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DH/364

LE COMITE DES DROITS DE L’HOMME ACHEVE L’EXAMEN DU DEUXIEME RAPPORT PERIODIQUE DU SURINAME EN ATTENDANT DES PRECISIONS SUR LA LEGISLATION NATIONALE

19/03/2004
Communiqué de presse
DH/364


Comité des droits de l’homme

Quatre-vingtième session

2174e séance – matin


LE COMITE DES DROITS DE L’HOMME ACHEVE L’EXAMEN DU DEUXIEME RAPPORT PERIODIQUE

DU SURINAME EN ATTENDANT DES PRECISIONS SUR LA LEGISLATION NATIONALE


A l’instar du dialogue tenu hier, la délégation du Suriname a éprouvé quelques difficultés à convaincre les 18 experts du Comité des droits de l’homme de son attachement à appliquer le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Devant le manque de précisions de son deuxième rapport périodique et des réponses orales de la délégation surinamaise, le Président du Comité, Abdelfattah Amor de la Tunisie a limité son mot de conclusion au rappel des directives relatives à l’établissement des rapports.  Ces directives exigent, en effet, que l’Etat partie donne toutes les informations utiles au travail du Comité, notamment les textes juridiques sur lesquels elles se fondent.  Le dialogue que le Comité tient, a-t-il rappelé, n’est pas un exercice formel mais une tentative de renforcer la compréhension mutuelle, après analyse du rapport.  Le Président du Comité a donc pris note de la promesse du Suriname, dont la délégation était conduite par le Représentant permanent auprès de l’ONU et six juristes du Ministère de la justice et de la police, de lui transmettre d’ici le 24 mars les informations complémentaires.


Aujourd’hui encore, les experts ont relevé d’importantes incompatibilités juridiques entre les lois nationales et le Pacte international.  Ils ont insisté en particulier sur les dispositions du Code pénal qui prévoient, par exemple, des détentions préventive et secrète pour une période allant jusqu’à 44 jours.  Les conditions générales de détention, la durée illimitée de l’état d’exception prévue par la Constitution, les lacunes dans le respect des droits des femmes et des autochtones et le paradoxe du système éducatif qui oppose un enseignement primaire déficient à un enseignement supérieur florissant ont été autant de questions soulevées par les experts pour illustrer le retard pris par le Suriname dans l’application du Pacte international. 


Lundi 22 mars à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport initial de l’Ouganda.


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES


Examen du deuxième rapport périodique du Suriname (CCPR/C/SUR/2003/2)


Questions supplémentaires des experts


      Revenant sur la question de la durée excessive –44 jours- de la détention préventive, M. RAFAEL RIVAS POSADA de la Colombie a demandé des précisions sur l’existence d’un projet d’amendement à la disposition pertinente du Code pénal.  Concernant la détention secrète, il a voulu connaître la définition du concept de « cas extrême » pour lequel ce type de détention est prescrit.  L’expert s’est aussi inquiété des conditions carcérales et a voulu savoir si le Suriname déploie des efforts pour les améliorer, en particulier celles des mineurs et des femmes.  Il a terminé sur une question concernant la durée maximum de l’état d’exception pendant lesquelles les droits et les garanties reconnus par la Constitution sont suspendus. 


Le massacre de Moiwana a été une nouvelle fois évoqué par M. HIPOLITO SOLARI-YRIGOYEN de l’Argentine, qui a voulu savoir l’endroit où s’effectue l’analyse de la question au plan interrégional.  Abordant la question du système éducatif, il a voulu connaître l’état d’avancement des projets concernant la création des « cellules éducatives » visant à étendre le système éducatif dans l’ensemble du territoire.  Si le pays manque d’écoles, il est difficile de comprendre comment l’éducation supérieure tend à s’épanouir, a estimé l’expert en relevant le paradoxe de l’enseignement primaire déficient couplé à un enseignement supérieur florissant.  Que disent les statistiques sur la participation des enfants amérindiens et marrons au système éducatif? a demandé à son tour M. MAURICE GLEGLE AHANAHANZO du Bénin, qui a également posé une question sur la participation des populations autochtones à la « démocratie culturelle ».  Quelle suite a été réservée à la pétition signée par les Saramaka en 2002? a encore demandé l’expert.


Dans l’histoire du Comité, le Suriname est un cas d’école qui a permis d’établir de nouvelles règles concernant l’examen des rapports puisque après une longue absence, le Comité s’est trouvé en présence d’une délégation sans rapport, a rappelé Mme CHRISTINE CHANET de la France.  Revenant à la question de la détention préventive, l’experte s’est déclarée préoccupée par le fait que toute la procédure soit laissée aux mains du Procureur.  Quel est alors le rôle du juge d’instruction prévu par la procédure pénale et quel est le sens de l’accord possible entre ce juge et le parquet? a-t-elle demandé.  Revenant aussi à la question de la détention secrète, elle a voulu savoir pourquoi ce même juge d’instruction peut en prolonger la période et quels sont les crimes auxquels cette décision s’applique? 


Partageant ces préoccupations, M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI de l’Inde a, par ailleurs, évoqué le droit du travail pour exprimer son inquiétude à l’égard des différences de traitement entre les hommes et les femmes.  Y a-t-il des restrictions en matière de planification familiale? a-t-il d’autre part demandé.  Des dispositions existent-elles pour éduquer les jeunes filles et les jeunes garçons, par exemple à la prévention du VIH/sida?  Revenant au droit du travail, M. NISUKE ANDO du Japon s’est dit préoccupé par les limites imposées au droit de grève fondées sur l’adage « pas de travail, pas de salaire ». 


Réponse de la délégation


      Expliquant le concept de la « démocratie culturelle », la délégation a indiqué qu’il s’agit d’un système de coopération qui vise à donner toute la mesure de la « tapisserie culturelle » qui caractérise le pays et à rendre la population fière de son pluriculturalisme.  Passant ensuite à la question de la législation du travail, la délégation a dit ignorer toute disparité dans les salaires entre hommes et femmes; le système étant fondé sur le principe « à formation égale, salaire égal ».  Trois ONG importantes travaillent depuis de nombreuses années avec le Gouvernement sur les questions de la planification familiale, la protection des femmes et la lutte contre le VIH/sida, a-t-elle poursuivi en attirant l’attention sur les programmes d’appui du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).  Concernant le respect des normes de l’Organisation internationale du Travail (OIT), la délégation a souligné que le Code civil respecte le droit de grève tout en restant fidèle à l’adage « pas de travail, pas de salaire ».  L’article 6 du Code de travail de 1982 a effectivement été abrogé.


Poursuivant sur la question de la détention au secret, la délégation a expliqué que cela remonte à l’époque où les démocraties étaient instables.  Elle a insisté sur le fait que ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles –crimes odieux ou danger lié à un échange avec l’extérieur- que le contact entre l’avocat et le détenu est interdit.  Toutefois, une procédure d’appel existe, a ajouté la délégation avant d’en venir aux conditions de détention.  Le centre pénitentiaire, a-t-elle expliqué, est un ensemble qui dispose de quartiers séparés pour les femmes et les jeunes gens qui ont accès à des services d’éducation et d’assistance sociale.  Répondant à une question relative à l’état d’exception, la délégation a reconnu que la Constitution prévoit une durée indéfinie.  Le système juridique du pays ne relève pas de la Common Law, a poursuivi la délégation en concluant qu’il permet au détenu de saisir un juge sur la légalité de sa détention. 


La Cour interaméricaine a été saisie de l’affaire Moiwana qui suit son cours, a déclaré la délégation.  Quant à la pétition des Saramaka, des consultations sont en cours qui se fondent sur la loi relative à l’exploitation forestière exigeant que les autochtones soient consultés avant l’octroi d’une concession à une tierce partie.  Le Gouvernement, a encore expliqué la délégation, n’a pas encore terminé le processus de démarcation des terres autochtones.  Il n’existe, au Suriname, aucune discrimination fondée sur la race, a affirmé la délégation. 


Questions supplémentaires


S’adressant de nouveau la délégation du Suriname, NIGEL RODLEY, du Royaume-Uni, a rappelé que la détention secrète, en droit international, ne signifie pas disparition mais simplement le fait que la famille ou l’avocat ne peuvent avoir accès au détenu.  Il serait donc bon de confirmer qu’il n’y a pas de détention secrète dans sa forme la plus restrictive au Suriname, a-t-il dit, avant de demander quelles étaient les conséquences du refus d’accès à un détenu par un avocat et qui empêcherait ce dernier d’interroger le détenu.  M. BHAGWATI de l’Inde a demandé de préciser les cas dans lesquels un individu avait été libéré dans le cadre de mesures provisoires, ainsi que les mesures qui ont accéléré une comparution rapide devant un magistrat.  Enfin, M. SOLARI-YRIGOYEN de l’Argentine est intervenu de nouveau pour demander une clarification à sa question précédente.


Répondant à ces questions, la délégation du Suriname a expliqué qu’elle n’était pas en mesure de fixer un délai pour fournir les réponses de son Gouvernement aux experts.  Nous avons besoin du concours d’autres départements ministériels pour répondre aux questions qui nous ont été posées, a-t-elle dit.


Prenant acte des efforts fournis par la délégation du Suriname, le Président du Comité, ABDELFATTAH AMOR, a rappelé que pour le Comité, l’axe fondamental est le rapport qui doit être établi conformément aux directives.  Parallèlement au rapport, il peut y avoir des annexes, a-t-il ajouté, en rappelant que le rapport doit être accompagné des textes législatifs et constitutionnels qui seront mis à la disposition des membres du Comité.  Il est important que le rapport lui-même contienne suffisamment de citations et de références à ces textes. 


Le débat au sein du Comité a pour objectif de lui permettre de s’acquitter de ses obligations, a dit ensuite le Président, jugeant que l’essentiel des échanges et des éclaircissements devaient avoir lieu au cours du débat dans la mesure où lorsque la délégation se présente devant le Comité, elle doit être en mesure d’apporter tous les éclaircissements.  Cela peut être fait après, a admis le Président du Comité, en accordant un délai de trois jours ouvrables à la délégation du Suriname, à savoir jusqu’au mercredi 24 mars dans l’après-midi. 


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