DSG/SM/216

LA VICE-SECRETAIRE GENERALE INVITE L’UNION EUROPEENNE A APPUYER DAVANTAGE LES OBJECTIFS DU MILLENAIRE POUR LE DEVELOPPEMENT ET LES ACTIVITES DE MAINTIEN DE LA PAIX DE L’ONU

02/04/2004
Communiqué de presse
DSG/SM/216


La Vice-Secretaire generale invite l’Union europeenne a appuyer davantage les objectifs du Millenaire pour le developpement et les activites de maintien de la paix de l’ONU


    On trouvera ci-après le texte du discours que la Vice-Secrétaire générale, Louise Fréchette, a prononcé devant la Commission des affaires étrangères, des droits de l’homme, de la sécurité commune et de la politique de défense du Parlement européen, le 29 mars à Strasbourg:


    C’est un plaisir et un honneur de pouvoir m’adresser à vous aujourd’hui. Le Parlement européen est une institution unique en son genre. Elle donne une légitimité démocratique à cette entreprise qu’est l’intégration européenne, l’un des projets de coopération les plus marquants de l’histoire moderne.


    L’Union européenne et l’Organisation des Nations Unies sont des partenaires tout trouvés. Elles ont été fondées sur les mêmes valeurs universelles : la paix, la liberté, le progrès social, les droits de l’homme et la dignité. Elles collaborent de façon toujours plus novatrice et fructueuse. Je vous suis reconnaissante, ainsi qu’au Parlement européen tout entier, de vos efforts pour concrétiser ces valeurs par des actes.


    Au cours de l’année écoulée, nous avons amélioré nos structures et mécanismes communs en matière d’aide humanitaire et nous avons innové dans la coopération à la prévention des conflits et à la gestion des crises.


    C’est pourquoi je suis heureuse de pouvoir vous parler aujourd’hui de quelques grands défis que doit relever l’ONU, défis qui rendent absolument indispensable le renforcement de la coopération entre nos deux institutions.


    C’est dans le domaine du développement international que notre relation dynamique est plus importante que jamais.


    Vous n’êtes pas sans savoir que la communauté internationale échafaude actuellement un nouveau plan de lutte cohérent et tout à fait réaliste contre la pauvreté dans le monde, axé sur les objectifs du Millénaire pour le développement.


    Ces objectifs consistent notamment à réduire de moitié l’extrême pauvreté, à maîtriser les grandes maladies et à assurer l’éducation primaire pour tous d’ici à 2015. Il s’agit là d’un ensemble d’objectifs simples mais forts que n’importe quel homme ou femme de la rue – de Strasbourg à Santiago en passant par Souleimaniyeh – peut facilement comprendre et appuyer.

    Cependant, si des résultats ont été atteints, les progrès accomplis jusqu’à présent concernant les objectifs du Millénaire pour le développement ont été pour le moins inégaux. La reprise de l’économie mondiale ne profitera pas à tous. Des stratégies de développement bien pensées et une bonne gouvernance démocratique sont essentielles. Il est tout aussi nécessaire d’établir un véritable partenariat entre les pays développés et les pays en développement.


    En outre, un cycle de négociations commerciales favorables au développement assorti d’une suppression des subventions agricoles et d’un meilleur accès des pays pauvres aux marchés des pays développés, apporterait une impulsion considérable à la poursuite des objectifs du Millénaire pour le développement.


    Pour atteindre ces objectifs, il faut consacrer au moins 50 milliards de dollars supplémentaires par an sous forme d’aide, venant s’ajouter aux ressources des pays. Cela peut sembler énorme, mais c’est seulement un septième du montant que les pays riches dépensent actuellement en subventions agricoles. L’Union européenne a fait des progrès importants pour augmenter l’aide publique au développement (APD), mais il faut faire davantage. Associé à un cycle de négociations commerciales favorables au développement, il s’agirait d’un investissement économique si l’on considère les bénéfices probables sur le plan de la paix, de la sécurité et de la croissance économique équitable.


    Je me réjouis de voir les excellentes initiatives qu’entreprend l’Union européenne pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement.


    Considérons par exemple l’objectif qui consiste à réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la population qui n’a pas accès, ou qui n’a pas les moyens d’accéder, à un approvisionnement en eau de boisson potable ou à un système d’assainissement élémentaire.


    L’Initiative de l’Union européenne en faveur de l’eau est méritoire en ce qu’elle cherche à mobiliser et à rassembler les gouvernements, la société civile, le secteur privé et les scientifiques dans les activités menées pour atteindre l’objectif concernant l’eau. Cette initiative va à juste titre bien au-delà des moyens et des schémas d’assistance traditionnels, en garantissant une coordination et une coopération à tous les niveaux, y compris parmi les pays qui partagent des bassins hydrographiques et d’autres ressources hydrologiques.


    Cette initiative cadre également parfaitement avec les activités du système des Nations Unies. Nos programmes vont en effet de l’évaluation et de la gestion intégrées des ressources en eau, de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement dans les écoles à l’obtention d’un meilleur rendement des cultures dans l’agriculture, en passant par les questions d’environnement et de qualité de l’eau, ainsi que par la recherche de marqueurs isotopiques pour évaluer les eaux souterraines.


    Dans le même ordre d’idées, nous espérons renforcer la collaboration avec l’Union européenne pour atteindre l’objectif qui consiste à stopper la propagation du VIH/sida et commencer à inverser la tendance.


    Soyons clairs : l’épidémie de sida est loin d’être enrayée. Bien au contraire, elle n’en est qu’à ses débuts. Les experts admettent maintenant que le VIH/sida est la pire épidémie que l’humanité ait jamais connue. Elle s’est propagée davantage et plus rapidement que n’importe quelle autre maladie et ses conséquences à long terme sont également plus dévastatrices. Ses effets entravent le développement de façon catastrophique.


    Pourtant, les progrès accomplis sont réels. La plupart des membres de la communauté internationale commencent enfin à appréhender l’ampleur de la crise du sida. Depuis l’apparition de l’épidémie il y a 20 ans, c’est la première fois qu’il y a une telle détermination commune et un tel sens de responsabilité collective.


    Depuis sa création il y a quelques années seulement, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a accompli des progrès considérables. Fruit d’un partenariat entre les gouvernements, la société civile, le secteur privé et les communautés touchées, le Fonds mondial est le symbole d’une nouvelle stratégie de financement de la santé publique au niveau international. Cette transposition notable des ressources à une plus grande échelle permet déjà de mener des actions énergiques. Grâce au financement de programmes nouveaux et existants et à l’appui du système des Nations Unies et d’autres partenaires aux actions nationales de lutte contre le sida, des millions de vies peuvent être sauvées.


    L’un des nouveaux programmes de portée mondiale les plus importants est l’initiative « 3 millions d’ici 2005 », menée conjointement par l’Organisation mondiale de la santé et le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) pour fournir un traitement contre le VIH/sida à trois millions de personnes d’ici fin 2005. Cette initiative a été lancée car, actuellement, six millions de personnes séropositives dans les pays en développement ont besoin d’un traitement antirétroviral pour survivre. Seules 400 000 en bénéficient. Pour faire face à cette urgence sanitaire mondiale, il faut une action concertée et soutenue menée par de nombreux partenaires, comme indiqué dans le cadre stratégique de l’initiative « 3 millions d’ici 2005 ». Je suis convaincue que l’Europe y prendra part.


    Tout en restant concentrés sur les objectifs du Millénaire pour le développement, nous devons également montrer que nous pouvons faire face à l’augmentation prévue dans les mois et les années à venir, des demandes sollicitant nos moyens de maintien de la paix.


    Actuellement, le Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU est chargé de 15 opérations dans le monde. Sept d’entre elles sont multidimensionnelles, c’est-à-dire qu’elles concernent aussi bien les questions de sécurité que les aspects politiques, les droits de l’homme, les préoccupations humanitaires, l’état de droit, le maintien de l’ordre et d’autres éléments essentiels pour aider un pays à sortir d’un conflit et rétablir la paix.


    Alors que l’ONU réduit actuellement sa mission en Sierra Leone, le Libéria accueille maintenant l’opération de maintien de la paix la plus importante, forte d’un contingent qui devrait bientôt compter près de 15 000 militaires.


    Le nombre total de personnes – militaires et civils – participant à des opérations de l’ONU dans le monde s’élève à près de 60 000.


    Le maintien de ces effectifs représente certainement un défi à lui seul. Mais nous nous préparons également maintenant à un éventail de nouvelles opérations – au Burundi, en Haïti, en Iraq et au Soudan. En outre, nous allons donner une plus grande échelle à notre mission en Côte d’Ivoire. Et si tout se passe bien dans les négociations en cours concernant Chypre, nous devrions avoir des fonctions nouvelles et élargies pour appuyer l’application d’un accord de paix sur l’île.


    Tout ceci signifie que d’ici le milieu de cette année, le nombre total de personnes – militaires et civils – participant à des opérations de l’ONU pourrait atteindre 80 000.


    Les problèmes qui en résultent ne s’évaluent pas uniquement d’un point de vue quantitatif. Ainsi, lorsque l’on considère les opérations de l’ONU en Afghanistan, en Iraq ou au Kosovo, la complexité des tâches qui leur sont attribuées et la précarité de la situation politique dans laquelle elles sont déployées donnent à penser que ces trois opérations nécessiteront à elles seules une attention de tous les instants tout au long de l’année.


    Même si des progrès considérables ont été accomplis en Afghanistan au cours des deux dernières années, notamment l’adoption d’une nouvelle constitution, il reste à résoudre certains problèmes de la plus haute importance, principalement celui de la sécurité. Si la sécurité n’est pas assurée, il ne sera pas possible d’organiser les élections qui, nous l’espérons, devraient avoir lieu cette année.


    En Iraq, l’étendue du rôle de l’ONU reste à préciser. Mais quels que soient les souhaits des Iraquiens ou le mandat décidé par le Conseil de sécurité, nous pouvons prévoir que la mission sera complexe et dangereuse.


    Au Kosovo, les récents événements tragiques ont montré que nous sommes encore loin d’avoir réussi à bâtir une société pluriethnique dans laquelle les droits de toute la population du Kosovo sont protégés. À l’évidence, la présence de la communauté internationale demeure essentielle pour garantir la stabilité dans la région.


    Il va sans dire que l’intensification des opérations est, par certains côtés, une bonne nouvelle. Elle témoigne du fait que plusieurs conflits touchent à leur fin, ou tout du moins, deviennent contrôlables et que la communauté internationale est prête à les régler au moyen d’instruments multilatéraux.


    Mais cette intensification poussera à leur limite et au-delà les capacités de l’ONU à planifier, préparer et gérer ces opérations. Nous devons prendre des mesures pour donner la priorité à nos systèmes de gestion afin de faire face à cette intensification éventuelle des opérations. Néanmoins, l’appui et la volonté politique seront tout aussi essentiels pour maintenir le cap comme seuls le Conseil de sécurité et les États Membres de l’ONU peuvent le faire.


    Nous devrons également compter sur nos partenaires, y compris les organisations régionales et surtout l’Union européenne. Actuellement, seulement 7 % environ des effectifs militaires et de police civile déployés dans des missions de maintien de la paix de l’ONU sont originaires des pays de l’Union européenne.


    Nous espérons ardemment qu’il y en aura davantage. En tant qu’États membres de l’Union européenne, vous avez une aptitude sans égale à déployer des contingents bien équipés, entraînés et rompus à tous les exercices, qui sont la clef de la réussite de toute opération de maintien de la paix. Vos unités spécialisées et autonomes permettent d’améliorer considérablement l’efficacité tant sur le plan des communications, du contrôle aérien, du renseignement, de la logistique que sur celui de l’intervention rapide. Vous l’avez prouvé par votre participation à la Brigade d’intervention rapide des forces en attente (BIRFA) et par le déploiement de l’opération Artémis en République démocratique du Congo sous l’autorité de l’Union européenne.


    Certains signes encourageants indiquent que les États de l’Union européenne fournissent davantage de contingents. Il suffit de prendre l’exemple des contingents suédois déployés en République démocratique du Congo ou du contingent irlandais actuellement déployé au Libéria.


    Nous espérons également que l’Union européenne prendra part activement au renforcement de l’aptitude des États africains à mener des opérations de maintien de la paix sur leur propre continent, ce dont ils ont grand besoin, et nous nous réjouissons des projets de formation de la police intégrée et d’appui aux programmes d’instauration de l’état de droit, menés par l’Union européenne en République démocratique du Congo.


    Il va de soi que nous portons un grand intérêt à l’initiative du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne et de l’Italie visant à constituer jusqu’à neuf bataillons prêts à être déployés à brève échéance à l’appui d’opérations dont l’exécution serait décidée par l’ONU. Nous considérons ces moyens, qui devraient être opérationnels d’ici 2007, comme un apport considérable dans la coopération entre l’Organisation et l’Union européenne en matière de gestion des crises. Ces bataillons peuvent également jouer un rôle dans le maintien de la paix dans les zones de conflit en attendant que les programmes humanitaires et de développement – pour lesquels l’Union européenne est le principal donateur dans le monde – puissent se mettre en place.


    En tant qu’organisation régionale, l’Union européenne a montré sa capacité inégalée à participer efficacement aux opérations de l’ONU et à d’autres opérations multilatérales. Il est évident que pour satisfaire les demandes toujours plus nombreuses d’opérations de maintien de la paix, les États membres de l’Union et au demeurant tous les États Membres de l’ONU, devront considérablement renforcer leur participation.


    Nous attendons de vous aussi bien des ressources militaires que des effectifs de police civile et des experts civils, et que vous participiez en temps utile au désarmement, à la démobilisation et à la réinsertion des ex-combattants, ainsi qu’au renforcement des institutions.


    De même, nous comptons sur votre appui pour satisfaire les besoins humanitaires urgents dans le monde, en particulier ceux qui s’aggravent parce qu’ils sont oubliés, méconnus et ne bénéficient pas de ressources suffisantes.


    Dans la région du Darfour au Soudan, les combats entre groupes rebelles, milices armées et forces gouvernementales entraînent des tueries, viols et déplacements forcés atteignant une ampleur qui font de la crise humanitaire dans cette région une des pires dans le monde. La violence méthodique contre les civils laisse des centaines de milliers de personnes déplacées privées de toute aide et rend celles qui peuvent en bénéficier encore plus vulnérables aux attaques.


    Dans le nord de l’Ouganda, alors que les combats entre l’Armée de résistance du Seigneur et le Gouvernement ougandais se sont intensifiés au cours de l’année écoulée, le nombre de personnes déplacées est passé de 800 000 à 1,5 million.


    En République centrafricaine, où environ 95 % de la population dispose de moins d’un dollar par jour pour vivre, les effets conjugués de la tension politique, de la stagnation de l’économie, de l’insécurité et du dysfonctionnement des services de santé publique, ainsi que des niveaux élevés de malnutrition infantile, pourraient entraîner une grave crise humanitaire dans les mois à venir.


    Vous conviendrez avec moi que l’année passée a été difficile, marquée peut-être avant tout par la guerre en Iraq et les événements qui lui sont associés. Ces événements ont posé un certain nombre de questions plus vastes sur la nature des problèmes auxquels nous sommes confrontés et sur la capacité du système multilatéral de les résoudre. Ils ont bien montré qu’il est impératif de faire de l’ONU un instrument plus efficace face aux menaces contre la sécurité internationale au XXIe siècle.


    Cela signifie qu’il faut réévaluer nos capacités existantes et en créer de nouvelles pour faire face aux menaces et relever les défis à venir. C’est pour cette raison que le Secrétaire général a créé en novembre dernier un Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, chargé d’examiner les menaces auxquelles nous sommes confrontés, évaluer les politiques, processus et institutions actuels et faire des recommandations énergiques pour susciter le changement.


    La Charte des Nations Unies est sans ambiguïté. Les États ont le droit de se défendre eux-mêmes, et de défendre les autres, en cas d’agression armée. Mais le premier but des Nations Unies elles-mêmes, énoncé dans l’Article 1, est de « prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix ».


    Nous devons montrer que l’ONU est capable de s’acquitter de cette tâche, non pas seulement pour les membres les plus privilégiés de l’Organisation qui sont actuellement, et à juste titre, préoccupés par le terrorisme et les armes de destruction massive. L’ONU doit également protéger des millions d’hommes et de femmes de menaces plus connues que sont la pauvreté, la faim, les maladies mortelles et la guerre civile. Nous devons comprendre que ce qui menace certains nous menace tous.


    En ce qui concerne tous les problèmes que la communauté internationale a à résoudre, la voix du Parlement européen est un puissant moyen de mobiliser la volonté politique nécessaire. À l’occasion de l’élargissement de l’Union européenne en mai prochain, lorsque votre institution représentera 450 millions d’Européens, cette voix portera plus encore.


    Je veux espérer que l’ONU pourra compter sur votre appui pour tout ce qu’il reste à accomplir. Je me réjouis maintenant à la perspective de répondre à vos questions.


*   ***   *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.