LES EXPERTS DU CEDAW PROFONDEMENT PREOCUPES PAR LA SITUATION DES FEMMES EN ETHIOPIE
Communiqué de presse FEM/1274 |
Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
645e et 646e séances – matin et après-midi
LES EXPERTS DU CEDAW PROFONDEMENT PREOCUPES PAR LA SITUATION DES FEMMES EN ETHIOPIE
Pauvreté extrême, catastrophes naturelles, emprise de stéréotypes néfastes, les experts du Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ont demandé à l’Ethiopie de se mobiliser d’urgence pour vaincre les multiples discriminations dont sont victimes les Ethiopiennes. Ayant ratifié en 1981 la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, l’Ethiopie présentait aujourd’hui aux 23 experts indépendants du Comité les mesures qu’elle a prises pour garantir à ses citoyennes la pleine jouissances de leurs droits et libertés fondamentales.
De l’aveu de la délégation de haut niveau composée de la Ministre de l’éducation, Mme Nestsanet Asfaw, et de Mme Gifti Abasiya, Ministre d’Etat aux affaires féminines, le manque de ressources financières et humaines fait que l’Ethiopie est encore loin du but de la Convention. Selon les chiffres avancés aujourd’hui, 80% de fillettes subissent encore des mutilations génitales, l’espérance de vie des femmes est de 44 ans soit, comme l’a fait remarquer l’experte de la Hongrie, Krizstina Morvai, deux fois moins élevé que l’espérance de vie des femmes des pays développés. Seulement une fille sur trois achève l’école primaire. Le taux de natalité est élevé; 6,9 enfants par femme tandis que le taux de mortalité maternelle se situe autour de 870 pour 100 000 selon des sources gouvernementales.
Malgré une réelle volonté politique qui s’est traduite par la présence aujourd’hui à New York de deux Ministres et l’adhésion de l’Ethiopie à de nombreux instruments internationaux des droits de l’homme, les experts se sont demandés dans quelle mesure la structure fédérale du pays ne freinait pas la promotion de la femme. Le nouveau Code de la famille est appliqué par six gouvernements locaux tandis que trois autres continuent d’appliquer l’ancien.
Les experts ont vivement engagé le Gouvernement éthiopien à lutter contre les préjugés et attitudes sexistes, à promouvoir la scolarisation des enfants et à réduire le taux de natalité qui est à l’heure actuelle supérieur au taux de croissance économique. D’autres experts comme celle de l’Allemagne, Hanna Beate Schöpp-Schilling, ont demandé au Gouvernement de progresser sur le front de la collecte de données qui sont à la base de la planification des politiques.
La prochaine réunion du Comité aura lieu vendredi 30 janvier à 15 heures.
EXAMEN DES QUATRIEME ET CINQUIEME RAPPORTS PERIODIQUES COMBINES DE L’ETHIOPIE
Rapport (CEDAW/C/ETH/4-5)
Le rapport reconnaît que la plupart des femmes éthiopiennes, en particulier dans les zones rurales, sont bien loin de connaître l’autonomie et le bien-être. Il existe un gouffre entre les besoins et les attentes des filles et des femmes et l’action pour y répondre en raison de la mise en œuvre des politiques, lois et droits accordés aux femmes par la Constitution et la grande pauvreté dans laquelle le pays se trouve. De plus les pratiques sociétales qui privilégient les hommes pèsent lourdement sur les chances d’émancipation des femmes.
Pour parvenir à une égalité complète, il faudra venir à bout de désavantages cruciaux: manque d’accès aux ressources et manque ou absence de contrôle sur ces ressources; un déséquilibre criant dans les responsabilités du ménage; les difficultés d’accès à l’enseignement; la sous-représentation des femmes dans la prise de décisions; la misère économique. Les progrès sont donc lents vers une pleine mise en œuvre de la Convention.
Le rapport précise qu’il existe un Bureau des affaires féminines qui a mis au point un Plan d’action national. Les six domaines d’action prioritaires sont: la pauvreté, l’éducation, la violence envers les femmes et les filles, le sort des fillettes et les mécanismes institutionnels.
Ainsi, des actions positives ont été prises dans le but d’augmenter le taux d’inscription des filles dans les écoles à tous les niveaux. Trente pour cent du total des places à l’université ont été réservées aux filles. Il existe un programme de bourses scolaires pour les filles qui touche 28 écoles dans sept régions du pays. Compte tenu des bons résultats obtenus, il est à espérer que ce programme sera étendu à tout le pays.
Le rapport affirme qu’une évolution notable du cadre juridique a eu lieu en matière de protection des femmes. La révision du Code de la famille qui est entré en vigueur en 2001 a permis d’éliminer les lois discriminatoires. Le Code pénal est en cours de révision et il propose de nouvelles formes et degrés dans les peines à appliquer aux auteurs de violence. La lutte contre la violence à l’égard des femmes est une priorité du Gouvernement qui met l’accent en particulier sur le lien entre ce problème et la pandémie du VIH/sida. On constate que la tendance actuelle est positive dans le sens de la baisse de la violence. L’une des principales actions a été la mobilisation sociale contre le viol et l’enlèvement. Dans sa politique de santé, le Gouvernement a identifié trois priorités: la santé génésique, la violence envers les femmes et le VIH/sida. Il existe un Conseil national et un Secrétariat chargés de lutter contre la pandémie du VIH/sida.
Au cours de la période considérée, le Gouvernement a déployé des efforts pour améliorer les connaissances juridiques élémentaires des femmes. De plus, une campagne de sensibilisation du public a été entreprise en faveur de l’élimination des pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes. Par ailleurs, un Centre de référence pour les femmes a été créé par le Bureau des affaires féminines.
Au cours de la période à examen, l’un des résultats les plus importants a été la révision du Code de la famille. Le taux de scolarisation des filles a augmenté, signale le rapport qui ne dispose pas de statistiques ventilées par sexe. La réduction du taux de mortalité maternelle est également une priorité du Gouvernement.
Le Nouveau Code de la famille garantit l’égalité aux femmes pour ce qui est des droits dans le mariage (consentement, âge, enregistrement, les effets du mariage, sa dissolution, la liquidation des biens, l’union libre, l’adoption, le règlement des conflits, l’obligation alimentaire, les mineurs et l’autorité parentale). Pour garantir que les dispositions juridiques s’appliqueront dans les mêmes termes aux femmes comme aux hommes, il reste à réviser le Code pénal.
Présentation par la délégation de l’Etat partie
Mme NESTSANET ASFAW, Ministre de l’éducation de l’Ethiopie, a expliqué que les femmes de son pays, qui ont participé à la lutte contre le pouvoir militaire, ont conscience de leurs droits. La Constitution ratifiée en 1995 contient une composante économique, sociale et politique consacrée aux femmes mais malheureusement, a-t-elle reconnu, le manque d’éducation et le manque d’accès aux ressources font que nous sommes encore loin du but.
Mme GIFTI ABASIYA, Ministre d’Etat aux affaires féminines, a expliqué que la Constitution de l’Ethiopie fait référence aux instruments internationaux qu’a ratifiés le pays et précise que ces textes font partie intégrante du droit éthiopien. Depuis 1993, des efforts ont été déployés pour promouvoir le texte de la Convention dans les communautés locales. Nous organisons des débats publics, des campagnes de sensibilisation, le texte de la Convention a été traduit dans les langues locales, les médias diffusent des programmes de formation à l’égalité. L’article 5 de la Convention garantit les droits individuels des droits et des femmes sans discrimination. L’article 5 de la Constitution précise que toutes les personnes sont égales devant la loi. Il existe un Comité national chargé de veiller à l’interdiction de la traite de femmes. Nous disposons de bureaux consulaires dans les pays d’accueil qui emploient les femmes migrantes éthiopiennes. Lors des deux dernières élections, un nombre important de femmes ont présenté leur candidature. Un programme de développement du secteur de la santé sur 20 ans est en cours de réalisation. Les individus sont égaux devant la loi et ont droit à la même protection.
Dialogue avec les experts
Articles 1 à 6 de la Convention
Mme AYSE FERIDE ACAR, experte turque et Présidente du Comité, a rappelé que le pays avait ratifié la Convention en 1981 tout en appelant l’attention de la délégation sur l’existence du Protocole facultatif dont les dispositions visent à accroître l’efficacité de l’application de la Convention. Elle a également noté que l’Ethiopie n’avait pas ratifié l’amendement à l’article 20 de la Convention.
Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, a relevé un manque de données statistiques. Elle a demandé si le Gouvernement entendait progresser sur le front de la collecte de données qui sont à la base de la planification des politiques. Sur la base d’informations indépendantes, elle s’est réjouie des changements apportés au Code de la famille même si six des neuf gouvernements locaux continuent d’appliquer l’ancien code. Qui contrôle la mise en œuvre de ces politiques et des actions positives? Mme NAELA GABR, experte de l’Egypte, a souligné que la promotion de la femme devrait être à la base du développement du pays tout en se disant consciente des difficultés que connaît l’Ethiopie.
Elle a constaté l’existence de la volonté politique du Gouvernement qui s’est manifestée par l’adhésion à de nombreux instruments internationaux des droits de l’homme. Elle a suggéré au Gouvernement de ratifier la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants. Elle a souhaité avoir des précisions sur la participation de la société civile à l’élaboration du rapport. A son avis, celui-ci ne suit pas les directives élaborées à l’intention des Etats parties, ce qui est surprenant, le pays disposant d’experts en matière des droits de l’homme.
Mme SALAMA KHAN, experte du Bangladesh, a constaté que la situation des femmes, en particulier dans les zones rurales, ne s’est pas améliorée et que les programmes d’élimination de la pauvreté n’avaient pas intégré la dimension sexospécifique. Elle a également demandé si des indicateurs de résultats avaient été élaborés au moment de la mise en œuvre du Programme d’action sur les femmes en 1995. Mme HUGUETTE BOKPE GNACADJA, experte du Bénin, a voulu avoir des précisions sur les moyens dont dispose le Gouvernement pour lutter contre les pratiques traditionnelles néfastes. Elle s’est enquise, ainsi que l’experte du Japon,Mme FUMIKO SAIGA, sur la manière dont s’articulait le partage de pouvoirs entre le Comité national pour la promotion de la femme et le Bureau pour les affaires féminines. Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a constaté que le rôle des femmes dans la production agricole était reconnu. La contribution des femmes à la production nationale figure–t-elle dans le calcul de cette dernière? M. GORAN MELANDER, expert de la Suède, a demandé si la Convention avait préséance sur les législations régionales dans la mesure où l’on sait que les gouvernements régionaux disposent d’une large autonomie.
Répondant à la première série de question, la Ministre de l’éducation éthiopienne a signalé que son pays espérait être en mesure de ratifier le Protocole facultatif et l’amendement à l’article 20.1 de la Convention dans un proche avenir. Elle a précisé que ces ratifications ne pourront intervenir qu’après un processus de consultation préalable des communautés locales par le biais des Etats fédérés. Tout en attirant l’attention sur le travail satisfaisant réalisé par le Bureau des statistiques en matière de données ventilées par sexe sur la situation des femmes rurales, elle s’est dite consciente de la nécessité de faire plus. Pour ce qui est de la législation foncière, elle a reconnu que cinq états ruraux éthiopiens n’avaient encore ratifié le nouveau Code de la famille, tout en se félicitant que les états les plus peuplés aient fait ce pas. Elle a aussi regretté que les nouvelles dispositions pénales n’aient pu être mises en place de façon harmonisée dans tout le pays, certains Etats, là encore, ne l’ayant pas ratifié. Malgré les retards constatés, elle a attiré l’attention sur le chemin parcouru par l’Ethiopie, alors qu’il y a peu de temps encore un homme pouvait être excusé d’un viol en offrant un chameau. Aujourd’hui, le viol est sanctionné d’une peine pouvant varier de cinq à 20 ans de prison. La Ministre a mis en avant le fait que plus de deux millions de femmes sont organisées pour promouvoir les droits des femmes sur le terrain. Elles font valoir leur droit à la terre, au vote, à des mesures positives, à l’éducation et à la santé. Ce processus, certes lent, a le mérite d’avoir été lancé, mais il nous faut un développement économique qui nous permette de soutenir les changements en cours.
Un autre membre de la délégation de l’Ethiopie a reconnu la difficulté d’obtenir des données ventilées par sexe. Nous avons pris des initiatives pour obtenir dès la prochaine période de telles données pour tous les ministères et secteurs. Nous avons un dispositif national pour promouvoir le droit de la famille à tous les niveaux du fédéral au local. Elle a reconnu un problème de capacité pour faire appliquer cette politique de promotion de la femme. La représentante a fait valoir des liens de collaboration entre le Comité national éthiopien pour la promotion de la femme et les ONG en vue de mettre en œuvre les politiques adéquates. Elle a salué l’importance de l’assistance technique fournie par les ONG à tous les niveaux. Elle a également précisé que l’Ethiopie était membre du Conseil international de lutte contre les pratiques traditionnelles nocives. S’agissant tout particulièrement des questions posées à l’article 3 sur la formation des femmes, elle a souligné le problème de l’écart entre la formation des femmes et des hommes, même si cet écart se réduit avec les nouvelles générations. Du fait de cette absence d’éducation et du poids de certaines traditions, beaucoup de femmes choisissent de ne pas faire appel à la justice lorsque leurs droits sont bafoués. Heureusement le taux de scolarisation augmente et les filles des zones rurales sont encouragées à aller à l’école. La représentante a reconnu le problème de la persistance de la pratique des mutilations génitales dans les sociétés pastorales, réalisées par des femmes sur des femmes. L’éducation reste la meilleure réponse à donner à ce fléau.
Entamant une nouvelle série de questions, Mme DUBRAVKA SIMONOVIC, experte croate, a demandé des précisions sur les contradictions entre les droits très avancés proclamés par la Constitution et les lois et pratiques traditionnelles contraires aux droits des femmes. Est-ce que l’Ombudsman dispose d’un poste et de conditions de travail permettant de travailler avec les femmes? A l’instar de M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, elle a demandé des précisions sur la répartition des pouvoirs aux niveaux fédéral et local. Elle a voulu notamment savoir par quels moyens il était possible de contraindre les autorités régionales à respecter les engagements pris par l’Ethiopie au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Mme KRISZTINA MORVAI, experte hongroise, a demandé des précisions sur la contribution de la communauté internationale à la promotion des droits de la femme en Ethiopie et la participation éventuelle des femmes et ONG éthiopiennes à ces programmes. Elle a voulu connaître la date à laquelle a été promulguée la politique nationale sur les femmes et comment est évaluée son efficacité? S’agissant de la lutte contre la pauvreté, elle a demandé des précisions sur son impact sur la situation des femmes. De son côté, l’experte nigériane, Mme FATIMA KWAKU, a demandé pourquoi le rapport n’était pas rédigé selon les directives. L’experte portugaise, Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, a demandé ce qui distinguait le Comité national des femmes du Bureau des affaires de la femme et a souhaité précisions sur les incidences du VIH/sida et le harcèlement sexuel des jeunes filles. Elle a demandé si la question de la violence au foyer et de l’enlèvement étaient prises en compte dans le nouveau Code pénal. L’experte des Philippines, Mme ROSARIO MANALO, a demandé des précisions sur les initiatives du Gouvernement en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes.
Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, experte cubaine, s’est inquiétée de la persistance de la pratique des mutilations génitales, malgré la législation. Elle a demandé ce que le Gouvernement souhaitait entreprendre pour lutter contre les préjugés traditionnels et les stéréotypes et si l’on a intégré les sexospécificités au niveau des programmes d’éducation. Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, évoquant les changements apportés aux codes pénal et de la famille, a souhaité savoir si le Gouvernement avait pris des initiatives spécifiques pour sensibiliser les femmes à leurs droits, notamment dans les zones rurales. S’agissant de la persistance de pratiques culturelles condamnables, elle a demandé de quels moyens d’assistance judiciaire les femmes disposaient.
Répondant à cette série de questions, Mme GIFTI ABASIYA, a expliqué que les lois régionales ne peuvent pas être appliquées si elles sont en contradiction avec la Constitution. Le Gouvernement peut imposer des lois au niveau régional. Elle a expliqué que les rapports soumis ont été réalisés par le Gouvernement et que les ONG n’ont pas été consultées, les autorités ayant pensé que les organisations non gouvernementales allaient présenter des rapports parallèles. Elle a assuré que la procédure sera différente pour le prochain rapport. Toutes les lois coutumières qui ne sont pas compatibles avec la Constitution sont considérées comme inapplicables. La Constitution prévoit que tous les instruments internationaux ratifiés par le pays sont applicables en droit interne. Mais beaucoup d’hommes et de femmes s’accommodent du statu quo. Les lois coutumières continueront de s’appliquer tant que la population ne sera pas éduquée. Au Parlement, les femmes occupent actuellement 42 sièges ce qui est une évolution très positive même si les hommes demeurent surreprésentés. Au niveau des collectivités locales, les femmes occupent 30% des postes. Malheureusement, l’absence d’éducation est un frein à la participation des femmes au plus haut niveau du processus politique. Les régions sont prêtes à souscrire à la Constitution qui a fait l’objet de débats dans zone du pays. Nous voulons que toutes les femmes dont les droits ont été bafoués portent plainte mais le problème se pose dans la mesure où un grand nombre de juges attachés à l’ancien Code civil, s’opposent à la mise en œuvre du nouveau. Il s’agira d’un long combat. Les êtres humains ne changent pas du jour au lendemain leur façon de penser.
L’inceste est considéré comme une des pires choses au monde et l’avortement n’est autorisé que lorsque la grossesse en est le résultat. Mais les Ethiopiens ne sont pas prêts à entendre parler de viol marital. Peut-être le seront-ils avec le problème de la transmission du VIH/sida. Nous avons toujours demandé l’aide des institutions internationales non seulement en terme de budget mais également de ressources humaines. L’âge du mariage des filles était de neuf ou 10 ans dans le passé, il a ensuite été porté à 15 puis à 18 ans pour les filles comme pour les garçons. Mais à cause des lacunes dans l’enregistrement des naissances, des doutes planent quant à l’âge de chacun. Avec la pandémie du VIH/sida, les familles veulent de nouveau marier leurs enfants à un jeune âge. Nous avons lancé un processus de formation aux droits de l’homme pour les forces de police dont les membres qui ne suivent pas les directives sont sanctionnés. La société éthiopienne est extrêmement conservatrice mais heureusement le processus de démocratisation nous a mis sur la bonne voie.
Les femmes participent à la mise en œuvre des programmes de développement mais les lacunes se situent au niveau du suivi. Nous ne disposons pas de personnel formé aux questions des sexospécificités. La représentante a précisé que l’Ethiopie a intégré l’objectif de parité des sexes dans toutes les stratégies de réduction de la pauvreté et de la mise en œuvre des Objectifs de développement du Millénaire. Mais des freins demeurent du fait de la persistance de comportements et de stéréotypes. Il nous faut des ressources matérielles et humaines importantes pour lutter contre les pratiques traditionnelles nocives que nous avons relevées.
Entamant les questions relatives à la deuxième partie de la Convention, articles 7 à 9, Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, a relevé que le pays, représentant un canevas de traditions et de peuples, a subi l’impact des catastrophes naturelles, des années de conflits armés, est caractérisé par une situation géographique enclavée et réunit toutes les composantes rendant la vie difficile pour les hommes comme pour les femmes. Les Ethiopiens et les Ethiopiennes doivent mener leur combat main dans la main. La participation des femmes en politique dénote une réelle progression mais ce n’est pas suffisant. Des différences aussi profondes au niveau politique est une chose grave. Les coutumes ancestrales ne sont pas bonnes car elles portent atteinte aux droits de l’homme, à l’égalité et à la Convention. Il faut les éliminer. Pour cela, il faudrait peut-être mettre en place un système de quotas pour que les femmes aient des chances d’être élues. L’experte a demandé quel était le nombre de femmes au sein des structures de l’Union africaine et quelle est la place réservée aux femmes dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, NEPAD.
Répondant à cette deuxième série de questions, Mme NETSANET ASFAW, a expliqué que l’éducation était le meilleur moyen d’aider les femmes à revendiquer leur place sur la scène politique. Il reste difficile, a-t-elle précisé, pour les femmes de s’engager dans des activités hors du foyer. Il n’y a que quatre femmes occupant un poste d’ambassadeur. Pour ce qui est des droits en matière de citoyenneté, ils sont égaux pour les hommes et les femmes. Une femme éthiopienne qui épouse un étranger ne perd désormais plus sa nationalité et les enfants issus de cette union ont maintenant le choix entre la citoyenneté de la mère ou du père à leur majorité. Une association de femmes va être mise en place au niveau fédéral en complément des niveaux national et local. Nous avons neuf régions et deux villes à identités particulières. Si nous avons des mouvements de femmes considérables dans les régions les plus développées et les plus peuplées, les choses sont difficiles dans les régions rurales, marquées par les spécificités des populations nomades.
Entamant une nouvelle série de questions, l’experte tanzanienne, Mme CHRISTINE KAPALATA, a souhaité que le prochain rapport de l’Ethiopie contienne des précisions et chiffres sur l’ampleur du phénomène des mutilations génitales. Elle a demandé des informations sur les aides accordées par le Gouvernement aux femmes victimes de telles mutilations. De son côté, l’experte indonésienne, Mme SJAMSIAH ACHMAD, a demandé si des enquêtes avaient mesuré les écarts entre les hommes et les femmes au niveau économique et social et si ces données étaient intégrées aux programmes d’éducation et de formation. Soulignant que la seule sensibilisation ne suffisait pas pour atteindre les objectifs de la Convention, elle a demandé combien de policiers et de juges avaient été formés dans l’optique de la réalisation de ces objectifs.
Reprenant une série de questions, Mme SIMONOVIC a rappelé que 80% des femmes éthiopiennes subissent des mutilations génitales. Que fait le Gouvernement pour lutter contre ces pratiques? Combien de décès dus à des interruptions volontaires de grossesse compte-t-on? Mme KHAN a relevé que l’Ethiopie a le taux de mortalité maternelle le plus élevé de l’Afrique sub-saharienne et un taux très bas pour ce qui est du recours aux méthodes de planification familiale, ce qui sous-entend une pénurie de services. Quels sont les types de services de planification familiale mis à la disposition de la population, particulièrement dans les zones rurales?
Mme GABR, a voulu savoir par quelle action le Gouvernement entendait encourager les filles à poursuivre leur scolarité. Comment entendez-vous également résoudre le problème des écarts de salaires entre les hommes et les femmes? La participation des femmes au secteur non structuré est importante et nous aurions souhaité davantage d’information sur ce secteur d’activités. M. FLINTERMAN a souligné l’importance de l’éducation dans la lutte contre les inégalités. Quels sont les rôles remplis par les instances fédérales publiques et les instances régionales pour ce qui est de l’éducation? Quand le Gouvernement entend-t-il réaliser la parité dans le secteur de l’enseignement aussi bien public que privé?
Mme SHIN, experte de la République de Corée, a jugé louable de réserver un quota de 30% pour les filles à l’université. Avez-vous l’intention de décerner des bourses ou d’avoir recours à des mesures incitatives pour encourager les parents à envoyer les filles à l’école? L’experte a demandé au Gouvernement s’il avait analysé les raisons expliquant l’interruption de la scolarité des filles et leur échec dans les études. Par ailleurs, elle a demandé si les méthodes contraceptives étaient accessibles à des prix abordables.
Répondant à cette série de questions, la Ministre de l’éducation a convenu que le taux des femmes subissant des mutilations génitales était extrêmement élevé bien qu’il ait fortement diminué puisqu’il était de 92% il y a 10 ans. Il faudra du temps pour que la population et les femmes arrivent à comprendre la nature criminelle de cette tradition, en dépit de la nouvelle législation en ce sens. Les filles et les garçons tendent à abandonner l’école en période de récolte car ils sont nécessaires aux travaux de la ferme. Aller chercher l’eau et cultiver les fleurs est une responsabilité des filles tandis que les labours sont la responsabilité des garçons. Si vous envoyiez tous les enfants à l’école, l’économie de subsistance s’effondrerait.
En zone rurale, des milliers de dispensaires ont été implantés mais nous avons des difficultés à recruter le personnel médical en raison des faibles niveaux d’éducation. La stratégie de développement rural comporte l’électrification des villages et nous pensons que cela sera important pour toutes les Ethiopiennes. Selon nos statistiques, la mortalité maternelle atteint 871 pour 100 000 et 1 800 pour 100 000 selon d’autres sources. Ces chiffres élevés sont dus aux avortements clandestins et aux mariages prématurés. La Ministre a expliqué que le doit à l’héritage et le droit à l’égalité des salaires existent de jure.
Pour ce qui est des mutilations génitales, un autre membre de la délégation éthiopienne a indiqué que le nouveau Code pénal qui doit être ratifié au milieu de l’année prévoyait cinq années d’emprisonnement. Elle a rappelé que cette pratique est le fait des mères qui ne souhaitent en aucun cas faire souffrir leurs filles. La réponse ne se trouve donc pas dans la répression et les sanctions, mais dans notre capacité à changer les mentalités par le biais de l’éducation. Elle a également indiqué que la contraception était considérée comme une forme d’assassinat d’être humains dans les sociétés traditionnelles, d’où la difficulté d’en promouvoir les moyens. La représentante a néanmoins indiqué que deux femmes étaient nommées à cet effet dans chaque conseil local où elles aident à formuler des stratégies en matière de planification familiale. En ce qui concerne l’école, le but est d’arriver à scolariser 65% des filles d’ici à 2007 et à une véritable parité de la scolarisation des filles et garçons en 2015. Pour mettre fin aux mariages précoces, nous réalisons des campagnes de sensibilisation et d’information, a-t-elle ajouté.
Articles 10 à 14 de la Convention
Mme TAVARES DA SILVA a souhaité des chiffres sur la proportion des femmes dans le secteur privé. Elle a demandé ce que le Gouvernement comptait entreprendre pour promouvoir le congé de maternité ou le congé familial. De son côté, Mme KWAKU a demandé par quels moyens le Gouvernement souhaitait promouvoir la scolarisation des filles et a demandé des précisions sur la situation des femmes âgées ou handicapées. Mme SAIGA, a voulu savoir si l’éducation obligatoire était gratuite et quelle était la période minimum de la scolarité. Elle a demandé combien de femmes avaient profité des ressources du programme éthiopien pour la promotion de la femme. Mme PATTEN a souhaité que la délégation de l’Etat partie clarifie la situation des femmes rurales qui représentent 80% de la population. Elle a demandé si le Gouvernement disposait d’une politique globale relative aux femmes rurales. Mme MANALO a rappelé que l’éducation des filles était un impératif moral. Elle a demandé quelles mesures étaient prévues pour parvenir à une égalité entre les hommes et femmes des zones rurales.
De son côté, Mme MORVAI aconstaté avec une grande inquiétude que l’espérance de vie moyenne pour les femmes éthiopiennes est de 44,9 ans. Elle a demandé quelles étaient les causes des décès et les moyens envisagés par le Gouvernement pour augmenter la durée de vie. Elle s’est renseignée sur les moyens de lutte contre la prostitution et pour la réinsertion des prostituées. Mme BELMIHOUB-ZERDANI a rappelé qu’on ne pouvait développer un pays dont le taux de croissance économique reste très inférieur au taux de croissance démographique. C’est pourquoi, elle s’est particulièrement inquiétée de l’insuffisance des efforts de l’Ethiopie pour freiner le taux de natalité. Elle a exhorté l’Ethiopie à ne pas ménager ses efforts en matière de scolarisation des filles.
La Ministre, Mme ASFAW, a expliqué que pour imposer l’éducation obligatoire, il faut atteindre un niveau de développement suffisant et par exemple disposer de suffisamment d’écoles, ce qui n’est pas le cas. Il n’existe pas de politique pour les femmes selon qu’elles vivent en zone rurale ou en zone urbaine. Nous disposons d’une politique pour les femmes en général. L’enregistrement des naissances commence à se faire dans les villes.
La Ministre a convenu que le fait que les femmes aient une espérance de vie de seulement 44 ans est choquant. Les sécheresses qui ont frappé le pays tous les 30 ans dans le passé, reviennent maintenant tous les trois ans. Une étude réalisée il y a cinq ans a montré qu’une femme sans terre allait se rendre progressivement dans les grandes villes à la recherche d’un emploi puis dans les pays voisins. L’on sait qu’au Soudan, il y a des milliers d’Ethiopiennes ayant fui la pauvreté de leur village et qui se prostituent. Le seul moyen de mettre un terme à la prostitution est de mettre un terme à la pauvreté car la femme ne se prostitue jamais par choix. Comment réduire les taux de natalité dans un pays qui considère un enfant comme une bénédiction, s’est également demandé la Ministre? Mme ABASIYA a expliqué que des projets pilotes de promotion économique des femmes avaient été réalisés et que 160 000 femmes en ont bénéficié. Les personnes âgées jouent un rôle important au sein de la famille élargie.
Article 15 et 16 de la Convention
Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, a déclaré que le niveau et la compétence de la délégation montre un engagement politique fort et personnel en faveur de l’égalité entre les sexes. L’experte s’est demandée cependant si l’appareil administratif disposait des structures propres à relayer l’engagement qui s’est manifesté aujourd’hui. Elle a également dit sa perplexité quant à la mise en œuvre de l’article 16 sur la vie de famille. Quelle est l’application du nouveau Code de la famille, qui veille à son application? Elle a relevé que certaines régions ne l’avaient pas adopté. Que fait l’Etat pour convaincre ces régions et que fait le Gouvernement pour lutter contre les mariages précoces? Pauvreté, catastrophes naturelles, emprise des stéréotypes néfastes, l’experte a signalé qu’il était urgent et impératif de mener une lutte pour les droits des femmes et des fillettes et de mobiliser l’appareil d’Etat.
Mme GABR a demandé quel était l’impact des nouvelles lois sur les comportements traditionnels. Mme DORCAS AMA FERMA COKER-APPIAH, experte ghanéenne, a regretté le manque de clarté du rapport en ce qui concerne les causes du divorce. A l’instar de Mme PATTEN, elle a souhaité être informée de l’application respective du droit coutumier et du Code civil dans le divorce. Mme BOKPE GNACADJA a demandé des précisions sur l’état réel de l’application des articles 15 et 16 de la Convention en s’inquiétant que 7 des 9 régions disposaient du droit d’édicter leurs propres lois en matière de droit de la famille. Elle a demandé combien de codes de la famille étaient en vigueur en Ethiopie. La Constitution reconnaissant la coutume et la religion comme des fondements de la loi, elle a demandé, à l’instar de Mme BELMIHOUB-ZERDANI, comment l’Ethiopie gérait cette contradiction entre une Constitution qui ambitionne d’être en phase avec les objectifs de la Convention et des coutumes sources de discrimination. Parmi les contradictions, elle a notamment souligné la mise en œuvre d’une récente loi régionale levant l’interdiction de la polygamie. Mme MORVAI a demandé des explications sur la propagation importante du VIH/sida chez les femmes.
Répondant à cette dernière série de questions, la Ministre de l’éducation a assuré de la ferme volonté du Gouvernement de mettre en œuvre la parité entre les sexes. Elle a précisé que tous les codes et lois ratifiés par les régions devaient être conformes à la Constitution nationale. Une loi ou un code de la famille non conforme à la Constitution, n’est pas applicable. Elle a précisé que toutes les régions devraient avoir un code de la famille conforme à la Constitution d’ici à la fin de l’année. Elle a indiqué que le Code pénal éthiopien précise que toute transmission délibérée de maladie, et donc du VIH/sida, constitue une infraction et un délit. Quant à la question des enlèvements, ce phénomène demeure un problème bien qu’il constitue une infraction pénale, notamment du fait que les familles et les parents se mettent souvent d’accord sur les enlèvements. En ce qui concerne le divorce, elle a précisé que les hommes ne peuvent plus demander le divorce sans aucun motif. Elle a ajouté que la violence contre les femmes constituait un délit, tout en regrettant que les femmes rechignent à révéler les secrets familiaux. Compte tenu de la partialité des médiateurs familiaux qui sont souvent des hommes très conservateurs, il ne leur est plus confié l’examen des affaires de divorce. Malgré les efforts du Gouvernement pour encourager l’utilisation les contraceptifs, le taux de natalité reste très élevé. L’ambition est de parvenir à quatre enfants par couple alors que nous étions à plus de neuf, il n’y a pas si longtemps. Soulignant le lien entre l’éducation et la planification familiale, elle la Ministre s’est félicitée de l’influence de la vaccination qui en faisant baisser la mortalité infantile a eu une influence considérable sur la planification familiale.
Clôturant cette séance, la Présidente du Comité, l’experte turque, Mme ACAR, a remercié les délégations de ce dialogue franc et ouvert. Elle a relevé la complexité de la situation en Ethiopie. Elle a émis l’espoir que le Gouvernement saura promouvoir auprès de la population les recommandations et conclusions du Comité. Il est clair, a-t-elle regretté, que malgré l’existence de lois, la condition de la femme ne s’est guère améliorée. Aussi, elle a prié le Gouvernement de mettre en œuvre d’une manière urgente des mesures concertées pour adopter une stratégie grâce à laquelle on pourra traiter les aspects décisifs de promotion des droits de la femme. Le développement économique ne sera pas une condition suffisante, si l’on ne lutte pas contre la violence à l’égard de la femme, la féminisation de la pauvreté ou encore la prostitution. C’est pourquoi, elle a souhaité une attitude plus active de la part du Gouvernement éthiopien pour lutter contre les principes discriminatoires et sensibiliser le grand public et les institutions aux principes de la Convention. La Présidente du Comité a salué la tentative des Ethiopiens de réviser le Code pénal pour qu’il soit conforme aux objectifs de ladite Convention. Elle a souhaité plus d’efforts sous forme de campagnes d’information, en insistant sur la nécessité d’évaluer leur impact en matière de lutte contre les stéréotypes.
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