LES EXPERTS DU COMITE DES DROITS DE L’HOMME, PEU CONVAINCUS PAR LE DEUXIEME RAPPORT PERIODIQUE DU SURINAME
Communiqué de presse DH/363 |
Comité des droits de l’homme
Quatre-vingtième session
2173e séance – après-midi
LES EXPERTS DU COMITE DES DROITS DE L’HOMME, PEU CONVAINCUS PAR
LE DEUXIEME RAPPORT PERIODIQUE DU SURINAME
« Les grands espoirs que nous avions à l’égard du Suriname ne se sont pas concrétisés », a regretté l’expert de l’Argentine, soutenu par les 17 autres experts du Comité chargé de l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Saisis du deuxième rapport périodique du Suriname, présenté 24 ans après le rapport initial comme ils l’ont unanimement fait remarquer, les experts ont dénoncé, tour à tour, des déclarations générales répétées d’année en année, un certain flou artistique ou encore un traitement étonnamment faible des questions juridiques.
« La consécration des droits de l’homme dans la Constitution est essentielle et les garanties données par la législation aussi. Mais que valent ces garanties en l’absence d’une Cour constitutionnelle? », a demandé l’expert de l’Inde à une délégation composée de six juristes du Ministère de la justice et de la police et conduite par le Représentant permanent du Suriname auprès de l’ONU, Ewald W. Limon.
La Cour constitutionnelle est une institution essentielle, a reconnu le Représentant permanent avant d’indiquer au Comité que le projet de création de cette cour est toujours à l’examen à l’Assemblée nationale. En attendant, le citoyen surinamais peut saisir les tribunaux nationaux dont les juges appliquent strictement le principe de la primauté du Pacte international sur les lois nationales. Ewald W. Limon a aussi répondu à de nombreuses questions concernant la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe et la législation relative à la protection des femmes et des filles dans un pays où, comme l’a rappelé l’expert de la Colombie, le suicide à la suite d’abus sexuels est la première cause de mortalité chez les filles âgées entre 6 et 14 ans.
Grâce aux mesures vigoureuses qu’il a prises, a affirmé le Représentant permanent, le Suriname ne figure plus sur la liste des pays où sévit la traite des personnes. Il a aussi fait part du contenu de la législation concernant la lutte contre la prostitution, passible d’un emprisonnement d’au moins un an, et contre la violence domestique. Le pays, a-t-il indiqué, a mis en place un registre de tous les cas de violence domestique pour que les institutions publiques puissent réagir de façon adéquate.
D’autres questions ont porté sur la lenteur des enquêtes relatives aux violations des droits de l’homme perpétrées par les dictatures militaires des années 80 et de 1990, ou encore la non-adhésion du Suriname à la Convention de l’ONU contre la torture. A cette dernière question, le Représentant permanent a dit l’intention de son Gouvernement d’adhérer à la Convention interaméricaine dont la similitude avec celle de l’ONU rend inutile l’adhésion à cette dernière. Au titre des questions écrites, Edwald W. Limon a donné des informations sur le Code de procédure pénale, le système éducatif et la protection des droits des autochtones.
Le Comité poursuivra son dialogue avec la délégation du Suriname demain, vendredi 19 mars à 10 heures.
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES
Examen du deuxième rapport périodique du Suriname (CCPR/C/SUR/2003/2)
Dans ce rapport, le Gouvernement du Suriname indique qu’il est partie à plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. En outre, le Suriname a adhéré aux Conventions de l’Organisation internationale du travail se rapportant aux droits de l’homme. La Constitution stipule que les dispositions de ces instruments, s’imposant à chacun de par leur contenu, sont applicables dès leur promulgation. Les dispositions contraignantes des instruments en question prévalent sur la législation interne. La Constitution du Suriname accorde une large protection aux droits et libertés individuels, d’une part, et aux droits sociaux, économiques et culturels, d’autre part. Le chapitre V de la Constitution, relatif aux droits et libertés individuels, consacre certains principes énoncés dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le chapitre VI de la Constitution traite des droits et obligations en matière économique, sociale et culturelle.
Le Code pénal stipule que toutes les infractions pénales impliquant des violations des droits de l’homme et des libertés consacrés par les instruments internationaux sont punissables au regard du droit pénal du Suriname. L’homicide volontaire ou involontaire, les violences, l’enlèvement, la détention, le viol, l’insulte et l’intrusion illégale sont des infractions pénales liées aux droits de l’homme en ce sens qu’elles impliquent –physiquement et psychologiquement– des êtres humains.
En cas de violation des droits fondamentaux, la Cour de justice est saisie. La Cour constitutionnelle, qui reste à établir, aura pour tâches d’examiner les lois ou certaines de leurs dispositions pour vérifier leur conformité à la Constitution et aux conventions internationales, et de s’assurer que les décisions des autorités publiques n’enfreignent pas les droits fondamentaux. Le Gouvernement surinamais est soucieux de garantir les droits de l’homme et les libertés fondamentales consacrés par les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et de sanctionner toute violation.
Quant à l’état d’urgence et les droits de l’homme, le rapport indique que conformément à l’article 23 de la Constitution, en cas de guerre, de danger de guerre, de proclamation de la loi martiale ou d’état d’exception, ou pour des raisons touchant à la sécurité de l’État, à l’ordre public ou à la moralité publique, les droits consacrés par la Constitution peuvent faire l’objet de limitations imposées par la loi. Il est stipulé dans le même article que ces limitations ne resteront en vigueur que pendant un certain temps, compte dûment tenu des prescriptions internationales applicables en la matière. Cet article stipule expressément qu’il doit être tenu compte des lois, normes et principes internationaux. En d’autres termes, le droit international interdit à l’État de prendre des mesures dérogeant à certains droits dont il est question dans plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. L’article 23 de la Constitution est conforme aux dispositions de l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le rapport fait état de la population surinamaise qui se compose de différents groupes ethniques qui continuent de parler leur langue et maintiennent la culture de leurs pays d’origine respectifs, en toute liberté. La République du Suriname représente le monde en miniature, puisqu’elle compte 35% d’Indiens, 33% de Créoles, 10% de Javanais, 10% de Marrons, 2% de Chinois et 3% d’Amérindiens, auxquels il convient d’ajouter des Blancs, des Libanais, des Syriens et des métis. L’État ne met aucun obstacle à l’exercice par les groupes ethniques du droit consacré par l’article 27 du Pacte.
Pour ce qui est des ressources naturelles et de la population autochtone, les groupes ethniques vivant dans l’arrière-pays, les autochtones et les Marrons, affirment que les activités d’extraction minière et autres activités d’exploitation menées dans cette région les empêchent de profiter de leur propre culture. L’État reconnaît que plusieurs activités d’extraction minière se poursuivent dans l’arrière-pays. Étant donné que les ressources naturelles de l’État doivent être mises au service de la nation tout entière, celui-ci doit exploiter ses ressources naturelles pour apporter à ses citoyens les bienfaits du développement. Il peut arriver que ce processus d’exploitation des ressources naturelles s’accompagne dans l’arrière-pays d’actes dont l’État n’a pas connaissance. Si ces derniers sont signalés aux autorités compétentes, l’État n’hésitera certes pas à prendre les mesures pénales qui s’imposent.
À ce jour, l’Institut national pour l’environnement et le développement au Suriname (NIMOS) a rassemblé quelque 90 études réalisées sur les écosystèmes surinamais. Certaines d’entre elles traitent des problèmes liés au mercure utilisé dans le cadre de la petite exploitation aurifère dans l’arrière-pays surinamais. Les recommandations et conclusions auxquelles a abouti une conférence tenue au Suriname sur ces problèmes ne constituent qu’une des séries de conclusions et recommandations sur la question.
Le Gouvernement n’a encore adopté aucune mesure spécifique pour donner effet à ces recommandations. Il est incontestable que les gouvernements récents et le gouvernement actuel ont tous consacré et consacrent toujours des efforts pour réglementer les activités d’exploitation aurifère. A l’heure actuelle, l’attention semble focalisée davantage sur l’organisation des aspects financiers et fiscaux de cette exploitation aurifère, mais d’autres aspects liés à la population, tels que la santé, vont retenir davantage l’attention que par le passé. Il pourra être utile, à titre d’éléments d’appréciation, de signaler les recherches effectuées par M. Julius de Kom sur le thème de l’empoisonnement par le mercure constaté parmi les groupes de population de l’arrière-pays et qu’il a reproduites dans sa thèse (Toxicologie humaine au Suriname, 2001). En conclusion, on peut dire que l’analyse d’échantillons d’urine d’une population de mineurs a montré qu’ils avaient été exposés au mercure, selon toute vraisemblance par inhalation de vapeurs de mercure.
Présentation du rapport par l’État partie
M. EWALD W. LIMON, Représentant permanent du Suriname auprès de l’ONU, a indiqué que son pays est une démocratie constitutionnelle assortie d’un contrôle parlementaire. Les élections ont lieu tous les quatre ans et le Président est désigné pour une période de cinq ans par la majorité des deux tiers de l’Assemblée nationale. Cette Assemblée monocamérale se compose de 51 membres. La Haute Cour de justice, instance judiciaire suprême, est composée de membres désignés à vie. Après plusieurs années de dictature militaire, la démocratie a été rétablie; les dirigeants militaires conservant néanmoins des pouvoirs importants dans tous les domaines de la vie publique. En 1990, les militaires ont, une nouvelle fois, réussi un coup d’Etat en 1987 en forçant à la démission le Président élu. Le non-respect de l’ordre constitutionnel et les violations graves des droits de l’homme qui l’ont accompagné ont eu un effet dévastateur sur la démocratie. En 1991, la démocratie a été rétablie après des élections générales mettant au pouvoir un gouvernement civil et démocratique. Depuis son indépendance en 1974, le Suriname s’est engagé en faveur des droits de l’homme et des libertés fondamentales comme en témoignent sa Constitution et sa législation, a souligné le Représentant permanent.
Rappelant que le premier rapport de son pays a été présenté en 1980, il a imputé le retard du deuxième rapport périodique à l’insurrection militaire qui a détruit la primauté du droit ainsi qu’aux troubles paramilitaires. Le Gouvernement, a-t-il affirmé, prend très sérieux l’obligation de faire rapport au Comité.
Réponses de la délégation aux questions écrites des experts
La délégation a indiqué que le projet de loi sur la création de la Cour constitutionnelle est toujours à l’examen à l’Assemblée nationale. Quant à l’enquête sur les violations des droits de l’homme commis lors des derniers régimes militaires, le Gouvernement en a fait une priorité et réalise, comme dans toutes les démocraties rétablies, qu’il s’agit d’un processus délicat. Un comité d’enquête dirigé par un juge d’instruction s’est rendue à plusieurs reprises aux Pays-Bas pour poursuivre les enquêtes auprès de ceux qui se sont exilés dans ce pays. La collecte des preuves, qui est difficile, permettra ensuite au Gouvernement d’agir en conséquence. D’autres évènements survenus au cours des années 80 font également l’objet d’enquêtes. Plusieurs de ces affaires sont liées entre elles et le Gouvernement réalise que la complexité de ces affaires exige une aide internationale.
Concernant le suivi des communications reçues par le Comité, la délégation a rappelé que le cas porte sur une victime du massacre de 1982 et que le Gouvernement poursuit les enquêtes. Répondant à une question sur la discrimination fondée sur le sexe, le Gouvernement a adopté un programme de parité assortie d’un délai au terme duquel les femmes devraient mieux être protégées. En l’occurrence, le Ministère de l’intérieur travaille en liaison avec d’autres ministères du Gouvernement et des acteurs internationaux dont l’ONU. Le projet d’amendement visant à pénaliser la discrimination fondée sur le sexe a été retiré, a pourtant indiqué la délégation. Elle a par ailleurs informé le Comité que la peine de mort n’a été abolie ni de facto ni de jure. Une décision sur la peine capitale appelle à un débat approfondi entre la société civile, les ONG, le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Les divergences d’opinion sont profondes en raison de la hausse de la criminalité au sein de la société. Quant à la ratification de la Convention contre la torture, la délégation a indiqué que l’Etat envisage d’adhérer à la Convention interaméricaine qui est tout à fait proche de celle de l’ONU. L’adhésion à cette dernière n’est donc pas nécessaire, a estimé la délégation.
Poursuivant, la délégation a indiqué que l’enquête sur le massacre de Moiwana en 1986 s’était poursuivie, se heurtant toutefois à divers obstacles au premier rang desquels figure le silence des témoins. S’agissant de la neuvième question portant sur les suicides commis à la suite de sévices sexuels comme étant la principale cause de décès des filles de 6 à 14 ans, le représentant a fait savoir qu’un comité avait été constitué sur la question. Ce dernier a conclu qu’aucun cas de suicide d’enfants dans ce contexte n’avait été porté à la connaissance des huissiers. Les suicides commis par certains enfants ne résultaient pas d’abus sexuels. La législation du Suriname contraint tous les cas connus à être rapportés au bureau du Procureur général et, a poursuivi la délégation, nous demandons à toutes les ONG d’enquêter sur la question car l’Etat estime que les jeunes garçons et les jeunes filles doivent d’être protégés.
En ce qui concerne la lutte contre les mauvais traitements, y compris les passages à tabac et les sévices sexuels que subissent les détenus, un comité a été constitué pour enquêter sur les conditions de vie dans les centres pénitentiaires du Suriname. Toutes les accusations de mauvais traitements ont été prises en considération et ont fait l’objet d’enquêtes qui ont abouti à des licenciements immédiats. C’est le chef de la police qui enquête objectivement sur toutes les affaires. En outre, la construction d’un autre centre pénitentiaire est à l’étude, ce qui aboutira à une amélioration considérable des conditions de détention. Il faut cependant noter, a insisté le représentant, que la situation des détenus s’est considérablement améliorée en tenant compte des dispositions pertinentes des pactes et autres normes internationales en vigueur. Des mesures ont été prises pour améliorer le sort des détenus.
Passant à la question des plans mis en place pour permettre aux femmes victimes de violence d’avoir des recours, la délégation a fait savoir qu’une législation avait été proposée visant à modifier plusieurs aspects de la législation interne. Pour ce qui est de la traite des femmes et des jeunes filles et le châtiment infligé à ceux qui les exploitent, l’Etat fait tout son possible pour recueillir les informations sur la question. La traite est en outre prohibée par le Code pénal. Quant aux informations sur les résultats obtenus par la commission créée en juillet 2003 par le Ministère de la justice et de la police pour enquêter sur le problème de la traite des êtres humains, la délégation a indiqué qu’un groupe de travail composé de plusieurs responsables gouvernementaux et experts avait été établi et que plusieurs mesures correctives avaient été prises en vue d’informer les femmes de tous les recours qui leur sont offerts si elles souhaitaient porter plainte.
Entamant la série de questions posées par les experts, M. RAFAEL RIVAS POSADA de la Colombie, a estimé que la période de plus de 20 ans qui sépare la présentation du rapport initial du rapport à l’examen était difficile à justifier. Cependant, il a reconnu que le Suriname faisait un effort pour apporter les modifications nécessaires et ajuster sa législation. Le Comité, dans son travail de supervision de la conduite des Etats parties, s’attache principalement à considérer les résultats pratiques des normes et mesures en vigueur pour se faire une idée de la réalité des changements. Cependant, a précisé l’expert, la législation et les normes sont importantes pour autant qu’elles se traduisent dans la réalité. Il ne suffit pas de savoir que certaines mesures sont à l’étude, à un rythme lent de surcroît car cela ne permet pas au Comité de se faire une idée de la situation réelle au Suriname. Dans le cadre constitutionnel et juridique, l’expert s’est dit préoccupé des atermoiements que la création de la Cour constitutionnelle continue de subir, de telle sorte que de nombreuses questions restent en suspens. Cela pose notamment la question de la constitutionnalité des lois et de la garantie des citoyens au regard d’une législation qui ne serait pas constitutionnelle. Il a voulu savoir si les citoyens bénéficieraient un jour d’un recours efficace et a estimé souhaitable que ce processus avance avec la plus grande célérité. Concernant les enquêtes sur les massacres de Moiwana de 1986, l’expert a regretté qu’elles n’ont pas abouti depuis plus de 20 ans. Il en va de même pour les communications individuelles visées à la troisième question qui continuent d’être l’objet d’enquêtes n’ayant pas abouti. Il semble que la recommandation du Comité qui tend à assurer la compensation aux victimes ne sera jamais mise en œuvre.
Pour ce qui est de la parité entre les sexes, l’expert a souligné que plusieurs dispositions discriminatoires subsistaient et que les réponses entendues n’étaient pas satisfaisantes. Les discriminations continuent d’exister dans divers volets de la législation. Il a aussi regretté que le projet d’amendement concernant la possibilité de supprimer certaines normes discriminatoires ait été retiré, ce qui implique que des obligations qui vont à l’encontre des dispositions du pacte pourraient subsister. L’égalité des sexes n’a aucune garantie législative suffisamment forte. En outre, il ne semble pas exister pour réprimer les personnes qui exploitent le travail des prostituées et qui tirent bénéfice des activités liées à la traite des être humains. Les études en vue de réformer la législation pour interdire catégoriquement cette forme d’esclavage moderne n’aboutissent pas sur des mesures punitives dans la pratique. Enfin, l’expert a demandé combien de temps l’état d’exception stipulé à l’article 23 de la Constitution pouvait durer.
« Les grands espoirs que nous avions à l’égard du Suriname n’ont pas été tenus », a regretté, à son tour, M. HIPOLITO YRIGOYEN de l’Argentine. Le noyau de toute réponse, a-t-il ajouté, repose sur une mission d’enquête qui tarde à faire connaître ses conclusions et à contribuer aux changements requis pour punir les violations des droits de l’homme. Le temps passe et aucun changement fondamental n’est encore intervenu, à l’exception de la fin de la dictature militaire, a ajouté l’expert. Commentant en particulier la réponse à la question de l’abolition de la peine de mort, il s’est demandé pourquoi pendant tant d’années le débat n’a pas encore abouti. Il a, à cet égard, demandé la définition du crime de trahison qui est passible de la peine de mort. Pourquoi la question de l’adhésion à la Convention de l’ONU contre la torture n’est pas encore réglée, a-t-il poursuivi en voulant une « explication plus convaincante ». L’expert s’est aussi inquiété de la situation des petites filles qui se suicident à la suite de viols et de l’absence de législation appropriée pour protéger les femmes contre la violence domestique et le viol.
Qualifiant à son tour les réponses apportées de « non satisfaisantes », M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI de l’Inde a déploré l’absence de lois pour donner effet aux dispositions du Pacte concernant par exemple l’égalité des sexes. En l’absence d’une Cour constitutionnelle, comment déclarer la validité ou l’invalidité d’une loi? a-t-il demandé. Quels sont les mécanismes de recours offerts au citoyen? a insisté l’expert, en dénonçant les « déclarations générales faites d’une année à l’autre ». Je partage le sentiment de mes homologues, a confié M. MAURICE GLELE AHANHANZO du Bénin en dénonçant, lui aussi, « le flou artistique » du rapport avant de demander des données statistiques sur la traite des femmes et le détail de la législation sur la prostitution.
Revenant sur le massacre des Moiwana de 1986, M. NISUKE ANDO du Japon a pour sa part rappelé que le Parlement avait adopté une motion qui obligeait l’exécutif à ouvrir immédiatement une enquête sur cet incident qui n’avait pas abouti. Il a aussi noté qu’en 1990, un des officiers qui enquêtait aurait été forcé de sortir de sa voiture par un attaquant non identifié et que, le lendemain, son corps a été retrouvé avec une balle dans la tête. En 1997, une ONG des droits de l’homme a communiqué une pétition à la Commission interaméricaine des droits de l’homme pour pouvoir se saisir de cet incident. Afin de mener à bien son enquête, la Commission a demandé à plusieurs reprises au Gouvernement certaines informations, sans toutefois pouvoir obtenir de réponse. L’expert a donc demandé si le Gouvernement était aujourd’hui en mesure de confirmer les allégations de cette ONG et s’il pouvait s’engager à répondre dans un certain délai.
Répondant à la question concernant l’enquête sur le massacre des Moiwana, la délégation a fait savoir que son Gouvernement avait essayé d’obtenir des renseignements et avait tenu des consultations avec la Commission interaméricaine. S’agissant de la traite des personnes, la délégation a fait savoir que des mesures avaient été prises pour aborder cette question. Des décisions ont aussi été prises avec des officiers de police, notamment pour veiller à ce qu’il y ait des possibilités permettant d’informer les personnes des mesures prises par le Gouvernement et des recours disponibles. Grâce à cela, le Suriname ne figure plus sur la liste des pays où sévit la traite des personnes. La délégation a aussi précisé qu’il existe au Suriname une criminalisation de la prostitution passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins un an et d’une amende. Le Code pénale incrimine également la traite des femmes et des mineurs et ces actes sont passibles d’une peine d’emprisonnement de cinq ans.
La délégation a aussi fait savoir que des mesures avaient été prises pour essayer de faire en sorte que chaque fois qu’il y a violence domestique, les victimes puissent alerter la police et le Gouvernement afin qu’ils mettent à leur disposition des unités d’assistance. Il existe un registre de tous les cas de violence domestique pour que les institutions publiques puissent réagir de façon adéquate. La délégation a expliqué que l’inexistence d’une Cour constitutionnelle ne privait pas les individus de recours s’ils s’estiment lésés. Ils peuvent en particulier saisir des tribunaux nationaux, lesquels respecteront les dispositions de la Convention qui a la primauté sur le droit national. Pour ce qui est de la parité entre les sexes, la délégation a indiqué que la loi nationale contient des dispositions qui sanctionnent la violence domestique. Ces articles peuvent être invoqués par les intéressés. Des mesures importantes ont aussi été prises en vue de combattre les mauvais traitements en milieu pénitentiaire.
Répondant ensuite à la question relative à la pratique autorisée par le Code de procédure pénale selon laquelle un détenu peut être présenté pour la première fois à un juge seulement 44 jours après son arrestation, la délégation a reconnu que cette période n’est pas conforme au Pacte international. En pratique, a-t-elle expliqué, le Procureur général donne instruction à la police de compléter son dossier en cinq jours et la majorité des cas sont portés devant le juge avant les 44 jours. La détention préventive pour une période aussi longue n’existe plus et le Code pénal accorde au détenu le droit de soumettre, à tout moment qui suit l’arrestation, une motion demandant que son affaire soit examinée par les autorités judiciaires. En fin de compte, la législation nationale est conforme au droit international. L’Assemblée nationale devrait d’ailleurs adopter une législation sur ce point dès que possible.
Par ailleurs, la législation n’autorise pas de détention secrète. Toutefois, en cas de circonstances exceptionnelles, l’avocat n’est pas autorisé à entrer en contact avec son client et à connaître son dossier. Les parties peuvent faire appel contre cette décision du parquet auprès de la Cour suprême et le détenu sera toujours autorisé à entrer en contact avec sa famille proche. La législation prévoit également que le parquet puisse prolonger la période de garde à vue après l’expiration des 14 premiers jours. Cette extension n’est possible que si l’instruction l’exige et si le crime commis est prévu par l’article 56 du Code pénal. Le parquet est régi par un règlement intérieur qui stipule que toutes les affaires doivent être en état d’être jugées dans les plus brefs délais, lesquels sont fixés selon les catégories de délits. Tous les détenus sont en droit d’invoquer l’article 54 du Code pénal et de communiquer une pétition d’injustice concernant la prolongation de la détention si elle n’est pas conforme avec la loi.
Quant aux problèmes de mauvais traitements et de surpeuplement dans les lieux de détention, la délégation a indiqué que la police a créé une commission spéciale concernant les conditions de détention et que des décisions ont été prises pour construire des installations supplémentaires. La politique du pays est de séparer les mineurs de la population générale des prisons et leur assure un accès à des services éducatifs, sportifs ou aux conseils des assistants sociaux.
Concernant le système éducatif du pays, en général, la délégation a souligné que les ONG et les institutions gouvernementales travaillent actuellement à la question. Près de 80% des écoles sont des organisations confessionnelles, a-t-elle reconnu en indiquant que l’une des stratégies est de créer des cellules éducatives dans chaque région géographique pour desservir les villages alentour. Passant ensuite aux droits des autochtones sur les terres et d’autres ressources, la délégation a affirmé que la communauté marron et les autres communautés autochtones ont un statut particulier qui leur accorde certains privilèges. Le Gouvernement examine actuellement la question de la répartition des terres et le fait que l’intérieur soit peuple de différentes tribus amérindiennes rend la question complexe. Le Gouvernement est prêt à tout dialogue constructif, en particulier avec les organisations marrons autochtones, a encore affirmé la délégation.
Passant aux mesures prises pour faire en sorte que les populations autochtones soient consultées en cas d’octroi de concessions forestières et minières, la délégation a fait savoir que ces populations étaient représentées au Parlement ainsi que dans les collectivités locales. Elles participent donc, par l’entremise de ces représentants, aux débats sur des questions qui peuvent avoir des répercussions sur leur mode vie. La délégation a également précisé qu’aucun village n’avait été déplacé en raison d’une exploitation minière ou forestière.
Les populations autochtones, a-t-elle poursuivi, ne sont pas victimes de discrimination en matière d’emploi et d’éducation mais aussi dans d’autres aspects de leur vie. Dans le passé, quelques actes secondaires dus à l’ignorance des uns et coutumes des Amérindiens ont pu être constatés mais cela n’existe plus au Suriname. En raison de la grande variété de cultures et de religions, la politique gouvernementale vise à promouvoir une démocratie culturelle dans laquelle toutes les cultures sont acceptées. Dans le domaine de l’emploi, comme tout citoyen, tous les Amérindiens sont employés en fonction de leur formation.
Concernant les mesures prises pour empêcher l’empoisonnement par le mercure, la délégation a indiqué que l’Université du Suriname étudiait l’effet du mercure sur la vie des populations. En coopération avec le Gouvernement du Brésil, le Suriname a lancé un projet régional pour suivre les effets de l’emploi du mercure, même à petite échelle. Il est question d’introduire un mode plus approprié d’extraction du minerai d’or qui limiterait l’impact du mercure sur ces activités. Enfin, abordant la question de la formation des différentes catégories de fonctionnaires, notamment des enseignants, des magistrats et des responsables de l’application des lois, la délégation a fait savoir qu’étant donné l’importance de la question, un partenariat avec d’autres gouvernements et des ONG avait été mis en place pour dispenser des cours de droits de l’homme aux fonctionnaires. Une éducation aux droits de l’homme est également assurée au niveau de l’enseignement secondaire par des ONG.
Délégation de l’État partie
M. Ewald W. Limon, Représentant permanent du Suriname auprès des Nations Unies; Mme Lydia Ravenberg, M. Eric Rudge, Mme Margo Waterval et Mme Elleson Fraenk, juristes au Ministère de la justice et de la police du Suriname.
* *** *