LE CONSEIL DE SECURITE REJETTE UN PROJET DE RESOLUTION SUR LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, JUGE DESEQUILIBRE PAR LES ETATS-UNIS
Communiqué de presse CS/2648 |
Conseil de sécurité
4934e séance – après-midi
LE CONSEIL DE SECURITE REJETTE UN PROJET DE RESOLUTION SUR LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, JUGE DESEQUILIBRE PAR LES ETATS-UNIS
Après l’exécution extrajudiciaire du cheikh Ahmed Yassine commise le 22 mars dernier par Israël, le Conseil de sécurité a procédé, cet après-midi, à un vote sur un projet de résolution relatif à la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne, qui s’est heurté à l’opposition des Etats-Unis. Présenté par l’Algérie et la Jamahiriya arabe libyenne, ce texte a été rejeté par une voix contre (Etats-Unis), 11 voix pour et 3 abstentions (Allemagne, Roumanie et Royaume-Uni).
Expliquant son vote, le représentant des Etats-Unis a indiqué que son pays ne pouvait se prononcer en faveur d’une résolution qui ne disait rien des atrocités terroristes commises pas le Hamas et qui ne reflétait pas les réalités du conflit sur le terrain. Il s’agit d’un texte déséquilibré qui ne traite que de la situation dans les territoires occupés sans tenir compte des événements tragiques qui se déroulent en Israël, a indiqué le représentant. Tout en réitérant leur opposition à la politique d’exécutions extrajudiciaires, le caractère déséquilibré du texte a également été invoqué par les représentants du Royaume-Uni, de la Roumanie et de l’Allemagne pour expliquer leur abstention. Ce dernier a en particulier regretté que la position exprimée par l’Union européenne après l’assassinat du cheikh Yassine ne soit pas reflétée dans le texte.
Pour sa part, le représentant d’Israël a estimé que ce projet de résolution était une farce, dans la mesure où il mentionne le terrorisme sans évoquer le Hamas et évoque le cheikh Yassine sans le qualifier de parrain du terrorisme. Il faut cesser de mettre le terrorisme à l’abri et de condamner ceux qui se défendent contre le terrorisme sans s’attaquer au terrorisme lui-même, a-t-il fermement déclaré. L’Observateur permanent de la Palestine a regretté le rejet du projet de résolution, intervenant pour la vingt-huitième fois devant le Conseil, en raison du veto des Etats-Unis et a appelé ce pays à adopter une position plus neutre concernant le conflit israélo-palestinien.
Tout en condamnant l’exécution extrajudiciaire qu’Israël a commise très récemment en tuant le cheikh Ahmed Yassine et six autres Palestiniens, ce texte demandait qu’il soit mis fin à toutes les mesures et pratiques illégales et que soit appliqué le droit international humanitaire. Il demandait en outre aux deux parties de coopérer avec le Quatuor à l’application de la Feuille de route.
Outre les délégations citées, les représentants des pays suivants ont pris la parole après le vote: Fédération de Russie, Algérie, Chili, Espagne, Brésil et France.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE
Projet de résolution S/2004/240: Algérie et Jamahiriya arabe libyenne
Le Conseil de sécurité,
Rappelant ses résolutions 242 (1967), 338 (1973), 1397 (2002), 1435 (2002) et 1515 (2003),
Constatant avec une vive inquiétude que la situation continue de se détériorer sur le terrain dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, par suite de l’intensification de la violence et des attaques,
1. Condamne l’exécution extrajudiciaire qu’Israël, puissance occupante, a commise très récemment en tuant le cheikh Ahmed Yassine et six autres Palestiniens à l’extérieur d’une mosquée à Gaza et demande l’arrêt complet des exécutions extrajudiciaires;
2. Condamne également toutes les attaques terroristes dirigées contre quelque civil que ce soit, ainsi que tous les actes de violence et de destruction;
3. Demande à toutes les parties de cesser immédiatement et sans conditions les actes de violence, y compris tous les actes de terrorisme, de provocation, d’incitation et de destruction;
4. Demande également qu’il soit mis fin à toutes les mesures et pratiques illégales et que soit respecté et appliqué le droit international humanitaire;
5. Demande en outre aux deux parties de s’acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de la Feuille de route approuvée par la résolution 1515 (2003) du Conseil de sécurité et de coopérer avec le Quatuor à l’application de cette feuille de route afin de concrétiser la vision de deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité;
6. Décide de rester saisi de la question.
Explications de vote
Le représentant des Etats-Unis a indiqué que sa délégation s’oppose au projet de résolution qui a été soumis au Conseil car il ne dit rien des atrocités terroristes commises par le Hamas. En outre, il ne reflète pas les réalités du conflit sur le terrain. Par conséquent, ce texte n’est pas de nature à promouvoir la paix et la sécurité dans la région. Les Etats-Unis sont troublés par l’assassinat du cheikh Yassine qui pourrait ralentir nos efforts en faveur de la paix, a déclaré le représentant, en estimant toutefois que les événements doivent être examinés dans leur contexte. On ne peut passer sous silence les activités d’une organisation terroriste qui œuvre pour la destruction d’Israël. Ce projet de résolution ne traite que de la situation dans les territoires occupés sans tenir compte des événements tragiques qui se déroulent en Israël. Les Etats-Unis sont en faveur de la coexistence de deux Etats vivant côte à côte dans la paix et la sécurité et appuieront toute action du Conseil et sur le terrain permettant de promouvoir cet objectif. Ce texte ne peut que nous éloigner des efforts du Quatuor, a soutenu le représentant.
Le représentant de la Fédération de Russie a regretté que le Conseil de sécurité n’ait pas pu réagir à l’évolution de la situation dans le territoire palestinien après l’exécution extrajudiciaire du leader spirituel du Hamas, cheikh Yassine, en début de semaine. La position de la Russie est constante, a-t-il dit, souhaitant que l’extrémisme et le terrorisme soient déracinés et condamnant les actes terroristes commis contre les civils israéliens. Nous avons voté en faveur de ce texte au nom du consensus et parce qu’il contient une disposition condamnant les actes terroristes contre quelque civil que ce soit, a dit le représentant, tout en regrettant que les négociations sur ce texte ne se soient pas poursuivies.
Le représentant de l’Algérie a déploré que quatre jours après l’assassinat extrajudiciaire de cheikh Yassine le Conseil de sécurité ne soit pas parvenu à se mettre d’accord ni sur une déclaration, ni sur un projet de résolution. Cette attitude du Conseil de sécurité n’adresse pas le bon message au monde entier, a-t-il dit, mais elle envoie en revanche le bon message à Israël dont les dirigeants annoncent la poursuite de ces exécutions. Les discussions sur ce texte ont permis de parvenir à un projet de résolution qui condamne le terrorisme et réaffirme la vision de deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte. Le représentant algérien a déploré que le Conseil ait une fois de plus été incapable d’assumer ses responsabilités, en dépit des efforts de certaines délégations pour parvenir à un texte équilibré qui n’a, toutefois, pas satisfait l’ensemble des membres du Conseil.
Le représentant de l’Allemagne a expliqué que son pays s’est abstenu de voter sur le texte car ce dernier traite des événements au Moyen-Orient de façon déséquilibrée. Ce texte ne condamne pas les actes commis des deux côtés.
Pour sa part, le représentant de la Roumanie a indiqué que son pays s’est abstenu car le projet de résolution ne prend pas en compte le contexte général dans lequel la mort du cheikh Yassine est intervenue. La mise en œuvre de la Feuille de route doit reprendre car elle constitue la seule voie vers une solution juste et durable de la situation dans la région, sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
Le représentant du Royaume-Uni a condamné de nouveau les assassinats extrajudiciaires, y compris celui du cheikh Yassine qui, a-t-il souligné, ne servira qu’à perpétuer le cycle de violence, et a condamné de la même manière les attaques terroristes perpétrées par des groupes palestiniens contre des civils israéliens. Le Royaume-Uni qui a adopté avec l’Union européenne une déclaration condamnant cet assassinat lundi dernier s’est abstenu aujourd’hui car ce texte ne reflète pas la position de l’Union européenne du 22 mars. Ce texte n’est pas équilibré dans la mesure où il ne reflète pas la condamnation expresse du terrorisme visant les civils israéliens, a-t-il expliqué, réaffirmant que seule une position équilibrée soutiendra le processus de paix.
Le Chili a voté pour ce texte, a expliqué son représentant, car il estime qu’il s’agit d’une question de droit international. Il a rappelé à cet égard que le paragraphe 2 du dispositif contient une mention du terrorisme.
Justifiant à son tour son vote en faveur du texte, le représentant de l’Espagne a estimé que ce texte reprenait les deux idées de la déclaration de l’Union européenne. Tous les attentats sont condamnables, à Tel-Aviv comme à Madrid ou Casablanca, a-t-il dit, et ils doivent être condamnés avec la plus grande fermeté. Toutefois, sa délégation s’oppose aux exécutions extrajudiciaires qui ne contribuent qu’à exacerber les tensions.
Le représentant du Brésil a, quant à lui, indiqué que sa délégation avait voté en faveur du projet de résolution, réaffirmant ainsi la position que le Brésil avait clairement exprimée lors du débat du mardi 23 mars.
Le représentant de la France a déclaré qu’il a voté en faveur du projet de résolution car il a estimé que le Conseil de sécurité devrait adresser un message ferme et clair aux parties en raison du contexte actuel d’extrêmes tensions. Le texte a été amendé et amélioré au cours des dernières 48 heures et a reflété l’équilibre du contenu de la déclaration de l’Union européenne. Ce texte a condamné l’exécution extrajudiciaire ainsi que tous les actes de terrorisme. Il a également appelé les parties à respecter le droit international et à s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Feuille de route, la seule voie possible vers la paix. La violence doit cesser. Le représentant a regretté toutefois que le Conseil soit une nouvelle fois paralysé face à la situation au Moyen-Orient.
Déclarations
M. NASSER AL-KIDWA, Observateur permanent de la Palestine, a noté avec regret qu’il s’agissait du vingt-huitième texte empêché par le veto des Etats-Unis concernant la situation dans les territoires palestiniens. Cela intervient dans une situation de tension extrême au Moyen-Orient. Il est tout à fait clair, a poursuivi l’Observateur, que des millions de personnes ne seront pas en mesure de comprendre ce qui s’est passé aujourd’hui et que cela ne contribuera nullement à calmer la situation et à instaurer la paix dans la région. Pourtant, les pays arabes ont fait preuve d’une grande souplesse ces deux derniers jours pour tenter d’adopter une position unanime sur le texte. Le projet de résolution contenait une condamnation claire des attaques terroristes contre les civils ainsi que de tous les actes de violence et de destruction. Tout ce que nous pouvons espérer maintenant, a indiqué l’Observateur, est qu’il y aura une position à l’avenir qui fera comprendre à Israël qu’il ne peut poursuivre sa politique d’occupation, et surtout ses exécutions extrajudiciaires. Enfin, il a demandé aux Etats-Unis d’adopter une position plus neutre concernant le conflit israélo-palestinien et de reprendre la voie de la mise en œuvre de la Feuille de route et de la création de deux Etats vivant côte à côte dans la paix.
Intervenant à son tour, M. DAN GUILLERMAN (Israël) a remercié les délégations qui n’ont pas voté en faveur de ce projet de résolution qui n’aurait jamais dû être envisagé. Un texte qui mentionne le terrorisme sans évoquer le Hamas, qui évoque cheikh Yassine sans le qualifier de parrain du terrorisme, est une farce, a-t-il dit. Il semble étrange de la part de certains pays qui ont eux-mêmes été victimes de terrorisme encore récemment de les voir intervenir aujourd’hui pour défendre cheikh Yassine qui était à la tête d’une organisation vouée à la destruction d’Israël, reconnue comme une organisation terroriste dans la plupart des pays du monde –y compris l’Union européenne- mais pas dans cette enceinte, un homme dont toute l’œuvre a été le meurtre de masse et la lutte contre la Feuille de route. Il y a encore deux semaines, cheikh Yassine exultait après l’attentat perpétré dans le port d’Ashdod qui visait en fait des citernes d’essence et aurait pu causer la mort de centaines de personnes. Le Conseil de sécurité aurait-il réagi de la même manière, a demandé le représentant israélien?
Les pays touchés récemment par le terrorisme auraient-ils laissé faire s’ils avaient eu connaissance de ces plans avant d’être frappés? Le représentant d’Israël a rappelé qu’hier encore, un jeune de 14 ans avait été utilisé comme kamikaze, ce qui prouve l’importance des enfants pour les Palestiniens. Il faut cesser de mettre le terrorisme à l’abri et de condamner la défense contre le terrorisme sans s’attaquer au terrorisme lui-même, a déclaré le représentant, convaincu que les groupes terroristes palestiniens prennent la paix et la Feuille de route en otage.
Droits de réponse
Reprenant la parole, l’Observateur permanent de la Palestine a estimé que le problème n’a jamais été que le Conseil était anti-israélien mais qu’il ait toléré et permis les actes illégaux commis par Israël depuis de longues années. L’Observateur s’est en outre opposé aux tentatives viles et immorales visant à établir un lien entre les pratiques illégales israéliennes avec la lutte internationale contre le terrorisme. Israël n’est pas un pays pacifiste attaqué par l’extérieur mais une puissance occupante terrible qui viole tous les aspects du droit international humanitaire. Il s’est également opposé à la déclaration du représentant d’Israël selon laquelle le peuple palestinien n’aime pas ses enfants et les envoie à la mort pour détruire Israël, en qualifiant cette déclaration de raciste.
S’exprimant une nouvelle fois, le représentant d’Israël s’est déclaré stupéfait par l’audace d’une entité qui a inventé les attaques-suicide à la bombe et les détournements d’avion et prétend aujourd’hui donner des leçons de démocratie. Les Nations Unies doivent faire comprendre aux Palestiniens que tant qu’ils refuseront la voie de la conciliation qui leur est offerte par la partie israélienne, ils ne deviendront jamais un Etat Membre de cette Organisation, a-t-il ajouté.
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