QUE LA PROFONDE TRISTESSE QU’INSPIRE LE RWANDA SE TRADUISE PAR DES ACTES POUR EMPECHER QU’UNE TELLE DESCENTE DANS L’HORREUR NE SE REPRODUISE JAMAIS, DECLARE LA VICE-SECRETAIRE GENERALE
Communiqué de presse DSG/SM/217 GA/10233 |
Que la profonde tristesse qu’inspire le Rwanda se traduise par des actes pour empecher qu’une
telle descente dans l’horreur ne se reproduiSe jamais, declare la Vice-Secretaire generale
On trouvera ci-après le texte de l’allocution que la Vice-Secrétaire générale, Louise Fréchette, a prononcée devant l’Assemblée générale, le 7 avril à New York, lors de la séance commémorant le génocide de 1994 au Rwanda, à laquelle participait le Président du Conseil de sécurité:
Il y a 10 ans, la communauté internationale a manqué à ses devoirs envers le Rwanda. Aucun d’entre nous – ni le Conseil de sécurité, ni le Secrétariat de l’ONU, ni les États Membres en général, ni les médias internationaux – n’ont prêté suffisamment attention aux signes annonciateurs de la catastrophe. Et lorsque le génocide a commencé, aucun d’entre nous n’en a fait assez pour y mettre fin, même lorsque les images du massacre ont été diffusées par les chaînes de télévision du monde entier.
Notre tristesse est sincère et profonde mais elle n’est d’aucune utilité aux 800 000 hommes, femmes et enfants que nous avons laissé périr dans les plus atroces conditions. Elle aura bien peu de sens pour les générations à venir à moins qu’elle ne débouche sur autre chose : une action concrète et concertée de la communauté internationale tout entière pour empêcher qu’une telle descente dans l’horreur se reproduise jamais.
Le Secrétaire général regrette de n’être pas parmi nous aujourd’hui. Mais sa décision de s’adresser en ce jour à la Commission des droits de l’homme me semble la plus judicieuse.
Le génocide constitue, après tout, la violation suprême des droits de l’homme, celle qui le plus souvent est l’aboutissement de nombreuses violations moins graves. Notre mécanisme de défense des droits de l’homme a donc un rôle vital à jouer en donnant l’alarme en cas de risque de génocide et toute action préventive en la matière doit reposer sur la volonté ferme de défendre les droits fondamentaux et la dignité propres à chaque être humain.
Dans sa déclaration à la Commission, le Secrétaire général a présenté un plan d’action englobant toutes sortes d’activités que les organismes des Nations Unies doivent réaliser dans le domaine de la prévention du génocide.
Permettez-moi de vous présenter ces activités.
Il s’agit tout d’abord de prévenir les conflits armés, notamment internes, qui ne sauraient en aucun cas expliquer, voire justifier le génocide mais qui créent les conditions et fournissent le prétexte nécessaire pour passer à l’acte. Prévenir la guerre est en effet le premier objectif de l’ONU, et doit être le but déclaré de notre action en faveur du développement ainsi que de notre activité politique et diplomatique.
Deuxièmement, il faut assurer la protection des civils, en particulier des minorités qui sont trop souvent les premières victimes du génocide. Cette tâche incombe à nos spécialistes des questions humanitaires et juridiques mais aussi de plus en plus au personnel de maintien de la paix qui, dans de nombreux cas, n’est plus seulement autorisé à recourir à la force dans l’exercice de son droit de légitime défense mais aussi dans celui de son mandat qui prévoit souvent expressément la protection des populations civiles exposées à un risque imminent de violence. Il faut lui donner les moyens de remplir sa mission.
Troisièmement, il faut mettre fin à l’impunité, en soutenant la création et le fonctionnement d’appareils judiciaires solides, au niveau national comme au niveau international. Des progrès spectaculaires ont été accomplis, ces 10 dernières années, dans le domaine du droit pénal international avec les verdicts sans précédent des deux tribunaux de l’ONU – celui du Rwanda et celui de l’ex-Yougoslavie – et la création d’un tribunal spécial pour la Sierra Leone et de la Cour pénale internationale. Mais tout aussi important est le travail de nos soldats de la paix et agents de développement qui aident différents pays à renforcer leurs institutions de police judiciaire. Tous ces efforts doivent être élargis et intensifiés.
Quatrièmement, il nous faut être à l’affût des signes avant-coureurs d’un génocide ou d’autres catastrophes similaires qui menacent. Il s’agit d’une activité dans laquelle le système des Nations Unies de défense des droits de l’homme ainsi que nos fonds et programmes humanitaires se sont déjà résolument engagés, en partenariat avec les organisations de la société civile. Cela dit, encore aujourd’hui, notre capacité d’analyser et de traiter les informations recueillies par le système de manière à appréhender les situations complexes et à proposer des mesures appropriées présente des lacunes évidentes.
Certaines de ces lacunes devraient d’ores et déjà être comblées grâce à la création du poste de conseiller spécial sur la prévention du génocide que vient d’annoncer le Secrétaire général.
Le mandat du Conseiller spécial ne portera pas seulement sur le génocide mais aussi sur les massacres et les autres violations massives des droits de l’homme, telles que le nettoyage ethnique. Le ou la titulaire travaillera en étroite coopération avec le Haut Commissaire aux droits de l’homme pour recueillir des informations sur les situations où un génocide est en cours ou à craindre, et leurs incidences éventuelles sur la paix et la sécurité internationales.
Contrairement aux rapporteurs spéciaux déjà nommés, il rendra compte de ses activités à la Commission des droits de l’homme et fera également office de mécanisme d’alerte rapide pour le Conseil de sécurité et d’autres organes de l’ONU, y compris l’Assemblée générale. Il leur fera rapport par l’intermédiaire du Secrétaire général, et devra faire des recommandations au Conseil de sécurité sur les mesures à prendre pour éviter le génocide.
Je me félicite, à cet égard, Monsieur le Président, que le Président du Conseil de sécurité se trouve parmi nous aujourd’hui, car l’action ou l’inaction du Conseil sera en fin de compte déterminante. Nos systèmes d’alerte rapide, quels qu’efficaces qu’ils soient, ne seront d’aucune utilité réelle si les États Membres ne font pas preuve de la volonté politique d’agir lorsque le signal d’alarme a été donné.
Ainsi, à l’heure actuelle, nous avons largement été avertis que quelque chose d’horrible était en train de se passer dans la région du Darfour au Soudan. Comme le Secrétaire général l’a déclaré plus tôt aujourd’hui, il est indispensable que le personnel international affecté à l’aide humanitaire et les spécialistes des droits de l’homme aient pleinement accès à la région, et aux victimes, sans plus tarder. Si cet accès leur est refusé, la communauté internationale devra être prête à prendre rapidement les mesures voulues.
Nous ne pouvons ni revenir en arrière ni effacer les crimes commis au Rwanda. Nous ne pouvons faire oublier l’échec. Le monde peut toutefois faire réellement quelque chose pour prévenir le génocide.
Le Secrétaire général a déclaré aujourd’hui que s’il est une chose qu’il voudrait léguer à ses successeurs, c’est une organisation mieux armée pour prévenir le génocide et plus capable d’agir énergiquement pour y mettre fin lorsque la prévention a échoué.
J’ai la conviction que nous nous devons tous de l’aider à atteindre son objectif et je nourris l’espoir que vous lui apporterez votre soutien. Ce serait là la meilleure façon d’honorer la mémoire des victimes d’hier et de sauver les victimes potentielles de demain.
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