En cours au Siège de l'ONU

CNUCED/278

LA CNUCED XI DOIT SUSCITER L'ÉLAN NÉCESSAIRE À LA RÉUSSITE DES NÉGOCIATIONS DE L'OMC SUR LE CYCLE DU DÉVELOPPEMENT LANCÉ EN 2001 À DOHA

15/06/2004
Communiqué de presse
CNUCED/278


11e Conférence des Nations Unies

sur le commerce et le développement


LA CNUCED XI DOIT SUSCITER L'ÉLAN NÉCESSAIRE À LA RÉUSSITE DES NÉGOCIATIONS DE L'OMC SUR LE CYCLE DU DÉVELOPPEMENT LANCÉ EN 2001 À DOHA


L'approche développementale du commerce et de la pauvreté ainsi que le lien

entre le développement et l'accumulation des capitaux au centre des discussions


SAO PAULO, 14 juin -- L'incohérence existe lorsqu'en dépit de l'extraordinaire "boum économique" du monde actuel, les négociations commerciales restent dans l'impasse tant au niveau international qu'au niveau régional alors que la prospérité des uns a des répercussions positives sur la situation économique des autres.  C'est en ces termes que le Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Rubens Ricupero, a, dans une longue intervention, commenté le thème du "Renforcement de la cohérence entre les stratégies nationales de développement et les processus économiques mondiaux afin de favoriser la croissance économique et le développement", choisi par la 11e session de la CNUCED.  Ouverte, ce matin à Sao Paulo, la CNUCED XI devrait s'achever le 18 juin prochain avec l'adoption d'un plan d'action et d'une déclaration politique.


L'impasse, constatée par le Secrétaire général de la CNUCED, a été reconnue par le Directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).  Après l'échec de la cinquième réunion ministérielle de l'OMC,  en septembre 2003 à Cancun, un accord, a-t-il estimé,  pourrait intervenir d'ici la fin du mois de juillet prochain sur la question de la libéralisation du commerce agricole mondial et les questions dites de Singapour, à savoir les investissements, une politique de la concurrence, la transparence des marchés publics et la  facilitation des échanges.  Sans consensus acceptable, le processus de négociations dit "Cycle du développement", lancé par la quatrième Réunion ministérielle de l'OMC à Doha, sera voué à un échec qui rendrait le commerce mondial plus opaque et plus difficile pour les pays les plus faibles, a prévenu le Directeur général de l'OMC, Supachai Panitchpakdi, en espérant que la CNUCED XI pourra créer un cadre de soutien à ces négociations.


Après les interventions de ces deux personnalités qui ont été précédées par celles du Ministre des affaires étrangères de la Thaïlande, Surakiart Sathirathai, et du Brésil, Celso Amorim, élu Président de la CNUCED XI et assisté de 32 vice-présidents, les représentants des 192 Etats membres de la CNUCED ont tenu une première table ronde consacrée à la perspective développementale du commerce et de la pauvreté, animée par la Ministre pour le développement international de la Norvège, Hilde Johnson. 


Tous ont convenu, avec les analyses de la CNUCED, qu'une corrélation réelle entre commerce et pauvreté exige que les politiques nationales et internationales fassent l'objet d'une approche du commerce international axée sur le développement plutôt que d'une approche du développement axée sur le commerce.  Cette approche reposerait sur deux principes.  Selon le premier, la variabilité des taux de croissance déterminerait la variabilité du recul de la pauvreté; le deuxième viserait à ce que les effets des politiques commerciales sur la croissance se traduiraient dans les corrélations entre les échanges et l'accumulation de capital physique, humain et organisationnel, sans perdre de vue l'innovation.* 


Comme l'a résumé le Commissaire européen au développement, tout revient au slogan d'antan "aide et commerce".  Après qu'il eut fait observer qu'aucun donateur n'était allé aussi loin que l'Initiative "Tout sauf les armes" de l'Union européenne, le Ministre du commerce de l'Irlande dont le pays assume la présidence de l'Union, a annoncé la mise au point d'ici à 2006 d'un nouveau système de préférences généralisées.  C'est aux pays riches d'agir car c'est eux qui ont mis en place les règles commerciales actuelles, a soutenu la Ministre norvégienne pour le développement international, en insistant sur la libéralisation des produits agricoles. 


Il faut de véritables accords préférentiels, des garanties pour les investisseurs, des règles  souples et des incitations au financement pour compenser les préférences commerciales, a précisé le Secrétaire général de la CNUCED qui a aussi prôné des études sur l'impact social des politiques commerciales.  À charge pour les pays du Sud d'assurer la bonne gouvernance, le respect des droits de l'homme et une répartition équitable des revenus, ont souligné les représentants de la communauté des donateurs.  


Concernant la deuxième table ronde sur le lien entre développement et accumulation des capitaux, qui a été animée par le Président de la Banque interaméricaine, Enrique Iglesias,  les participants ont pris note des analyses de la CNUCED selon lesquelles un investissement accru dans les capitaux fixes a permis à certains pays de s'assurer une production compétitive et, en conséquence, un marché dynamique de produits d'exportation avec haute valeur ajoutée.  Cette expérience, tempère toutefois la CNUCED, se limite à quelques pays puisque dans beaucoup d'autres, en particulier en Afrique, la dépendance à quelques produits de base demeure le principal problème.  L'Afrique n'est pas la seule à avoir une situation préoccupante.  Dans de nombreux pays d'Amérique latine, la croissance n'a cessé de faiblir depuis les années 1975-76, et beaucoup d'entre eux sont devenus dépendants des flux de capitaux extérieurs.  


Cette table ronde a permis au Vice-Recteur de l'Université de Delhi de dissiper les doutes liés aux causes de l'essor économique de l'Inde et de la Chine.  La croissance n'est pas due aux réformes, a-t-il indiqué, mais bien à la pertinence des stratégies nationales de développement fondées sur des besoins spécifiques.  Or, aujourd'hui, le problème est que la mondialisation et ses règles, établies par les institutions internationales, ont réduit la faculté des pays les plus faibles à définir leur propre stratégie de développement.  


La CNUCED XI poursuivra ses travaux en plénière, demain à partir de 10 heures.


* TD/398


Table ronde de haut niveau sur une perspective développementale du commerce et de la pauvreté


Ouvrant la table ronde, le Ministre des affaires étrangères de la Thaïlande, SURAKIART STHIRATHAI, a invité les participants à tirer parti de la diversité des membres de la CNUCED pour en faire une force.  Il a encouragé la recherche d'un consensus sur les approches concrètes du développement.  La CNUCED, a-t-il estimé, a choisi un thème pertinent qui est celui de la cohérence.  La CNUCED peut faire de la mondialisation un avantage pour l'humanité tout entière et cicatriser les plaies laissées par l'échec de la cinquième réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Cancun.  La CNUCED peut faire aboutir le "Cycle du développement" lancé à Doha par l'OMC et, pour ce faire, elle doit être renforcée en tant que forum de coopération et de coopération Sud-Sud.  La CNUCED doit être à même d'ouvrir des voies nouvelles pour une meilleure compréhension entre les pays du Nord et les pays du Sud et de trouver les moyens de surmonter les obstacles au développement.  Chaque pays, a insisté le Ministre, doit être autorisé à choisir des politiques conformes à ses objectifs de développement et à ses contraintes tout en maintenant un certain degré de cohérence vis-à-vis de la communauté internationale.  Les solutions uniques pour toutes les situations n'existent pas, a souligné le Ministre.


M. CELSO AMORIM, Ministre des affaires étrangères du Brésil et Président élu des travaux de la CNUCED XI, a exprimé ses félicitations à la Thaïlande pour la manière dont elle avait organisé la CNUCED X, il y a quatre ans à Bangkok.  Le Brésil est aujourd'hui honoré d'accueillir la CNUCED XI, a ensuite déclaré M. Amorim en soulignant l'importance de cette institution de l'ONU pour un débat juste sur les questions de développement.  La CNUCED a suscité une réflexion sur la mondialisation, basée sur les liens qu'elle doit avoir avec la dimension du développement.  La CNUCED XI mettra l'accent sur la cohérence indispensable entre les discours sur le libéralisme et la nécessité d'assurer des échanges justes à tous les pays.  Il est inacceptable qu'au moment où l'on parle de libéralisation, les pays les plus riches pratiquent des politiques de protectionnisme.  Une bonne formation de la main d'œuvre, et le renforcement des cadres juridiques figurent parmi les thèmes dont la CNUCED devra discuter.  Le modèle des pays d'Asie, qui ont renforcé leurs structures et leurs marchés intérieurs, doit nous donner à réfléchir.  Les pays d'Amérique latine qui avaient adopté une démarche opposée et essentiellement basée sur l'ouverture à l'extérieur, sont aujourd'hui mal en point et doivent tirer les leçons de leurs échecs et des politiques qui leur ont été préconisées.


Les négociations du Cycle de Doha doivent prendre en compte la dimension du développement qui avait été à la source même du consensus international sur l'ordre du jour de Doha.  Les engagements de Doha doivent être respectés par les pays du Nord.  Quant aux pays du Sud, il est important qu'ils investissent dans la recherche de solutions de développement qui leur soient propres et adaptées.  Il est indispensable que soient éliminées les lourdes subventions versées par les pays riches à leurs agriculteurs, qui sont contraires à tous les accords internationaux.  La CNUCED XI va poursuivre une tradition entamée il y a 40 ans, et qui se basait sur la nécessité d'assurer un cadre de développement juste à tous les pays.  Le Ministre brésilien des affaires étrangères a assuré que les travaux de la Conférence se dérouleront conformément aux procédures établies.  Nous allons notamment créer un Comité plénier au sein duquel seront débattus les thèmes inscrits à l'ordre du jour et procéder à l'élection de son Président et de ses Vice-Présidents.


Ajoutant sa voix à celles des orateurs précédents, le Secrétaire général de la CNUCED, RUBENS RICUPERO, a rappelé que la première CNUCED, tenue en 1964, était à la croisée des chemins et elle avait eu lieu dans un contexte caractérisé par la guerre froide, la crise de Cuba, ou encore les mouvements insurrectionnels dans le monde.  Le coup d'Etat militaire brésilien venait inaugurer pour 20 ans un cycle de dictature en Amérique latine et dans d'autres pays.  C'est devant ce tableau de radicalisme irréconciliable que la Conférence a choisi la voie médiane, celle de la réforme.  Ses textes fondateurs le stipulent, a rappelé M. Ricupero : "les politiques internationales du commerce et du développement doivent avoir pour effet une division rationnelle et équitable du travail  et s'accompagner d'ajustements dans la productivité.  Le pouvoir d'achat des pays en développement contribuera ainsi à la croissance économique des pays industrialisés et  à la prospérité mondiale".  Les mêmes textes stipulent que les pays en développement ont la responsabilité première de relever le niveau de vie de leur peuple, en bénéficiant d'un appui international.


Tous les éléments indispensables au rôle de la CNUCED sont réunis.  Il a cité l'interaction entre les efforts nationaux et l'action internationale ainsi que la bonne gouvernance.  Le besoin de changement devrait résulter d'une action constructive rationnelle, a souligné  M. Ricupero.  Il doit être la voie de développement des pauvres parmi les pauvres.  Le seul aspect du texte qui semble désuet aujourd'hui, a estimé le Secrétaire général, est la référence à une division du travail modifiée qui est arrivée, contre toute attente, sous la forme de la mondialisation et l'unification des marchés à l'échelle mondiale sans profiter à tous.  Mais qui pourrait douter que l'augmentation de la productivité et du pouvoir d'achat des pays en développement contribuerait à la croissance économique de pays développés et donnerait à la prospérité mondiale.  Pointant le doigt sur la Chine, l'Inde et sur d'autres pays d'Asie, il a souligné que leur situation a contribué de manière remarquable à la reprise de la croissance économique du Japon, des Etats-Unis et des pays européens.  Comment ignorer que sans la propension énorme de l'économie américaine à l'importation et son gigantesque déficit commercial, "trou noir qui avale et digère toutes les exportations du monde", et sans la relation symbiotique entre les exportations asiatiques et l'achat par l'Asie de dollars et des bons du trésor américains pour financer le déficit, la prospérité du monde ne serait pas possible. 


Toutefois, a-t-il fait observer, quelques heureux seulement peuvent financer leur développement par le commerce vers les pays industrialisés. La voie du développement par les exportations peut être amère et difficile  car elle est étroite.  L'objectif doit donc être d'élargir cette voie.  C'est là que la question de la cohérence entre les stratégies nationales et internationales intervient.  Or, l'incohérence actuelle vient du paradoxe entre d'une part, l'extraordinaire essor économique actuel dans le domaine des exportations et des importations, et d'autre part, l'impasse dans laquelle se trouvent les négociations commerciales aussi bien sur le plan mondial que sur le plan régional.  Les perspectives d'une croissance de 6% par an devraient faciliter le processus de négociations.  Il semble donc que la raison des difficultés tienne au fait que ces négociations concernent la libéralisation des produits agricoles et des textiles ou encore la progressivité des droits.  Ces négociations doivent aboutir et il revient aussi aux pays du Sud de renforcer leurs relations commerciales, en y incluant les pays les moins avancés (PMA), et d'éliminer les obstacles commerciaux qu'ils érigent les uns contre les autres. Il revient aussi à ces pays de renforcer leurs capacités humaines et institutionnelles, a conclu le Secrétaire général de la CNUCED. 


M. SUPACHAI PANITCHPAKDI, Directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a déclaré que depuis la session contestée de l'OMC à Seattle aux Etats-Unis, les négociations commerciales multilatérales semblaient stagner.  La raison d'exister de la CNUCED est aujourd'hui aussi importante qu'elle était lors de sa création, il y a une quarantaine d'années.  La CNUCED a permis de redonner confiance aux négociations internationales après le traumatisme de Seattle.  Le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a dit que le renforcement du commerce et des échanges mondiaux devrait bénéficier beaucoup plus aux pays en développement, l'Agenda de développement de Doha ayant reconnu cette exigence.  A la fin du mois de juillet prochain, un accord devra être trouvé sur la question de la libéralisation du commerce agricole mondial et sur les questions dites de Singapour.  Sans consensus acceptable sur ces questions d'ici le mois de juillet, les négociations de Doha seraient vouées à l'échec.  Le système de négociations multilatérales doit être renforcé et crédible, de manière à servir équitablement tous les peuples.  Nous avons besoin de la CNUCED, qui doit travailler main dans la main avec l'OMC, de manière à créer un système multilatéral commercial juste et efficace.  Nous espérons que la CNUCED XI pourra créer un cadre de soutien aux négociations commerciales de Doha.  De nombreux forums ont, ces derniers temps, apporté leur soutien à l'OMC et, ce, dans le cadre de sa réunion de juillet prochain.


L'Union européenne a franchi un pas historique en proposant l'élimination de ses subventions à l'exportation dans le domaine agricole.  Ce type de décision était impensable, il y a quelques années.  Nous devons prendre note de ce progrès.  Une percée dans l'agriculture débloquerait les négociations.  Les pays en développement devraient réfléchir d'ici le mois prochain à la manière dont ils pourraient concrètement traduire leurs engagements en faveur du processus de Doha.  Nous sommes conscients du fait que la situation des pays les plus faibles et les plus vulnérables mérite des attentions particulières.  Nous devons saisir la chance qui s'offre à nous au mois de juillet, pour préserver les engagements pris par les pays développés dans le secteur du commerce agricole.  L'OMC n'est pas parfaite, mais elle permet cependant un dialogue qui, s'il s'interrompait, mettrait fin à tous les espoirs exprimés à Doha.  Un échec le mois prochain rendrait le commerce mondial plus opaque et plus difficile pour les pays les plus faibles qui perdraient les avantages du multilatéralisme.  Les solutions bilatérales ou régionalistes ne favoriseraient pas les pays en développement.  Concernant le développement du commerce Sud-Sud, nous en reconnaissons l'importance, au vu de son expansion.  Il représente aujourd'hui 12% du commerce mondial et 780 milliards de dollars d'échanges commerciaux.  Cependant les tarifs douaniers entre pays en développement semblent en général plus élevés que ceux qui existent entre les pays du Nord et les pays du Sud.  Il est anormal que les pays du Sud posent plus d'obstacles à leurs échanges, et nous nous félicitons que la CNUCED soit en train de promouvoir un commerce Sud-Sud plus dynamique et plus libre.


Depuis la réunion de Cancun, l'OMC a accordé plus d'attention aux pays en développement, notamment en Afrique, en Amérique latine et dans les Caraïbes.  Tous les dirigeants que nous avons rencontrés nous ont assuré qu'ils souhaitaient le succès des négociations de Doha.  Si ce processus n'aboutit pas, ce sera alors la loi de la jungle, et les grands perdants seront les pays les plus vulnérables.


Ouvrant la table ronde sur la relation entre la perspective du développement et le commerce et la pauvreté, Mme HILDE JOHNSON, Ministre pour le développement international de la Norvège, a estimé que cette question devait être examinée dans le cadre de la réalisation des Objectifs de développement du Millénaire (ODM).  Aucun de ces Objectifs ne pourra être atteint si des actions fermes ne sont prises en faveur des pays les moins avancés (PMA).  La pauvreté augmentera dans ces pays tant que la situation actuelle ne changera pas de manière dramatique.  C'est pourquoi, il est nécessaire de relancer l'investissement étranger direct (IED) dans les PMA.  Selon les statistiques établies par la CNUCED, unmilliard de pauvres vivent en dessous du seuil de pauvreté dans les pays en développement.  Nous devons trouver le moyen de les aider, a dit Mme Johnson.


Son pays est un PMA, limitrophe de l'Afrique du Sud, qui bénéficie d'un arrangement monétaire lui permettant de tirer profit de la monnaie sud-africaine -le rand-, a indiqué le Ministre du commerce du Lesotho.  Après l'apartheid, le Lesotho a pu bénéficier des infrastructures d'exportation de son grand voisin, a-t-il indiqué, soulignant que la création d'un environnement économique libéral est indispensable au développement de ses échanges commerciaux.  La lutte contre la pauvreté est favorisée par ce genre de politique.  Nous avons montré notre soutien à la mondialisation en faisant d'énormes sacrifices pour nous intégrer aux échanges mondiaux et ouvrir notre marché.  Nous n'avons malheureusement pas eu beaucoup de succès pour attirer des investissements étrangers directs.  En ce moment, nous profitons de la porte d'accès que les Etats-Unis ont ouverte aux pays africains en promulguant la Loi sur les opportunités et la croissance en Afrique (AGOA).  Cette Loi a établi un cadre commercial qui a créé des emplois au Lesotho et a permis au secteur privé de devenir le premier employeur du pays depuis son indépendance.  De ce fait, nos recettes à l'exportation se sont accrues de 20%.  Cependant, nous n'avons pas de contrôle sur l'évolution de cette Loi dont l'application prend fin cette année.  Les pays africains font beaucoup de pressions pour que la Loi soit renouvelée, malgré le lobbying contraire de certains industriels américains.  L'arrivée de la Chine sur le marché international de l'emploi pose, quant à elle, des problèmes de compétitivité pour de petits pays comme le Lesotho.


Pendant toutes ces années, l'aide publique au développement (APD) s'est très peu concentrée sur l'accès aux marchés et le renforcement des capacités d'exportation, a fait observer le Ministre du commerce du Cambodge, en mettant aussi l'accent sur les obstacles commerciaux érigés par les pays du Nord.  Le commerce, a-t-il prévenu, ne peut fonctionner en tant que politique distincte mais doit s'intégrer dans les stratégies nationales de développement.  Le néolibéralisme et la confiance dans les forces du marché ne peuvent à eux seuls éliminer la pauvreté, a soutenu le  Secrétaire d'Etat au développement social et au bien-être familial du Brésil.  Les deux hommes ont fait part des efforts déployés par leur pays avant de céder la parole au Ministre du commerce extérieur et du développement de la Finlande qui a consacré sa déclaration à la priorité des mesures internes, aux mesures d'appui international et au rôle de la communauté des donateurs.


La relance de la croissance économique ne se limite pas aux bons choix commerciaux, a dit ce dernier orateur qui a insisté sur la bonne gouvernance, le respect des droits de l'homme et la répartition équitable des revenus.  Venant à l'appui international, le Ministre a argué que l'OMC peut créer des avantages pour les pays en développement si elle assure une issue heureuse aux négociations lancées à Doha.  La communauté des donateurs peut, quant à elle, consentir son aide au développement en ciblant par exemple les capacités nationales d'exportation et en adoptant une approche plus cohérente et globale.  La Finlande fait une contribution considérable au renforcement des capacités commerciales des pays du Sud, a indiqué le Ministre.  Tout revient au slogan d'antan "aide et commerce" pour lutter contre la pauvreté, a reconnu le Commissaire chargé du développement à la Commission européenne qui a rappelé l'Initiative "tout sauf les armes" de l'Union européenne.  Les Etats-Unis, a-t-il dénoncé, n'ont toujours rien fait pour honorer cette Initiative.  Le Commissaire a aussi voulu  que le débat porte davantage sur la lutte contre la corruption, condition préalable pour attirer les investissements étrangers directs (IED).  A cet égard, il a mis l'accent sur l'intégration régionale.  Il a reconnu que la prochaine bataille à livrer portera sur la question des produits de base.  Il a enfin soulevé le problème du renforcement des capacités nationales en insistant sur la nécessité de rechercher des solutions autres que celles qui s'appliquent aux capacités nationales en matière de négociations commerciales et de viser la création d'une base solide pour diversifier la production et les relations commerciales avec le reste du monde. 


La création d'emplois par le commerce contribue à réduire la  pauvreté, a tenu à souligner le représentant du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  L'accès aux marchés est donc crucial.  Personne n'a évoqué la question de la répartition équitable des revenus, a fait observer le Président de la Commission des affaires étrangères du Sénat brésilien en demandant aux gouvernements d'envisager des moyens de transférer les revenus sous la forme, par exemple, de crédits directs afin que toutes les populations aient accès aux richesses de leur nation.  


Pourquoi l'Afrique n'a-t-elle pu lutter contre la pauvreté depuis son indépendance? s'est interrogé le représentant du Nigéria, en appelant à redoubler d'efforts pour approfondir la recherche sur le développement.  Combien de temps, a-t-il demandé, allons-nous encore pouvoir compter sur l'aide étrangère?  Le représentant nigérian a invité les pays africains à parler de leur capacité d'autonomie et du développement des relations commerciales entre eux.  En l'occurrence, l'aide au renforcement de la capacité de production sera capitale, a prévenu le représentant du Népal en évoquant le cas des pays les moins avancés (PMA) dont les économies ne dépendent que d'un ou de deux produits.  La Tunisie est convaincue, a commenté son Ministre du commerce, que le Fonds mondial de solidarité permettra d'atténuer l'acuité de certains effets de la mondialisation et constituera un instrument efficace d'ancrage des principes du développement solidaire. 


Stratégies de développement : développement économique et accumulation de capital - bilan récent et incidences sur les politiques


Ouvrant le débat interactif sur ce thème, le Secrétaire général de la CNUCED a fait remarquer que l'accumulation de capitaux était en baisse dans les pays d'Amérique latine et des Caraïbes.  Il y a quelques décennies, le taux d'investissement au Brésil était de 25%, alors qu'aujourd'hui il atteint à peine 10%, ce qui n'augure pas de bonnes chances pour le développement du pays.  Le programme de réformes macroéconomiques doit s'appuyer, certes, sur un bon marché des capitaux et une loi sur les faillites.  Mais ces données ne suffisent pas à encourager l'investissement étranger ou l'épargne nationale.  Pour espérer relancer la croissance et le développement, il faudrait des changements sensibles des taux d'intérêts.


Dans son intervention, le Président de la Banque interaméricaine a indiqué que l'Amérique latine éprouve une certaine lassitude face aux ajustements imposés ces dernières années.  L'accumulation des capitaux est un sujet capital pour toute promotion du développement, a-t-il confié.  Intervenant à son tour, l'ancien Directeur de la Division de la mondialisation et des stratégies de développement de la CNUCED  a soutenu que la capacité d'investissements dépend de la capacité d'épargne et d'accès aux devises étrangères. Or, en Amérique latine, a-t-il fait observer, la pénurie de devises étrangères est un problème bien plus réel qu'en Asie.  La région a des hommes riches mais des entreprises pauvres contrairement aux pays d'Asie de l'Est qui ont mis au point des mécanismes pour inciter les entreprises à épargner.  Le manque de discipline financière et monétaire est un véritable problème auquel est confrontée l'Amérique latine.  L'instabilité financière qui caractérise l'Asie de l'Est résulte d'une libéralisation mal informée des comptes financiers alors qu'en Amérique latine, elle est le produit de politiques délibérées qui visaient à éviter les conflits liés aux flux de capitaux et aux importations à bon marché.  Il s'agissait en fait de la mise en œuvre d'une politique néolibérale.  Poursuivant sur les différences de contexte entre l'Amérique latine et l'Asie de l'Est, l'ancien fonctionnaire de la CNUCED est passé aux différences entre pays d'Asie, en indiquant, par exemple, que la République de Corée n'a pas utilisé d'investissements étrangers directs (IED) contrairement à Singapour qui n'a pourtant pas su les utiliser.  Il n'y pas de politique unique pour assurer le succès de l'industrialisation, a-t-il conclu.


Le Vice-Recteur de l'Université de Delhi a pour sa part souligné qu'il est de plus en plus difficile pour les "retardataires" de copier ceux qui ont réussi car la mondialisation a réduit l'espace de l'initiative nationale parce que ses règles sont fixées par les institutions multilatérales et varient selon les organes dont elles émanent.  Il est essentiel de remodeler les règles du jeu, de créer un espace pour l'initiative nationale et d'établir de nouvelles règles pour réglementer les marchés financiers internationaux.  Il faut surtout reconnaître que des règles justes ne suffiront pas.  En fait, il faut une démocratisation des mécanismes de gestion de l'économie mondiale.  L'orateur a conclu en souhaitant effacer l'impression selon laquelle l'essor économique de l'Inde et de la Chine résultait des réformes.  Cet essor, a-t-il rectifié, a été possible grâce à leurs stratégies nationales qui étaient basées sur leurs besoins spécifiques.  Ceci est important dans un contexte de mondialisation et d'injustice des règles en vigueur. 


Le Directeur du Réseau du tiers-monde, basé à Kuala Lumpur, a indiqué que l'espace politique dont ont besoin les pays en développement pour réformer leurs économies leur est refusé depuis une vingtaine d'années par les conditionnalités que leur imposent les institutions de Bretton Woods et les règles de l'OMC.  La libéralisation qui leur a été imposée les a rendus plus pauvres, du simple fait que ces pays n'ont pas pu participer à la mondialisation selon leurs propres souhaits et dans l'intérêt de leurs populations.  Les importations ont inondé les pays pauvres, alors qu'ils n'avaient pas les moyens d'ouvrir leurs marchés aux produits de pays plus riches et mieux structurés qu'eux.  Leurs exportations ont baissé au même moment, du fait du protectionnisme croissant des pays riches.  Les recettes du FMI ont en outre favorisé l'augmentation de la dette des pays pauvres.  Ces pays ne s'en sortiront que si on leur laisse la latitude de promouvoir des politiques répondant à leurs besoins.  Lors de la crise financière asiatique, les recettes du FMI ont failli mener la Malaisie à la faillite.  Fort heureusement, le Gouvernement malaisien a réagi en rejetant les conditionnalités du FMI et en s'imposant une politique définie par ses propres experts en vue de réduire sa vulnérabilité aux spéculations monétaires et à l'instabilité des flux de capitaux.


Les subventions agricoles versées aux agriculteurs des pays du Nord ont causé un mal indicible aux producteurs des pays en développement.  Un mécanisme spécial visant à éviter le dumping des produits agricoles des pays du Nord dans ceux du Sud devrait être mis en place de manière à éviter de détruire la base alimentaire et économique de ces pays.  Il faut développer l'économie et les entreprises locales, si l'on veut donner une chance au développement.  Pour ce faire, les gouvernements doivent avoir les moyens de prendre des mesures favorables aux entrepreneurs nationaux sans avoir à faire ensuite l'objet de poursuites devant l'OMC.  Or, si l'esprit qui préside les négociations en cours ne change pas, c'est à ce résultat que l'on aboutira.   Les propositions dites de Singapour ont pour objectif de favoriser l'exportation de produits des pays développés vers les pays pauvres et non pas de donner une chance à ces derniers.  Ces pays n'ont pas les moyens d'adapter leurs structures aux exigences de facilitation du commerce qui sont en ce moment proposées dans le cadre des questions dites de Singapour.


Le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales des Nations Unies, JOSE ANTONIO OCAMPO, a rappelé que la plupart des pays d’Amérique latine n’avaient pas historiquement connu une instabilité de leur cadre macroéconomique.  La Commission économique et sociale pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) a longtemps prôné un développement s’appuyant sur les exportations.  Aujourd’hui, la région souffre de la volatilité des capitaux, née d’un schéma procyclique mis en place à la suite de la crise de la dette.  Il faudrait que les politiques nationales échappent à ce cercle vicieux.  La région a connu des périodes qui n’étaient pas propices à l’investissement, du fait de taux d’intérêts prohibitifs.  Les schémas de restructuration mis en place n’ont pas toujours eu les effets positifs escomptés.  Les appareils productifs n’ont jamais pu être réformés, et le secteur des exportations n’a pas pu changer la base des économies d’Amérique latine, ce qui explique la pauvreté actuelle.


Enfin, le Ministre du plan, du budget et de la gestion du Brésil, GUIDO MANTEGA, a mis l’accent sur les obstacles au développement économique des pays, en particulier l’Amérique latine.  Les économies latino-américaines ont montré beaucoup de dynamisme du début du Xxème siècle jusqu’au début des années 80.  A partir de cette date, la situation de ces pays, qui avaient souscrit au Consensus de Washington, a été caractérisée par la faiblesse de la croissance, la multiplication des problèmes sociaux et l’aggravation de la pauvreté.  Aujourd’hui, 44% de la population d’Amérique latine vit en dessous du seuil de pauvreté, a-t-il indiqué en constatant, en outre, une contraction des capitaux fixes accompagnée d’une chute importante de l’investissement étranger direct et d’une aggravation du déficit public.  Compte tenu de ces facteurs, les pays de la région doivent rétablir le niveau des investissements pour passer des « bulles de croissance » à une croissance durable.  Comme remèdes, le Ministre a prescrit la réduction de la vulnérabilité à l’égard des capitaux étrangers qu’ils soient spéculatifs ou d’investissement, une meilleure répartition des revenus pour lutter contre l’exclusion sociale et l’intégration régionale.  Ceci exige, a-t-il prévenu, le changement des règles internationales du transfert des technologies, la mise en œuvre des principes adoptés à Doha, la mise au point de mécanismes novateurs de financement, la promotion des budgets nationaux équilibrés ou encore la lutte contre la concentration internationale des crédits.  Les politiques macroéconomiques doivent être proactives afin de dépasser les questions purement budgétaires et porter sur l’organisation des structures de production et l’accès aux technologies, a insisté le Ministre brésilien du plan. 


Le représentant de l’Indonésie a dit que son pays, qui était classé parmi les « tigres asiatiques » avait reçu un flux de capitaux substantiel avant la crise asiatique.  Cette crise a révélé la faiblesse de la structure économique indonésienne, et les capitaux se sont faits rares. Néanmoins, le PIB a connu une croissance de 4%, ce qui reste cependant insuffisant pour résorber la forte demande d’emplois. L’accumulation des capitaux, estime-on, passe par la prévisibilité légale.  La relance économique de l’Indonésie passe par la bonne tenue de son processus de démocratisation et nous pensons que les élections présidentielles de juillet prochain confirmeront ce fait.


La représentante du Venezuela a dit que les capitaux accumulés devaient être réinvestis en vue de promouvoir un meilleur développement social.  Il faut rendre les entreprises nationales plus compétitives et pour y arriver, il faut que l’Etat ait une certaine marge de manœuvre et que les sociétés transnationales respectent des règles claires.


Intervenant à son tour, le représentant des Etats-Unis a estimé que les taux d’intérêt volatiles et les mauvais taux de change étaient des obstacles aux investissements du secteur privé. Il est donc important pour les pays d’Amérique latine d’améliorer leur gestion fiscale et monétaire.  Les gouvernements semblent pêcher par excès de réglementation, comparativement aux autres parties du monde.  Il faut en moyenne 90 jours pour créer une entreprise en Amérique latine, alors que dans les pays de l’OCDE ce délai est de 50 jours.  Les Etats-Unis, a indiqué leur représentant, sont désireux d’appuyer le programme de négociations de Doha tout en faisant avancer les accords bilatéraux sur le commerce entre les Etats-Unis et certaines régions.


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