En cours au Siège de l'ONU

DH/361

MALGRE UNE CERTAINE VOLONTE DU GOUVERNEMENT, LES MESURES PRISES POUR ASSURER LE RESPECT DES DROITS CIVILS ET POLITIQUES EN COLOMBIE RESTENT INSUFFISANTES, ESTIMENT LES EXPERTS

16/03/2004
Communiqué de presse
DH/361


Comité des droits de l’homme

Quatre-vingtième session

2168e séance - matin


MALGRE UNE CERTAINE VOLONTE DU GOUVERNEMENT, LES MESURES PRISES POUR ASSURER LE RESPECT DES DROITS CIVILS ET POLITIQUES EN COLOMBIE RESTENT INSUFFISANTES, ESTIMENT LES EXPERTS


C’est en émettant des doutes et de nombreuses réserves sur l’efficacité et le bien-fondé des mesures prises par le Gouvernement en faveur de la défense des droits civils et politiques que le Comité des droits de l’homme a achevé ce matin l’examen du cinquième rapport périodique de la Colombie sur l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Pour résumer l’examen du rapport de ce pays, M. Abdelfattah Amor (Tunisie), le Président du Comité, a, dans ses remarques finales, déclaré que malgré les efforts du Gouvernement qui se traduisent par la présentation d’un document volumineux, le Comité reste perplexe quant aux changements qui y sont annoncés dans le cadre de la protection des droits de l’homme en Colombie.  Bien que les informations fournies reflètent un certain optimisme, trop de violences, d’enlèvements, de viols, de mauvais traitements des minorités, et d’inconsistances face aux engagements du Pacte persistent en Colombie.  Les ambitions du Gouvernement colombien sont claires, la volonté aussi, mais les limites des actions engagées sont évidentes, a-t-il conclu.


Les experts du Comité qui, auparavant avaient pris la parole, ont formulé des observations sur ce qui leur est apparu comme des inconsistances et des insuffisances juridiques dans le fonctionnement des institutions mises en place en Colombie en vertu des différentes lois en vigueur.  Le Comité a reproché au Gouvernement colombien, que le Bureau du Procureur général (Fiscalia general) exerce d’énormes pouvoirs et prérogatives, cette institution, pourtant présentée comme garante de la bonne administration de la loi, se déclare régulièrement incompétente sur certains dossiers liés aux violations graves des droits de l’homme et les transmet aux organes de justice militaire dont les pouvoirs sortent du cadre d’une justice démocratique, du fait de l’état d’exception dans lequel semble constamment vivre la Colombie.  A ces inquiétudes, la délégation colombienne a répondu que la justice militaire n’était pas habilitée à se saisir de cas concernant des civils.  Le Code pénal militaire garantit l’application des engagements pris dans le cadre d’accords internationaux.  Quant au Bureau du Procureur général, a ajouté la délégation colombienne, son fonctionnement est soumis au contrôle du Conseil suprême de la République, qui vérifie la constitutionnalité de ses actes.


Face aux inquiétudes exprimées par des experts, notamment Christine Chanet de la France, Ruth Wedgewood des Etats-Unis et M. Prafullachandra Bhagwati de l’Inde, sur la manière dont l’état d’exception est déclaré dans le pays, la délégation colombienne a expliqué que la déclaration d’état d’exception relevait des prérogatives du Président de la République et visait, une fois annoncée, à répondre à des menaces à l’ordre public et à la sécurité du pays.  Mme Wedgewood et M. Roman Wieruszewski de la Pologne, ont demandé des informations au Gouvernement colombien sur la manière dont les ONG travaillant en faveur des droits de l’homme étaient perçues par les autorités colombiennes; ce à quoi la délégation de la Colombie a répondu que le Gouvernement voulait établir un dialogue avec elles sur la nécessité de défendre la démocratie.  Cette réponse n’a pas semblé suffisante aux experts qui ont relevé que des informations crédibles faisant état de harcèlement et de mise sur écoute téléphonique de ces ONG par les services de sécurité parviennent régulièrement au Comité.


Sur la question des droits des minorités, M. Maurice Glélé-Ahanzo du Bénin, a fait remarquer qu’après sa dernière visite sur le terrain en Colombie, les personnes qui avaient été ses interlocuteurs avaient subi des violences.  L’une d’elles, qui avait été son principal informateur, a même été assassinée.  Le Gouvernement n’a pas ouvert d’enquête sur cet homicide, a-t-il fait remarquer, en demandant ensuite à la délégation colombienne de préciser les mesures concrètes  prises par les autorités pour sortir les ressortissants des communautés autochtones et afro-colombiennes de leur statut de citoyens de seconde zone et leur permettre de participer pleinement à la vie publique.  La délégation colombienne s’est engagée à fournir des réponses écrites à ces questions aux experts du Comité dans les trois jours qui viennent.


Le Comité des droits de l’homme poursuivra ses travaux, demain, mercredi 17 mars, à 11 heures, pour examiner le cinquième rapport périodique de l’Allemagne.


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A L’ARTICLE 40 DU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES


Cinquième rapport périodique de la Colombie (CCPR/C/COL/2002/5)


Réponses de l’Etat partie aux questions orales des experts du Comité


Répondant aux questions orales posées hier par les experts du Comité des droits de l’homme à son Gouvernement, la délégation de la Colombie a indiqué que des réponses écrites et complètes seraient ultérieurement adressées au Comité.  Elle a ensuite déclaré que concernant la Loi numéro 2 de 2003, relative à l’habeas corpus et aux limitations dont il a été fait allusion, les experts du Comité pouvaient se faire une idée de la portée des réformes judiciaires faites en Colombie, en consultant les textes pertinents publiés dans le Journal officiel de ce pays.  Le champ d’action des limitations mentionnées dans la Loi est limité à la fois dans le temps et dans l’espace.  Certaines de ces mesures visant la lutte contre le terrorisme ne seront appliquées que pendant quatre ans, et ne sont donc pas permanentes.  Les pouvoirs mentionnés dans le décret 20/02, qui donne des prérogatives à la police et au Gouvernement, sont temporaires.  La Commission ministérielle chargée de l’application du pacte a pour rôle d’étudier la mise en œuvre des recommandations économiques et budgétaires visant l’amélioration de la situation des droits civils et politiques.  Concernant le service militaire obligatoire, la Colombie n’accepte pas la notion d’objecteur de conscience.  Cependant, des règlements exemptant les populations autochtones de ce service ont été adoptés.


S’agissant de la situation des femmes, le Gouvernement colombien combat leur enrôlement dans les groupes armés.  Il s’est engagé à éliminer la violence dont elles sont victimes dans leurs familles.  En revanche, le Gouvernement colombien ne pourra mettre fin à la traite des femmes sans une coopération étroite avec la communauté internationale.  Nous ferons parvenir au Comité des documents et des statistiques sur cette question, a dit la délégation, en ajoutant que la Colombie a besoin du soutien des ONG pour promouvoir l’égalité des hommes et des femmes devant la loi.


Sur la question de l’état d’exemption, sous lequel la Colombie vit depuis plusieurs décennies, la délégation colombienne a indiqué que les décisions y afférant relevaient des prérogatives du Président de la République.  Cependant, le Parlement a un droit de regard sur les mesures juridiques d’exception que le pouvoir exécutif aimerait faire adopter et mettre en œuvre dans le pays.  La déclaration d’état d’exception n’est pas en elle-même soumise au contrôle parlementaire.  Mais les mesures prises pour faire respecter l’ordre public dans ce cadre sont susceptibles d’être débattues par le Conseil constitutionnel.  La notion de paysan-soldat qui existe en Colombie entre dans le cadre du service militaire obligatoire, a indiqué la délégation en précisant que les paysans-soldats sont soumis aux règles militaires applicables aux forces nationales.


Répondant ensuite au constat selon lequel la situation des droits de l’homme se détériore depuis 1997, la délégation colombienne a invoqué les statistiques contenues dans son rapport pour démontrer le contraire.  L’année dernière, a-t-elle affirmé, les massacres ont diminué de 33%.  En 2000, 14 000 Colombiens ont été victimes de violence contre 423, l’année dernière.  Les chiffres sont tout aussi encourageants pour ce qui est des syndicalistes et des cas de séquestrations.  La situation s’améliore mais elle n’est pas encore satisfaisante, a convenu la délégation, tout en déclarant ignorer le nombre exact des victimes de la violence politique même si moins de personnes sont assassinées en Colombie.  Rejetant aussi les allégations selon lesquelles la politique de sécurité exacerbe la violence contre les civils, la délégation a insisté sur le fait que la participation au réseau d’informateurs est volontaire.  Il s’agit, en fait, de défendre la démocratie des ennemis que sont les groupes armés illégaux.  Dans ces conditions, l’Etat peut exiger une participation de la société pour faire face à cette menace injustifiée.  La négociation est une option mais si elle n’est pas possible, l’Etat doit recourir à tous les moyens pour défendre les institutions démocratiques, a insisté la délégation en indiquant que 86% des membres des groupes armés démobilisés se sont rendus à la police et à l’armée; ce qui montre que ces institutions jouissent d’une réelle confiance.  La délégation a ajouté que, ces dernières années, seulement 275 plaintes concernaient les forces publiques.  Ce chiffre est encore élevé mais il montre que la population se range résolument du côté de l’Etat, a estimé la délégation.  Faisant part des préoccupations majeures du Gouvernement en matière des droits de l’homme, elle a cité la mise en place d’une justice plus efficace, le contrôle des groupes armés illégaux et la surveillance de l’action de la force publique.


En outre, la délégation a rappelé que la déclaration d’un état d’exception est fondée sur des principes rigides consacrés dans une loi qui prévoit le respect strict des libertés civiles et du principe de temporalité.  Lors de cette période qui a pris fin en février dernier, le Gouvernement a toujours respecté les décisions de la Cour constitutionnelle.  L’article 4 du Pacte est donc totalement respecté, a tranché la délégation.  Concernant l’unité nationale des droits de l’homme et du droit international humanitaire, la délégation a affirmé que les efforts de décentralisation ne font que renforcer cette unité.  Créée en 1994, l’unité comprenait 25 substituts du Procureur général contre 41 aujourd’hui.  La faculté de rassembler les preuves et de protéger les témoins dépend de la capacité de réaction rapide du Bureau du Procureur général (Fiscalia General) qui travaille, pour ce faire, avec 11 unités d’appui réparties dans les points névralgiques du pays.  


S’agissant des allégations selon lesquelles certains substituts du Procureur général de l’unité des droits de l’homme ont été démis de leurs fonctions pour une raison que le Bureau du Procureur général n’a jamais motivée, la délégation a rappelé que ce dernier est habilité à nommer les fonctionnaires de ce Département.  S’il y a renvoi, la raison ne peut être qu’une amélioration de l’unité des droits de l’homme, a souligné la délégation en précisant que sur 41 substituts, quatre seulement ont été démis de leurs fonctions.  Répondant à une question précise sur le rôle du Bureau du Procureur général après les massacres de Santo Domingo, la délégation a indiqué que cette dernière s’est saisie de l’affaire et a traduit les auteurs de ces massacres devant les juges compétents. 


Le Comité ayant demandé si le Bureau du Procureur général s’était déclaré incompétent et avait renvoyé certains dossiers de violations des droits de l’homme à la justice militaire, notamment les massacres de Santo Domingo, de Pueblorico et de Mapiripán, la délégation colombienne a répondu par l’affirmative tout en indiquant que dans ces cas, le Bureau du Procureur général avait mis en place des directives visant à assurer la sanction effective des auteurs de ces violations.  Concernant le Bureau du défenseur du peuple, la délégation a dit que le Gouvernement était obligé, par une loi, à assurer un financement adéquat des activités de ce Bureau.  Le Gouvernement est conscient de l’importance du Défenseur du peuple et soumet régulièrement au Parlement des projets de lois visant à renforcer son rôle, a dit la délégation.


Le rapport de mission de la Représentante spéciale du Secrétaire pour la question des défenseurs des droits de l’homme ayant indiqué que certaines des méthodes employées par la police colombienne, notamment des écoutes téléphoniques contre des ONG et des organisations des droits de l’homme, allaient à l’encontre des activités des défenseurs des droits de l’homme, la délégation colombienne a argué que les besoins de sécurité étaient primordiaux dans un pays instable.  Les personnes ayant fait l’objet de surveillance sont des individus dont les actions allaient au-delà des missions reconnues aux défenseurs des droits de l’homme, a dit la délégation.  Mais en cas de violations patentes des droits de personnes innocentes, les forces de police nationales sont sanctionnées.


Répondant à la question sur le non-respect par les fonctionnaires colombiens du décret présidentiel relatif aux activités du Défenseur des droits de l’homme, la délégation colombienne a indiqué que le financement du Bureau du défenseur des droits de l’homme avait doublé, ce qui montre un souci permanent du Gouvernement à son égard.  Les syndicats et les ONG font aussi l’objet d’une attention particulière visant à les légitimer aux yeux du public et de l’appareil administratif, a-t-elle indiqué.  Les ONG, a dit la délégation, ne font pas l’objet de harcèlement.  Cependant, le Gouvernement veut établir avec elles un débat fructueux sur la défense de la démocratie et des droits de l’homme en Colombie.  Concernant la participation des autochtones et des Afro-Colombiens aux différentes branches du pouvoir, la délégation a dit que deux autochtones étaient membres du Parlement tandis que deux gouverneurs étaient Afro-Colombiens, cette communauté étant également représentée par une fédération de maires au niveau des communautés locales.  Des plans particuliers sont élaborés pour les communautés autochtones les plus fragiles, qui sont régulièrement consultées sur des questions touchant à l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a indiqué la délégation colombienne.


Questions supplémentaires des experts


      Lançant la série de questions, Mme CHRISTINE CHANET de la France a émis des doutes quant à l’amélioration de la situation des droits de l’homme en Colombie, en étayant ses propos par des extraits du dernier rapport de la Commission des droits de l’homme de l’ONU qui fait état d’une augmentation sensible des violations attribuées aux forces gouvernementales avec la complicité du Bureau du Procureur général.  Peut-être est-ce là la justification des démissions imposées aux substituts du Procureur général de l’unité nationale des droits de l’homme, a ironisé l’experte, avant de souligner les pouvoirs considérables de ces substituts.  Quel est alors le contrôle exercé sur ces derniers? a-t-elle demandé.  Est-ce un contrôle de légalité des mesures de détention ou est-ce simplement l’habeas corpus?  Quelles sont les mesures envisagées pour garantir l’indépendance des substituts?  Quelles sont les garanties de la défense face au Bureau du Procureur général? a encore demandé l’experte.  Comment désigne-t-on ces substituts? a-t-elle ajouté, en relevant, par ailleurs, une contradiction dans le caractère d’état d’exception « qui met à mal les garanties de procès équitable », comme l’a reconnu elle-même la délégation colombienne.  Existe-t-il toujours des juges sans visage? a poursuivi l’experte en soulevant aussi la question de la justice militaire.  Y a-t-il une modification de la procédure devant les tribunaux militaires et quels sont les critères de compétence lorsque des civils sont en cause?


A son tour, Mme RUTH WEDGWOOD des Etats-Unis a demandé une réponse précise concernant les lois sur l’avortement.  Elle a ensuite évoqué la question des écoutes téléphoniques pour demander si les écoutes des organisations des droits de l’homme sont systématiquement communiquées au Congrès.  D’ailleurs, a-t-elle poursuivi, quels sont les mécanismes prévus pour tenir compte des points de vue des ONG?  Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour diffuser le rapport du Comité, a renchéri M. HIPOLITO SOLARI YRIGOYEN de l’Argentine


Intervenant pour la première fois, M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI de l’Inde a voulu connaître la teneur des changements apportés à la loi sur l’administration de la justice.  Comment la Cour constitutionnelle a pu amender cette loi? s’est encore inquiété l’expert.  Combien de lois ont été annulées en raison de leur contradiction avec le Pacte et, de manière générale, avec les dispositions relatives aux droits de l’homme?  Constatant que les pouvoirs de la police judiciaire ont été octroyés aux forces de sécurité, l’expert a jugé la situation grave du point de vue des droits de l’homme.  Quelles sont les mesures prises pour corriger la faiblesse de la police colombienne? a-t-il encore demandé avant de s’inquiéter aussi de l’indépendance du pouvoir judiciaire.  La composition de l’unité des droits de l’homme ainsi que les pouvoirs et les compétences de l’ombudsman ont été les autres questions posées par l’expert.


La question de la protection des ONG des droits de l’homme a été remise au devant de la scène par M. ROMAN WIERUSZEWSKI de la Pologne qui a rappelé les incidents de décembre 2002.  « Avec la rhétorique et les beaux discours, on ne peut se défaire de cette impression désagréable que tout est destiné à la consommation extérieure », a résumé l’expert, avant de céder la parole à M. MAURICE GLEGLE-AHANHANZO du Bénin qui a constaté le manque de progrès dans la situation des minorités, en particulier les Afro-Colombiens.  A son tour, il s’est inquiété de la protection des ONG des droits de l’homme, de la participation effective des minorités à la vie politique et de la faculté du Gouvernement de régler la question de la propriété foncière et de la conservation de la biodiversité qui provoque des déplacements forcés des populations.  Peut-on ramener au seul conflit armé tous les problèmes de violations des droits d’homme?  Ne s’agit-il pas aussi d’un problème de choix de société? s’est interrogé l’expert.


A l’instar de l’expert des Etats-Unis, M. MAXELL YALDEN du Canada a évoqué la question de l’avortement.  Peut-on avoir une réponse claire et précise sur l’éventualité d’avortements légaux dans certaines circonstances en Colombie? a insisté l’expert.  Souhaitant, pour sa part, être rassuré sur l’absence d’une « duperie diplomatique », M. NIGEL RODLEY du Royaume-Uni a voulu en savoir davantage sur les mécanismes de contrôle des tribunaux militaires et sur les critères d’octroi de l’amnistie aux anciens combattants des groupes armés illégaux. 


Réponses de la délégation


Répondant à cette série de questions, la délégation a indiqué que s’il est vrai que les substituts du Bureau du Procureur général (Fiscalia General) opèrent en toute indépendance, il ne faut pas néanmoins méconnaître les règles de garanties prévues par le Code pénal.  Ainsi, toute enquête menée sans la présence d’un avocat est considérée comme nulle et non avenue.  En outre, une procédure d’appel existe et un juge de la République peut exercer un contrôle pour des motifs de légalité de forme ou de fond.  L’habeas corpus préserve, en outre, la liberté des personnes dans toute privation imposée sans conditions légales.  Par ailleurs, la Cour constitutionnelle a un mandat en matière de droit public international.  Gardienne suprême de l’ordre constitutionnel, la Cour a ainsi pu déclarer l’irrecevabilité de certains actes de privation de liberté en se fondant sur le droit public international.  Le Bureau du Procureur général compte 10 000 fonctionnaires répartis sur le territoire national et près de 220 d’entre eux ont été destitués pour avoir commis des délits.  A cet égard, la délégation a indiqué que le Conseil suprême exerce un contrôle disciplinaire sur les activités des substituts du Procureur général. 


S’agissant de la justice militaire, la délégation a rappelé l’interdiction qui lui est faite de se saisir de cas impliquant des civils.  Les critères prévus par le Code pénal de la justice militaire garantissent l’application des accords internationaux, a–t-elle souligné.  Concernant la loi statutaire relative à l’administration de la justice, la délégation a rappelé le principe de séparation des pouvoirs et l’autonomie du pouvoir judiciaire qui la fonde.  L’indépendance et l’autonomie du Procureur général et de tous les substituts délégués sont garanties par des lois.  Aucun contrôle hiérarchique n’existe et des poursuites sont prévues pour tout substitut du Procureur général qui ferait pression sur la décision d’un de ses collègues.


La réforme de la justice militaire est intervenue à la suite des préoccupations exprimées par les organisations internationales.  Cette justice est devenue autonome et indépendante et ses fonctionnaires n’entretiennent aucun rapport avec le Commandement de l’armée.  Les crimes contre l’humanité sont exclus de la justice militaire et, en cas de conflit de compétence, un administrateur peut être désigné pour identifier les actes dont peuvent se saisir les tribunaux militaires.  En ce qui concerne les liens entre l’Etat et les ONG, la délégation a expliqué que les écoutes téléphoniques dont s’était plainte une ONG n’étaient qu’un incident.  Aucune procédure d’écoutes n’est prévue à l’encontre des ONG et toute violation des lois en vigueur conduit automatiquement aux enquêtes disciplinaires requises. 


Par ailleurs, la délégation a abordé la question de la limitation du pouvoir de la Cour constitutionnelle en assurant le Comité qu’aucune mesure allant dans ce sens n’a été envisagée.  Le mandat constitutionnel confié au Bureau de la défense du peuple est d’être l’entité par excellence de l’organisme de contrôle institué par le Bureau du Procureur général.  Enfin, sur la question de l’avortement, la délégation a promis un rapport détaillé sur les circonstances légales et socioculturelles du problème.


Concluant l’examen du rapport, le Président du Comité, ABDELFATTAH AMOR (Tunisie), a relevé le sérieux avec lequel la Colombie aborde aujourd’hui la question des droits de l’homme.  Il s’est dit très perplexe par la lecture du rapport et à l’issue de la discussion avec la délégation colombienne.  Les ambitions sont là, la volonté aussi mais les limites de l’action sont évidentes.  Le Président a notamment rappelé la persistance, certes en nombre réduit, des homicides, des séquestrations, des confrontations avec les groupes armés illégaux, des lacunes du système judiciaire et des attitudes sociales préoccupantes confortées par le droit, tels que les sanctions infligées aux femmes victimes d’un viol.  L’avortement pour des raisons médicales ne semble pas non plus être toléré avec plus d’indulgence, a-t-il constaté avant de citer d’autres questions sérieuses comme les écoutes téléphoniques et les outrages dont peuvent être victimes les défenseurs des droits de l’homme.  Cela n’empêche pas, a-t-il néanmoins concédé, de constater les progrès.  Mais ce qui est encore à faire pour assurer le respect des engagements de la Colombie au titre du Pacte international est encore plus important.  Pour être utiles, a prévenu le Président, les informations complémentaires que la Colombie a promises au Comité doivent arriver dans les trois jours ouvrables, au plus tard.


*   ***   *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.