En cours au Siège de l'ONU

FEM/1270

LES EXPERTS DU CEDAW RELEVENT LES NOMBREUSES DISCRIMINATIONS QUI FRAPPENT TOUJOURS LES FEMMES AU NIGERIA

20/01/2004
Communiqué de presse
FEM/1270


Comité pour l’élimination de la

discrimination à l’égard des femmes

637e et 638e séances – matin et après-midi


LES EXPERTS DU CEDAW RELEVENT LES NOMBREUSES DISCRIMINATIONS QUI FRAPPENT TOUJOURS LES FEMMES AU NIGERIA


Les experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) ont, aujourd’hui, incité vivement le Nigéria à accélérer le rythme de ses réformes pour éliminer les profondes discriminations dont sont victime les Nigérianes dans tous les aspects de leur vie.  Le Nigéria, qui a ratifié sans émettre de réserves la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes en 1989, présentait, conformément à ses obligations, les mesures qu’il a prises au niveau législatif, administratif et autres pour lutter contre les inégalités entre les sexes.  L’importante délégation nigériane était menée par la Ministre de la condition de la femme et de la jeunesse, Mme Rita Akpan. 


Devant les nombreuses lois et dispositions constitutionnelles discriminatoires, les experts se sont demandés comment le Gouvernement entendait harmoniser sa législation avec la Convention.  La législation nigériane en effet repose sur une triple assise, à la fois coutumière, religieuse et législative que vient compliquer la nature fédérale du pays et l’existence de six zones géopolitiques.


Le fait que des mesures législatives aient été adoptées dans un tiers des Etats uniquement a été perçu par les experts comme une résistance au changement.  Le poids des traditions dans l’Etat le plus peuplé d’Afrique a également été identifié comme un frein au progrès. 


La loi autorise les châtiments corporels infligé à la femme par son mari; l’âge minimum du mariage se situe entre 18 et 21 ans dans le Sud et entre 12 et 15 ans dans le Nord ; la femme divorcée ou séparée, quels qu’en soient les motifs, est marquée du sceau de l’infamie, en particulier dans l’Est du pays.  Les pratiques relatives au veuvage, aux mutilations génitales et aux mariages précoces ont été interdites dans certains états seulement.


Les experts se sont également dits choqués par la détérioration des indicateurs sociaux.  Toutes les trois minutes, il meurt une femme au Nigéria des suites de complications de l’accouchement.  Il existe d’énormes disparités selon les régions. 


Dans l’éducation, des déséquilibres persistent puisque le taux brut de scolarisation pour les filles est de 65% et de 75% pour les garçons dans le primaire.  Le taux national d’alphabétisation des adultes de sexe masculin était de 49% en 1999 et de 41% pour les femmes, faisant dire à l’expert des Pays-Bas, Cornelis Flinterman, que le Nigéria n’était pas véritablement engagé en faveur de la promotion de l’éducation des filles.


Le Comité entamera mercredi 21 janvier à 10 heures l’examen du cinquième rapport périodique de l’Allemagne.


EXAMEN DES QUATRIEME ET CINQUIEME RAPPORTS PERIODIQUES COMBINES DU NIGERIA


Rapports (CEDAW/C/NGA/4-5)


Il est expliqué dans ce document, qui porte sur la période 1994-2002, quelle méthodologie a été appliquée pour évaluer la mise en œuvre des 16 articles de fond de la Convention en précisant comment se sont faites la collecte et l’analyse des données qui ont associé consultants, enquêteurs, attachés de recherche, divers ministères, le monde académique et les organisations non gouvernementales.


Pour ce qui est des mesures prises par le Gouvernement nigérian pour éliminer les discriminations, il est indiqué que les pratiques relatives au veuvage et l’excision ont été interdites dans certains états comme celui de l’Edo où l’excision est punie d’une amende et d’une peine de six mois de prison.  Les Etats du Kebbi et du Niger ont interdit les mariages précoces.  D’autres Etats comme ceux du Kano, du Borno Gombe et du Bauchi imposent le maintien des filles à l’école.  Pour accroître la participation des femmes à la vie politique, un comité, le National Committee on Women in Politics, a été mis sur pied.


Cependant, de nombreuses lois et pratiques coutumières sont discriminatoires envers les femmes.  On trouve également des dispositions discriminatoires dans le règlement de police ainsi que dans les lois et politiques fiscales du pays.  Ainsi, l’imposition des femmes dans le secteur public repose sur le principe que la femme mariée n’a pas de responsabilités et est à la charge de son mari.  Ainsi, quand les deux époux travaillent, c’est l’homme qui bénéficie de l’abattage fiscal.  Un agent de police femme ne peut se marier sans que son futur époux subisse un interrogatoire.  Il n’en va pas de même pour les hommes.


La loi sur la condition de la femme, adoptée en juillet 2000, a pour objectif de veiller à ce que les dispositions de la Constitution soient appliquées.  Par ailleurs, les dispositions de la Convention CEDAW ont été traduites dans les trois principales langues parlées au Nigéria.  Le texte de la Convention a été mis en circulation sous forme de brochure.  Le Ministère fédéral de la justice examine actuellement, en vue de les abroger, les dispositions du Code pénal et d’autres textes qui sont discriminatoires pour les femmes comme ceux relatifs aux châtiments corporels de la femme par son mari, aux droits de la femme en matière d’héritage et à l’accession de la femme à la propriété. 


Dans la vie politique et publique, les femmes sont largement sous-représentées.  Le rapport contient des chiffres portant sur la période considérée: 3,4% des sièges occupées par les femmes à l’Assemblée nationale; trois femmes sénateurs pour 106 hommes; au niveau fédéral, 13,6% de femmes ministres et 27% de secrétaires permanentes.  Le Gouvernement prévoit de prendre des mesures correctives et de porter à 30% le nombre de femmes dans les branches du pouvoir exécutif et législatif.  


La Constitution est discriminatoire en matière d’acquisition de la nationalité.  Un Nigérian peut faire acquérir sa nationalité à sa femme par déclaration, mais il n’en va pas de même pour une Nigériane.  


Dans l’éducation, des déséquilibres persistent puisque le taux brut de scolarisation pour les filles est de 65% et de 75% pour les garçons dans le primaire.  Les filles rattrapent et dépassent les garçons dans le secondaire où leur taux brut de scolarisation est de 35,9 contre 32,4.  Le taux national d’alphabétisation des adultes de sexe masculin était de 49% en 1999 et de 41% pour les femmes.


Les discriminations persistent sur le marché de l’emploi.  Le rapport explique qu’en raison de la nature patriarcale de la société nigériane, ce n’est pas la femme qui gagne le pain de la famille.  Par exemple, l’épouse et la famille d’un homme exerçant une fonction de direction ont droit à la couverture médicale financée par l’employeur alors qu’il n’en va pas de même s’il s’agit d’une femme.


Les taux de mortalité maternelle sont élevés, soit 704 décès pour 100 000 naissances vivantes, ce qui veut dire que toutes les trois minutes, il meurt une femme au Nigéria des suites de complications de l’accouchement.  Il existe d’énormes disparités selon les régions et le taux de mortalité maternelle est deux fois plus élevé en zone rurale qu’en zone urbaine.  Le Nord a des taux de mortalité maternelle presque 10 fois plus élevés que dans le Sud-Ouest.  Les taux de mortalité infantile sont de 105 pour 1 000 naissances vivantes.  Environ 45% des mères ayant moins de 20 ans ne reçoivent pas de soins prénataux.  Les services de planification familiale sont sous-utilisés, 15,7% seulement des femmes utilisant une méthode de contraception.  La pandémie du VIH/sida est venue occuper le devant de la scène au Nigéria avec un taux de prévalence en hausse.


Les femmes des zones rurales contribuent activement au secteur agricole.  Elles n’ont cependant pas droit à un titre de propriété sur la terre et n’ont qu’un accès limité à des facteurs de production comme les engrais.  Elles rencontrent de nombreux obstacles qui les empêchent d’avoir accès aux services de planification familiale comme l’obligation d’obtenir l’autorisation du mari.  Le droit coutumier maintien les épouses dans un état de servage par rapport à leur mari et leur belle-famille.  Dans le Sud et l’Est du pays, la veuve ne jouit d’aucune protection.  Nombreuses sont celles à se retrouver appauvries, déshumanisées et dépossédées.  On lui permet d’observer à l’intérieur de la maison une période de trois mois et de 10 jours pour s’assurer qu’elle n’est pas enceinte de son défunt époux avant d’être autorisée à se remarier.  La charia lui reconnaît le droit d’hériter avec ses enfants.  Le femme divorcée ou séparée, quels qu’en soient les motifs, est marquée du sceau de l’infamie, en particulier dans l’Est du pays.  La femme non mariée est condamnée à vivre dans des conditions précaires.  L’âge minimum du mariage se situe entre 18 et 21 ans dans le Sud et entre 12 et 15 ans dans le Nord.


Présentation par la délégation de l’Etat partie


M. RITA AKPAN, Ministre fédéral de la condition de la femme et de la jeunesse, a expliqué que ces derniers rapports présentés aujourd’hui mettent l’accent sur la complexité du Nigéria qui explique des niveaux de développement inégaux selon les régions.


Elle a fait part des derniers progrès réalisés en expliquant que la Convention est actuellement examinée par l’Assemblée nationale en vue de l’adoption d’une législation appropriée.  La hausse des cas de traite de femmes et de filles a mené en 2003 à l’adoption de textes législatifs dont une loi sur les droits des enfants.  Il existe également une loi nationale sur la violence à l’égard des femmes.  De plus, grâce au travail du Ministère de la condition féminine et de la société civile, les attitudes négatives résultant de l’adoption et de l’application du système pénal conforme à la charia s’érodent.


La Ministre a également expliqué que de nombreux obstacles de nature culturelle, socioéconomique, religieuse et juridique font obstacle à la promotion des droits des Nigérianes.  Cependant, la Politique nationale en faveur des femmes adoptée en juillet 2000 est une manifestation de notre détermination à intégrer les questions sexospécifiques dans les activités de développement du pays, a-t-elle ajouté.  La situation des petites filles fait l’objet d’une attention supplémentaire dans la mesure où elles souffrent de multiples discriminations profondément ancrées dans la société nigériane.  Il s’agit de promouvoir l’éducation universelle et de lutter contre les facteurs culturels qui font obstacle à la scolarisation des fillettes.  Le Gouvernement offre des incitations comme des repas, manuels scolaires et uniformes gratuits.  Des centres « drop-in Center » ont été ouverts pour assurer la continuité de l’éducation des fillettes et, d’une manière générale, des enfants dans le besoin tels ceux vivant dans les rues et ceux ayant été victimes de sévices.


La Ministre a également expliqué que les programmes et plans nationaux de lutte contre la pauvreté accordent une place centrale aux femmes et reposent sur des mesures temporaires spéciales.  Des tentatives ont également été faites pour promouvoir la participation des femmes en politique et dans la vie publique.


Dans le domaine de la santé, le Gouvernement a pour objectif de réduire de 30% d’ici à 2010 la malnutrition des enfants, des femmes et des personnes âgées et de diminuer de 50% les déficiences en fer.  Des centres spécialisés dans le traitement des fistules ont été établis dans les six régions où elles sont prévalentes.  Les lois ont également été adoptées pour lutter contre les mariages précoces, les mutilations génitales et les pratiques à l’encontre des veuves. 


Pour permettre aux femmes d’améliorer leur situation socioéconomique, il existe des programmes de microcrédit dans 22 états du pays ainsi que des projets pilotes agricoles.  Des objectifs pour le développement économique des femmes ont été établis dans le cadre de la Politique économique nationale.


Dialogue avec les experts


La Présidente du Comité et experte de la Turquie, Mme AYSE FERIDE ACAR, a rappelé que le Nigéria a ratifié cette Convention sans réserve.  Elle a félicité le Gouvernement pour l’adoption d’une loi nationale pour lutter contre la violence que subissent les femmes et pour sa volonté affichée d’annuler toutes les dispositions pénales contraires à la Convention. 


Mme DUBRAVKA ŠIMONOVIC, experte de la Croatie, a fait part de son inquiétude au sujet de certaines dispositions de la Constitution portant sur la citoyenneté et le droit de vote, qui semblent contraires à la Convention.  Mme HUGUETTE BOKPE GNACADJA, experte du Bénin, a demandé comment le Gouvernement nigérian envisageait d’harmoniser sa législation avec la Convention compte tenu de sa triple assise, à la fois coutumière, religieuse et législative de son système juridique?  L’experte de la République de Corée, Mme HEISOO SHIN, s’est inquiétée de la lenteur du processus d’application de la Convention, notamment en ce qui concerne les modifications des attitudes patriarcales?  Quel est le calendrier prévu pour abroger ou amender les lois discriminatoires?  Quelles mesures sont prévues pour protéger les femmes contre les sévices, viols et violences en attendant l’adoption d’une loi? 


De son côté, l’experte égyptienne, Mme NAELA GABR, a souhaité avoir des précisions sur les moyens envisagés par le Nigéria pour intégrer les dispositions de la Convention dans son droit national.  S’inquiétant du poids des traditions, elle a demandé ce que le Gouvernement projetait d’entreprendre pour lutter contre les conséquences néfastes de ces traditions sur l’émancipation de la femme.  Elle a dit être préoccupée par une application, selon elle bizarre, de la Charia dans certaines régions du pays.  L’expert suédois, M. GÖRAN MELANDER a demandé s’il était envisageable que les organismes des Nations Unies soient plus actifs au Nigéria dans le but d’aider le Gouvernement du Nigéria à aller plus vite en matière de promotion de la parité entre les sexes.


Répondant à cette première série de questions, la Ministre du Nigéria, a redit la volonté de son Gouvernement d’intégrer les principes de la Convention dans la législation nationale.  S’agissant des lenteurs du processus d’intégration en cours, elle a expliqué qu’il était dû au fait que le Nigéria est sorti d’un régime dictatorial il y a seulement quatre ans.  Un membre de la délégation de l’Etat partie a expliqué que l’ancien régime militaire avait empêché toute évolution en matière de promotion de la femme.  Dans notre cadre fédéral, a-t-il ajouté, nous connaissons deux niveaux de consultation, puisque le Gouvernement doit consulter les Etats et leurs organes législatifs, sur toute initiative touchant à la législation, ce qui rend le processus un peu plus long.  Quant à la question de l’acquisition de la citoyenneté, un autre expert de la délégation de l’Etat partie a reconnu que les dispositions de la Constitution étaient en effet discriminatoires.  Il a précisé qu’un processus d’amendement de ces dispositions était en cours.  Un autre membre de la délégation a souligné les efforts du Gouvernement pour que les deux conjoints aient les mêmes droits en cas de divorce.  S’agissant de la triple source du droit du Nigéria, il a été expliqué qu’il est difficile d’imposer un calendrier d’abrogation des lois discriminatoires, et qu’il fallait se limiter à exercer des pressions sur le système.  Il a également été souligné que différents régimes juridiques pouvaient s’appliquer au mariage.   


Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, a souhaité savoir s’il existait des actions en cours pour éliminer les stéréotypes.  Existe-t-il des directives à l’attention du secteur de l’enseignement?  Travaillez-vous également avec les médias dans cette optique?  De nombreuses lois doivent être adoptées et un travail de sensibilisation sérieux doit être mené.  Le fait que des mesures législatives ont été adoptées dans un tiers des Etats uniquement montre qu’il existe de fortes résistances au changement.  Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, a demandé davantage d’information sur le droit coutumier.  Est-ce que l’éducation et la santé sont-elles financées à partir du budget fédéral ou du budget des Etats?


Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, a demandé quel était le calendrier défini par le Comité conjoint chargé d’identifier les lacunes et les dispositions discriminatoires dans l’arsenal législatif.  Revenant sur la présentation orale faite par la Ministre, elle s’est inquiétée du fait que le fonctionnement du système juridique repose sur trois assises: civil, coutumier et religieux et a demandé quelles étaient les mesures prises pour surmonter ces obstacles.  M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, a expliqué qu’en 1999 le Nigéria était le premier signataire au Protocole facultatif qu’il n’a toujours pas été ratifié.  A quelle date le sera-t-il, a demandé l’expert?


Mme FRANCOISE GASPARD, experte de la France, a demandé si ce rapport avait été soumis au Parlement et si ce n’était pas le cas, est-ce que la Ministre entendait associer les parlementaires à la rédaction du prochain rapport?  L’abrogation des lois discriminatoires au Nigéria est le travail des parlementaires qui ne semblent pourtant pas sensibilisés au texte de la Convention.  La démocratie et le développement sont liés à la condition juridique et réelle des femmes, a insisté l’experte.  Elle a suggéré au Gouvernement de se mobiliser contre la violence à l’égard des femmes, mentionnant les violences spécifiques dont sont victimes les femmes en raison de leurs orientations sexuelles.  Que fait le Gouvernement pour lutter contre ce type de violence?  Mme KRISZTINA MORVAI, experte de la Hongrie, s’est dite choquée qu’en ce qui concerne les bénéficiaires du programme de réduction de la pauvreté, 85% soient des hommes.  Elle a demandé ce que le Gouvernement entendait faire quant à la loi actuellement en vigueur qui permet aux hommes de discipliner leurs femmes.  D’autre part, elle a voulu savoir s’il existe au Nigéria des programmes de réinsertion des prostituées.  Ces dernières sont-elles pénalisées?


Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, a demandé quels étaient les mécanismes institutionnels en place pour garantir l’uniformité de la protection des droits de l’homme dans l’ensemble du pays.  Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon, a expliqué que les questions de parité entre les sexes ne sont pas inscrites sur la liste de questions présentées au Parlement.  Le projet de loi sur la violence contre les femmes a été présenté au Parlement mais qu’en est-il de son adoption?  Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a demandé des éclaircissements sur les processus de modification des lois.  Y a-t-il des objectifs à atteindre et des délais fixés en ce qui concerne l’élimination des lois et pratiques discriminatoires?  L’interdiction des mutilations génitales sera-t-elle étendue à l’ensemble du pays?  Quelles sont les mesures concrètes prises pour sensibiliser les juges à la Convention?


Répondant à cette deuxième série de questions, un membre de la délégation du Nigéria a indiqué que les tribunaux avaient la liberté de prendre en considération les éléments de la Convention bien que cette dernière n’ait pas encore été intégrée à la législation nationale.  En cas de contradiction entre les lois nationales et la Convention, ce sont les principes de la Convention qui l’emportent.  Il a expliqué qu’une fois que le Protocole facultatif sera ratifié, il suivra le même processus d’intégration que la Convention.  Un autre membre a précisé que le programme pour les femmes en politique élaboré par un groupe d’ONG de femmes à l’occasion des dernières élections présidentielles n’est pas un programme ponctuel, mais qu’il continuera de s’appliquer lors des élections de 2007.  Financé et soutenu par le Gouvernement, ce programme vise le renforcement du rôle des femmes dans la vie politique. 


En ce qui concerne la politique gouvernementale en direction des femmes, un autre membre de la délégation de l’Etat partie a présenté la répartition sectorielle des activités et responsabilités.  Le Ministère de la condition de la femme est en train d’identifier les lacunes en vue de les corriger.  Les cadres sectoriels seront mieux définis et des objectifs fixés.  Pour ce qui est du Centre pour la promotion de la femme, il répertorie les lois discriminatoires et les transmet au Ministère de la justice qui donne des avis en vue d’amendements.


Pour ce qui est de l’avancement du projet de loi contre la discrimination dont sont victimes les femmes, il a été précisé qu’il est le fruit de la contribution de 55 ONG nigérianes et d’une participation active du Ministère de la condition de la femme.  Ce projet propose une ordonnance de protection pour les femmes victimes d’acres de violence et fixe l’âge minimum de mariage à 18 ans.  En attendant l’abrogation des lois discriminatoires et la promulgation d’une loi contre la discrimination, des mesures provisoires sont prises pour protéger les femmes.  Dans le même domaine, il a été indiqué que l’Assemblée nationale vient de créer un Comité qui travaille sur l’amendement de la Constitution. 


Un autre membre de la délégation du Nigéria a reconnu que les épouses étaient souvent des esclaves en droit coutumier.  Face aux différentes situations coutumières existant dans les différentes parties du Nigéria, le Gouvernement examine les moyens d’unifier le droit ayant une assise coutumière.  A titre d’illustration de la variété du droit coutumier, il a été précisé que le non-respect par l’épouse de son beau-frère peut être un motif de divorce dans certaines parties du Nigéria, alors que dans le sud-ouest, la femme ne peut rien hériter de son père.  Un autre représentant de l’Etat partie a souligné la contribution d’un Institut national chargé de l’aide juridique aux indigents en accordant la préférence aux femmes ayant subi des violences ou des peines de prison.  Cette institution intervient pour permettre à toute mère emprisonnée d’être libérée sous caution.


Mme DORCAS AMA FERMA COOKER-APPIAH, experte du Ghana, a estimé urgent de mener des travaux de recherche sur les facteurs qui inhibent la participation des femmes à la vie publique et à la vie politique avant même de prendre des mesures pour corriger ces déséquilibres.  Comment arriverez-vous à la proportion de 30% de femmes en politique?  Quel est le pourcentage aujourd’hui de femmes en politique?  Mme CHRISTINE KAPALATA, experte de la République-Unie de Tanzanie, a estimé que la présence de la Ministre et de sa délégation importante est un signe de respect pour le Comité.  On constate que le Gouvernement est attaché à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.  Elle s’est dite étonnée par le fait que les épouses des diplomates n’ont pas le droit de travailler à l’étranger.  Elle a demandé si le Gouvernement entendait abroger cette disposition.  Existe-t-il un système de quotas au sein du Ministère des affaires étrangères?  Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, a rappelé que le Nigéria est l’Etat le plus peuplé d’Afrique.  Il s’agit d’un véritable continent au sein du continent avec 36 Etats.  Vous avez fort à faire et vous avez déjà fait beaucoup, a estimé l’experte qui a remarqué que l’évolution est plus lente dans les états fédérés que dans les Etats centralisés.  Si les tribunaux sont source de droit, la solution à l’élimination des discriminations passe par la nomination de femmes dans le système judiciaire du pays.  Mme GASPARD a demandé quelle était la proportion actuelle de femmes à l’Assemblée nationale et au Sénat.


Répondant à ces questions et commentaires, la Ministrede la condition de la femme et de la jeunesse a expliqué que le droit international relève de l’Assemblée nationale uniquement.  Nous disposons d’un grand nombre de femme dans la branche judiciaire au niveau fédéral.  C’est au niveau des Etats que les femmes sont absentes.  Un membre de la délégation a expliqué que le Gouvernement fédéral souhaite parvenir à la parité au sein du Ministère des affaires étrangères.  En 2001, sur 72 fonctionnaires recrutés, 20 étaient des femmes ce qui constitue une amélioration progressive.  Il a également été expliqué que les conjoints, homme ou femme de diplomates, ne peuvent pas travailler à l’étranger car ils reçoivent déjà un subside du Gouvernement.  Le travail à l’étranger dépend également de la législation du pays d’accueil.  Il a également été expliqué que 22% des sièges du Parlement sont occupés par des femmes.  Lors des élections de 2003, plusieurs stratégies avaient été mises en place pour traiter de la sous-représentation des femmes en politique.  Le seuil de 30% de femmes dans les partis n’est pas une mesure contraignante. 


La Ministre a insisté sur le fait que le Gouvernement envisageait très positivement la participation égale des femmes à la vie politique et publique du pays et au marché de l’emploi.  Elle a estimé qu’il fallait mettre au point des stratégies pour attirer les femmes dans l’arène politique.  Même si nous n’avons pas atteint l’objectif de 30%, nous disposons de femmes ayant un excellent niveau, notamment au Ministère des finances qui est dirigé par deux femmes.  Nous avons la volonté politique et nous parviendrons à l’égalité un jour, et pourquoi pas bientôt.


M. FLINTERMAN a relevé un manque d’engagement à l’égard de l’éducation des filles.  Le Gouvernement fait-il campagne pour éclairer le public sur le droit des filles à l’éducation?  Mme ROSARIO MANALO, experte des Philippines, a demandé quelles étaient les mesures prises pour abolir les pratiques culturelles qui sont discriminatoire envers les filles dans l’éducation.  Disposez-vous de programmes pour les adolescentes enceintes?  Comment entendez-vous rétablir l’équilibre entre le nombre de professeurs femmes et le nombre de professeurs hommes?


Mme SCHOPP-SCHILLING a souhaité que dans son prochain rapport, l’Etat partie fournisse des données statistiques sur les femmes rurales et l’éducation.  Mme FERRER GOMEZ a demandé pourquoi le rapport indiquait qu’il est impossible d’accroître l’éducation des filles.  La perception selon laquelle l’éducation n’est pas utile est-elle partagée par les filles ou les garçons?  Mme KAPALATA a voulu savoir si le Gouvernement disposait de programme de sensibilisation dans le but d’éliminer les mariages précoces.  Elle a demandé des informations sur les stratégies mises en place pour prévenir la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant.


Mme KHAN s’est enquise des caractéristiques de la politique démographique au Nigéria compte tenu de la tendance à la hausse des taux de mortalité maternelle et infantile. Elle a demandé si l’avortement était utilisé comme une technique de planification familiale.  Est-ce que le pays dispose d’unités de planning familial offrant gratuitement leurs services?  Mme GABR a souligné l’importance de la santé, en particulier pour les femmes africaines qui connaissent des problèmes de santé dès le jeune âge, notamment avec les mariages précoce.  Ce sont des questions qui pourraient être traitées en collaboration avec la société civile, active au Nigéria et avec lesquelles le Gouvernement est disposé à entamer un dialogue.  L’assurance médicale n’est pas disponible, a-t-elle relevé.  Elle a demandé si le pays bénéficiait de médicaments génériques comme certains pays en développement.


Mme PATTEN a souhaité qu’on lui fournisse des précisions sur l’assurance-maladie au Nigéria.  Quelles mesures sont prises pour protéger les femmes enceintes travaillant dans le secteur public ou privé?  Est-ce que les femmes ont fait objet de discrimination en raison de leur grossesse?  Depuis le passage du pays à la démocratie, quelle est la tendance en matière d’allocation de ressources au secteur de la santé?  Mme MORVAI a demandé si le droit coutumier permettait le mariage des enfants.  Elle a relevé que l’absence d’obstacles pour ce qui est de l’accession des filles à l’école n’était pas suffisante.  Elle a encouragé la délégation à adopter des mesures spéciales.  Elle a insisté également sur l’importance d’informer les filles et les garçons sur la réalité et les dangers de la prostitution.  Elle a également engagé le Gouvernement à ne pas avoir recours à l’expression « travailleurs du sexe ».


Mme SIMONOVIC s’est dite alarmée par le fait qu’une femme meure toutes les trois minutes des suites d’un accouchement.  Elle a félicité le Gouvernement pour les mesures qu’il entend imposer pour interdire les mutilations génitales.  Elle a demandé quel était le taux de prévalence de cette pratique.  Mme SJAMSIAH ACHMAD, experte de l’Indonésie, s’est dite choquée par le fait que le Gouvernement n’a pas été en mesure de fournir des données ventilées par sexe sur les taux de scolarisation.  Elle a relevé que sans un système de contrôle et de suivi, peu de progrès pourront être réalisés.


Répondant à cette nouvelle série de questions, un membre de la délégation du Nigéria -tout en reconnaissant les difficultés et certaines insuffisances constitutionnelles qui font obstacle à l’éducation des filles- a indiqué qu’une loi entrée en vigueur, il y a quelques mois, mentionnait le droit à l’éducation de base universelle et gratuite pour toutes les filles du Nigéria.  D’autres lois interdisent les fiançailles ou le mariage des enfants.  La Ministre fédérale de la condition de la femme et de la jeunesse a ajouté que le Gouvernement avait consacré cette année 1,3 milliard de naira (NGN) au budget de la santé. 


S’agissant des droits des femmes enceintes, un représentant de l’Etat partie a indiqué qu’elles sont protégées et ne peuvent être licenciées.  Un autre membre de la délégation a apporté des précisions sur les initiatives du Nigéria en matière de lutte contre le VIH/sida.  Des médicaments sont fournis gratuitement par le Gouvernement à des séropositifs.  Mais comme il n’y a pas assez de médicaments gratuits pour tous, il y a une liste d’attente et la durée d’attente peut varier de six mois à deux ans. 


Un autre membre de la délégation de l’Etat partie a assuré que l’avortement n’est pas utilisé comme méthode de planification familiale au Nigéria.  En droit nigérian, l’avortement est seulement légal dans les 12 premières semaines de la grossesse, au-delà, seulement si la vie de la mère ou de l’enfant est en danger.  Les avis et conseils en matière de planification familiale sont donnés gratuitement et chaque État dispose d’un Centre fédéral pour la planification familiale.  Sur la question du trafic des femmes et la prostitution, la délégation a reconnu l’absence de statistiques, aussi est-il impossible de mesurer l’impact de l’action gouvernementale. 


Mme BOKPE GNACADJA a demandé comment les juges traitaient les cas de violence à l’encontre des femmes et quelles instances étaient habilitées à dresser un certificat attestant qu’une femme a subi des sévices.  Elle a également demandé des précisions sur le processus suivi en cas de contradiction entre la loi nationale et les dispositions de la Convention.  De son côté, l’experte du Mexique, Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, s’est inquiétée des conséquences de la tolérance de certaines pratiques coutumières autorisant la polygamie et précisant que la femme est la propriété de l’homme.  A son tour, Mme GASPARD s’est dite perplexe face aux contradictions existant entre les droits législatif, religieux et coutumier.  Elle a demandé si le Nigéria prévoyait d’intégrer à la Constitution l’article 16 de la Convention, dans le souci de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes dans les rapports familiaux. 


Mme BELMIHOUB-ZERDANIa demandé si une femme pouvait choisir entre la loi civile, religieuse ou coutumière lorsqu’elle se mariait.  Elle a demandé des précisions sur le statut choisi pour le mariage de la femme musulmane et s’il existait la possibilité d’adoption d’enfants.  En ce qui concerne l’avortement, ne serait-il pas possible, a-t-elle ajouté, d’introduire dans la législation un certain nombre de dispositions permettant aux femmes de rester maîtresses de leur corps et d’imposer une législation fixant l’âge minimum du mariage à 18 ans.  Ce serait, a-t-elle estimé, le meilleur moyen de lutter contre la natalité galopante dont souffre le Nigéria et par là même contre la pauvreté.  Mme MORVAI a, quant à elle, demandé des informations sur l’état d’avancement du projet de loi visant à l’intégration de la Convention au droit national?  Elle a également demandé si le Nigéria envisageait de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et si le Gouvernement fédéral envisageait de supprimer les mesures discriminatoires des lois coutumières et religieuses notamment en ce qui concerne les châtiments corporels.  Mme SIMONOVIC, a relevé qu’une femme acquiert le statut d’adulte une fois mariée. 


Répondant aux questions et commentaires, un membre de la délégation a expliqué qu’il existe bien un projet de loi en vue de l’intégration de la Convention au droit national.  Le statut d’une femme mariée est régi par le régime matrimonial qu’elle a choisi, qu’il s’agisse d’un mariage civil, musulman ou coutumier.  Elle a expliqué que le Gouvernement tentait de rectifier les incohérences entre le droit coutumier et le droit international.  Dans le mariage musulman, la notion de propriété conjointe n’existe pas.  En droit nigérian, la polygamie est considérée comme relevant du droit personnel.  Cependant, nous ne contestons pas le fait que la femme subit les circonstances de la polygamie et aucune mesure constructive n’a été prise pour y remédier.  Le régime matrimonial régit les relations entre conjoints qu’il s’agisse d’un mariage coutumier ou musulman.


Un autre membre de la délégation a expliqué que la loi sur les droits de l’enfant de 2003 a établi l’âge minimal du mariage à 18 ans.  Cette loi n’est pas en contradiction avec la Constitution du Nigéria.  Il existe un débat sur la question de savoir sur cette loi est contraignante au niveau des Etats.  Pour éliminer la discrimination dans les relations familiales, un  autre membre de la délégation de l’Etat partie a expliqué que certaines dispositions du régime juridique de la charia offre aux femmes la possibilité de demander le divorce.


Mme SCHOPP-SCHILLING, a demandé comment le Gouvernement entendait harmoniser l’arsenal juridique du pays.  L’experte du Bénin, Mme GNACADJA, a regretté n’avoir pas reçu une seule réponse à ses questions.  Mme COKER-APPIAH, a suggéré d’ouvrir le débat sur la codification des droits des femmes aux ONG.  Elle a également souligné la nécessité d’allouer des ressources suffisantes aux politiques en faveur des femmes.  Mme MANALO a également regretté ne pas avoir eu de réponse à sa question sur le faible nombre d’enseignants dans le primaire et sur le ratio enseignants/enseignantes.


Un membre de la délégation de l’Etat partie a indiqué qu’il n’existait pas de loi autorisant expressément le mariage avant 18 ans, même si des pratiques familiales consacrent des mariages dès l’âge de neuf ans.


En ce qui concerne l’application de la Loi sur les droits de l’enfant, la Ministre fédérale de la condition de la femme et de la jeunesse a fait état de l’espoir de son pays d’obtenir des financements internationaux pour appuyer l’action en matière de parité des sexes.  


Clôturant la séance, la Présidente du Comité s’est dite impressionnée par la compétence des membres de la délégation de l’Etat partie.  Tout en se félicitant de la richesse de l’héritage culturel et la diversité ethnique et religieuse du Nigéria, elle a insisté sur le fait qu’aucun aspect de cette diversité ne peut être avancé pour justifier la non-reconnaissance des droits fondamentaux des femmes.  Les croyances religieuses, a-t-elle ajouté, ne peuvent justifier des violations du droit international.  Elle a regretté la lenteur de la mise en œuvre de la Convention en insistant sur la nécessité d’un calendrier pour l’abrogation des lois discriminatoires.  Elle a suggéré le lancement d’un programme de formation des membres du système judiciaire, notamment les avocats et les juges, pour que se développe une culture judiciaire de non-discrimination des femmes.  Elle a également souligné la nécessité de disposer de statistiques permettant de mesurer les évolutions de la situation des femmes dans le secteur de l’éducation, de la santé et du milieu rural.  Elle a exhorté le Nigéria à ratifier le Protocole facultatif en formant le vœu que l’examen du prochain rapport périodique soit l’occasion de constater une évolution significative de la situation de la femme au Nigéria. 


      La Ministre fédéral de la condition de la femme et de la jeunesse du Nigéria s’est dite consciente qu’il fallait faire plus pour assurer l’égalité des femmes.  Fortes de l’expérience de ce débat avec le Comité, a-t-elle insisté, avec la volonté du Gouvernement et le soutien de la société civile, nous allons rentrer au Nigéria animés de la volonté de libérer nos femmes.  Elle a assuré que la prochaine présentation de rapport sera l’occasion pour le Nigéria de démontrer les grands progrès réalisés en matière de parité des sexes. 


Liste de la délégation nigériane


Mme Rita Akpan, Ministre de la condition de la femme et de la jeunesse; M. Ndekhedehe, Chargé d’affaires, Mme Binta Hassan, Directrice; MM. Wigwe, Idoko, Sonaike, Mission permanente du Nigéria auprès des Nations Unies; M. Muhammed Tawfiq Ladan, Conseiller de la délégation; Mme Yakubu, Directrice adjointe, Ministère de la condition de la femme; Mme Aiyedun, Ministre Conseiller, Ministère des affaires étrangères; Mme Ngozi Jipreze, Conseillère juridique, Ministère de la condition de la femme; Mmes Carol Arinze-Umobi, Sharon Omowunmi Oladiji, Rebecca Sako John, Saudatu Mahdi Shehu, Nkoyo Toyo, Conseillères de la délégation, Société civile; Saka Azimazi, Commission nationale des droits de l’homme; Mme Funke Oladipo, M. Anietie Offong, Mme Ifeoma Anyanwu, Ministère de la condition de la femme.


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