  Les principaux obstacles à la scolarisation des filles, a-t-elle poursuivi, sont la grossesse et le mariage précoces.  Elle a par ailleurs indiqué que les enseignants recevaient une formation préalable qui inclut également la sensibilisation à la perspective sexospécifique et à la parité entre les sexes.  Le Gouvernement, a-t-elle ajouté, encourage par ailleurs la création d’établissement d’éducation et de formation pour adulte et de réinsertion pour les personnes, en particulier les femmes, n’ayant pas eu l’occasion d’étudier dans le cadre du système traditionnel.


Elle a aussi indiqué que l’éducation sexuelle avait été ajoutée aux programmes scolaires dans le but de prévenir la propagation de l’épidémie de VIH/sida et de promouvoir la contraception et les comportements sexuels sains.  Parmi les mesures prises pour faciliter la scolarisation ou la formation des femmes, la délégation a indiqué que son Gouvernement encourageait la création d’associations de soutien à la réinsertion pour les jeunes femmes engagées dans une procédure de divorce après un mariage précoce.  Elle a également indiqué qu’un minimum de 20% des bourses d’aide à l’entrée à l’enseignement secondaire était réservé aux filles.  Elle a précisé que la scolarisation obligatoire était de neuf années, dont cinq pour le niveau primaire.  Elle a aussi précisé que la scolarisation des jeunes filles enceintes était désormais obligatoire et que le père était censé, en droit, prendre en charge les besoins de sa femme et de l’enfant. 


S’agissant des pratiques discriminatoires au sein du foyer, la délégation a reconnu que les traditions familiales pouvaient aller à l’encontre de l’émancipation des femmes.  Le Gouvernement ne peut cependant pas influencer les relations au sein de la famille.  Concernant l’emploi des femmes, elle a précisé qu’elles étaient représentées dans tous les secteurs d’activités, mais dans des proportions inférieures aux hommes.  Son Gouvernement, a-t-elle ajouté, avait pris des mesures incitatives pour encourager les entreprises privées à employer des jeunes filles.  Face à la forte prévalence du VIH/sida chez les femmes, la délégation a indiqué que le Gouvernement avait organisé des séminaires et des programmes d’information pour sensibiliser la population aux risques d’infection et aux mesures préventives.  Toutefois, a-t-elle reconnu, une étude a révélé que l’utilisation des préservatifs était encore faible.  Une politique globale de santé a été mise au point mais elle n’en est qu’aux prémisses de sa mise en oeuvre.  S’agissant des conséquences sociales de l’épidémie du sida, la délégation a expliqué que la propagation de la maladie avait été facilitée par le scepticisme de la population pendant les premières années de cette maladie.  Elle a indiqué que son Gouvernement oeuvrait tout particulièrement pour améliorer les conditions de vie des femmes vulnérables face à l’épidémie, notamment en raison de la polygamie et de la multiplication des partenaires.  Elle a en outre indiqué que le Gouvernement avait encouragé l’utilisation de moyens de contraception dans le cadre de la loi sur la planification familiale.


Mme SCHÖPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, a demandé si en vertu de la loi sur la planification de la famille, les femmes avaient le droit d’utiliser des moyens de contraception.  Sont-ils gratuits ou peu onéreux?  Elle a souhaité par ailleurs savoir si les femmes pouvaient être propriétaires de leurs terres.  Elle a également demandé des précisions sur leur situation de facto dans les zones rurales.  Pour sa part, Mme TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, est revenue sur l’article 13 de la Convention pour demander si la femme pouvait avoir accès au crédit dans le cas où elles présentent des garanties suffisantes.


Pour sa part, Mme MORVAI, experte de la Hongrie, a estimé qu’il n’y avait pas  vraiment d’avenir pour l’égalité entre les sexes en Guinée équatoriale.  En matière de sexualité, elle a voulu savoir qui étaient les partenaires sexuels types des jeunes femmes.  Elle a par ailleurs préconisé d’enseigner dès l’enfance l’utilisation des préservatifs, mais aussi la valeur des relations monogames à long terme.


En ce qui concerne le sida, le taux de propagation reste très faible en zones rurales où les couples sont généralement stables et la promiscuité rare.  L’épidémie s’est davantage propagée dans les villes, en particulier à Malabo et à Bata, où affluent les étrangers et où la prostitution s’est développée.  Le problème est difficilement imputable à un seul facteur.  Le Gouvernement finance pourtant à 100% des campagnes de sensibilisation, qui comprennent des programmes d’éducation à la santé et assure en outre à hauteur de 80% la gratuité des soins pour les séropositifs.  Mais il y a pénurie de médicaments appropriés et la pandémie gagne du terrain comme dans le reste du monde, a fait remarquer la délégation, qui s’est interrogée sur ce que son Gouvernement pouvait faire de plus puisque tout a été mis en œuvre pour sensibiliser, notamment les enfants, à la pandémie du VIH/sida.  Répondant à la question de la planification familiale, elle a assuré que toutes les femmes de Guinée équatoriale avaient accès aux informations portant sur les méthodes de contraception, fournies gratuitement.  Si l’avortement est un délit passible de sanctions pénales, il est toutefois autorisé au cas par cas, notamment pour les femmes auxquelles la maternité fait encourir un danger.


Les femmes jouent un rôle primordial dans le secteur agricole: certaines travaillent dans le cadre de groupements agricoles, d’autres se sont lancées individuellement dans l’agriculture et vendent leur produits de leurs récoltes sur les marchés avant de placer à la banque les revenus qu’elles en ont tirés.  Il existe des femmes propriétaires, qui possèdent des biens meubles et immeubles, mais il est vrai que l’accord d’un prêt est plus difficile à obtenir dans les campagnes.  Cependant, un programme parrainé par la femme du Président de Guinée équatoriale permet aux femmes du pays de solliciter un crédit sans intérêt.  Il y a donc des mesures concrètes visant à éliminer la discrimination en matière de crédit, a conclu la délégation.


La délégation a souligné les liens entre la prostitution et le VIH/sida mais a indiqué que le problème était mondial et que son Gouvernement mettait toutes les informations nécessaires à la disposition des populations cibles afin de juguler la propagation de l’épidémie et faire changer les comportements. 


Articles 15 et 16 de la Convention


Mme BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, a invité l’État partie à réclamer auprès des institutions internationales et des donateurs l’assistance financière prévue dans le Programme d’action de Beijing pour renforcer l’application effective de la Convention.  Demandant des précisions sur la loi applicable en matière de mariage et sur la hiérarchie entre la loi, la pratique et les règles coutumières, Mme BOPKE GNANCADJA, experte du Bénin, a regretté que la pratique et la coutume sapent les efforts de l’État partie en matière de promotion de la femme et a déploré l’apparente résignation du Gouvernement équato-guinéen face à l’enracinement de la coutume et des pratiques discriminatoires. 


Mme SHIN, experte de la République de Corée, a rappelé que selon la Convention, les pratiques et coutumes discriminatoires à l’égard des femmes devaient être modifiées et éliminées et que l’État partie devait mettre tout en oeuvre pour ce faire.  Elle a encouragé l’État partie à créer une ligne directe pour permettre la dénonciation les violations des droits des femmes et informer les femmes de leurs droits et des moyens de les exercer.  Soulignant qu’il était avéré que les lois ne pouvaient pas à elles seules éliminer les discriminations à l’égard des femmes, NAELA GABR, experte de l’Egypte, a donc invité l’État partie à s’appuyer sur la coopération et à échanger les bonnes pratiques avec ses partenaires africains et francophones.  Elle a par ailleurs demandé des clarifications sur la liberté de mouvement des femmes. 


Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a souligné qu’il était nécessaire de faire savoir que les différents textes juridiques prévoyaient l’égalité entre les sexes et a mis en garde l’État partie contre le risque d’oublier que l’égalité de droit ne pouvait être confondue avec l’égalité de fait.  Elle a ainsi invité l’État partie à sensibiliser la population à la portée des droits définis par la Convention.  L’État partie est en fin de compte responsable de la mise en oeuvre de la Convention et doit donc faire preuve de volonté politique pour éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, a-t-elle insisté.


Après des questions posées par Mme KHAN, experte du Bangladesh, sur la polygamie, le divorce, la garde des enfants et les droits successoraux, Mme SIMOVIC, experte de la Croatie, a demandé des clarifications sur le droit et la pratique pour la dévolution successorale. 


La délégation équato-guinéenne a indiqué que le mariage coutumier, qui est le plus répandu, n’était pas réglementé.  Dans le cadre des mariages civils, a-t-elle ajouté, les enfants dépendent jusqu’à 10 ans de la tutelle de la mère.  Elle a indiqué qu’on ne pouvait parler ni d’illégalité ni de légalité de la polygamie puisque le mariage traditionnel n’est pas réglementé.  La polygamie fait partie du mariage traditionnel et les lois civiles ne peuvent pas être appliquées aux mariages traditionnels. Elle a en outre précisé que la loi écrite prévalait sur les coutumes, tout en soulignant que dans la société équato-guinéenne, certaines coutumes ou traditions avaient presque force de loi.  Elle a réitéré la volonté de son Gouvernement d’assurer l’égalité des femmes.  Elle a ajouté que dans le cadre d’un divorce souhaité par le mari, la norme protégeait les femmes qui ne n’étaient pas censées restituer la dot, après un mariage de plus de 10 ans.  Elle a souligné que le Gouvernement faisait tout ce qui était en son pouvoir pour éliminer la pratique de la dot et lutter contre la violence qu’entraînaient certaines coutumes matrimoniales à l’égard des femmes.  


Pour ce qui est de la nécessité ou non de modifier les pratiques du mariage coutumier et de la polygamie, la délégation a indiqué que la dot était le moyen de consommer le mariage traditionnel et a estimé que son élimination reviendrait à renoncer au mariage traditionnel, ce qui n’est pas l’intention du Gouvernement.  Elle a également estimé qu’éliminer la polygamie n’était pas une priorité.  La préoccupation du Gouvernement, a-t-elle insisté, est le consentement des deux parties.  Elle a souligné que la Guinée équatoriale ne pouvait renoncer à ses traditions sans renoncer à son identité et à son héritage ancestral. 


Reprenant la parole, Mme MORVAI, experte de la Hongrie, a estimé que les programmes de sensibilisation ne suffisaient pas à éliminer la pratique de la prostitution touchant les jeunes filles et qu’il convenait de poursuivre en justice les responsables de tels actes.  Mme PATTENT, experte de Maurice, a demandé quant à elle des clarifications sur la manière dont le Gouvernement comptait appliquer les dispositions du Code de la famille.


La délégation a expliqué que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes était devenue une source de droit interne du pays depuis sa ratification.  Pour réduire les grossesses précoces, elle a assuré qu’elle transmettra à son Gouvernement la recommandation des experts visant à sensibiliser les jeunes à la contraception. 


Bilan de l’examen par la Présidente du Comité


En tant que Présidente du Comité et experte de la Turquie, AYSE FERIDE ACAR, a souligné la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de la persistance de discriminations à l’égard des femmes en Guinée équatoriale.  Tout porte à croire que les coutumes et les traditions constituent les principaux obstacles à l’application de la Convention.  Il est nécessaire de s’attaquer à ces coutumes discriminatoires pour les modifier et les éliminer afin de permettre aux femmes de jouir de leurs droits.  L’État partie doit redoubler d’efforts pour assurer l’application effective de la Convention.  Le Comité, a-t-elle poursuivi, exhorte l’État partie à prendre des mesures pour éliminer les discriminations touchant les femmes, en particulier dans les domaines du mariage, du divorce et de la vie économique et politique.  On ne peut pas attendre de la société qu’elle évolue seulement par elle-même, a-t-elle lancé en soulignant que l’État partie se devait d’encourager les femmes à exercer leurs droits grâce à des mesures incitatives.


L’absence de preuves des efforts accomplis pour éliminer les stéréotypes préoccupe les experts, a-t-elle déclaré en exhortant le Gouvernement de la Guinée équatoriale à faire preuve de volonté politique pour appliquer de manière effective la Convention en menant une campagne pluridisciplinaire de masse.  Elle a encouragé à réformer son Code de la famille afin de couvrir toutes les formes de mariage en vigueur dans le pays, à savoir le mariage civil et le mariage coutumier.  Le Comité, a-t-elle ajouté, reste très préoccupé par les mariages précoces et par la polygamie, qu’il considère comme contraires à l’article 5 de la Convention.  Il exhorte par conséquent l’État partie à prendre des mesures pour inciter un changement de comportements. 


La Présidente du Comité a rappelé à l’État partie ses obligations en vertu de la Convention, notamment celle de veiller à ce que les droits énoncés dans la Convention et repris dans les lois nationales soient effectivement exercés.  Elle a encouragé l’État partie à multiplier les efforts visant à encourager la lutte contre la discrimination et a insisté sur le besoin pressant de donner la priorité à l’égalité entre les sexes et à la promotion de la femme.  Il est temps pour la Guinée équatoriale de passer à la vitesse supérieure pour assurer la mise en oeuvre effective de la Convention, a-t-elle affirmé.  Elle a par ailleurs encouragé l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention ainsi que l’amendement du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention relatif à la durée des sessions du Comité.


Composition de la délégation de l’État partie


Mme Jesusa Obono ENGONO, Ministre de la Promotion de la femme de Guinée équatoriale; Mme Lino-Sima EKUA AVOMO, Représentant permanent de la Guinée équatoriale auprès des Nations Unies; M. Antonio Ebale AYINGONO, Représentant permanent de la Guinée équatoriale auprès des Nations Unies; Mme Librada Ela ASUMU, Directrice générale de la Promotion de la femme; et Mme Gertrudis NSANG, experte au Ministère de la santé.  Étaient également présents trois autres membres de la mission permanente de la Guinée équatoriale auprès des Nations Unies.


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