LES PRÉSIDENTS ET PROCUREURS DU TPIR ET DU TPIY APPELLENT, DEVANT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ, LES ÉTATS MEMBRES À S’ACQUITTER DE LEURS CONTRIBUTIONS ET À OFFRIR LEUR PLEINE COOPÉRATION
Communiqué de presse CS/2709 |
Conseil de sécurité
4999e séance – matin & après-midi
LES PRÉSIDENTS ET PROCUREURS DU TPIR ET DU TPIY APPELLENT, DEVANT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ, LES ÉTATS MEMBRES À S’ACQUITTER DE LEURS CONTRIBUTIONS ET À OFFRIR LEUR PLEINE COOPÉRATION
Les Présidents et les Procureurs respectifs du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ont présenté aujourd'hui au Conseil de sécurité les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la stratégie d’achèvement des travaux. Cette dernière vise à mener à bien les enquêtes d’ici à la fin de 2004, à achever tous les procès en première instance d’ici à la fin de 2008 et à terminer les travaux des deux Tribunaux en 2010. Tout en expliquant les mesures déjà prises à cette fin, ils ont aussi identifié la nature des obstacles qui subsistent et appelé la communauté internationale à participer à les éliminer.
Après s’être félicités des progrès réalisés par les chambres de première instance, les Présidents et Procureurs des deux Tribunaux ont souligné que ces deux juridictions pénales internationales étaient gravement touchées par une crise de trésorerie qui les empêchait en particulier de recruter et de remplacer le personnel essentiel à leur bon fonctionnement. Aussi, le Procureur du TPIR, Hassan B. Jallow, a-t-il lancé un appel aux États Membres pour qu’ils s’acquittent de leurs contributions dans leur intégralité, sans condition et dans les délais impartis. Si le Président du TPIR, Erik Mose, a exprimé un certain optimisme en indiquant que le Tribunal pense achever les procès en cours ou à venir d’ici à 2008, M. Jallow a prévenu que le gel des recrutements et l’incertitude liée à l’élection des juges pourraient remettre en question le calendrier établi. Les procès risquent en effet d’être suspendus du fait de ces restrictions.
Le peu de coopération dont font preuve la Republika Srpska et la Serbie-et-Monténégro à l’égard du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) constitue un des obstacles majeurs à l’achèvement des procès en première instance, prévu en 2008, ont souligné le Président du Tribunal, Theodor Meron, et son Procureur, Carla del Ponte. Tout en saluant les autorités croates pour leurs efforts, Mme Del Ponte a regretté que celles de Serbie-et-Monténégro aient pratiquement suspendu toute coopération avec le Tribunal et abritent même des fugitifs. Elle s’est aussi dite préoccupée par la faible coopération de certains États concernant l’arrestation de dirigeants présumés responsables de graves violations du droit international en ex-Yougoslavie comme Radovan Karadzic, Ante Gotovina et Ratko Mladic. À ce jour, 20 inculpés sont toujours en fuite, ce qui empêche le TPIY de regrouper certaines affaires et de les juger en même temps, a-t-elle indiqué. Pour sa part, le représentant de la Serbie-et-Monténégro a assuré que son pays s’engageait à continuer de coopérer avec le Tribunal.
L'achèvement des travaux de deux Tribunaux ne doit pas signifier l'arrêt des poursuites contre les criminels de guerre, ont estimé de nombreuses délégations. C’est pourquoi, il est important d'encourager le renvoi devant les juridictions nationales compétentes des affaires concernant les accusés de rang intermédiaire ou subalterne afin d’alléger le fardeau qui pèse sur les Tribunaux internationaux et de poursuivre et juger les plus hauts dirigeants soupçonnés de porter la responsabilité la plus lourde des crimes relevant de leur compétence. Cependant, ont prévenu les Procureurs des deux Tribunaux, ceci implique la mise en place de juridictions internes crédibles qui soient à même de mener des procès équitables et impartiaux, conformément aux normes internationales en vigueur. À cet égard, le représentant du Rwanda a annoncé aujourd’hui que son pays était prêt à renoncer à la peine capitale pour les affaires déférées par le TPIR.
TRIBUNAUX PÉNAUX INTERNATIONAUX POUR LE RWANDA ET L’EX-YOUGOSLAVIE
M. THEODOR MERON, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, a rappelé que neuf ans après le renvoi devant les juridictions nationales du premier accusé, 35 autres accusés ont été jugés par le Tribunal au terme de 17 procès. En outre, 17 accusés ont plaidé coupables et ont été condamnés. Huit accusés sont jugés en première instance dans six procès au total. Six procès devraient s’achever prochainement. Au 31 décembre 2004, le Tribunal devrait soit achever, soit poursuivre des procédures en première instance concernant au moins 61 accusés. Le Tribunal est actuellement très productif, s’est félicité son Président, précisant que les juges se sont engagés à maintenir ce niveau de productivité jusqu’à la cessation des activités du Tribunal. Des mesures ont notamment été prises pour permettre au Tribunal d’achever ses travaux. La Chambre d’appel a par exemple pris des mesures pour améliorer la procédure d’appel.
Au rang des mesures visant à améliorer le fonctionnement du Tribunal, le Président a envisagé la possibilité d’élargir le cercle des États devant lesquels une affaire peut être soumise en vertu de l’article 11 bis du Statut de Tribunal qui permet de déférer à des juridictions nationales certains accusés actuellement détenus à La Haye ou en liberté provisoire. Les critères permettant à la chambre de première instance d’ordonner le renvoi d’une affaire reposent sur l’assurance donnée par le pays que les accusés bénéficieront d’un procès équitable et ne sont pas susceptibles d’être soumis à la peine capitale. La capacité de déférer devant des juridictions nationales est une condition sine qua non pour mener à bien la stratégie d’achèvement du Tribunal, a précisé le Président qui a néanmoins souligné que cela ne pouvait se faire que si toutes les conditions requises pour un procès équitable étaient réunies. Les pays doivent créer des institutions nationales habilitées à juger de façon crédible et équitable des personnes coupables. Le Tribunal doit pour sa part avoir la garantie que les normes internationales sont respectées pour la conduite des procès et les conditions de détention. Il serait inefficace d’envisager de renvoyer des affaires avant que les autorités nationales ne soient réellement en mesure de se conformer aux normes internationales, a fait observer M. Meron.
Pour ce qui est des lieux de détention au niveau national, les prévisions ne sont pas optimistes. L’appui de la communauté internationale est nécessaire pour que les lieux de détention temporaires répondent aux exigences du droit international. Les autorités croates ont, quant à elles, reconnu la nécessité d’améliorer leurs organes judiciaires et il n’y a aucune raison de penser que les organes judiciaires croates ne seront pas en mesure de juger un nombre limité d’affaires, a estimé le Président du TPIY. Ce dernier s’est cependant inquiété du médiocre bilan de la coopération entre la Serbie-et-Monténégro et le Tribunal. Ce pays n’a en effet pris aucune mesure digne de ce nom concernant quatre accusés de haut rang et en fuite depuis plus de six mois. En outre, les autorités de la Serbie-et-Monténégro ne s’acquittent pas de leurs obligations de coopérer avec le Tribunal. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a pour sa part conclu que le système judiciaire national de la Serbie-et-Monténégro n’était pas pleinement apte à juger ces crimes dans le respect des normes internationales en vigueur.
Le Président du TPIY a par la suite abordé la question des estimations concernant la stratégie d’achèvement. Il a estimé qu’à l’horizon 2008, les procès de tous les accusés en prévention ou en liberté provisoire devraient être achevés. Huit mandats d’arrêt n’ont pas encore donné lieu à la reddition ou à l’arrestation des personnes recherchées, notamment Radovan Karadzic et Ratko Mladic, a regretté M. Meron.
Les mesures les plus importantes qui doivent être prises pour permettre au Tribunal de fonctionner efficacement ont trait aux effectifs, à l’élection des juges et à la coopération des États Membres. Le Tribunal doit être en mesure de s’acquitter de son mandat jusqu’à la clôture de ses travaux. A cette fin, le Tribunal doit disposer des ressources nécessaires et être en mesure de remplacer les fonctionnaires qui quittent le Tribunal avant l’échéance. En outre, si les contributions restent impayées, les travaux du Tribunal seront paralysés. Il est donc important que les donateurs, même les plus modestes, s’acquittent de leurs contributions. Le gel des recrutements pourrait mener à la suspension des procès. Il est important que l’élection des juges soit organisée de manière à perturber le moins possible les travaux du Tribunal, de préférence à la mi-novembre 2004. En outre, le fait que les États de l’ex-Yougoslavie n’aient pas arrêté des accusés de haut rang entrave le bon fonctionnement du Tribunal. L’application de la stratégie d’achèvement ne doit pas encourager l’impunité de ces accusés, a conclu M. Meron.
M. ERIK MOSE, Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a présenté, conformément à la résolution 1534, aux membres du Conseil de sécurité les progrès accomplis dans la mise en oeuvre de la stratégie d’achèvement du mandat du Tribunal. Le TPIR suit son calendrier et a pris des mesures pour garantir le respect des délais impartis conformément à la résolution 1503. Tout porte à croire que les procès seraient achevés d’ici à 2008.
Le Président du TIPR a informé le Conseil que la promesse de mener à terme les 15 procès impliquant 21 accusés attendant d’être jugés, dont les procès Media, Kajelijeli, Kamuhanda et Cyangugu, avait été tenue. Par conséquent, les quatre juges dont le mandat a expiré ont quitté le Tribunal. S’agissant des activités du TPIR dans le cadre de son troisième mandat, il a indiqué que le procès Gacumbitsi, commencé le 29 juin 2003 s’est conclu le 17 juin dernier, que la conclusion du procès Ndindabahizi débuté le 1er septembre 2003 était imminente et que les deux procès dits “gouvernement” avaient débuté en novembre 2003. Deux jugements ont donc déjà été rendus dans le cadre du troisième mandat du TIPR, a précisé M. Mose. Compte tenu des procès qui vont débuter ou sont en cours, dont le procès Muhimana et le procès dit “Militaires II”, a poursuivi M. Mose, d’ici à la fin de l’année 2004, on peut s’attendre à ce que les procès concernant 48 personnes sera terminé, conformément à la stratégie d’achèvement.
Parmi les mesures prises dans le cadre de la stratégie d’achèvement et en application de la résolution 1503, M. Mose a affirmé que l’augmentation du nombre de juges ad litem, pouvant sièger au maximum au même moment, porté de quatre à neuf par le Conseil, s’était révélé très productive en termes d’efficacité et de flexibilité. M. Mose a en outre affirmé que des progrès avaient été accomplis selon les procédures n’impliquant qu’un accusé, comme les procès Niyitegeka, Gacumbitsi, Ndindabahizi et Muhimana pour lesquels le Procureur a notamment présenté les éléments de preuve dans un délai de quatre semaines le temps consacré à l’audition des témoins a été réduit.
L’enjeu principal pour le TIPR, a affirmé son Président, est de garantir l’avancement des procès impliquant plusieurs accusés, qui concernent un total de 28 accusés. La priorité est donc donnée à ce type de procès comme l’indiquent les progrès accomplis dans le cadre des procès Butare et “Militaires I”.
Concernant les délais impartis pour l’achèvement du mandat du TIPR, M. Mose a indiqué que d’ici à 2005 et 2006, toutes les affaires impliquant les 27 accusés dont le procès est en cours seront conclues, portant ainsi à 48 le nombre d’accusés de haut rang pour lesquels le Tribunal devra rendre un jugement. La question est donc de déterminer combien d’affaires le TIPR pourra prendre en compte d’ici à 2008. À cette date, le Tribunal pourrait avoir terminé les procès concernant les affaires de 65 à 70 personnes, a indiqué M. Mose, en ajoutant que parmi ces 70 personnes, 10 à 15 sont déjà détenues à Arusha, cinq devraient être transférés devant des juridictions nationales.
Mme CARLA DEL PONTE, Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), a déclaré que toutes les enquêtes menées par le Tribunal seraient achevées à la fin de 2004 et qu’à cette date, le dernier acte d’accusation sera établi. Toutes les enquêtes n’ont pas débouché sur des mises en accusation, a fait savoir le Procureur. Les enquêtes sur sept affaires ont été suspendues ou transférées à des juridictions nationales. Le Tribunal termine actuellement six enquêtes mettant en cause 11 personnes. Tous les procès doivent être achevés en 2008 et tous les appels examinés en 2010 au plus tard. Afin de respecter les délais, le Tribunal a décidé de limiter les chefs d’accusation mais il n’a pas le contrôle de certains facteurs tels que la date d’arrestation des fugitifs, la comparution des témoins ou le rassemblement de preuves. En outre, le Tribunal a économisé beaucoup de temps dans ses procédures dans la mesure où certains accusés ont plaidé coupables. Le Tribunal a en outre déféré devant des juridictions nationales 12 affaires concernant 22 accusés de rang intermédiaire ou subalterne. Le Tribunal entend en revanche juger lui-même les dirigeants de haut rang. Le Conseil de sécurité doit néanmoins tenir compte du fait que la stratégie d’achèvement peut être repoussée par les victimes du fait qu’ils n’ont pas confiance dans leurs juridictions nationales.
Trois problèmes essentiels se posent en ce qui concerne l’achèvement des travaux du Tribunal, a poursuivi Mme Del Ponte, à savoir l’arrestation des fugitifs, les ressources financières du Tribunal et la coopération entre les États. Vingt inculpés sont toujours en fuite, ce qui empêche le Tribunal de regrouper les affaires qui pourraient être jugées ensemble. Les fugitifs tentent de gagner du temps car ils savent que bientôt, les délais ne leur permettront plus d’être jugés à La Haye. Le Tribunal est en outre gravement touché par la crise de trésorerie qui l’empêche de recruter ou de remplacer du personnel essentiel à son fonctionnement. Enfin, le problème de la non-coopération de tous les États de l’ex-Yougoslavie revêt une importance cruciale pour la stratégie d’achèvement. Si les autorités croates offrent une pleine coopération avec le Bureau du Procureur, depuis décembre dernier, les autorités de Serbie-et-Monténégro n’ont pas coopéré et leur pays sert même de refuge pour les fugitifs. L’appui de la communauté internationale reste crucial à cet égard, a conclu Mme Del Ponte.
M. HASSAN B. JALLOW, Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda, a indiqué que son Bureau avait, lors de l’élaboration de la stratégie d’achèvement du mandat du Tribunal, trié, à l’aide de critères rigoureux, les affaires qui devaient être jugées par le TIPR et celles qui devaient être renvoyées devant les juridictions nationales. Il avait également déterminé les mesures concrètes qui devaient être prises pour la mise en oeuvre effective et souple de cette stratégie et mis en place un mécanisme d’évaluation des progrès accomplis. M. Jallow a indiqué que son Bureau avait l’intention de clore les affaires impliquant un total de 10 accusés d’ici à la fin de l’année 2004, dont les affaires Butare et Militaire I. Le jugement concernant l’affaire Muhimana a été rendu et est imminent pour les affaires Gacumbitsi et Ndabahizi, a-t-il indiqué en ajoutant que quatre autres affaires devraient être conclues d’ici à la fin de l’année. Parmi les 16 accusés détenus, il a proposé d’en transférer au moins cinq à la juridiction rwandaise compétente, auxquels s’ajouteraient le renvoi de quatre autres affaires dont les accusés échappent pour le moment à la justice. Par conséquent, a-t-il souligné, le nombre d’enquêtes restant à mener, est passé de 26 à 16 dont la conclusion est prévue pour la fin de l’année 2004.
M. Jallow a indiqué que le nombre d’inculpés qui devront être jugés d’ici à 2008 est actuellement plus important que le nombre d’accusés dont les cas ont été réglés depuis la création du Tribunal. Dans l’élaboration de la stratégie d’achèvement, le Bureau du Procureur a par conséquent cherché à accélérer les procédures, notamment en matière de réquisitoire et de limitation du nombre de chefs d’accusation, d’amélioration de la coordination et de l’accès et de la diffusion de l’information. Selon la stratégie, les enquêtes sur les nouvelles inculpations devront être terminées d’ici à la fin de 2005. S’agissant des renvois devant d’autres juridictions, M. Jallow a indiqué que son Bureau avait l’intention d’initier au cours de la deuxième moitié de cette année des discussions avec le Rwanda et d’autres pays pour conclure des accords sur la question. Dans la perspective du renvoi des affaires, a-t-il ajouté, il est indispensable d’envisager des ressources supplémentaires pour améliorer les capacités nationales en matière d’administration de la justice.
Le Procureur du TPIR a souligné deux succès réalisés dans le cadre de la coopération internationale en matière de justice internationale, à savoir l’arrestation de Ephrem Setako, accusé de génocide, aux Pays-Bas en février 2004 et celle de Yusuf Munyasaki, accusé de crime de génocide et de crime contre l’humanité, en République démocratique du Congo, grâce à la collaboration des autorités américaines, congolaises et les équipes de la Mission des Nations Unies en RDC (MONUC). Pour ce qui est des fugitifs, M. Jallow a indiqué qu’il mènerait, à la fin de l’année, des consultations avec les pays dans lesquels certains éléments portent à croire que ces fugitifs résident. Ils est important, a-t-il souligné par ailleurs, de pourvoir au minimum les six postes de juge d’appel déjà prévus et d’accroître davantage les capacités de l’Unité d’appel, notamment par le redéploiement du personnel existant. Il est également primordial d’accroître les capacités du Bureau du Procureur en matière d’instruction et en matière d’enquête pour faire face à l’augmentation de la charge de travail à venir. Dans ce contexte, M. Jallow a regretté le gel des recrutements imposés par les retards de paiement des contributions de certains États et a dénoncé l’impact de ces contraintes budgétaires sur les capacités d’instruction du TIPR. L’absence des ressources financières requises empêcherait le Tribunal de s’acquitter dans les délais impartis de son mandat. Estimant que la coopération du TPIR avec les autorités rwandaises était satisfaisante, il a conclu en soulignant que l’exécution du mandat du Tribunal dépend cependant en grande partie de la coopération des autres États Membres.
M. MICHEL DUCLOS (France) a appuyé le plan d’achèvement des travaux des Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie, tel que proposé initialement par leur président respectif. Toutefois, ces dates ne doivent pas être interprétées comme des dates « guillotines » pour la fin des enquêtes ou de celle des jugements d’instance et d’appel. Le principe cardinal, a-t-il souligné, doit être que les principaux responsables des crimes les plus graves commis en ex-Yougoslavie et lors du génocide au Rwanda soient traduits et punis. Il faut donc combiner cet impératif de non-impunité et celui de juridictions ad hoc. Les diverses mesures envisagées dans le cadre de la stratégie d’achèvement des Tribunaux pénaux internationaux doivent être appliquées en respectant pleinement les compétences propres aux divers organes des Tribunaux et l’indépendance de leur Procureur respectif. Le Conseil doit également, lorsque cela est nécessaire, apporter sa contribution avec la nomination de juges ad litem. Il convient par ailleurs que les membres des Nations Unies honorent leurs engagements financiers au regard des deux Tribunaux, ce qui est loin d’être le cas.
Le représentant a insisté sur la coopération active des États, au premier chef desquels la Serbie-et-Monténégro, la Republika Srpska et le Rwanda, qui constitue une obligation à l’égard des TPIR et du TPIY. Il s’est dit préoccupé par l’absence ou le peu de coopération des États les plus concernés, qu’il s’agisse de l’arrestation ou du renvoi à La Haye ou à Arusha des accusés en fuite, de l’accès aux témoins ou encore de la communication de documents. Peut-on en effet concevoir que les dates retenues du plan d’achèvement des travaux des deux Tribunaux, qu’il s’agisse de la fin des enquêtes en 2004, de la fin des jugements d’instance en 2008 et de celle des jugements d’appel en 2010 puissent être raisonnablement tenues sans que MM. Karadzic, Mladic, Gotovina et Kabuga ne soient arrêtés?
Il importe parallèlement que les juridictions nationales compétentes puissent rendre leur jugement dans des conditions respectueuses des normes internationales de bonne justice pour ce qui concerne les accusés de rang intermédiaire ou subalterne. Cet objectif ne pourra cependant être réalisé que si la communauté internationale et les États concernés se mobilisent davantage pour permettre la délocalisation des affaires. La création de la Chambre spéciale pour les crimes de guerre au sein de la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine mérite d’être relevée.
M. HERALDO MUŇOS (Chili) a déclaré qu’il était très important que les fugitifs de haut rang soient arrêtés et traduits devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Selon les informations communiquées par le Président du TPIY, il est peu probable que le Tribunal puisse juger de nouveaux accusés dans les délais prévus. La coopération de la Republika Srpska et de la Serbie-et-Monténégro est essentielle pour le bon fonctionnement du TPIY. Le Chili réitère en outre son appui aux stratégies d’achèvement des deux Tribunaux, convaincu que les travaux de ces juridictions sont une mise en garde contre tous ceux qui ont commis des violations des droits de l’homme. Les responsables de crimes de cette nature ne peuvent pas bénéficier de l’impunité.
M. ADAM THOMSON (Royaume-Uni) s’est félicité de l’effort réalisé par le TPIY pour améliorer son efficacité et a reconnu les obstacles existants à l’achèvement de son mandat, au premier rang desquels se trouve la situation financière. Dans ce contexte, il a assuré le Président du Tribunal de son soutien et a appelé les États Membres à payer leur contribution dans les délais impartis. Il a en outre regretté que le Tribunal essaie d’éviter l’élection ou la réélection de juges et a encouragé son Président à régler ce problème dans les meilleurs délais. S’agissant du renvoi des affaires vers les juridictions nationales, le représentant du Royaume-Uni s’est réjoui des progrès réalisés et a réaffirmé que son pays souhaitait que les inculpés de haut rang soient jugés devant le TPIY. Il a en outre appelé les États à renforcer leur coopération avec le Tribunal en matière d’inculpation. À ce titre, il a salué les efforts de la Croatie en la matière et a invité la République de Serbie-et-Monténégro à prendre des mesures en ce sens. Il s’est félicité du fait que le Tribunal respectait son calendrier et, ce, malgré les problèmes budgétaires.
S’agissant du TPIR, le représentant a invité le Procureur, M. Jallow, à soumettre des propositions visant à faciliter l’inculpation des accusés qui échappent encore à la justice -et dont certains éléments indiquent qu’ils résident dans certains pays- ainsi que le renvoi des affaires devant des juridictions nationales.
M. ABDALLAH BAALI (Algérie) s’est inquiété de l’insuffisance des effectifs des Tribunaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, de l’incapacité de conserver leur personnel qualifié et du gel des recrutements causés par le non-paiement des contributions par les États Membres, autant de raisons qui risquent d’entraver sérieusement le déroulement des activités des Tribunaux. Par ailleurs, il nous semble que la stratégie d’achèvement pourrait se trouver facilitée si les accusés de rang intermédiaire ou subalterne étaient déférés devant les juridictions nationales compétentes, a suggéré le représentant, qui a salué, à cet égard, la création de la Chambre des crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine. Il a en outre estimé que la coopération pleine et entière de tous les États Membres avec les Tribunaux en vue d’appréhender et de traduire en justice les accusés est essentielle à la réalisation de leurs mandats et objectifs. Enfin, le représentant de l’Algérie a attiré l’attention sur l’expiration, le 6 novembre 2005, du mandat actuel des juges permanents et, le 11 juin 2005, des juges ad litem, au moment où un nombre important de procès risquent de se poursuivre au-delà de ces deux dates, compromettant ainsi la stratégie d’achèvement des travaux.
M. RONALDO MOTA SARDENBERG (Brésil) a lancé un appel pour que les Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie concentrent leurs ressources et leurs efforts sur l’arrestation des plus grands responsables de crimes de guerre. En outre, il a estimé que si l’on insistait sur une échéance extrêmement rigide, on risquait de commettre un délit de justice en jugeant qu’une partie des responsables. Le Brésil, a poursuivi le représentant, est également préoccupé par l’absence de coopération des autorités de la Serbie-et-Monténégro. Enfin, il a déclaré qu’il était essentiel que les Tribunaux continuent de disposer de ressources adéquates et qu’à l’instar de son pays, les États Membres s’acquittent de leurs contributions.
M. GHEORGHE DUMITRU (Roumanie) a souligné l’importance de la coopération de tous les États en matière d’instruction, d’enquête et d’inculpation pour permettre aux deux Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie de s’acquitter de leur mandat respectif. Il a demandé des précisions sur le changement du Règlement intérieur du TPIR et sur son impact sur le renvoi des affaires aux juridictions nationales. S’agissant du TPIY, il a invité le Procureur à proposer des options de substitution s’il estimait que le renvoi aux juridictions nationales n’était pas une bonne solution. S’agissant de l’expiration du mandat des juges permanents, il s’est dit prêt à explorer avec les autres membres du Conseil de solutions viables et satisfaisantes.
M. GUNTER PLEUGER (Allemagne) a souhaité que les États Membres s’acquittent de leurs contributions et que les États travaillent de concert avec les Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie en vue, notamment, de l’arrestation des fugitifs. Il s’est félicité de la coopération dont a fait preuve la Croatie mais s’est dit préoccupé par l’attitude des autorités de la Serbie-et-Monténégro. À cet égard, il a souhaité que le Conseil de sécurité réagisse fortement dans le cas où les pays ne collaboreraient pas avec les Tribunaux. Le représentant a aussi lancé un appel pour l’élection rapide de juges. Concernant l’absence de coopération de la part de la Serbie-et-Monténégro, il a demandé au Président du TPIY ce que pourrait faire le Conseil pour améliorer cette coopération. Il a aussi souhaité obtenir plus de détails sur la coopération des autorités de la République démocratique du Congo avec le TPIR.
M. CHARLES ROSTOW (États-Unis) a appuyé les stratégies d’achèvement présentées par les deux Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie afin de respecter les délais impartis pour chacune des phases de leur mandat. Il a estimé que le renvoi des affaires d’importance mineure aux juridictions nationales était approprié. Tout en reconnaissant que le processus de mise en place d’institutions d’administration de la justice au niveau national n’était pas chose simple, le représentant américain a estimé que cela constituait un passage obligé pour la promotion de l’état de droit. Les stratégies d’achèvement, a-t-il souligné, dépendent en grande partie de l’appui des États Membres, de leur coopération en matière d’inculpation et du paiement de leurs contributions financières. Il a par ailleurs estimé que les deux Tribunaux devraient réduire leur travail d’enquête et se concentrer davantage sur les procès.
M. SERGEY N. KAREV (Fédération de Russie) a salué les efforts déployés par les deux Tribunaux pénaux internationaux pour respecter les calendriers établis. Il a aussi rappelé que l’aboutissement des stratégies d’achèvement ne signifiait pas que les coupables pourront échapper à la justice. À cet égard, il est important de procéder au renvoi des affaires retenues vers les juridictions nationales. Le représentant a aussi exprimé son inquiétude concernant le manque de personnel qualifié.
M. JEAN-FRANCIS RÉGIS ZINSOU (Bénin) a salué les efforts des Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et pour l’ex-Yougoslavie en vue de prévenir toute récidive et de décourager les comportements contraires au droit international. Il a souhaité que tout soit fait pour mettre en œuvre la stratégie d’achèvement de ces Tribunaux et a regretté le gel des recrutements des juges et l’impossibilité dans laquelle les deux Tribunaux se trouvent pour maintenir leurs personnels qualifiés. Ceci constitue un sérieux handicap pour le bon fonctionnement des tribunaux. La coopération des États Membres concernés par le renvoi des affaires devant leurs juridictions est cruciale. Cependant, une plus grande attention doit être accordée au renforcement des capacités des systèmes judiciaires des États concernés.
M. GUAN JIAN (Chine) s’est félicité des mesures prises par les Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie pour leur permettre de s’acquitter de leur mandat respectif, conformément à la résolution 1534 (2004) du Conseil de sécurité. Il a estimé que la priorité devrait être donnée au renvoi des affaires de rang intermédiaire ou subalterne devant les juridictions nationales compétentes, notamment en Bosnie-Herzégovine ainsi qu’à la poursuite des travaux des deux Tribunaux. A ce titre, il a souligné le caractère essentiel de la coopération des États Membres, notamment sur le plan financier et pour faciliter les procédures d’instruction et d’inculpation.
M. JULIO HELDER DE MOURA LUCAS (Angola) a salué les efforts accomplis par les deux Tribunaux pénaux internationaux, notamment l’adoption de leur stratégie respective d’achèvement des travaux. Il a cependant estimé que le calendrier établi semblait difficile à tenir et que, dans ce contexte, la coopération internationale était d’autant plus cruciale, en particulier pour le renvoi des affaires devant les juridictions nationales compétentes. Il s’est dit encouragé par les initiatives prises pour avancer dans ce sens. Il a souligné la nécessité de renforcer les capacités nationales d’administration de la justice et appelé la communauté internationale à apporter tout le soutien nécessaire au TIPR, y compris en termes de ressources financières et humaines.
M. MASOOD KHALID (Pakistan) a dit toute l’importance qu’attache son pays aux activités menées par les Tribunaux pénaux internationaux et exprimé son appui aux stratégies d’achèvement qu’ils ont élaborées. Il a pris note des difficultés auxquelles se heurtent les deux Tribunaux, notamment d’ordre financier, et s’est dit prêt à coopérer avec les Tribunaux. Sa délégation, a-t-il ajouté, est encouragée par la déclaration faite par le Procureur du TPIY, Carla Del Ponte, concernant l’objectif de finaliser les actes d’accusation d’ici à la fin de l’année.
M. INIJO DE PALACIO (Espagne) a pris note de tout ce qui reste à faire, malgré quelques données encourageantes, pour exécuter pleinement le mandat des deux Tribunaux pénaux internationaux. Il serait bon, a-t-il estimé, de déterminer si les problèmes sont liés à des questions matérielles ou plutôt à un manque de volonté politique. Il a par ailleurs estimé que le renvoi des affaires devant les juridictions nationales devrait se faire au cas par cas. Préoccupé par la situation financière des deux Tribunaux et par l’absence de coopération de certains pays directement concernés, le représentant espagnol a appelé le Conseil de sécurité à exercer les pressions nécessaires sur la Serbie-et-Monténégro. S’agissant du renouvellement des juges ad litem, il a réaffirmé la compétence de l’Assemblée générale et a souligné qu’étant donné le contexte, il serait bon de ne pas empêcher leur réélection.
M. LAURO BAJA (Philippines) a souhaité que les dates butoirs fixées pour les stratégies d’achèvement des deux Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie soient respectées. Le renvoi d’autant d’affaires que possible devant les juridictions nationales contribuerait largement à alléger le fardeau qui pèse sur les deux Tribunaux et garantir le succès des stratégies d’achèvement qu’ils ont adoptées. Enfin, le représentant des Philippines a appuyé l’idée de lever le gel général des recrutements imposé au TPIR et au TPIY.
M. MIRZA KUSLJUGIÉ (Bosnie-Herzégovine) a déclaré que les Accords de paix de Dayton représentaient un instrument très puissant du droit international et que son pays n’avait jamais ignoré les obligations qui découlaient de ces Accords. La coopération de son pays avec le TPIY revêt une importance cruciale, le Code pénal de Bosnie-Herzégovine ayant même été amendé afin de mieux appréhender les accusés des crimes de guerre. Tous les critères institutionnels devant présider à leur arrestation sont présents, a-t-il assuré. Cependant, la communauté internationale juge ces efforts insuffisants, ce qui fait notamment obstacle à l’entrée de la Bosnie-Herzégovine dans l’Union européenne. En conclusion, le représentant a déclaré que son pays était l’otage de Radovan Karadzic et de ses semblables.
M. MARTIN NGOGA (Rwanda) s’est félicité que le TPIR dispose désormais de son propre Procureur et a salué les progrès tant quantitatifs que qualitatifs accomplis par le Tribunal. Il a félicité les chambres et le Président du Tribunal pour les initiatives prises pour améliorer l’efficacité du Tribunal. Il a fait observer qu’il n’y a pas si longtemps, quelque 300 personnes étaient identifiées comme responsables de haut niveau et qu’actuellement ce chiffre était tombé à 50, voire même à 25. Si le nombre des personnes poursuivies par le Tribunal pouvait diminuer, a-t-il ajouté, la gravité des accusations portées contre certains des suspects qui ne sont plus poursuivis par le Tribunal appelle l’attention des membres du Conseil. Il a par ailleurs estimé que la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal ne devait pas être considérée comme une stratégie de sortie pour la communauté internationale. Dans ce contexte, a-t-il poursuivi, le Rwanda estime que la communauté internationale, et tout particulièrement le Conseil de sécurité, ont la responsabilité de les poursuivre en justice, que ce soit dans le cadre du TPIR ou ailleurs. Il a en outre réitéré l’intention de son pays de travailler, au niveau bilatéral, avec les pays où résident certains suspects, afin qu’ils soient transférés et jugés au Rwanda. Il s’est déclaré convaincu que le renvoi de certaines affaires devant les autorités rwandaises compétentes contribuera à la réconciliation et au sentiment de justice rendue. S’agissant des préoccupations exprimées concernant le maintien de la peine de mort dans le Code pénal rwandais, il a assuré qu’elle ne serait pas appliquée aux affaires déférées par le TPIR.
Le représentant rwandais a par ailleurs souligné la nécessité de soutenir davantage son pays dans ses efforts de renforcement des capacités judiciaires, que se soit en fournissant des formations, en collaborant avec les facultés de droit ou en contribuant à l’édification d’institutions d’administration de la justice. Le Rwanda souhaite que les condamnés purgent leur peine sur le territoire rwandais. A ce titre, il a regretté qu’à l’occasion des commémorations du génocide rwandais, un détenu purgeant sa peine au Mali ait eu l’occasion de déclarer à la BBC que le génocide n’avait jamais eu lieu. Dans ce contexte, il a demandé au Tribunal de tout faire pour que les Etats impliqués dans le génocide ne soient pas autorisés à prendre en charge la détention des condamnés.
Il a en outre réaffirmé que les informations recueillies par le Tribunal dans le cadre des enquêtes spéciales devaient être transmises aux autorités rwandaises compétentes. Rappelant les nombreuses difficultés auxquelles sont confrontées les survivants du génocide, il a appelé les membres du Conseil à fournir une aide d’urgence aux femmes victimes de viols ainsi qu’autres survivants du génocide.
M. NEBOJSA KALUDJEROVIC (Serbie-et-Monténégro) a déclaré que son pays était déterminé à établir la responsabilité individuelle des auteurs de crimes commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie pendant le conflit. Notre coopération avec le Tribunal de La Haye représente pour nous à la fois une obligation nationale et une obligation internationale, a-t-il reconnu. La plupart des personnes accusées ont avant tout commis un crime contre leur propre peuple. Le peuple serbe n’avait jamais été accusé dans le passé de génocide, de nettoyage ethnique et de crimes de guerre. Le représentant s’est déclaré convaincu que la vérité établie devant le TPIY et des juridictions nationales compétentes contribuera à encourager la confiance mutuelle et la réconciliation sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.
Son pays soutient le calendrier établi par le Tribunal pour s’acquitter de son mandat. Le renforcement des juridictions nationales, a estimé le représentant, contribuera dans une large mesure au succès de la stratégie d’achèvement du Tribunal. Nous avons nous-mêmes engagé des poursuites à l’encontre d’auteurs de crimes de guerre et 17 personnes ont été condamnées à des peines allant de 8 à 20 ans de prison. Bien que nous sommes conscients de nos obligations à l’égard du Tribunal, nous insistons pour que notre coopération soit à la mesure de faits et non pas de conceptions politiques préconçues.
Répondant aux critiques concernant la coopération insuffisante de son Gouvernement avec le Bureau du Procureur du Tribunal, le représentant a expliqué que la situation politique dans le pays, notamment la nomination du Conseil des Ministres de Serbie-et-Monténégro et les élections présidentielles en Serbie, avaient quelque peu ralenti les efforts en cours. Les autorités de son pays, a-t-
il soutenu, ont cependant maintenu des contacts quotidiens avec le Bureau du Procureur. Nous nous apprêtons à recevoir une équipe d’enquêteurs qui auront accès aux archives du Ministère des affaires étrangères, a-t-il indiqué, en assurant que son pays entend faire de la coopération avec le Bureau du Procureur du Tribunal, une de ses priorités.
M. VLADIMIR DROBNJAK (République de Croatie) a indiqué que la Croatie avait rempli ses obligations vis-à-vis du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, à l’exception de celle concernant l’arrestation du général Ante Gotovina, toujours en fuite. Soulignant la nécessité de déférer des affaires devant les juridictions nationales compétentes en vue de mener à bien la stratégie d’achèvement des travaux du TPIY dans les temps, la Croatie s’est déclarée prête à assumer pour sa part plusieurs de ces affaires et a déjà formé juges et procureurs à cette fin. Le représentant a par ailleurs jugé nécessaire de réformer la juridiction du Tribunal en vue de réparer le préjudice subi par les personnes accusées, poursuivies ou détenues à tort.
Reprenant la parole, le Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a lancé un appel à tous les États Membres pour qu’ils s’acquittent de leurs arriérés à l’égard du Tribunal le plus rapidement possible. À la question de savoir quand les affaires seraient renvoyées devant les juridictions nationales, il a indiqué que la situation était différente selon les États. En ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine, le Tribunal travaille pour aider à établir une chambre spéciale des crimes de guerre au niveau de la Cour d’État qui existe déjà. En outre, les installations de détention à Sarajevo seront disponibles à partir de janvier 2005. S’agissant de la Croatie, des problèmes persistent en matière d’équité et de discrimination ethnique à l’égard des victimes. Pour ce qui est de la Serbie-et-Monténégro, les perspectives de renvoi des affaires devant les juridictions nationales sont affaiblies par le manque de coopération des autorités du pays. Le Président du TPIY a aussi fait savoir que le renvoi des affaires ne peut se faire si les autorités des pays concernés ne garantissent ni de procès équitable ni l’exclusion de la peine de mort. En outre, seuls les accusés de niveau intermédiaire ou subalterne peuvent être renvoyés devant les tribunaux nationaux. Enfin, le Président a fait savoir qu’il sera nécessaire de proroger le mandat de juges ad litem et d’établir une nouvelle liste. Enfin, il a indiqué que des progrès avaient été accomplis dans la négociation d’un nouvel accord sur la question de savoir où les personnes condamnées pourraient purger leurs peines. Un accord a notamment été conclu avec le Royaume-Uni. Le Greffier du TPIY contacte constamment différents gouvernements pour la conclusion d’accords supplémentaires, a fait savoir M. Meron qui a saisi l’occasion pour appeler les gouvernements à conclure un accord de coopération avec le Tribunal.
À son tour, le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslaviea demandé à Belgrade de désigner un interlocuteur qui permette au Tribunal d’examiner les affaires concernant les accusés en fuite et a déclaré attendre avec impatience que la Cour spéciale de Bosnie-Herzégovine entre en fonctions.
Répondant aux observations des délégations, le Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) s’est réjoui du fait qu’un certain nombre d’États aient souligné le besoin de renforcer la coopération, notamment pour faciliter l’arrestation de fugitifs. Il a pris bonne note de la déclaration du représentant rwandais qui assure que le Gouvernement du Rwanda n’appliquera pas la peine de mort aux affaires renvoyées par le TPIR devant les juridictions nationales et à cet égard, il a appelé les États Membres à soutenir le renforcement des institutions judiciaires du Rwanda. Pour éviter toute impunité, il est nécessaire de juger les affaires les plus importantes au niveau international et de renvoyer les affaires moins importantes devant les juridictions nationales.
Pour sa part, le Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda a tenu à préciser qu’avant le renvoi d’une affaire devant une juridiction nationale, le Tribunal s’assurait que les conditions d’un procès juste et équitable, conforme aux normes internationales, étaient réunies. Dans le cas où la tenue du procès révèlerait des irrégularités, a-t-il indiqué, le TPIR était compétent pour reprendre l’affaire. Le Procureur a en outre réaffirmé que le Tribunal décidait de ne pas renvoyer l’affaire s’il y avait risque d’impunité. Il a souligné que l’intervention d’un acteur extérieur avait été nécessaire pour arrêter un des accusés de haut rang résidant en République démocratique du Congo. Il a par ailleurs assuré le représentant du Rwanda que le Tribunal ferait tout son possible pour lutter contre l’impunité et garantir la détention des personnes reconnues coupables par le TPIR.
Lettre datée du 30 avril 2004, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Tribunal pénal international chargé de juger les personnes accusées d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais accusés de tels actes ou violations commis sur le territoire d’États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 (S/2004/341)
Le présent document donne un aperçu de la stratégie d’achèvement du mandat du Tribunal pénal international pour le Rwanda en s’appuyant sur les renseignements disponibles au 26 avril 2004. Les procès de 21 personnes ont été menés à leur terme. Les procès de 21 accusés sont en cours, dont deux instances ont atteint le stade de la rédaction du jugement. En outre, 21 accusés attendent d’être jugés, le procès de six d’entre eux devant s’ouvrir entre mai et septembre 2004, ce qui portera à 48 le nombre de personnes dont le procès a été mené à terme ou est en cours. Le Procureur a l’intention de renvoyer les affaires de cinq détenus devant les juridictions nationales. Les procès des 10 détenus restants s’ouvriront à partir de 2005, selon les rôles des Chambres de première instance.
Le Procureur entend concentrer ses efforts sur ceux des accusés qui portent la responsabilité la plus lourde pour les crimes perpétrés en 1994. Sur les 17 accusés qui ont échappé jusqu’ici à la justice, le Procureur a l’intention d’en renvoyer quatre devant des juridictions nationales. De plus, le Bureau du Procureur mène actuellement 16 enquêtes, lesquelles seront terminées d’ici à la fin de 2004, ce qui pourrait se traduire par 16 nouveaux actes d’accusation maximum.
Le document rappelle en outre que le Conseil de sécurité a porté de quatre à neuf le nombre de juges ad litem qui peuvent siéger au maximum au même moment et autorisé ces juges à traiter des questions relevant de la mise en état. Du fait de ces modifications, on estime que les affaires concernant les 27 accusés dont les procès débuteront d’ici à la fin de 2004 seront menées à leur terme entre 2004 et le début de 2006. Les derniers procès, ceux des 10 détenus restants pourraient être menés à leur terme d’ici à 2006 ou au début de 2007. Selon les prévisions, le Tribunal devrait pouvoir achever les procès et jugements concernant 65 à 70 accusés d'ici 2008.
Lettre datée du 21 mai 2004, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Tribunal pénal international chargé de juger les personnes accusées de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (TPIY)
Par cette lettre, le Président du TPIY, Theodor Meron soumet, conformément à la résolution 1534 (2004), ses évaluations et celles du Procureur du TPIY, Carla del Ponte, des progrès accomplis dans la mise en œuvre de la stratégie d’achèvement des travaux et explique les mesures déjà prises à cette fin et celles qui doivent encore l’être, notamment en ce qui concerne le renvoi devant les juridictions nationales compétentes des affaires impliquant des accusés de rang intermédiaire ou subalterne.
Dans ses conclusions, le Président du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie estime que le Tribunal est parvenu à atteindre l’objectif fixé par le Conseil de sécurité, celui de veiller à ce que les personnes responsables de crimes de guerre, d’actes de génocide et de crimes contre l’humanité répondent publiquement de leurs actes dans le respect des normes internationales les plus strictes de procédure régulière et, ce, malgré l’étendue de sa mission sans précédent.
M. Meron indique que les Chambres de première instance du TPIY travaillent actuellement au maximum de leur capacité, menant six procès de front et préparant d’autres affaires en prévision de nouveaux procès qui devraient s’ouvrir dès que ceux actuellement en cours seront terminés. Quant à la Chambre d’appel, si elle doit faire face à une charge de travail bien plus lourde qu’auparavant – tout particulièrement en ce qui concerne ses activités pour le TPIR – elle continue néanmoins de se prononcer sur des appels de jugements et sur des recours interlocutoires à un rythme soutenu. Les efforts internes en vue d’améliorer l’efficacité du travail des Chambres, et particulièrement celui de la Chambre d’appel, continuent de produire des résultats. M. Meron indique également qu’au début de l’année 2005, le Tribunal pourrait commencer à déférer à la chambre spéciale de la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine les affaires mettant en cause des accusés de rang intermédiaire ou subalterne qui remplissent les conditions prévues. Il met en garde contre les préoccupations quant aux incertitudes pour la stratégie d’achèvement des travaux, compte tenu du fait que de nouveaux actes d’accusation ont été rendus publics en mars et en avril 2004. Le Tribunal continue d’être en mesure de juger tous les accusés actuellement en détention ou en liberté provisoire à l’horizon 2008, y compris probablement l’un de ceux dont la capture a été déclarée hautement prioritaire, Ante Gotovina, à condition toutefois que celui-ci arrive à La Haye avant 2006.
Or, fait observer M. Meron, étant donné qu’il est probable que les nouveaux actes d’accusation donnent lieu à deux procès supplémentaires impliquant huit nouveaux accusés, le Tribunal ne sera vraisemblablement pas en mesure de juger d’autres accusés – qu’ils soient actuellement en fuite ou visés par un nouvel acte d’accusation – y compris Radovan Karadžić et Ratko Mladić, en respectant les délais prévus par la stratégie d’achèvement des travaux, à moins que certaines affaires ne puissent se conclure par d’autres moyens que par une procédure complète devant le Tribunal, tels qu’un renvoi à une juridiction nationale ou un plaidoyer de culpabilité.
Le Président du TPIY souligne d’autres mesures, notamment celles qui viseraient à obtenir une meilleure coopération des États Membres concernant le transfèrement d’accusés dont la capture a été déclarée hautement prioritaire et à éviter que l’élection de nouveaux juges en 2005 n’occasionne des retards, renforceraient la capacité du Tribunal à atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la stratégie d’achèvement de ses travaux. Ces mesures, explique-t-il, deviendront encore plus nécessaires si, en raison de nouveaux actes d’accusation ou de l’arrestation de fugitifs, de nouveaux accusés arrivent à La Haye. Il affirme que le Tribunal s’engage à faire tout ce qui est en son pouvoir pour atteindre les objectifs de la stratégie d’achèvement de ses travaux. Cela étant, pour accomplir son mandat, le Tribunal doit être en mesure de juger les plus hauts dirigeants, encore en fuite, accusés de violations graves du droit international humanitaire et, en particulier, Radovan Karadžić, Ratko Mladić et Ante Gotovina. Tant que ces individus n’auront pas été appréhendés, le Tribunal n’aura pas achevé sa mission historique. Pour accomplir sa tâche, le Tribunal a besoin du soutien indéfectible, à la fois politique et financier, de l’Organisation des Nations Unies et de tous les États Membres, ainsi que des ressources nécessaires à son fonctionnement. M. Meron fait observer que les mesures telles que le gel des recrutements perturberont forcément les travaux du Tribunal et, par voie de conséquence, la stratégie d’achèvement. Il note par conséquent qu’il est impératif que le Tribunal puisse pourvoir les postes clefs vacants, particulièrement au sein des Chambres.
Il affirme que le transfèrement des accusés dont la capture a été déclarée hautement prioritaire – à savoir Radovan Karadžić, Ratko Mladić et Ante Gotovina – devrait être assuré dès que possible, et il faut que les États de l’ex-Yougoslavie soient prêts à apporter leur coopération chaque fois que nécessaire, notamment en ce qui concerne l’accès aux éléments de preuve ou le retour au Tribunal d’accusés mis en liberté provisoire. Il indique par ailleurs que le Tribunal met tout en œuvre pour que soient créées en ex-Yougoslavie des institutions nationales en mesure de mener un procès équitable dans le respect des garanties prévues par la loi et se tient prêt à déférer, lorsqu’il y a lieu, des affaires aux juridictions nationales dès qu’elles-mêmes seront prêtes à en être saisies.
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